Le téléphone et l'hygiène

Aux environ des années 1910, un phénomène apparaît, la psychose de la tuberculose et d'autres virus.
Le téléphone est alors soupçonné de véhiculer le virus.

En effet dès 1908 un artile de presse en Allemagne relatait :
Téléphone et tuberculose.
Il paraît qu'il faut se méfier des appareils téléphoniques. Non contents de ne pas vous mettre en rapport avec les personnes à qui vous voulez parler, ces objets semblent contenir de véritables colonies de bacilles. D'après le journal anglais « The Lancet », il a été possible de tuer deux cobayes par la tuberculose en leur injectant les poussières recueillies dans une cabine téléphonique publique, sur la partie de l'appareil au-dessus de laquelle on parle.
Il est vrai que nous respirons ces impuretés et que nous ne nous les injectons pas. Mais les expériences de M. Kuss, faites sur des poussières de crachats, ont montré que les cobayes qui respirent ces poussières sèches étaient plus vivement contaminés que ceux auxquels on les injectait délayées.
Et voilà comment le téléphone a encore un inconvénient de plus, cela paraissait pourtant difficile.
Pour y remédier, la plus part des constructeurs proposent alors un combiné en forme de cornet qu’il était conseillé de désinfecter à l’aide d’un coton imprégné de formol ou d'autres produits.

1905 lu dans le Bulletin mensuel / Association des abonnés au téléphone

Le petit personnel des Téléphones
L'hygiène des bureaux. — Les ravages de la tuberculose. — Contre le « casque ». —
M. Bérard repousse les revendications des téléphonistes.
Nous avons vu toutes les chinoiseries des règlements et la sévérité des mesures administratives. Il serait à souhaiter cependant que le petit personnel des téléphones n'eût pas d'autres griefs à formuler. Le plus grave, c'est la situation hygiénique déplorable dans laquelle se trouvent tous les bureaux où travaillent les téléphonistes.
Ces bureaux sont heaucoup trop étroits pour le personnel qu’ils renferment; ils sont tous insulfisamment aérés: quelques-uns méme le sont jamais.
A Wagram, on a installe, faute de place, des apparcils devant les seules. fenélres du burean, qui sont ainsi condamnées. Le résulta de cet élat de choses ne s’est pas fait attendre: L'été dernier, quarante-sept pour cent des employés ont élé malades pendant la période des chaleurs.
A Port-Royal, il n'y a que deux petites fenétres, placées une au-dessous de l'autre, pour une salle de 120 personnes passent la journée. Encore ne les ouvre-t on jamais parce que l'une donne froid aux pieds et d'autre froid à la téte & la surveillante, qui est assise a coté et qui est trés ftrileuse.
La nuit, les surveillants couchent dans la piéce ou les demoiselles du téléphone passeront la journée. Ils fument et crachent. Un écrriteau porte pourtant: « Défense de fumer». Il parait que l'interdiction n’est valable que pendant la journée sans doule pour les dames ?
Le matin, quand les surveillants sont partis, la piéce est balayée a sec, sans que les fenétres soient ouvertes. Jamais de lavages a l'eau, encore.moins avec des anltseptiques.
Lorsque les téléphonisles prennént leur service à 7 heures, l'air est irrespirable.
A Porl-Royal, une employée voulu venir le matin à sept heures moins cinc pour ouvrir les fenélres. On lui répondit séchement que son service ne commencait qu'a sept heures, el qu’elle n’avait pas à s’oceuper de ce qui se passait dans le bureaun auparavant.
Aussi les employées vont-elles prendre I'air... dans les waler-closets ! C'est, pour elles, le seul endroit ot 'on respire (!) et ou il est possible d’ouvrir Ia fenélre. Lorsque la surveillante leur accorde deux minutes de répit dans Faprés-midi, elles se hatent vers le buen retiro ou elles font leur frugal gouter en prenant l’air à la fenétre... Les collegiens,eux, se contenlent d’y fumer !
Si un induslriel ou un commercant tenait ses locaux dans un pareil état d'insalubrité ; il serait anssitôt poursuivi et condamné pour infraction aux lois protectrices de l'hygiène des travailleurs. N'est-il pas scandaleux que l'Etat, au lieu de donner le bon exemple, puisse braver impunément la loi et traiter ses employés une fois plus mal que les particuliers ?
Mais l'inspection médicale ? dira-t-on. Elle est absolument illusoire. L'inspecteur, lors de sa visite, qui est prévue, jette un coup d'oeil rapide et interroge deux trois employées.
Ce jour-là, le bureau — une fois n'est pas coutume a été soigneusement aéré et approprié. Les téléphonistes interrogées savent à quelles représailles elles s'exposeraient en signalant les innombrables abus. Elles déclarent que tout va bien — comme dans la chanson. — L'inspecteur félicite le chef de
service et s'en va en se frottant les mains. Au lendemain de cette petite comédie, tout commence à aller de mal en pis comme par le passé.
Les inspecteurs pourraient cependant s'alarmer à certains indices. Dans chaque bureau la tuberculose sous toutes ses formes fait par an, en moyenne, deux ou trois victimes.
N'est-ce pas vraiment effrayant ? C'est la laryngite tuberculeuse qui cause le plus de ravages.
L'administration fait preuve, en cette matière, d'une inconscience vraiment extraordinaire. Dans un milieu qui, hélas ! ne prédispose que trop à la terrible maladie, elle introduit des employées déjà tuberculetises qui sont toutes prêtes à contaminer leurs collègues. On nous a cité plusieurs bureaux où le fait s'est produit. Il y a cependant un examen médical à l'entrée de cette carrière. Par quelle aberration accepte-t-on des tuberculeuses qui ne peuvent supporter un service aussi fatiguant ?
Une employée tuberculeuse, nommée le 1er novembre dans un bureau du sud de Paris, a été obligée de demander un congé au bout de quinze jours. Une deuxième, qui est dans le même état de santé, a été mise aux écritures, au détriment d'anciennes téléphonistes, qui ambitionnent ce poste plus reposant pour se remettre des fatigues de l'appareil. Une troisième, tuberculeuse également, est obligée de se reposer un jour sur deux ou trois. Une
quatrième non-valeur — dont l'intelligence est si bornée qu'elle est incapable de donner une communication compte également dans l'effectif du bureau, ce qui surcharge d'autant les autres téléphonistes, obligées de faire le service des incapables et des malades.
1911 lu dans le Bulletin mensuel / Association des abonnés au téléphone

Nous croyons intéressant pour nos lecteurs de reproduire l'article ci-dessous, paru récemment dans Excelsior :

. La désinfection du téléphone et son antiseptisation constituent un des problèmes d'hygiène sociale, les plus importants à résoudre.

Le progrès n'apporte pas toujours, avec lui, la perfection absolue. C'est le cas du téléphone, qui, tout en rendant les plus grands services, est un danger de contagion grave, permanent pour la santé publique.

Chaque fois, dans la cabine étroite, privée d'air salubre, où d'autres personnes, plus ou moins contaminées, nous ont précédés, nous nous exposons à prendre, avec la communication, les germes nocifs des maladies les plus redoutables, dont le plus terrible est encore la tuberculose, la grande faucheuse de l'humanité. Un trait qui, en hygiène sociale, comme dans toutes les circonstances de la vie d'ailleurs, peint très bien, dans la société intelligente, dans les pouvoirs dirigeants, et, il faut bien le confesser, chez les médecins et les hygiénistes même,.cette espèce de torpeur, de mépris du danger éloigné, la maladie contagieuse, qui agit, brusquement et brutalement, nous terrorise. Les moyens les plus extraordinaires sont employés pour endiguer le mal. Mais celle-là, dont les effets bien plus terribles s'opèrent lentement, à longue échéance, nous laisse presque indifférents.

Voyez ce qui a été fait pour les maladies épidémiques, le choléra, la peste, la fièvre jaune et tous les fléaux, qui terrifient l'humanité par leurs effets immédiats.

Grâce aux efforts des Etats réunis, aux mesures prophylactiques, aux cordons sanitaires, ces terribles épidémies sont devenues, pour nous Européens, quantité négligeable.

Et l'effrayante tuberculose, qui nous guette partout, dont les ravages lointains sont encore plus meurtriers que les atteintes immédiates de toutes les maladies dites contagieuses, par l'emploi du téléphone public, conserve, pour ainsi dire, parmi nous, son entrée officielle.

Si l'on disait à la foule, qui attend son tour à la cabine téléphonique, qu'un pestiféré ou un cholérique vient de se servir du téléphone, elle s'éloignerait de l'appareil remplie d'épouvante. Or. à chaque fois que nous nous servons d'un téléphone public, nous pouvons être certains qu'un bacille de Koch est là, qui nous guette, nous attend.

Songez que l'homicide bacille, déposé sur la plaque communicative et sur les récepteurs, conserve sa virulence, pendant des années. Qui pourrajamais dire, dans ces conditions, le contingent de léthalité, que nous occasionne quotidiennement le contagium téléphonique ?

D'autres Etats de l'Europe, l'Allemagne surtout, plus avisés que nous, stérilisent depuis longtemps leurs appareils.

En France, où l'on fait tant pour l'hygiène, on est réellement stupéfait que, dans cette voie importante, rien, jusqu'alors, n'ait été tenté pour préserver la santé publique, en dépit des éloquentes protestations de notre éminent confrère le docteur LACHAUD, qui s'est, comme hygiéniste, acquis à la Chambre des députés une autorité bien justifiée par la lutte sans merci qu'il poursuit contre les microbes.

Aussi, tous les hygiénistes accompagnent de leurs voeux l'initiative privée, qui vient de se constituer sous le nom de : « SOCIÉTÉ du PHONÉPOL », pour la désinfection des téléphones.

« Vaut mieux tard que jamais », nous dit la sagesse des nations.

On ne saurait qu'applaudir à la décision de l'Etat et celle des administrations centrales, telles que Postes et Télégraphes, Chemins de fer, Douanes, Police, comptant un nombreux personnel et qui étudient, en ce moment, les propositions qui leur sont faites par la Société du « PHONÉSOL ».

Le « Phonésol », d'après les microbiologistes les plus compétents, est unmicrobicide énergique de la Tuberculose, de la Diphtérie, de la Fièvre typhoïde et de la Pneumonie. Il agirait, à là fois, comme bactéricide et comme vernis, s'opposant au contact des bacilles, sans nuire à la sonorité des appareils.

Mais, dans pareille question, où il y va de la santé publique, le procédé de désinfection employé employé pas plus que les personnes. La question est plus haute.

L'initiative privée, qu'on ne saurait trop encourager dans, la circonstance, a donné une idée féconde. Elle germera et l'Etat, sous peine de manquer à son rôle de gardien de ta santé publique, est forcé, dans un avenir prochain, emboîtant le pas aux sociétés privées, de présenter enfin au public ses appareils stérilisés.

Ce jour-là, ardement attendu par ce public, une lacune, qui a vécu trop longtemps, sera comblée clans l'hygiène publique de la France.

Dr LKPINAY,
Ex-chirurgien de lu maison de santé du Bon Secours, à Paris.

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Les constructeurs répondent à ce nouveaux besoin en inventant des combinés (micro + écouteurs) avec des noms de baptêmes comme : Soliphone chez Charron & Bellanger, Solophone chez Kusnick; Monophone chez SIT, Aérophone cher Berliner, Sanophone, Hygéaphone ...

Les téléphones hygiènique des années 1900 - 1940
le Soliphone, ou Solophone Kusnick
.
De formes diverses
Le monophone SIT

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Quelques modèles de monophones hygiéniques :


Kellogg


Aboilard


Aoip

Charron Bellanger

Berliner

Brunet

Bergunder

Mildé


Eurieult


Pernet

Mildé

Picart Lebas

Sit

Sit

Sit

Thomson


Thomson


Thomson

Kusnick

1914

1924

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2020 Même sans parler de virus qui proliférent à l'intérieur des smartphones, côté hygiène c'est pas mieux.

Avec les Smartphones : l’écran livre des détails sur notre hygiène de vie
Par Audrey Vaugrente

Les écrans de nos smartphones recèlent des traces de boissons, d'aliments ou encore de médicaments qui s'y déposent durablement.

Les écrans de nos smartphones sont sales, ça n’est pas nouveau. Mais jusqu’à quel point ?
Les plus informés répondront qu'ils sont moins propres que des cuvettes de toilettes. Les plus soigneux expliqueront qu’il est dénué de toute trace de doigt. Les bactéries, elles, persistent longtemps. Et elles ne sont pas les seules, à en croire une étude parue dans PNAS, la revue de l’Académie Américaine des Sciences. Nourriture, cosmétiques et répulsifs se côtoient joyeusement sur les mobiles que nous affectionnons tant.

Dans le monde, 280 millions de personnes sont accros à leur portable. Les 39 adultes qui ont participé à ces travaux ne verront sans doute plus leur téléphone de la même façon. Dans les locaux de l’Université de Californie à San Diego (Etats-Unis), ils ont accepté de livrer leur appareil à une analyse particulière. Les chercheurs ont passé des cotons tige sur 4 zones du téléphone et 8 parties de leur main droite.

Un portrait robot

Les résultats sont loin d’être ragoûtants puisque des traces de nourriture se sont déposées durablement sur les écrans tactiles. En tête : citron, café, herbes aromatiques et épices. Un cocktail a priori alléchant s’il ne côtoyait pas divers produits d’hygiène personnell, ainsi que des restes de médicaments. Crèmes anti-inflammatoire ou antifongiques, gouttes pour les yeux et autres antidépresseurs se trouvent également sur la surface analysée. Pour couronner le tout, des écrans solaires et un insecticide répulsif contre les moustiques a été détecté. Et pourtant, ces produits n’avaient pas été utilisés depuis plusieurs mois.

Le résultat est si précis qu’il titille l’imagination des chercheurs. A partir d’un simple échantillon, dresser le portrait du propriétaire est possible. Est-ce une femme ou un homme ? Utilise-t-il des cosmétiques ? Quelles boissons préfère-t-il ? De quelles pathologies souffre-t-il ? « C’est le genre d’information qui peuvent aider un enquêteur à resserrer ses recherches », avance Amina Bouslimani.

Suivre les patients

Le projet date de 2015, date d’une première étude menée par la même équipe. Elle note alors que cosmétiques et produits d’hygiène se transmettent sur les surfaces, y compris les téléphones portables. Cette étude apporte une preuve de concept. Pieter Dorrestein, qui signe cette publication, n’hésite pas à aller au-delà de ses résultats. « Il est possible d’imaginer un scénario de scène de crime, où l’enquêteur trouve un objet personnel – un téléphone, un crayon ou une clé par exemple – qui ne possède pas d’empreintes digitales ou d’ADN ou qu’ils ne sont pas répertoriés », explique-t-il.

La police scientifique est en effet un domaine d’application prometteur, mais aussi très large. Pour y parvenir, il faudrait cataloguer l’ensemble des matières textiles, des aliments, des médicaments… Un travail colossal.
Un autre secteur est à envisager, celui de la santé. En analysant les variations des métabolites de la peau, les médecins pourraient s’assurer que leurs patients suivent bien leur traitement. Reste à savoir si ces derniers se plieront à une surveillance si stricte, voire infantilisante.

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