JOHN JOSEPH CARTY

par Frank B. JEWETT en 1936

J.J Carty 1861-1932

Henry Carty, père de John J (Joseph), émigra aux États-Unis en 1825, à l'âge de dix-huit ans. Il débarqua à Eastport, dans le Maine, et après avoir essayé de travailler dans une ferme voisine, il poursuivit sa route pour finalement atteindre Cambridge, dans le Massachusetts, où il s'installa et apprit le métier de machiniste. C'est là qu'il épousa Elizabeth O'Malley, qui, comme lui, était d'origine irlandaise. On raconte que la fortune sourit au couple et qu'ils devinrent des citoyens respectés et aisés de leur ville d'adoption.

John J., quatrième enfant de l'union d'Henry et Elizabeth, naquit à Cambridge le 14 avril 1861. Durant son enfance, son père exploita une fonderie de cloches. Il ne semble pas qu'il ait manifesté plus d'intérêt pour la profession de son père que n'importe quel jeune homme normal, mais il a manifesté une forte attirance pour la physique, et en particulier pour l'électricité, alors balbutiante.
Il a d'abord été scolarisé à l'Allston Grammar School, où il a eu la chance d'être placé sous la tutelle d'un certain G. W. Roberts, le directeur de l'école. Rétrospectivement, Carty a dit un jour avec affection, presque avec révérence : « Des gens comme « Donkey » Roberts n'existent plus de nos jours ; nous vivons à l'époque des commerçants à succursales.»
De l'Allston Grammar School, Carty est entré à la Cambridge Latin School, avec l'intention, après l'obtention de son diplôme, de réaliser le souhait de ses parents en entrant à Harvard College, puis en poursuivant ses études à la faculté de droit. Mais le projet de faire de John J. Carty un avocat ne se concrétisa jamais, même si, compte tenu des qualités intellectuelles qu'il révéla plus tard, il ne fait aucun doute qu'il aurait fait un avocat brillant et compétent. À un moment critique, le trouble surgit à ses yeux et devint si aigu qu'il fut contraint d'interrompre temporairement ses études. Plutôt que d'obtenir son diplôme derrière ses anciens camarades de classe, Carty, alors âgé de dix-sept ans, décida de chercher un emploi. Suivant son instinct, son premier emploi fut dans une boutique consacrée à la vente de ce qu'on appelait alors « appareils philosophiques », dont le propriétaire était Thomas Hall. Bien que l'atmosphère de la boutique ait pleinement satisfait sa curiosité de jeunesse, son emploi y fut de courte durée et prit fin brutalement lorsqu'il galvanisa de vieux morceaux de laiton pour les faire ressembler à de l'or et les laissa à la découverte de M. Hall.

De l'atelier scientifique, Carty semble être arrivé par hasard au bureau de la Boston Telephone Despatch Company, où E. T. Holmes exploitait un petit central téléphonique en complément d'un système d'alarme anti-intrusion déjà en place. Ce central comprenait un standard téléphonique pour l'interconnexion des lignes téléphoniques. Après un entretien avec le directeur, Carty fut embauché au double de son ancien salaire comme jeune opérateur. Ainsi débuta sa longue collaboration avec le monde du téléphone.

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Des années plus tard, parlant des jeunes opérateurs, il déclara qu'ils étaient de bien piètres précurseurs pour les jeunes filles : « Elles n'étaient pas assez âgées pour qu'on leur parle comme à des hommes, et pas assez jeunes pour qu'on les fesse comme des enfants.»
Carty travailla à la Boston Telephone Despatch Company et à la New England Telephone and Telegraph Company de 1879 à 1887.
Il passa rapidement du rang de jeune opérateur à celui de concepteur, de constructeur et de technicien de maintenance. Il se montra très tôt habile à améliorer les appareils et méthodes primitifs, presque naïfs, qui caractérisèrent les débuts de la téléphonie.

L'une de ses contributions majeures, en 1881, fut l'application commerciale du circuit entièrement métallique au lieu du simple fil de terre, auparavant utilisé et emprunté à la technique télégraphique de l'époque. C'est également à cette époque que Carty posa les bases de ce qui allait devenir le système téléphonique à batterie. La mise au point de ce développement capital nécessita cependant plusieurs années, et ses inventions les plus précieuses ne virent le jour que dix ans plus tard.
La liste complète des brevets de Carty comprend vingt-quatre brevets au total, délivrés entre 1883 et 1896.

D'autres inventeurs ont contribué à l'art du téléphone plus largement que Carty, mais aucun contemporain ne l'a surpassé par l'importance de ses inventions ; par exemple, son tableau de distribution à batterie standard, sa sonnette de pontage et son circuit fantôme à transformateur ou à bobine répétitive sont aussi fondamentaux pour l'art du téléphone d'aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a quarante ans.
En 1887, Carty quitta Boston et la New England Telephone and Telegraph Company pour prendre la direction du département des câbles téléphoniques de la Western Electric Company, dont le siège social était à New York.
Son génie semble cependant avoir été trop polyvalent pour qu'il puisse s'attarder longtemps sur ce travail plutôt spécialisé.
Du service des câbles, il passa au service des standards, puis, en novembre 1889, fut nommé « électricien » de la Metropolitan Telephone and Telegraph Company, aujourd'hui New York Telephone Company.
Ainsi, à vingt-huit ans, il était à la tête de ce qui était alors le plus grand réseau téléphonique du monde.
Si les contributions de Carty à l'art des communications ne s'étaient limitées qu'aux inventions et développements mentionnés précédemment, il aurait vécu et serait resté dans les mémoires comme l'un des plus grands ingénieurs du téléphone.
Mais son génie était aussi remarquable par sa capacité à visualiser les besoins et les possibilités du futur que par sa capacité à résoudre des problèmes particuliers une fois qu'ils se sont posés concrètement. Non seulement il pressentit que l'entreprise serait vouée à devenir extrêmement technique, mais il eut le courage de concrétiser cette vision et de créer un département scientifique bien avant l'époque où l'industrie emploierait des scientifiques et des chercheurs qualifiés. Plus encore, il concevait l'une des fonctions de son département d'ingénierie comme une école de formation pour les hommes qui deviendraient plus tard les dirigeants de l'entreprise.
Carty fut donc l'un des premiers initiateurs de la recherche industrielle et l'un de ses plus ardents défenseurs. Au cours de sa longue carrière d'ingénieur en chef de l'American Telephone and Telegraph Company, puis de vice-président, il créa ce qui est à ce jour le plus grand organisme de recherche industrielle au monde, un organisme qui, grâce à sa direction avisée, plaça rapidement les États-Unis au premier rang des nations en matière de téléphonie.

En passant en revue les activités marquantes de la vie de Carty, on est tenté de dire qu'elles découlaient toutes d'un même principe directeur, à savoir une croyance passionnée en la valeur de la communion d'esprit et de la collectivité harmonieuse d'action qui en découlerait avec le temps. Un tel motif explique, bien sûr, son dévouement sans réserve au téléphone et à son avenir. Il explique également le type d'organisme de recherche qu'il a mis en place pour assurer la matérialisation de l'avenir dont il rêvait. Dès ses premiers contacts avec ce domaine, il semble avoir entretenu la ferme conviction que le téléphone était destiné à rendre possible la transmission de la parole à l'échelle nationale. Pour son esprit plus mûr, un réseau de lignes téléphoniques aussi étendu était bien plus qu'un simple dispositif d'échange de conversations. Il le considérait comme un système nerveux national, reliant les populations et les unités géographiques du pays, et servant de manière indispensable cette collectivité d'action qui est le but ultime de l'évolution supraorganique.
Par l'importance qu'il accordait à la coopération humaine, Carty était un véritable disciple d'Herbert Spencer. Il savait que, dans la société humaine, le tout est bien plus grand que la somme de ses parties ; que les individus ne pourraient jamais, à eux seuls, atteindre le même niveau de rendement, intellectuel ou matériel, qui caractériserait le groupe en coopération harmonieuse. C'est sous cet angle qu'il évaluait l'organisme de recherche qu'il avait créé. Pour lui, il s'agissait de plus qu'un groupe d'individus : une sorte d'esprit collectif, composé d'experts dans de nombreux domaines collaborant continuellement, capable de trouver rapidement des solutions à des problèmes si complexes dans leurs ramifications qu'ils nécessiteraient des années d'efforts individuels, si tant est qu'ils puissent être résolus seuls.

Carty a constamment défendu ces organisations de recherche dans ses discours publics, les considérant comme l'une des contributions les plus importantes de notre époque au progrès de l'humanité. Il semblait, à son tour, tirer une double satisfaction du fait que le laboratoire – l'esprit de recherche collectif – dont il dirigeait les travaux développait un système nerveux pour la nation tout entière, afin qu'elle puisse à son tour fonctionner plus harmonieusement en tant qu'organisme intégré et atteindre cet objectif supérieur qu'est un effort coopératif parfaitement coordonné. C'est le thème que Carty s'était promis d'approfondir après sa retraite du service actif. Malheureusement, une mort prématurée l'en a empêché. À l'heure actuelle, ce thème trouve peu de place dans ses écrits, car ceux-ci étaient généralement orientés vers une fin immédiate, et la pression de sa vie était telle qu'il économisait ses mots en toute occasion.
Quelques brefs paragraphes extraits de son discours « Science et organisme social », prononcé à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du Cold Spring Harbor Laboratory de la Carnegie Institution, méritent néanmoins d’être soulignés ici. Le spectacle effroyable du nombre croissant de malades mentaux, la prévalence des maladies nerveuses et l'état général perturbé des nations ont conduit beaucoup à penser que nous allions dans la mauvaise direction et que nos idéaux devraient être ceux d'une vie dite simple, ou que nous devrions chercher à retrouver la condition statique de la Chine ancienne. Sans ma foi dans le succès ultime des recherches que vous menez dans cette institution, je crois que je partagerais moi aussi ces points de vue et que je serais enclin à penser que, dans le domaine du progrès purement matériel, nous sommes allés suffisamment loin, peut-être trop loin, ou trop vite.
« Si j'ai souvent affirmé que le comportement humain constitue le problème le plus important et le plus redoutable de tous les temps, je crois que sa solution est possible… » Pour moi, cette célébration d'aujourd'hui est un événement de la plus haute importance, car elle marque le début d'une nouvelle ère de développement social. Comme le dit si bien Trotter :
« La méthode consistant à laisser le développement de la société au chaos confus des forces qui y règnent est enfin réduite à l'absurdité par l'enseignement indéniable des événements.
La direction consciente du destin de l'homme est clairement indiquée par la Nature comme le seul mécanisme permettant à la vie sociale d'un animal aussi complexe d'être garantie contre les catastrophes et de l'amener à exprimer pleinement ses possibilités.
« Une unité grégaire guidée par une direction consciente représente un mécanisme biologique d'un type entièrement nouveau, un stade d'avancement dans le processus évolutif capable de consolider la suprématie de l'homme et de porter à son comble le développement de ses instincts sociaux.»
« Le progrès humain ne doit plus être laissé au seul hasard. Grâce à la science, nous pouvons la maîtriser consciemment.
« En conclusion, permettez-moi de dire que si nous interprétons correctement le travail de ces scientifiques que nous allons brièvement examiner aujourd'hui, nous constaterons qu'il vise en définitive à surmonter les défauts physiques et mentaux qui caractérisent l'individu et qui l'empêchent aujourd'hui de remplir pleinement sa fonction de membre de la société. Nous comprendrons également, je pense, que dans le grand plan de la création, la plus haute place a été attribuée à l'homme ; car il doit diriger le développement de cet organisme social préfiguré « avec sa connaissance et sa puissance de millions d'esprits, pour lesquels aucune barrière ne sera insurmontable, aucun gouffre infranchissable et aucune tâche trop grande ».»
Pendant quelques années, après avoir assumé des fonctions administratives, Carry trouva encore le temps de s'adonner à son fort penchant naturel pour la recherche originale. C'est à cette époque qu'il poursuit ses recherches fondamentales sur la nature de l'induction électrique entre circuits parallèles, ce qui, en langage téléphonique, donne lieu à la « diaphonie », c'est-à-dire au transfert d'une partie de l'énergie vocale d'un circuit à un autre parallèle. On pensait généralement que cette induction était essentiellement électromagnétique. Carty a pu prouver qu'elle était, au contraire, essentiellement électrostatique. En 1889, il publie un compte rendu de ses travaux, soulignant qu'« il existe sur la ligne téléphonique un point particulier où, si un appareil téléphonique est inséré, aucune diaphonie ne sera entendue ». Il donne des indications pour déterminer l'emplacement de ce point neutre et développe ensuite les notions d'équilibre électrique et de transposition des circuits, deux opérations qui sont d'une importance fondamentale dans l'art actuel. De cette période, il apporta également sa contribution à la cloche de pontage, un circuit qu'il fut contraint de faire évoluer pour répondre à un contrat embarrassant que sa compagnie avait conclu avec le New York Central Railroad pour la fourniture d'une ligne privée multipartite, mais qui trouva rapidement un large emploi sur une multitude de lignes rurales partout dans le pays.

Il est intéressant de souligner la fécondité d'esprit de Carty : pendant cette période ardue où il dirigeait les activités d'ingénierie et de recherche d'une jeune industrie téléphonique, organisait et construisait le noyau de ce qui allait devenir les Laboratoires Bell Telephone, et menait personnellement la lutte contre de nombreux problèmes, il trouvait le temps d'écrire régulièrement pour l'Electrical Review. Ces contributions étaient connues sous le nom de « La Chronique du Prophète » et semblent lui avoir procuré une forme de détente mentale ; il recourait rarement, voire jamais, à l'exercice physique pour se détendre. Ses discussions étaient généralement plus légères et offraient l'occasion de mêler de légères doses d'informations scientifiques à une pointe d'humour, car, fidèle à ses origines irlandaises, il possédait une réserve inépuisable de ce dernier, constamment en ébullition. Une seule citation servira d'illustration. L'homme qui aurait pu acheter des actions Bell Telephone à 10 dollars l'action et qui ne l'a pas fait est en voie d'extinction. Son repaire favori était le compartiment fumeur d'un wagon Pullman, où il avait coutume de répéter l'histoire souvent racontée de l'épicier qui l'avait fait et qui plus est, l'avait obtenu en règlement d'une créance irrécouvrable. À sa place, nous avons un autre spécimen tout aussi facile à reconnaître. Après avoir évoqué quelques-unes des étranges histoires de la science électrique, il ne manquera pas de remarquer gravement, comme si cela n'avait jamais été dit auparavant : « Eh bien, l'électricité n'en est qu'à ses balbutiements », et d'ajouter rapidement l'inévitable corollaire : « Mais c'est l'énergie qui arrive.»
Observez cet homme. Vous serez surpris de voir combien il est nombreux. Il est le Public. Vous devez étudier ses humeurs et le guider correctement. Les merveilleux produits de la science électrique ont tellement charmé son esprit qu'aucune histoire de ses pouvoirs nouvellement découverts ne peut être à ce point en contradiction avec les lois de la nature qu'il ne l'accepte avec une foi immédiate.
En 1893, Carty fut élu membre honoraire de l'Association américaine d'électrothérapie, en reconnaissance de son succès dans la tâche qu'il s'était imposée de rationaliser la terminologie électrique de la profession médicale de l'époque. Il s'insurgea vivement contre des termes aussi déroutants et absurdes que le faradisme, le franklinisme et le galvanisme, ainsi que bien d'autres, lançant aux médecins un appel pressant à la révision de leur nomenclature électrique pour l'adapter au langage de la physique. Ainsi, nous voyons une fois de plus la preuve évidente de l'insistance de Carty sur la clarté de pensée.
La première exigence d'un leader étant la précision de la pensée et la clarté de vision, il est important Citant longuement l'article de Carty de 1906 intitulé « Ingénierie téléphonique », présenté devant l'American Institute of Electrical Engineers. Il s'agit d'un exposé clair des responsabilités de l'ingénieur en téléphonie ou, avec les modifications de terminologie appropriées, de l'ingénieur en général. En conclusion, il déclare : « Du début à la fin, l'ingénieur est ainsi placé en position d'exercer un droit de veto sur toute méthode défavorable qui pourrait autrement s'infiltrer… » L'importance de cette fonction de coordination ne saurait être surestimée, et ce n'est qu'en un point central qu'elle peut être exercée. Du point de vue de la maintenance, un appareil peut présenter des qualités remarquables ; mais son impact sur le trafic peut révéler des difficultés qui surpassent largement les avantages liés à la maintenance. Dans ce cas, l'ingénieur doit examiner judicieusement les revendications contradictoires concernant l'appareil et prendre sa décision en vue d'obtenir le meilleur résultat final.
De même, des systèmes peuvent être proposés qui, considérés uniquement du point de vue de la maintenance, de la construction et du trafic, peuvent sembler présenter tous les avantages d'un système idéal ; mais, du point de vue de l'efficacité de la transmission, ils peuvent impliquer une dégradation de la transmission, d'une part, ou une augmentation des coûts des câbles et des lignes, d'autre part, rendant leur utilisation impossible. Afin d'exercer correctement ses fonctions de coordination, il est essentiel que l'ingénieur soit placé et maintienne des relations avec tous les services de l'organisation téléphonique afin de pouvoir obtenir d'eux et examiner équitablement tous les projets et idées relatifs à la conception, à l'exploitation, à la construction et à la maintenance de l'installation qui émanent naturellement de ces services lorsqu'ils sont menés avec efficacité.
De ce point de vue, on constate que si la fonction de l'ingénieur en ce qui concerne l'installation est de la plus haute importance, le travail des services de la circulation, de la maintenance, de la construction et autres a une telle influence sur l'ensemble de la question que la réussite de l'ingénierie d'un système téléphonique doit être considérée non seulement comme l'œuvre de l'ingénieur lui-même, mais aussi comme celle de tous les autres services concernés. De plus, et c'est plus important encore, la réussite de l'ingénierie d'une installation téléphonique dépend d'une gestion d'entreprise adéquate, comme je l'ai montré par plusieurs exemples frappants. Sans une gestion d'entreprise intelligente, progressiste et globale, il ne peut y avoir de bonne ingénierie téléphonique.

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En 1908, Carty, devenu ingénieur en chef de l'American Telephone and Telegraph Company en 1907, se rendit sur la côte Pacifique pour aider les responsables locaux du téléphone à élaborer des plans de reconstruction et d'agrandissement de l'installation téléphonique.
Il était accompagné de certains de ses assistants et fut rejoint plus tard par T. N. Vail, alors président de l'American Telephone and Telegraph Company. San Francisco en était aux premières étapes du nettoyage des décombres du tremblement de terre et de l'incendie, en prévision de la construction d'une nouvelle ville et de son baptême par une grande exposition internationale.

L'audace et l'audace du programme séduisirent Vail et Carty, tout comme la demande pressante des citoyens : que les côtes Pacifique et Atlantique soient reliées par téléphone avant la fin des travaux. Pour Carty, habitué aux conversations quotidiennes avec ses associés, même à des centaines de kilomètres de distance, le sentiment d'éloignement provoqué par ce voyage dans l'Ouest était accablant.
Comme il le fit remarquer avec une étincelle à un Californien, il fut « très impressionné par l'isolement du reste du pays ».
Cependant, promettre signifiait tenir, et comment franchir plus de cinq mille kilomètres de distance par téléphone alors que l'art existant n'avait conquis, même maladroitement, que la moitié de cette distance ? Nuit après nuit, pendant des semaines, après des journées difficiles consacrées aux problèmes actuels, Carty et deux ou trois de ses associés passèrent leurs soirées dans leur hôtel au milieu des ruines, analysant les possibilités d'un avenir invaincu. Finalement, les chances de succès furent établies à la satisfaction de Carty et la promesse fut faite, scellée irrévocablement le lendemain matin par des gros titres de journaux. Carty retourna à New York pour mettre en branle les mécanismes nécessaires à ce pari avec le destin. Six ans plus tard, la première ligne téléphonique transcontinentale fut inaugurée et, quelques mois plus tard, utilisant quasiment les mêmes instruments, il annonça la première transmission réussie de la voix par radiotéléphone à travers l'Atlantique, le continent américain et jusqu'à Honolulu dans le Pacifique.

Durant ces six années, Carty était au sommet de son art. Il se démenait, lui et ses associés, avec une énergie infatigable et sans faille. Le sommeil et la détente, à petites doses, étaient accordés à contrecœur. Pour le reste, il travaillait sans relâche, avec pour objectif le succès de l'organisation, qui était sa vie, et le bien de la nation qu'il aimait.
L'ouverture de la ligne téléphonique transcontinentale et la première transmission de la parole par radio à Paris eurent lieu en 1915, après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
L'importance militaire de l'énorme expansion du domaine de la téléphonie, signalée par ces deux événements, a conduit le général McComb, président de l'Army War College, à inviter Carty à donner une conférence confidentielle devant cet organisme sur « L'organisation, les installations et le personnel du système Bell ». Cette conférence a été reprise quelques semaines plus tard devant le Naval War College. Ces deux interventions ont entraîné une série d'événements qui ont conduit à l'utilisation massive des installations du système Bell par l'armée et la marine. Une prise de conscience très nette de l'importance militaire des derniers développements téléphoniques s'est manifestée en haut lieu, ainsi que la conviction que les installations de recherche de Bell Telephone pourraient probablement contribuer à la mise au point d'autres nouveaux dispositifs utiles à la défense nationale, si les États-Unis étaient contraints de participer aux hostilités.
L'honorable Josephus Daniels, secrétaire à la Marine, a écrit à T. N. Vail, président de l'American Telephone and Telegraph Company, pour « faire appel au sens patriotique de cette compagnie » et lui demander si elle était en mesure de fournir au ministère de la Marine « une démonstration de ce qui pourrait être accompli en matière de communication, notamment en téléphonie et télégraphie longue distance, ce qui permettrait aux bureaux du ministère et aux bases navales situées sur le territoire des États-Unis de se rapprocher au plus près des exigences de la guerre.»
« Afin que cette mobilisation des forces de communication soit complète, et rappelant l'étroite coopération entre les responsables du ministère et ceux de votre compagnie dans le passé pour le développement du téléphone sans fil, nous espérons vivement que son utilisation comme moyen de communication avec un navire en mer pourrait également être démontrée simultanément, dans des conditions convenues d'un commun accord. » Le Secrétaire a ajouté : « Le Congrès ne prévoit aucun financement permettant au Gouvernement de prendre en charge les frais d’une telle démonstration et reconnaît donc que toute action entreprise par votre compagnie devra être exempte de tout frais pour le Département.»
La coopération de Carty et de son équipe de recherche à cette demande et à d’autres similaires du Corps des transmissions de l’Armée de terre a été immédiate. Parmi les autres contributions, il convient de mentionner un équipement radiotéléphonique robuste, largement utilisé sur les avions, les destroyers et les chasseurs de sous-marins. L’Armée américaine, parmi toutes celles sur le terrain, était la seule à pouvoir bénéficier de l’aide de la radiotéléphonie.
Mais Carty, toujours soucieux de l’aspect personnel de chaque situation, a compris que les moyens matériels seuls ne suffiraient pas. Pour être efficaces, ils devaient être confiés à une organisation opérationnelle qualifiée. Ainsi, tout en faisant prendre conscience à l'administration de Washington des possibilités offertes par l'art et l'organisation téléphoniques, il a également élaboré un plan d'action complet avec les dirigeants de l'organisation Bell. S'adressant à une conférence des présidents des sociétés composant le système Bell, il a déclaré :
« Nos plans prévoient deux classes d'officiers du Corps des transmissions, recrutés au sein du système Bell. L'une d'elles sera composée d'ingénieurs et de cadres qui resteront en poste, représentant le ministère de la Guerre et recevant leurs ordres directement de Washington. Leur mission sera de diriger l'utilisation militaire optimale des installations et du personnel du système Bell, sans pour autant paralyser le service dans son ensemble. »
« L'autre groupe sera également composé de cadres et d'ingénieurs, qui sélectionneront et organiseront le personnel qualifié du système Bell en compagnies et bataillons, pour le service sur le terrain, selon les besoins. Je ne peux, bien entendu, prendre les dernières mesures de ce programme vital sans votre soutien. » Je demande maintenant ce soutien. Nous devons agir ensemble.

Une fois de plus, la prévoyance de Carty et son appel vigoureux à l'action furent justifiés. Lorsque la guerre fut déclarée à l'Allemagne, l'effectif total du Corps des transmissions, y compris les hommes sur le terrain et un petit groupe au quartier général, comptait 55 officiers et 1 570 hommes. En quelques mois, cette organisation nucléaire fut renforcée par 4 525 personnes retirées du seul système Bell. La question se posa alors de savoir comment équiper l'armée pour son prochain départ pour la France. Les appareils téléphoniques et télégraphiques militaires utilisés jusqu'alors étaient de conception simple, de construction robuste et difficiles à mettre en panne, mais leurs capacités étaient extrêmement limitées par rapport aux derniers résultats obtenus par le système commercial américain. Le nouvel appareil était complexe et délicat, et les conditions défavorables de la guerre allaient le mettre à rude épreuve comme jamais auparavant. Carty, vers qui l'armée s'était tournée pour obtenir des conseils, devait-il recommander que notre armée soit dotée d'un système de communication moderne, capable de fournir un service pratiquement illimité tant en termes de capacité de transmission de messages que de distance, ou devait-il recommander l'équipement militaire traditionnel ? C'était une décision cruciale. Il était convaincu que les hommes qu'il enverrait en France pourraient exploiter avec succès le système utilisant les répéteurs téléphoniques récemment mis au point et les derniers appareils de télégraphie à impression multiplex. Après avoir pesé le pour et le contre, il conclut que les avantages de l'équipement moderne étaient trop importants pour être négligés, et les citations suivantes illustrent le succès de ce système. S'exprimant après la fin de la guerre, devant la Commission des affaires militaires de la Chambre des représentants, il déclara :
« Des préparatifs de guerre avaient été faits sur le terrain européen depuis quarante ans. Lorsque la guerre éclata, aucune nation européenne ne put se doter d'un système de communication adéquat pour la conduite de la guerre. Il restait au Corps des transmissions de l'armée américaine la tâche de construire, en neuf mois, un système télégraphique et téléphonique longue distance que les gouvernements européens n'avaient pas réussi à mettre en place en quarante ans.»
Pour la première fois, il devint possible de communiquer de Paris à Rome, de Marseille au sud au Havre, et même de l'autre côté de la Manche avec Londres et Liverpool. Après l'Armistice, le colonel (plus tard général) Saltzman, officier en chef des transmissions par intérim de l'armée, écrivit à Carty :
« Lors des opérations en France, notre armée a bénéficié d'un formidable système de communication, d'une efficacité et d'une capacité jamais envisagées auparavant dans l'histoire de la guerre. En considérant la conception initiale et le fonctionnement réussi de ce système, le Corps des transmissions se souviendra toujours de votre brillante prévoyance et de l'efficacité technique des milliers d'hommes entraînés que vous avez recrutés. Il serait très difficile d'évaluer les services que vous avez rendus à notre pays dans ce seul contexte.»
En reconnaissance de ses services pendant la guerre, Carty fut nommé général de brigade dans le Corps des officiers de réserve le 23 octobre 1921.

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Après la cessation des hostilités, Carty revint aux aspects commerciaux et sociaux du téléphone. Il avait toujours à l'esprit l'idée d'adapter le téléphone de plus en plus étroitement aux besoins du pays, afin qu'il puisse, dans toute la mesure du possible, contribuer à l'harmonie des actions. Un exemple mémorable de cette idée se produisit lors de l'enterrement du Soldat inconnu au cimetière d'Arlington, le 11 novembre 1921. Conscient des possibilités spectaculaires offertes par cette cérémonie, il proposa à l'administration de Washington l'utilisation à l'échelle nationale du système de sonorisation, récemment issu des laboratoires téléphoniques.
Son offre fut acceptée et les circuits, amplificateurs et haut-parleurs furent disposés de telle sorte que des milliers de personnes à New York, San Francisco et Washington purent entendre et participer à l'intégralité de la cérémonie – l'invocation de l'aumônier, les paroles de l'engagement – et enfin, à la fin, se joignirent au Président pour réciter le Notre Père.
Les événements ont évolué si rapidement dans le domaine des communications électriques qu'il est difficile aujourd'hui de réaliser qu'à cette époque, il y a à peine quinze ans, la radiodiffusion était une innovation inconnue. Lors de la cérémonie d'enterrement, la transmission se faisait entièrement par lignes téléphoniques filaires, et les foules qui écoutaient étaient nécessairement rassemblées à portée de voix de puissants haut-parleurs – à Madison Square et Madison Square Garden à New York, ainsi que sur la grande Civic Plaza à San Francisco. En repensant à cet événement exceptionnel, on peut dire que Carty fut le père de la radiodiffusion. Aujourd'hui, la distribution locale des programmes se fait par radio, tandis que, comme lors de cet événement, les stations de radiodiffusion elles-mêmes sont reliées entre elles par des circuits téléphoniques longue distance. Les stations de radio, ainsi que les récepteurs mis à la disposition du public, ont remplacé les puissants haut-parleurs de Carty, mais pas le réseau national de lignes filaires longue distance. À une occasion similaire, en février, I924, après l'apparition de la radiodiffusion, Carty a relié sept grandes stations de radiodiffusion par un circuit téléphonique s'étendant de San Francisco à La Havane, sur une distance de plus de huit mille kilomètres. Cela a constitué un précurseur de la radiodiffusion en chaîne telle que nous la connaissons aujourd'hui, et les journaux de l'époque estimaient que pas moins de cinquante millions d'auditeurs avaient entendu le programme, dont des extraits provenaient de plusieurs points du réseau. Carty lui-même a déclaré : « Nous commençons seulement à comprendre à quel point les communications électriques sont fondamentales pour l’organisation de la société. Nous ne sommes pas encore capables d’apprécier leur importance vitale pour le bien-être ultime de l’humanité. Je crois qu’un jour nous construirons un grand système téléphonique mondial, qui réunira tous les peuples de la Terre en une seule fraternité.»
C’est l’objectif pour lequel il a œuvré sans relâche et les dernières années de sa vie lui ont permis dans une large mesure de fournir les accessoires matériels nécessaires à la réalisation de sa vision.
Cinquante ans seulement après l’invention du téléphone, la première conversation bidirectionnelle a été entendue de l’autre côté de l’Atlantique, et l’année suivante, un service commercial régulier avec l’Angleterre a été lancé. Grâce à ce circuit unique outre-mer, les progrès ont été si rapides qu’il est désormais possible de connecter n’importe quel téléphone, n’importe où aux États-Unis, à environ 98 % des téléphones du monde.
Pendant quelques années, bien sûr, Carty n'avait apporté aucune contribution technique à cette épopée du progrès, mais sa vision et son sens des affaires lui permirent, d'une part, de créer une organisation scientifique et technique capable de résoudre les innombrables problèmes en jeu, et, d'autre part, de convaincre ceux qui tenaient les cordons de la bourse que le risque financier qu'ils prenaient était un risque dont ils seraient un jour très reconnaissants.
Pour quelqu'un qui croyait aussi fermement à la valeur de la recherche scientifique, tant fondamentale qu'appliquée, et qui l'a inspirée avec autant de succès que Carty, il n'est pas surprenant que ses conseils aient été fréquemment sollicités et qu'il se soit livré à un prosélytisme considérable. La plupart des conférences qu'il prononça durant les dernières années de sa vie furent consacrées à souligner les bénéfices que le monde avait tirés de l'application industrielle de la science et à évaluer ces bénéfices, tant en termes de confort et de commodités humaines qu'en termes financiers. Ces discours contiennent des expressions et des comparaisons caractéristiques. Carty prenait toujours plaisir à en inventer de nouvelles, mais les anciennes étaient rarement abandonnées. Ainsi, « Science et industries », prononcé devant le Conseil national de recherches le 6 février 1920, contient une allusion à l'Indien d'Amérique du Nord. Évoquant les progrès rapides de la science au cours des dernières décennies, il imaginait « les générations futures nous regardant avec notre connaissance actuelle limitée des forces de la nature, comme nous regardons aujourd'hui l'Indien d'Amérique du Nord qui, transi de froid et grelottant dans ses vêtements légers, ignorait le charbon à ses pieds, source de chaleur et d'énergie.» Carty qualifiait fréquemment cet Indien, avec humour, de « star ».

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De bien d'autres manières, Carty a encouragé l'intérêt pour la science, tant dans son pays qu'à l'étranger.
En 1923, il a été élu au conseil d'administration de la Carnegie Corporation. Il a été administrateur de la Carnegie Institution de Washington ; associé du Conseil de l'Université de New York ; membre de l'Académie américaine des arts et des sciences ; et membre de l'Académie nationale des sciences et du Conseil national de la recherche.
L'intense dévouement de Carty à l'Académie nationale des sciences et au Conseil national de la recherche témoignait à la fois de ses vastes intérêts et de sa compréhension approfondie du pouvoir des institutions solidement fondées sur une base large et bien intégrée à leur environnement. Il était évident qu'il appréciait les contacts intellectuels et personnels que ces associations lui permettaient. Ils étaient cependant secondaires par rapport à son intérêt pour l'influence constructive continue que l'Académie et le Conseil pouvaient exercer sur le développement de la nation. Il se félicitait de la simplicité de la charte nationale de l'Académie, car il y voyait un instrument d'une grande puissance. Il méprisait tout ce qui semblait faire de l'Académie un simple lieu d'accueil pour des scientifiques de renom ; elle ne pouvait échapper à cela, mais à ses yeux, elle devait être un outil par lequel la science pouvait contribuer à améliorer le niveau de vie de la nation.

Avec le décès du Dr John J. Carty, le 27 décembre 1932, l'industrie téléphonique perdait son plus grand artisan et visionnaire,la confrérie des ingénieurs l'un de ses membres les plus brillants, et la nation américaine un patriote et un défenseur des plus dévoués.
Le service téléphonique étendu et hautement développé des États-Unis est aujourd'hui en grande partie l'incarnation de l'imagination et de la puissance créatrice de l'esprit de Carty.

Les diplômes honorifiques suivants lui avaient été décernés :
Docteur en ingénierie : Université de New York, Institut de technologie Stevens.
Docteur en droit : Université McGill, Université de Pennsylvanie.
Doctorat en sciences : Collège Bowdoin, Université de Princeton, Collège Tufts, Université de Chicago, Université Yale.

Pour son rôle actif dans l’aide apportée au Corps des transmissions américain pendant la guerre, il a reçu la Médaille du service distingué. Il a également reçu la Médaille Edison de l’AmericanInstitute of Electrical Engineers ; la Médaille Franklin de l’Institut Franklin ; la Médaille John Fritz ; et la Médaille Edward Eongstreth.

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Le système de téléphotographie par téléphone d'ATT (mai 1924)

En mai 1924, American Telephone and Telegraph (la future AT&T) annonce un système de transmission de photographie par téléphone. Le système fait l'objet d'une première démonstration a lieu entre Cleveland le 19 mai, avec l'envoi de 15 photographies vers New York (soit sur une distance d'environ 750 km), dont plusieurs du Président Coolidge. Le système est annoncé comme devant être opérationnel pour la Convention du Parti Républicain qui se tiendra en juin à Cleveland. Le 14 juin quelques photographies de participants à la Convention sont publiées par divers quotidien. Dans le domaine de transmission des images, c'est la première intervention publique de l'entreprise de télécommunications qui, avec les Bell Telephone Laboratories créés le 1er janvier 1925, va devenir un des acteurs majeurs du développement de la télévision aux Etats-Unis.

En parallèle, l'American Telephone and Telegraph assure la transmission des signaux radio, qui permet aux auditeurs d'une vingtaine de stations régionales de suivre pour la première fois en direct.les conventions des partis républicain et démocrate.

Le rôle du Général John G. Carty dans le développement de la recherche en téléphotographie

Le premier succès public de Western Electric dans le domaine de la transmission des images à distance sera la démonstration du 19 mars 1924 de photographies du Président Cooridge. La démonstration sera présentée comme une réalisation d'American Telephone and Telegraph plutôt que de sa filiale Western Electric. Suivront une démonstration de couverture combinée photo et radio de la Convention du Parti républicain (13 juin 1924) et des exépriences de transmission de photographies en couleurs.

Comme le remarque l'article du New York Times paru au lendemain de la démonstration du 19 mai 1924, l'invention de l'appareil de téléphotographie était anonyme. La période romantique des inventeurs héroïques dans leur solitude touchait à sa fin, même si elle devait encore s'incarner pendant quelques années dans des figures telles que celles de John Logie Baird ou Philo T. Farnsworth.
"The demonstration was anonymous, as far as the names of the engineers and other employees of the telephone company were concerned. It was said that so many engineers and scientists had cooperated in developing the new process that it would be unfair to mention a few names only and difficult to apportion the credit among those who played a part ... It was not a case of one man coming forward with a great discovery that cut the Gordian knot."
"La démonstration était anonyme, en ce qui concerne les noms des ingénieurs et autres employés de la compagnie de téléphone. On disait que tant d'ingénieurs et de scientifiques avaient collaboré au développement du nouveau procédé qu'il serait injuste de ne citer que quelques noms et difficile d'en attribuer le mérite à ceux qui y ont contribué… Il ne s'agissait pas d'un homme unique ayant fait une grande découverte qui aurait tranché le nœud gordien."

Les opérations ont été dirigées par le General John G. Carty, qui théorise la recherche collective en laboratoire. John G. Carty s'est illustré comme inventeur dans le domaine de la téléphonie dès les années 1880. Il était devenu Général en 1921 après avoir servi l'armée américaine durant la Première Guerre mondiale. Carty, était partisan des laboratoires de recherche industrielle au sein des entreprises. Il en était fermement convaincu de leur importance, puisque la recherche interne avait donné à AT&T la technologie nécessaire pour atteindre son objectif de connecter le pays. Carty a choisi comme sujet de son discours présidentiel de l'AIEE, prononcé lors de la convention annuelle de l'AIEE de 1916, « La relation entre la science et la recherche industrielle ». Dans ce document, il exhorte toutes les industries à adopter la pratique de la recherche industrielle interne.

La création des Bell Telephone Laboratories ("Bell Labs")
En 1919, le département d'ingénierie du département de l'A.T.&T. était divisé en deux départements le Département d’Exploitation et d’Ingénierie et le Département de Développement et de Recherche. Fin 1924 les fonctions du département d'ingénierie de Western Electric avait pris un tel volume qu'avec une partie du Département des brevets, a été constituée sous le nom de Bell Telephone Laboratories Une nouvelle consolidation a été réalisée.
La défense continue de la recherche industrielle a conduit Carty, en 1925, à séparer le laboratoire de recherche industrielle du système Bell de Western Electric et à l'établir en tant que filiale distincte d'AT&T, Bell Telephone Laboratories. Les Bell Labs sont généralement considérés comme le laboratoire de recherche industrielle le plus important du XXe siècle. Carty a été président du conseil d'administration des Bell Labs de 1925 jusqu'à sa retraite en 1930.
Le 1er janvier 1925, Bell Telephone Laboratories, Inc. a été créée pour consolider les activités de développement et de recherche dans le domaine de la communication et des sciences connexes pour le système Bell. La propriété était partagée à parts égales entre Western Electric et AT&T. La nouvelle entreprise comptait 3600 ingénieurs, scientifiques et personnel de soutien. Son espace de 400 000 pieds carrés (37 000 m2) a été agrandi avec un nouveau bâtiment occupant environ un quart d'un pâté de maisons.
Le premier président du conseil d'administration fut John J. Carty, vice-président d'AT&T, et le premier président fut Frank B. Jewett, également membre du conseil d'administration, qui y resta jusqu'en 1940. Les opérations étaient dirigées par E. B. Craft, vice-président exécutif et ancien ingénieur en chef chez Western Electric, qui jouissait d'une aura importante dans les milieux professionneles et la presse.

Harold D. Arnold, directeur de recherche des Bell Telephone Laboratories, demanda à Herbert E. Ives d'élaborer un programme de recherche sur la télévision. Cela devait commencer par une entrée modeste sur les problèmes fondamentaux, avec une possibilité d'extension à l'assemblage d'un système expérimental.
Comme le note R.W. Burns, les montants alloués par les Bell Labs pour la recherche en télévision, de 1925 à 1930 inclus ont représenté 308 100 $, un niveau de loin supérieur à ce que pouvaient investir les chercheurs solitaires de l'époque comme Baird, Jenkins, Belin, Mihaly ou Karolus.

Les recherches et démonstrations de télévision (1925-1940)
Durant les premiers mois de travail, les recherches ont été menées avec grande discrétion. Elles ont aboutit à la mise au point de ce qui est généralement désigné comme le "système Bell de télévision" ou le "système Ives" et à la démonstration du 7 avril 1927, considérée comme la première démonstration de télévision aux Etats-Unis.
Ont par la suite suivi des démonstrations de télévision avec image et son sur une seule fréquence (20 avril 1927), de télévision en extérieur (12 jullet 1928), de télévision en couleurs (27 juin 1929) et de télévision bi-directionnelle (9 avril 1930)
Après 1930, les Laboratoires poursuivirent leurs travaux à la télévision, mais sans obtenir de succès du type de ceux que manifestèrent simultanément RCA aux États-Unis et EMI au Royaume-Uni, malgré l'allocation de 592 400 $ au travail de 1931 à 1935 (inclus). Par la suite, la recherche et le développement en matière de télévision ont décliné et ont cessé, vers 1940, de faire partie des intérêts des Laboratoires. (Burns, 1997, p. 220).
A partir de 1933 et de la démonstration de l'iconoscope conçu par Vladimir Zworykin au sein de R.C.A., les dirigeants des Bell Laboratories ont réalisé que le modèle de la télévision mécanique sur lesquels ils travaillaient depuis 1925 étaient dépassés par la télévision électronique. L'entreprise a néanmoins continué ses travaux sur la téléphotographie et la télévision pour finalement réorienter ses recherches vers la question de la capacité de transport des réseaux, ce qui a conduit à l'invention du câble coaxial et des réseaux microwaves...

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LISTE DES ÉCRITS ET ADRESSES PUBLIÉS DE JOHN J. CARTY
Entretien, « Le téléphone : un standard amélioré introduit par la New England Co. », Boston Daily Advertiser, 22 février 1885.
« Le système multiple de standards », communication présentée devant la National Telephone Exchange Association, 10 septembre 1885. Actes, National Telephone Exchange Association, 1885 ; Electrical World, 19 septembre 1885.
Éditorial, « Le danger du gaz dans les travaux souterrains », Electrical Review, N. Y., 9 février 1889.
Éditorial, « Sécurité contre les perturbations des compas de navire. L’effet des appareils d’éclairage électrique sur les compas de navire ». Electrical Review, N. Y., 22 juin 1889.
Lettre au rédacteur en chef de l'Electrical Review, « Téléphonie longue distance — Voitures électriques ». Electrical Review, N. Y., 31 août 1889.
Éditorial, « Le roi d'Espagne et l'Exposition universelle ». Electrical Review, N. Y., 31 août 1889.
« La nouvelle ère de la téléphonie ». Communication de J. J. Carty, A. S. Hibbard et F. A. Pickernell, présentée devant la National Telephone Exchange Association, le 1er septembre 1889. Actes de la National Telephone Exchange Association, 1889 ; Electrical World, 21 septembre 1889.
« Une nouvelle vision de l'induction téléphonique ». Communication présentée devant l'Electric Club, N. Y., le 21 novembre 1889. Electrical Review, N. Y., le 31 novembre 1889. 30, 1889 ; Electrical World, 30 novembre 1889.
« Ingénierie du téléphone ». Communication présentée devant la New York Electrical Society, 15 mai 1890. Electrical Review, N. Y., 24 mai 1890.
« Bridging Bells ». Communication présentée devant la National Telephone
Exchange Association, 10 septembre 1890. Actes, National Telephone
Exchange Association, 1890.
« Perturbations inductives dans les circuits téléphoniques ». Communication présentée devant l’American Institute of Electrical Engineers, 17 mars 1891. A.I.E.E.
Transactions. Vol.8, p.99.
« The Prophet's Column ». Articles parus anonymement dans l’Electrical Review, N. Y., du 4 avril au 21 novembre 1891.
Éditorial, « Progress in Telephony »
Article : « Déplacer un central téléphonique ». D’après une interview de J. J. Carty. Electrical Review, N. Y., 4 juillet 1891.
« Les taches solaires et la météo ». Article éditorial revu par J. J. Carty.
Electrical Review, N. Y., 4 juillet 1891. « L’électricité est-elle liée à la force nerveuse ?» Electrical Review, N. Y., 20 février 1892.

Carty, John J. (1922): Ideals o f the Telephone Service, A Tribute to Alexander Graham Bell Telephone Quarterly, vol. I, no. 3, October 1922
Carty, John J. (1926): The Semi-Centennial of Telephone Bell Telephone Quarterly, vol V, no. 1, January, 1926.
Carty, John J. (1926b): Episodes in Early Telephone Histoty Bell Telephone Quarterly, vol V, no. 2, April, 1926.

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Chez Carty, l'ingénieur évolua vers l'enseignant.
Sa branche de l'American Telephone and Telegraph Company devint l'Université du Téléphone.
Étudiant par nature, il appréciait particulièrement les écrits de Faraday, le précurseur, de Tyndall, l'exégète, et de Spencer, le philosophe.
En 1890, il rassembla autour de lui un groupe restreint de diplômés universitaires – il en compte aujourd'hui soixante dans son équipe – afin de léguer au téléphone un corps d'ingénieurs loyaux et efficaces.

Le problème auquel furent confrontés les jeunes gens du téléphone, dès qu'ils eurent échappé au vacarme des bruits mystérieux, fut la nécessité de descendre les fils dans les rues et de les enterrer. Au début, ils les avaient tendus sur des poteaux et des toits. Non pas par économie, mais parce que c'était la seule solution possible, à l'époque où l'on était encore enfant. Un fil téléphonique exigeait une manipulation des plus délicates. L'enterrer revenait à l'étouffer, à le rendre terne, voire totalement inutile. Mais maintenant que le nombre de fils était passé de centaines à des milliers, la méthode aérienne était dépassée. ...
Pendant plusieurs années, les cerveaux des téléphonistes se sont concentrés sur le problème : comment réduire les dépenses en cuivre. Un dispositif étrange, qui semblerait relever du simple fantasme d'un inventeur s'il n'avait pas déjà permis aux compagnies de téléphone d'économiser quatre millions de dollars ou plus, est connu sous le nom de « circuit fantôme ». Il permet de transmettre trois messages simultanément, là où seuls deux auparavant circulaient. Une double voie permet de transporter trois trains de conversation de front, un exploit rendu possible par la disposition capricieuse de l'électricité, et totalement inconcevable dans le domaine ferroviaire.
Cette invention, qui se rapproche le plus jusqu'à présent de la téléphonie multiple, a été conçue par Jacobs en Angleterre et Carty aux États-Unis.

En 1901, JJ Carty inventa la « sonnerie de pont », un moyen de relier quatre maisons à un seul fil, avec un signal différent pour chacune. Cette idée rendit possible la « ligne partagée » et provoqua immédiatement un essor de l'utilisation du téléphone par les agriculteurs entreprenants.

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Histoire du câble atlantique et des communications sous-marines, du premier câble sous-marin de 1850 au réseau mondial de fibre optique

1923 - Communications électriques par John J. Carty, AT&T

Introduction : Au moment de ce discours de John J. Carty à la Chambre de commerce des États-Unis, le 8 mai 1923, les communications télégraphiques entre l'Amérique et l'Europe fonctionnaient pratiquement sans interruption depuis près de 57 ans. Carty décrit la mise en place d'un service radiotéléphonique expérimental transatlantique, qui sera mis en service public le 7 janvier 1927 (au prix de 75 dollars pour un appel de 3 minutes). Ce service radiotéléphonique sera lui-même remplacé en 1956, moins de 30 ans plus tard, par des câbles téléphoniques sous-marins.

En 1962, Telstar fut le pionnier des communications par satellite transatlantiques. En 1965, le premier satellite commercial de COMSAT, Early Bird, fut lancé, fournissant 150 circuits téléphoniques. On pensait que les satellites rendraient les câbles obsolètes, mais le développement de la fibre optique et l'ouverture de TAT-8 outre-Atlantique en 1988 marquèrent le début d'une nouvelle ère pour les câbles sous-marins, qui acheminent désormais la grande majorité du trafic mondial. Les satellites sont principalement utilisés pour la diffusion directe, les connexions vers les zones reculées et comme solution de secours en cas de panne catastrophique des câbles.
-- Bill Burns

Électrique

Communications

UNE ADRESSE

par John J. Carty
Vice-président, American Telephone
and Telegraph Company

ONZIÈME RÉUNION ANNUELLE

Chambre de commerce
des
États-Unis

AVANT-PROPOS

En présentant M. Carty à la réunion du groupe du ministère des Transports et des Communications, le président Gray a déclaré :
Messieurs, l'orateur suivant a une allocution à prononcer sur le thème des communications électriques. Il s'agit du général John J. Carty, vice-président de l'American Telephone and Telegraph Company. Il est responsable des travaux de recherche et développement du système Bell depuis vingt ans. Pendant la guerre, outre l'organisation de quatorze bataillons du personnel du système Bell destinés au Corps des transmissions, il a servi dans l'état-major du chef des transmissions des forces expéditionnaires américaines et a été en grande partie responsable de la conception des circuits de communication du Service de ravitaillement en France.
Pendant la guerre, il était chargé, au nom de l'armée, de maintenir les communications transatlantiques entre les armées américaines en France et le gouvernement de Washington. L'ennemi menaçait de couper ces communications. Deux câbles furent effectivement coupés par l'ennemi, mais à aucun moment les communications électriques ne furent interrompues.
Après la signature de l'armistice, le général Carty a été responsable des communications au sein du Comité américain de négociation de la paix. Ancien président de l'Institut américain des ingénieurs électriciens, il est lié à de nombreuses sociétés scientifiques. Il a présidé le Comité des communications de la Chambre de commerce internationale pendant deux ans et est membre du Comité des transports et des communications de la Chambre de commerce des États-Unis.
__________________________________________________

Communications électriques
JOHN J. CARTY,
Vice-président, American Telephone and Telegraph Company, New York.

Il y a un peu plus de deux ans, j'ai rédigé, au nom du Comité de la Chambre internationale, un rapport sur les communications électriques mondiales. Lorsqu'on m'a demandé de prendre la parole lors de cette réunion, j'ai pensé qu'il serait judicieux d'assumer aujourd'hui une fonction similaire en tant que membre du Comité de cette Chambre. J'ai donc préparé aujourd'hui une brève évaluation de la situation des communications électriques, en particulier avec les pays extérieurs aux États-Unis.
Le commerce dépendant de plus en plus d'un échange d'informations rapide et fiable, il est naturel que les membres de cette Chambre s'intéressent vivement à la question des communications électriques. Une étude approfondie du développement des systèmes de communication électrique et des progrès réalisés dans les domaines de la radio et de la transmission par fil dépasserait largement le temps imparti à cette discussion. Je me limiterai donc à un bref exposé de certains facteurs marquants de la situation.
La radiotélégraphie a désormais pris sa place aux côtés du câble sous-marin comme moyen de communication télégraphique transocéanique. Elle trouve son meilleur champ d'application sur de vastes étendues d'eau comme les océans Atlantique et Pacifique, où la seule communication filaire possible passe par des câbles sous-marins, dont l'efficacité est très faible, même la plus performante, comparée à celle des câbles terrestres de même longueur. À travers l'océan, les avantages relatifs du câble télégraphique et de la radiotélégraphie sont difficiles à évaluer. Chacun présente des avantages et des inconvénients, et chacun transporte sa part du trafic télégraphique international mondial. Si la radiotélégraphie ne fonctionne pas aussi bien sur de vastes étendues terrestres que sur des étendues d'eau correspondantes, le câble télégraphique terrestre est bien plus efficace que le câble sous-marin sous-marin de même longueur. Le câble sous-marin est constitué d'un seul conducteur, tandis que le câble terrestre longue distance, bien que de 7,6 cm de diamètre ou moins, peut en contenir des centaines. Un tel câble terrestre peut transporter des milliers de messages télégraphiques simultanément, contre seulement deux messages simultanément pour le long câble sous-marin en eaux profondes. C'est pourquoi les extensions et améliorations du radiotélégraphe transocéanique et du télégraphe sous-marin suscitent actuellement un intérêt particulier.
La Radio Corporation of America possède aux États-Unis cinq stations de radiotélégraphie de grande puissance utilisées pour le service télégraphique transocéanique. L'une d'elles est située sur la côte Pacifique, et les quatre autres sur la côte atlantique. Une sixième station de grande puissance se trouve dans les îles Hawaï. Grâce à ces six stations, neuf canaux de communication sont utilisés pour la transmission simultanée de messages.
Entre les stations de la côte atlantique, des messages sont échangés avec des stations de forte puissance en Grande-Bretagne, en Norvège, en Allemagne et en France. Deux stations de forte puissance ont été construites aux Pays-Bas et en Italie. Des essais sont actuellement en cours entre les États-Unis et ces stations, et une fois ces essais terminés, un service direct devrait être établi avec elles. En Pologne et en Suède, des stations de forte puissance sont en cours de construction et, une fois terminées, un service direct depuis les États-Unis sera également établi avec ces stations. Une station est en cours de construction en Argentine, et des communications directes entre les États-Unis et ce pays devraient être établies en août de cette année. Des engagements financiers ont été pris pour la construction de stations radiotélégraphiques de forte puissance au Brésil, qui devraient entrer en service d'ici un an, assurant ainsi un service direct entre les États-Unis et le Brésil.
Depuis la station située sur la côte Pacifique, des messages sont envoyés et reçus avec Hawaï, puis retransmis par radio vers une station de forte puissance au Japon. Si les négociations en cours aboutissent, une station de forte puissance sera construite en Chine, capable de desservir directement Hawaï et les États-Unis.
La United Fruit Company, par l'intermédiaire de la Tropical Radio Company, exploite aux États-Unis quatre stations de radiotélégraphie capables d'établir des communications non seulement avec les navires qu'elle dessert, mais aussi avec certains pays d'Amérique centrale. En Amérique centrale même, la United Fruit Company exploite des stations de radiotélégraphie au Honduras, au Nicaragua, au Panama, au Costa Rica et en Colombie. Toutes ces stations d'Amérique centrale sont actuellement équipées des appareils de télégraphie sans fil les plus modernes de l'époque. D'ici l'année prochaine, ces stations formeront un système de communication complet et efficace, capable de maintenir les communications avec les États-Unis d'une part, et les républiques d'Amérique du Sud d'autre part.
En 1920, il n'existait aux États-Unis qu'une seule station de radiotélégraphie commerciale transocéanique. Depuis, non seulement la puissance et l'efficacité de cette station ont été accrues, mais leur nombre a augmenté, faisant des États-Unis le plus grand centre de communication radio au monde, exploitant autant de stations commerciales de grande puissance que tous les autres pays réunis. C'est un record de réussite scientifique et d'entreprise dont tous les Américains ont des raisons d'être fiers.
De grands progrès ont également été réalisés en radiotéléphonie. En 1915, les ingénieurs de l'American Telephone and Telegraph Company parvinrent à transmettre de la parole par radiotéléphone d'Arlington, en Virginie, à la Tour Eiffel à Paris, et la même année, ils communiquèrent d'Arlington aux îles Hawaï. Bien que la parole transmise fût limitée à de courtes phrases, elle fut suffisante pour permettre aux scientifiques américains d'établir le record de la première transmission téléphonique sans fil à travers l'Atlantique, le continent et le Pacifique.
Les travaux ultérieurs dans cette direction furent fortement interrompus par la guerre et les conditions d'après-guerre. Néanmoins, les progrès furent si importants que, le 14 janvier de cette année [1923] , la parole articulée fut pour la première fois transmise de New York à Londres. L'appareil et le système radio utilisés pour cette transmission New York-Londres furent rendus possibles grâce à la coopération entre l'American Telephone and Telegraph Company et la Radio Corporation of America. Ils sont le fruit de recherches et d'expérimentations menées dans les laboratoires de l'American Telephone and Telegraph Company, de la Radio Corporation of America et de ses sociétés associées. Ces expériences furent menées selon un programme préétabli, suivi à la minute près. Les conversations durèrent deux heures, et les voix de tous les intervenants à New York furent clairement entendues à Londres par pas moins de 60 observateurs. La parole était audible dans toute la grande salle, les voix des orateurs étaient reconnues, et tout ce qu'ils disaient était aussi clairement entendu que vous m'entendez maintenant. Ces expériences ont été réalisées de nuit, car la transmission diurne est très imparfaite. Elles ont également été réalisées en hiver, car en été, les perturbations statiques surchargent les courants vocaux. D'autres expériences sont actuellement en cours afin de déterminer combien d'heures par jour et à quelles périodes de l'année il sera possible de parler. Tant que ces expériences ne seront pas terminées, il sera impossible de dire à quelle heure, dans quelle mesure, dans quelles circonstances et à quel débit un service commercial pourra être assuré. Lors de ces expériences, la parole n'a été transmise que dans un seul sens, de New York à Londres. Les appareils nécessaires à la transmission vers les États-Unis ne sont pas encore disponibles en Europe.
De nos jours, le public s'intéresse beaucoup au radiotéléphone, car il est utilisé pour la radiodiffusion, c'est-à-dire la diffusion, depuis une station centrale, de discours, de disques, de concerts, etc., destinés à être entendus par un nombre incroyable de personnes qui s'équipent d'appareils de réception radiotéléphonique adaptés à ce type de service. Ces messages radio, comme tous les messages radio, sont transmis par l'éther, comparable à une ligne partagée universelle constituée d'un seul conducteur devant être utilisé en commun par le monde entier. Bien que des méthodes ingénieuses aient été mises au point pour augmenter considérablement le nombre de messages radio simultanés transmis par cette ligne partagée, l'éther ne peut, au mieux, acheminer qu'une petite fraction du trafic téléphonique total.
Outre cette limitation du nombre de conversations simultanées, le radiotéléphone est particulièrement sujet aux perturbations électriques atmosphériques, plus que le télégraphe. Ces perturbations sont parfois violentes, notamment lorsqu'une forte amplification est requise, comme dans la radio transocéanique. Elles perturbent alors les conversations pendant des heures, voire des jours. Elles sont plus fréquentes en été qu'en hiver, et sous les tropiques qu'aux hautes latitudes. Si nous ne parvenons pas à surmonter ce problème redoutable que représentent les perturbations atmosphériques, même cette utilisation relativement limitée du radiotéléphone sera encore plus restreinte. Ce problème de perturbations atmosphériques a déconcerté les scientifiques du monde entier, et certains commencent à penser qu'il s'apparente à celui de la maîtrise des conditions météorologiques.
Outre ces difficultés statiques, il existe le problème des interférences provoqué par le nombre croissant de stations émettrices, source d'une telle confusion dans l'espace, problème déjà évoqué. Ce problème retient l'attention de nombreux gouvernements du monde, et plus particulièrement du nôtre. Il s'agit d'un problème de réglementation nationale et internationale. Une déclaration publique du secrétaire Hoover, faite après la nomination d'un comité d'experts gouvernementaux chargé d'examiner l'ensemble du sujet, permet de se faire une idée de la situation. Dans cette déclaration, le secrétaire Hoover a déclaré :
Je pense qu'il sera admis d'emblée que l'utilisation du radiotéléphone pour communiquer entre individus, comme c'est le cas avec le téléphone ordinaire, est une idée parfaitement irréaliste. Évidemment, si dix millions d'abonnés au téléphone réclament leurs compagnons, ils ne parviendront jamais à se connecter ; l'éther sera rempli d'un chaos frénétique, sans aucune communication possible.

Ainsi, les caractéristiques des messages radio, qui les font se propager sur de vastes zones et rendent au radiotéléphone des services inestimables dans certains domaines, constituent l'un des obstacles à son utilisation généralisée comme substitut aux fils. Les scientifiques ont démontré depuis longtemps que les fils ne sont rien de plus ni de moins que des voies permettant de guider ou d'orienter les ondes électriques dans l'éther entre des points désirés, aussi nombreux et où qu'ils soient. Grâce à ces guides, des millions de messages peuvent être transmis simultanément sans interférence.
On a souvent dit que si le cours du développement scientifique avait été inversé, de sorte que la transmission radio avait précédé la transmission par fil, la découverte de l'utilisation de fils pour guider les ondes éthériques serait considérée comme l'une des merveilles de la science. Grâce à leur utilisation, les ondes éthériques, autrement incontrôlées, suivent un chemin prédéterminé, diffusant des centaines de milliers de messages dans les rues de nos villes sans la moindre interférence, chaque message suivant son parcours prévu, que ce soit à travers la structure complexe d'un immeuble de bureaux de trente étages, ou à travers les plaines, sous les rivières et les montagnes, voire jusqu'à l'autre bout du continent, pour être reçu par celui, et lui seul, à qui il est destiné.
Les caractéristiques naturelles de la transmission radio et de la transmission par fil sont donc fondamentalement différentes. Chacune, de par ses capacités uniques, assure un service pour lequel l'autre est inadapté, et chacune se complète afin de fournir toutes les installations nécessaires à l'extension mondiale d'un système complet de communications électriques. Pour les importants volumes de trafic terrestre, télégraphique et téléphonique, qui doivent être traités avec fiabilité et à moindre coût, l'utilisation de fils est indispensable. Mais comme moyen de communication sur de vastes étendues d'eau, avec des moyens de transport mobiles en général, pour de nombreuses applications maritimes et militaires, et pour la diffusion d'informations, et dans d'autres situations où les fils ne sont pas disponibles, la radiotéléphonie est capable de fournir des services d'une importance unique.
Si des progrès considérables et gratifiants ont été réalisés et sont encore réalisés dans la radio, des progrès tout aussi considérables et gratifiants ont été réalisés et sont encore réalisés dans la transmission de messages téléphoniques et télégraphiques par fil. Le problème de la téléphonie sur de longues distances grâce à des fils tendus sur des poteaux a longtemps déconcerté les scientifiques, mais il est finalement devenu possible de communiquer avec succès de New York à San Francisco. Les récentes améliorations apportées à la transmission par fil ouvert ont démontré que si l'on trouvait le terrain pour installer les fils sur des poteaux, il serait possible de communiquer de cette manière partout dans le monde. Cependant, la communication par câble est bien plus complexe que la communication par fils tendus sur des poteaux. La transmission par câble se heurte à des obstacles scientifiques d'une complexité et d'une difficulté incalculables.
Néanmoins, l'American Telephone and Telegraph Company a récemment apporté des améliorations, grâce auxquelles elle construit un câble reliant New York à Chicago. Ce câble sera bientôt terminé entre New York et Cleveland, et une fois arrivé à Chicago, il sera possible de communiquer par son intermédiaire, comme on peut le faire d'un quartier à l'autre de New York.

Depuis le lancement de ce projet de câble, de nouvelles améliorations ont été apportées à la transmission par câble, si bien que l'on connaît désormais des méthodes permettant de communiquer par câble de New York à San Francisco, avec des résultats aussi bons que ceux obtenus d'un point à l'autre de New York. Un tel câble permet également la transmission de messages télégraphiques. Il peut contenir jusqu'à 300 paires de fils. Si ce câble était exclusivement dédié aux circuits télégraphiques, il pourrait traiter 15 000 messages simultanément. Pour la télégraphie ou la téléphonie par câbles terrestres, les problèmes électriques sont donc résolus. La communication par câbles sous-marins en eaux profondes reste un problème complexe. Transmettre des communications par câble à travers l'Atlantique présente des difficultés pour lesquelles aucune solution n'est encore en vue ; pour ce type de service, le radiotéléphone offre donc la solution la plus immédiate.
La transmission de messages télégraphiques par câbles sous-marins est un art bien établi, mais la transmission est lente et présente des difficultés particulières que l'on ne rencontre pas dans les transmissions terrestres. Néanmoins, de nombreux progrès réalisés dans la transmission téléphonique ont permis d'identifier des méthodes permettant d'accroître considérablement la vitesse des câbles télégraphiques océaniques. Dans les laboratoires de l'American Telephone and Telegraph Company et de la Western Electric Company, des expériences menées depuis de nombreuses années sont prometteuses pour accroître considérablement la vitesse des câbles océaniques. Des longueurs expérimentales ont été réalisées et testées en bassin, et les résultats obtenus ont été si satisfaisants qu'il y a de bonnes raisons de croire que, grâce aux nouvelles méthodes découvertes, la vitesse des câbles océaniques fabriqués conformément à ces nouvelles découvertes pourrait être multipliée par quatre à cinq par rapport aux meilleurs câbles océaniques actuellement en service.

Ces expériences ont attiré l'attention des fabricants et des entreprises de câbles du monde entier. La Western Electric Company possède désormais une usine de câbles terrestres à Chicago, capable de produire 60 millions de mètres de fil par semaine, et construit actuellement à Kearney, dans le New Jersey, une deuxième usine de ce type, d'une capacité sensiblement identique. Cette nouvelle usine sera située à marée haute et, si les circonstances le justifient, y fabriquera des câbles océaniques pour les grands fonds, permettant ainsi, pour la première fois aux États-Unis, la fourniture de ces câbles aux entreprises américaines.
La Western Union Telegraph Company a commandé une section d'environ 210 kilomètres de ce nouveau type de câble, qui sera posée et testée. De la réussite de cet essai dépendront les nombreux projets de câbles envisagés par cette société. Il en va de même pour d'autres entreprises qui attendent avec le plus grand intérêt les résultats de cette grande expérience.
L'un des projets immédiats envisagés par la Western Union Company est un câble reliant directement les États-Unis à l'Europe du Sud. Grâce à ses relations avec les câblodistributeurs européens et sud-américains, la Western Union dessert les principaux pays de l'hémisphère occidental, d'Europe et d'Asie. Tant que cette expérience ne sera pas achevée dans le courant de l'année, il ne sera pas possible d'annoncer les nouveaux projets d'extension et d'amélioration de son service de câblodistribution envisagés par la Western Union Telegraph Company. En effet, ces projets dépendent en grande partie de la qualité du câble, qui pourrait être rendue possible par les progrès techniques.

M. Clarence H. Mackay, président de la Commercial Cable Company, associée à la Postal Telegraph Company, m'a adressé une déclaration concernant certains projets de cette société. Le temps me permet de citer quelques extraits de cette communication très intéressante. Il déclare :« J'ai le grand plaisir d'annoncer à la Chambre de commerce des États-Unis d'Amérique, par l'intermédiaire de votre comité, que la Commercial Cable Company a signé un contrat et prévoit de mettre en service, au plus tard le 1er août de cette année, un nouveau câble dans l'océan Atlantique qui augmentera considérablement les moyens de communication directe entre New York et Londres.
Ce câble reliera New York, via la Nouvelle-Écosse, aux Açores. Aux Açores, il sera relié à un câble appartenant à cette société, déjà posé, qui sera lui-même relié à un nouveau câble qui sera posé cet été entre l'Irlande et l'Angleterre. Un autre câble sera prochainement posé entre les Açores et le continent européen.
Je suis heureux d'annoncer que le nouveau câble, actuellement en construction, aura une capacité de transmission près de deux fois supérieure à celle du câble le plus rapide jamais posé dans l'Atlantique Nord. Ce nouveau câble aura une capacité de transport et un service équivalents à au moins deux des câbles sous-marins reliant actuellement notre pays à l'Europe. Grâce à sa capacité de transport considérablement accrue, notre nouveau câble constituera non seulement une assurance contre toute interruption temporaire d'autres câbles due à des causes naturelles ou accidentelles, mais offrira également des installations nouvelles et considérablement améliorées pour la gestion du trafic, installations qui, à mon avis, sont nécessaires et le deviendront de plus en plus.

Comme vous le savez sans doute, la Commercial Cable Company a conclu il y a quelque temps un contrat avec la German Atlantic Cable Company pour la pose d'un nouveau câble entre notre pays et l'Allemagne. En raison de l'instabilité en Allemagne, ce projet a été quelque peu retardé. Nous sommes convaincus que le projet sera mené à bien dans un délai raisonnable.
Le développement du réseau de câbles dans le Pacifique a été freiné par la perspective d'un nouveau câble à fort potentiel de charge et par l'instabilité de la situation en Chine. Parallèlement, le trafic dans le Pacifique est assuré de manière satisfaisante.
Par ailleurs, la situation des communications internationales s'est sensiblement améliorée depuis la fin de la guerre. La fin des hostilités a laissé les réseaux de câbles mondiaux dans un état de délabrement avancé. Des années d'usure ont dû être réparées, et les usines de câbles et les navires de pose et de réparation, libérés de la pression des besoins de guerre, ont pu reprendre leur activité normale, ce qui a permis de restaurer les réseaux existants. La Commercial Cable Company avait, et a toujours, un vaste programme en cours, mais celui-ci, comme d'autres programmes d'expansion des câbles, a été quelque peu retardé par l'annonce surprenante du développement d'un nouveau type de câble, capable d'une capacité de charge plusieurs fois supérieure à celle de l'ancien. La Commercial Cable Company, ne voyant aucune perspective d'obtenir ce nouveau type de câble avant au moins deux ans, a décidé de poursuivre son programme. Depuis la fin de la guerre, cette entreprise a pu considérablement développer ses connexions britanniques et françaises. Elle s'est implantée en Hollande et en Belgique grâce à des câbles loués aux gouvernements britannique, néerlandais et belge.

En conclusion, M. Mackay déclare qu'il souhaite assurer ses collègues de la Chambre de commerce que sa société ne ménagera aucun effort pour fournir aux intérêts américains et au monde en général les meilleures installations de communication électrique.
Des déclarations similaires ont été faites à la Chambre par la All America Cable Company et par la Western Union Telegraph Company, cette dernière entreprise entreprenant une expérience aussi vaste et audacieuse avec le nouveau type de câble.

All America Cables, Inc. a été le pionnier du développement des communications par câbles sous-marins entre les États-Unis, le Mexique et l'Amérique centrale et du Sud. Depuis l'installation initiale de câbles entre Galveston, au Texas, et le Mexique en 1882, sous le nom de Mexican Telegraph Company, son système s'est développé jusqu'à assurer aujourd'hui une communication directe avec le Mexique et toute l'Amérique centrale et du Sud, à l'exception du Honduras, du Venezuela, des Guyanes et du Paraguay. Les câbles relient New York à Cuba, rayonnant de ce point jusqu'à Porto Rico, ainsi qu'au Panama et à l'Amérique centrale et du Sud. Galveston et La Nouvelle-Orléans servent également de points d'entrée et de sortie pour les communications des organisations commerciales américaines ayant des intérêts au Mexique.
En 1920, la compagnie étendit ses lignes de l'Argentine à l'Uruguay et au Brésil. Cela étendit considérablement les possibilités de communication avec ces pays importants et permit de réaliser de nombreuses économies ainsi que des conditions tarifaires et de service plus avantageuses.
Au cours des deux dernières années, les lignes de la compagnie ont été étendues à Santiago de Cuba, Ponce et San Juan, Porto Rico ; Port Limon et San José, Costa Rica ; Tampico, Mexique ; Trujillo, Pérou et Sao Paulo, Brésil.
La nécessité d'une ligne de communication directe depuis La Nouvelle-Orléans était depuis longtemps reconnue et, en 1922, cette ville fut ajoutée à la liste des terminus de cette compagnie. Le kilométrage total de cette compagnie s'élève désormais à 21 730 milles nautiques.
En 1922, la compagnie signa un accord avec les sociétés Mackay, aux termes duquel les points desservis par le système Mackay furent mis en contact direct avec le réseau de câbles All America et vice-versa. Cet accord s'avéra très bénéfique pour le public. La compagnie envisage de nombreuses extensions, conformément à sa politique d'expansion et d'amélioration des installations, qui devraient considérablement amplifier le réseau de communications entre les États-Unis et les républiques d'Amérique latine, ainsi qu'améliorer les intercommunications entre les points d'Amérique latine. Ces améliorations dépendent dans une certaine mesure de l'amélioration de la construction des câbles et de l'amélioration du trafic et des relations gouvernementales dans tous les pays étrangers où ils sont implantés.

Ceci, messieurs, est une évaluation très brève de la situation, et je peux vous dire qu'ayant été dans le secteur des communications pendant plus de quarante ans, il n'y a jamais eu de période où l'art des communications électriques a progressé plus rapidement, jamais de période où les organisations responsables de ces communications ont été plus entreprenantes, plus capables, plus intelligentes et plus performantes dans l'extension des communications à travers le monde.
Ceux d'entre nous qui se souviennent des conditions déplorables des communications électriques entre les États-Unis et le reste du monde, avant et pendant la guerre, doivent éprouver une profonde satisfaction à l'idée que l'Amérique ait réalisé des progrès aussi rapides en si peu de temps. On a dit que nous vivons l'âge d'or des communications électriques, et je pense que c'est vrai. Je pense que nous pouvons aller plus loin et affirmer que cet âge d'or ne fait que commencer. Mais les progrès de ce pays ont été si rapides qu'au cours des dernières années, l'Amérique a pris la tête de l'art, de la pratique et de l'administration des communications électriques. Cela devrait être et reste une source de fierté et de satisfaction pour moi, ingénieur en communications, et je sais que ce sera une source de fierté et de satisfaction pour tous les membres de la Chambre et tous nos concitoyens.

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