L'ASSOCIATION DES ABONNÉS AU TELEPHONE

1904, le mécontentement des usagers du téléphone prend de l'ampleur sur tout le territoire national.

Le Marquis Maurice de Montebello (1867-1917) neveu de notre ancien ambassadeur à Saint-Pétersbourg, créé une association nationale dans le but de défendre les intérêts des abonnés au téléphone. Il est propriétaire d'un magnifique domaine et d'une laiterie dite de la Bruyère à Souméras en Charente-Maritime, il loue les locaux durant un certain temps et y fabrique un excellent beurre vendu aux halles centrales de Paris, ainsi qu’en région parisienne. À l’Exposition Universelle tenue à Paris en 1901, la laiterie de Chadenac est ainsi déjà récompensée pour l'excellence de ses beurres.

Le Conseil Général de la Charente-Inférieure, sur la proposition de M. Maurice de Montebello, Conseiller Général pour le canton de Montendre,
a émis, à l'unanimité, le voeu que le Sons-Secrétaire d'Etat des postes poursuive activement l'amélioration des services téléphoniques, par la réforme des règlements en vigueur, la diminution du prix de l'abonnementet l'augmentation du personnel et du matériel.
La. question des téléphones étant, au premier chef, une question d'ordre général, intéressant par conséquent tous les départements de la France, il fant espérer que l'exemple donné, sur l'initiative de M. Maurice 'de Montebello, par le Conseil Général de la. Charente-Inférieure, sera suivi par bien des Conseils Généraux au cours de leur prochaine session .

En 1904 Marcel Sembat, député de la Seine, rapporteur du budget des P&T, présente au parlement un rapport au nom de la commission du budget, il mentionne : "L'excès du mal, parfois engendre le remède et la crise téléphonique a durant l'été dernier, amené la constitution d'un organisme nouveau et précieux : L'association des abonnés au téléphone.
La tentative mérite d'être signalée et suivie ... cette association a de l'avenir et nous présente un exemplaire typique d'une forme de groupement qui se développera de plus en plus dans les sociétés futures : les groupements de consommateurs ... " Annonce très prémonitoire.

Voici retranscrit dans cette page quelques récits trouvés dans ces publications des premières années, les difficultés du métier d'Opératrice avec les premiers systèmes téléphoniques manuels.

sommaire

On peut lire à la première page du "Journal des débats politiques et littéraires" du 20 avril 2004 :
"Une nouvelle ligne"
A la suite des réflexions que nous avons publiées il y a quelques jours sur la tyrannie de l'Etat industriel, plusieurs de nos lecteurs nous ont signalé l'utilité qu'il y aurait à grouper en vue d'une action commune les victimes de ce despotisme. Cette pensée a également inspiré à M. Maurice de Montebolto la rédaction d'une circulaire qu'il vient d'adresser aux abonnes du téléphone, et par laquelle il leur propose de former une Association pour la défense de leurs intérêts. Le but de ce Syndicat d'un nouveau genre serait d'obtenir la réduction des tarifs promise depuis trois ans, l'amélioration des services par l'augmentation du personnel et le perfectionnement du matériel, et généralement toutes les réformes qu'il convient d'apporter au ré gime téléphonique actuel.
M. de Montebello invite les abonnés à lui faire savoir à son domicile, 6, rue de Greffulhe, s'ils approuvent son idée en principe, et il annonce qu'il convoquera prochainement les adhérents à une assemblée générale. Nous applaudissons de tout cœur à son initiative. Les abonnés du téléphone ont les plus légitimes sujets de plainte. L'Etat leur fait payer un prix exorbitant pour un service très mal fait. Il leur impose des règlements arbitraires, tels que celui dont on a tant parlé depuis quelques semaines, et qui lui permet de priver du téléphone les clients dont il est mécontent, comme on met un enfant au pain soc. Quand on l'accuse de préssurer et de mal servir sa clientèle, il répond, dans des communications officieuses adressées aux journaux, que son administration n'est pas responsable, et que les Chambres sont seules en faute, parce qu'elles lui refusent les fonds nécessaires. C'est une mauvaise défaite, d'abord parce que l'absence de ressources n'explique et n'excuse pas le caractère draconien des règlements imposés aux abonnés puis, parce que le Parlement ne repousse en aucune façon les demandes de crédit qui lui sont adressées pour améliorer le service du téléphone.
Ainsi, au budget de 1904, le gouvernement avait inscrit des crédits importants pour l'accroissement du personnel et du matériel ces crédits n'ont pas été réduits par les Chambres. La vérité, tout le monde la connaît c'est que l'Etat est un détestable exploitant. On n'a pas à espérer qu'il renonce à un monopole dont il est investi. Mais on peut, au moins, faire en sorte qu'il ne traite pas avec son dédain habituel les réclamations dont il est saisi. Tant que ces réclamations seront individuelles, elles resteront certainement impuissantes, Il en sera autrement si elles sont présentées et défendues par une Association sérieuse, assez bien organisée pour faire une enquête impartiale sur les Le Conseil Général de la Charente-Inférieure, sur la proposition de M. Maurice de Montebello, Conseiller Général pour le canton de Montendre,
a émis, à l'unanimité, le voeu que le Sons-Secrétaire d'Etat des postes poursuive activement l'amélioration des services téléphoniques, par la réforme des règlements en vigueur, la diminution du prix de l'abonnementet l'augmentation du personnel et du matériel.
La. question des téléphones étant, au premier chef, une question d'ordre général, intéressant par conséquent tous les départements de la France, il fant espérer que l'exemple donné, sur l'initiative de M. Maurice 'de Montebello, par le ConseilGénéral de la. Charente-Inférieure, sera suivi par bien des Conseils Généraux au cours de leur prochaine session . de ses membres avant de leur donner son appui, dotée d'assez de ressources pour les soutenir, au besoin, devant les tribunaux. Nous ne croyons pas beaucoup à la possibilité d'une grève des abonnés du téléphone. Cette arme, si souvent employée par d'autres Syndicats, ne sera guère à la portée de la Ligue projetée mais elle aura à sa disposition d'autres moyens d'action éfficaces, et nous lui souhaitons le meilleur succès.

sommaire

Dans le "Journal des débats politiques et littéraires" du 20 avril 2004 on lisait :

L'affaire de l'actrice Sylviac au téléphone.
Après s'être vue arbitrairement privée de l'usage de son téléphone pendant quinze jours, Mlle Sylviac à pu reprendre ses conversations téléphoniques.
Mais l'administration des postes, télégraphes et téléphones est sans pitié, elle poursuit, comme on sait, Mlle Sylviac devant les tribunaux sous l'inculpation d'outrages à des fonctionnaires chargés d'un service public.
Mlle Sylviac, assistée de son avocat, M Chenu, a comparu, hier, au Palais de Justice, devant M.Cail, juge d'instruction.
Mlle Sylviac s'est défendue d'avoir à aucun moment injurié la téléphoniste et la surveillante du bureau auxquelles elle demandait, sans succès, une
communication. Elle a expliqué l'emploi du mot "vachère" qui lui est attribué comme outrage.
Ce mot, a-t-elle déclaré, ne constitue pas une injure, car il n'a pas été dit a la demoiselle qui, pendant trois quarts d'heure m'avait fait attendre la communication. J'avais demande la personne qui est chargée de recevoir les réclamations du public, et c'est à cette personne que j'ai dit «"Vos employées se conduisent comme des vachères" . Le mot ne s'appliquait, vous le voyez, que d'une manière indirecte aux demoiselles du téléphone. Ce n'était pas a elles que je m'adressais; je qualifiais leur conduite devant la personne qui devait faire une enquête sur ma réclamation.
D'ailleurs Mlle Sylviac riposte aux prétentions de l'administration en produisant une lettre, portant l'en-tête d'un ministère, dans laquelle un fonctionnaire, écrivant à un autre fonctionnaire, se sert de mots grossiers et injurieux envers la jeune femme et les journalistes qui ont apprécié l'incident.
Toutefois, l'inculpée s'est refusée à verser cette pièce au dossier, déclarant qu'elle ferait partie des nombreux documents dont son avocat se réserve de donner communication aux juges le jour de l'audience.
Le marquis Maurice de Montebello, neveu de notre ancien ambassadeur à Saint-Pétersbourg,vient de se mettre à la tête d'une Ligue, à laquelle il invite à adhérer tous les abonnés du téléphone décidés à obtcnir des réformes qu'on se plaint d'avoir trop longtemps attendues.
Le siège de cette Ligue est établi 6, rue Greffulhe.
M. de Montebello a adressé une circulaire à tous les abonnés du réseau parisien et, dès que le nombre des adhérents sera assaz élevé, il les convoquera à une assemblée générale qui fixera les statut .

La procédure engagée permit de reconnaître que les employés du téléphone étaient chargés d’un service public.
Ces demoiselles sont aussi des cibles parfaites pour les clients mécontents du service. On leur reproche leur mauvaise humeur ainsi que la lenteur d'établissement des communications. Dans le contexte du début du XXe siècle, les abonnés sont surtout des gens fortunés qui ne supportent pas que le « petit personnel » ait autant d'influence sur leurs affaires. Pourtant, des concours d'efficacité sont organisés pour améliorer la qualité du service : on met en compétition des opératrices pour assurer le maximum de connexions à l'heure. Les records sont de l'ordre de 400 établissements de connexion à l'heure, qui correspond à une communication toutes les dix secondes

Le 14 avril 2004, M. de Montebello diffuse la lettre suivante :

"Monsieur et cher co-abonné",
La question des téléphones est l'ordre du jour. Nous sommes d'accord pour protester contre une administration tyrannique, coûteuse et routinière, qui abuse de son monopole et de notre faiblesse, qui réalise chaque année près de 10 millions de bénéfice à nos dépens, sans nous donner aucune satisfaction. Mais il s'agit de rendre nos protestations efficaces. Quelques amis et moi, nous avons donc pensé que le moment était venu de former nos intérêts et obtenir de l'administration la réduction des tarifs promise depuis trois ans, l'amélioration des services par l'augmentation du personnel et par le perfectionnement du matériel, en un mot, pour étudier et faire aboutir toutes les réformes qu'il convient d'apporter au régime téléphonique actuel.
Si, comme nous le croyons, vous êtes de notre avis, veuillez nous le faire savoir et vous nous adresserons une convocation pour l'assemblée générale des abonnés au téléphone que nous proposons de réunir incessamment
.... (voir l'article L'avenir de la Vienne du 22 avril 1904)

M. de Montebello annonce que l'Association a pris en main la défense de M. Belloche, qu'elle soutiendra la demande en dommages et intérêts de M"° Sylviâc devant le Conseil d'Etat et le Tribunal civil, pour suspension abusive de son abonnement, et que d'autres procès vont être intentés à l'Administration, devant les Tribunaux compétents.
..

En juin la 11° chambre condamnait M. Bellbche, notre dévoué délégué du XIII arrondissement, à 100 francs d'amende, condamnation dont il fit d'ailleurs immédiatement appel. Nous nous sommes jamais beaucoup, émus de cette singulière doctrine; qui nous semblait relever plutôt du domaine de la fantaisie que de celui de là jurisprudence. Si une telle doctrine, en effet, avait été admise, il suffisait d'émargerà l'un quelconque des budgets de l'Etat — et Dieu sait s'il y en a! pour être revêtu de la qualitéde fonction de fonctionnaire public !
Et, dans ce cas, à combien de poursuites ne nous verrions nous journellement exposés car, en somme, peut-on prétendre qu'il n'entre pas quelquefois un peu d'énervement dans nos rapports avec l'arroseur qui nous inonde, le balayeur qui nous rudoie ou même le conducteur d'un tilbury des Postes qui nous écrase! Nous étions bien convaincus que la Cour d'appel infirmerait un tel jugement... et nous adressions à M. Belloche, en même temp que nos voeux, toutes nos félicitations pour son au courage ! La suite des événements nous donna raison.
Nos lecteurs se souviennent du cas de M. Belloche, accusé d'avoi rproférédes injures envers les demoiselles du téléphone.
M. Belloche affirmait que pendant sa communication trois abonnés étaient en dérivation sur la ligne, et convaincu qu'il lui serait impossible de communiquerdans ces conditions, il avait raccroché ses récepteurs et coupé sa conversation, laissant les trois autres abonnés continuer leur cacophonie.
L'Administration,qui exigeait une condamnation, trouva tout simple d'affirmer, par un faux témoignage dont, hélas ! nous craignons bien qu'il ne lui sera jamais demandé compte, que ces dérivations étaient impossibles !
Nos adhérents savent à quoi s'en tenir sur la véracité de pareille affirmation, mais l'indignation qu'ils ressentirent en apprenant ces faits ne resta pas platonique. Sans que nous leur eussions rien demandé à ce sujet, tous ceux de nos camarades auxquels il advint la même aventure qu'à M. Belloche se firent un plaisir, un devoir même, de ; nous écrire en nous relatant les faits et en nous donnant, de la façon la plus circonstanciée, les détails indispensables d'heures, de lieu, et les numéros des 3, 4, 5 abonnés mêmes, qui causaient en même temps.
Ces lettres, entre autres celles de MM. Bondonneau, Jamin, E. Jean, etc., furent transmises par nos soins à l'avocat de M. Belloche,
Mr L. Schmol
La Cour d'appel n'eut même pas à entrer dans le fond de l'affaire. Me Rougeot, avoué, membre de notre Commission judiciaire, et Mr L. Schmoll déposèrent des conclusions que la Cour fit siennes et sur lesquelles fut rendu l'arrêt suivant :
AFFAIRE BELLOCHE
Président : M. BENOIT. Avocat général : M. RAMBAUD (concl. conformes). Avocat : Me Louis SCHMOLL.
ARRÊT
Attendu qu'on ne saurait considérer comme chargées d'un ministère de service public toutes les personnes qui sont, à titre quelconque, employées à un travail déterminé par une administration publique ; qu'un grand nombre d'entre elles ne sont que de véritables commis ou de simples ouvriers;
Attendu que les employés au service des « téléphones ne sont investis d'aucune portion de l'autorité publique; que notamment la dame Meysellés, dont le travail consiste spécialement à donner la communication téléphonique aux abonnés qui en font la demande, n'est, si son emploi est d'un intérêt public, ni un agent dépositaire de l'autorité publique, ni un citoyen chargé d'un ministère de service public ;
Attendu que, sans rechercher si les parôles outrageantes imputées au prévenu ont été réellement prononcées, il résulte de ce qui précède que l'art. 224 du Code pénal étant sans application dans l'espèce, l'inculpation n'est pas justifiée et qu'en conséquence Belloche doit être renvoyé des fins de la poursuite ; Par ces motifs : Infirme le jugement dont est appel. Renvoie Belloche des fins de la « poursuite sans dépens. »
Outre que cet arrêt renvoie définitivement des fins de la plainte l'un des deux accusés du 1er Juin, il ajoute un. argument nouveau au procès de Me Sylviac. Nous adressons nos plus vives félicitations à Me L. Sçhmoll pour le véritable succès qu'il vient de remporter.

Un mois plus tard la Cour d'appel de Paris vient de se prononcer en ce sens, à l'occasion d'un abonné, M. Belloche qui, moins heureux que Mc Sylviac, avait été condamné en première instance à 100 francs d'amende pour injures envers les employées du téléphone.
Attendu que les employées au service des téléphones ne sont investies d'aucune portion de l'autorité publique, que, notamment, la dame N...,dont le travail consiste spécialement à donner la communication téléphonique aux abonnés qui en font la demande, n'est, si son emploi est d'un intérêt public, ni un agent dépositaire de l'autorité publique ni un citoyen chargé d'un ministère de service public. ».
Est-ce à dire que l'on peut impunément insulter les demoiselles du téléphone ? Un goujat ou un impatient furibond pourront-ils exhaler leur frénésie en outrages à leur adresse ? Pas le moins du monde.
On n'a pas plus le droit de les injurier par téléphone qu'on n'a le droit de les injurier chez elles I ou dans la rue, La protectionlégale s'étend sur elles comme sur l'ensemble des citoyens, ni plus ni moins. Le grossier personnage qui les offense est punissable comme s'il offensait n'importe quelle jeune fille ou dame. Le droit commun suffit à les défendre.
L'arrêt de la cour d'appel fixe, nous le supposons, la jurisprudence et signifie à l'administration qu'elle ne doit pas s'obstiner dans ses prétentions. C'est ce qui nous dispense de solliciter une indication formelle du Parlement sur ce point. Mais si, dans l'avenir, il se produisait à cet égard le moindre doute il est bien entendu que la Chambre devrait enjoindre à l'administration de se contenter, en matière répressive, du droit commun.
Comme M. Sembat, nous avions supposé que l'arrêt de la Cour d'appel fixerait la jurisprudence sur l'application de l'article 224. Nous avions cru que l'Administration s'inclinerait devant cet arrêt et qu'elle cesserait d'émettre la prétention ridicule de faire attribuer aux demoiselles du Téléphone la qualité de « fonctionnaires ».
Nos lecteurs savent qu'il n'en est rien et que l'Administration, s'obstinant dans sa conception spéciale des attributions des opérations, a formulé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de là Cour d'appel. Nous soumettons le cas à M. Marcel Sembat, et nous attendons de lui qu'il demande à la Chambre « d'enjoindre à l'Administration de se contenter, en matière répressive, dii droit com mun ». Et ce sera justice...

Le premier bulletin de l'association est diffusée en Juillet 1904 .

Ces bulletins racontent les nombreuses plaintes d'abonnés au téléphone, dont dans le bulletin N°2 paru en Aôut 1904 on lisait:
Nous n'allons pas transcrire tous les démêlés avec l'Administration au fil des ans mais commençont par le premier :

Chaque année de 1904 à 1914 le bulletin affichera en première page l'encadré ci dessous :

"LES TELEPHONES"
"ASSOCIATION DES ABONNÉS"

« L'excès du mal, parfois, engendre le remède; et la crise téléphonique a, durant l'été dernier, amené la constitution d'un organisme nouveau et précieux : L' ASSOCIATIONIES ABONNÉS AU TÉLÉPHONE. La tentative mérite d'être signalée et suivie, parce que, d'abord, elle est d'un intérêt immédiatet peut faciliter beaucoup la lâche du Parlement et de l'Administration; ensuite parce qu'elle a de l'avenir et nous présente un exemplaire typique d'une forme de groupement qui se développera de plus en plus dans les sociétés futures : les groupements de consommateurs.
Le Parlement et l'Administration doivent donc s'habituer à tenir compte de ces Associations qui unissent les gens spécialement intéressés au bon fonctionnement dé telle ou telle industrie d'Etat. Les représentants de l'Etat ne doivent traiter ni en intrus, ni en adversaires ces citoyens qui ont le droit d'exiger d'être bien servis et dont le concours peut apporter une aide efficace et indispensable a la réussite de l'exploitation. Pour faciliter cette collaboration, un groupement des Abonnés, l'ASSOCIATION DES ABONNÉS AU TÉLÉPHONE, est nécessaire. Il ne faut pas le décourager, mais l'encourager, au contraire, en lui prouvant qu'on tient compte de ses doléances, accueillir ses délégués, les initier au fonctionnement de tous les rouages, solliciter leur contrôle »
(Extrait du Rapportprésentéau Parlement, av nom de la Commission du Budget, par M. MARCEL SEMBAT, Député de la Seine,Rapporteur du Budget des Postes Télégraphes et Téléphones )

Nombre d'adhérents à l'Association au début :
Au 15 octobre 1904 ......1.882
Au 31 décembre 1904... 2.647
Au 19 avril 1905........... 6.553

Vous pouvez consulter, lire les Bulletins de L'association des abonnés au téléphone (en pdf)
Année 1904 N°2 Aôut, N°3 Septembre, N°4 Octobre, N°5 Novembre, N°6 Décembre . Les autres années sont en bas de page.

sommaire

CONSEIL D'ADMINISTRATION Séance du 27 Juillet. 1904
La séance est ouverte à 4 h 1/2 sous la Présidence de M1 Max-Vincent.
Présents : MM. Max-Vincent, P. Cretenier, E. Archdeacon, P. Munier, D 1' Trognon.
Excusés : MM. de Montebello, F. Thévin, Lanzanne.
Le procès verbal de la séance précédente est lu et adopté.
Le Conseil examine diverses questions d'ordre intérieur auxquelles il donne la suite qu'elles comportent.
Il prend connaissance d'une lettre de M. G. Loche relative au fonctionnement défectueux du service téléphonique et décide de la transmettre officiellement à M. le Sous-Secrétaire d'Etat en le priant instamment de vouloir bien faire à ce sujet une enquête minutieuse.
Le Conseil procède ensuite ...

Les Nouveaux crédits, — Mes démêlés avec l'Administration.

Mes démêlés avec l'Administration
Le 24 juin, à 5 heures moins 10 après dix minutes d'appel infructueux, j'obtins, par l'entremise du chef cle bureau, le 512.49. Vingt minutes après, cet abonné me demanda, pour me donner la réponse que j'attendais. On lui. dit: «Ne répond pas». Il insiste, sait que je suis à l'autre bout du fil attendant sa "réponse, la surveillante, l'électricien lui font, la même réponse et me signalent paralt-il, à 5 h. 18 comme ne répondant pas. On m'envoie alors par exprès la réponse que l'administration des téléphones ne voulait pas me transmettre.
Or mon téléphone est sur mon bureau; je n'ai pas quitté mon cabinet de 5 heures à 6 h. 1/2 el aucun appel n'a été fait au téléphone, j'ai des témoins.
A 6 heures 1/2, apprenant le sans-gêne de l'administration, je réclame; le chef de bureau enquête (! ! !) et me dit que renseignements pris, il est impossible qu'on ne m'ait pas sonné, Il réponds que je ne cherche pas à plaisanter, que je dépose une plainte formelle et demande au chef de bureau s'il se charge d'y faire donner suite. Il m'offre le bureau des réclamations, j'accepte : le bureau des réclamalions ne répond pas ! ! !
Cette fois je me fâche, je l'obtiens, il a enfin entendu la sonnerie.
J'exige la visite d'un inspecteur à qui je veux faire constater la situation de mon téléphone et à qui je veux dire personnellement les nombreux sujets de plainte que j'ai depuis quelque temps.
Le lendemain malin à 8 heures on sonne : C'est l'administration qui veut vérifier si le service est bien fait chez moi et si on répond aux appels : naturellement je réponds puisque cette fois on a sonné. A 10 heures, l'électricien vient; on examine mon téléphone tout est en pur rail, état, pas le plus petit bibelot malin qui détourne à son profit le courant électrique.
Cinq jours après je reçois la visite de l'inspecteur réclamé, poncif, onctueux, administratif !!
Je lui raconte ce qui s'est passé, je lui dis que la nouvelle façon de ces demoiselles est de dire « ne répond pas » pour simplifier le service, sans môme appeler l'abonné; c'est une habitude générale et je lui signale les notes prises par moi sur les différentes communications de la semaine :
Le 18 juin à 5 h. 45 je demande le 566.58, un fleuriste « il ne répond pas » — j'appelle la surveillante «il ne répond pas » — je proteste et j'en appelle en dernier ressort au chef de bureau auquel j'entends qu'on me présente par ces mois « c'est cet, abonné qui s'entête à avoir sa communication » — (pauvre moi)! Par le chef de bureau j'obtiens imméditatemenl la communication — (il esl 10 heures 10) et j'apprends que mon fleuriste a bien été appelé au téléphone mais que la téléphoniste lui a répondu : « c'est une erreur, retirez-vous. »
Le 24 juin le matin à 10 h. 15, le soir à 5 h. 40 le n° 545.35 lui aussi : « ne répond pas. »
Enfin le 28 juin à 10 h. du malin, le 154.18, mon argent de change ne répond pas non plus, atteint lui aussi de cette maladie étrange qui fait que les malheureuses demoiselles du téléphonne malgré leur zèle, ne peuvent obtenir que les abonnés viennent à . l'appareil.
Lui aussi, 1/4 d'heure plus tard m'affirme naturellement qu'on ne l'a jamais demandé.
Mon inspecteur a écouté tout cela, et tout cela lui a paru absolument normal; d'après l'enquête faite auprès de ces demoiselles, il est inadmissible de soutenir que l'on ne m'a pas sonné le 24 juin. Pourquoi alors l'appareil qui est chez moi, entretenu par l'admiirislralion, n'a-i-il pas fonctionné, puisqu'il est en bon état ? Mystère.
Le fait du fleuriste est très normal aussi — pendant que je réclamais au chef-cle bureau, ces demoiselles ont continué a. demander le fleuriste et, quand il a répondu on n'a pas pu me mettre en communication avec lui, puisque je causais avec le chef de bureau (sic ! ! !).
L'agent cle change, c'est bien simple, ses employés sont négligents.
Quand j'ai vu le résultat cle ma plainte, j'ai dit à l'inspecteur que je regrettais infiniment de l'avoir dérangé puisqu'il m'apportait une apologie au lieu des excuses que j'étais en droit d'attendre de l'administration avec promesse d'amélioration. Mais, comme je paye 400 fr. par au, plus l'entretien des postes chez moi, j'ai droit à ce que mon timbre sonne, quand on m'appelle, et à. ce que l'on avertisse les abonnés quand je les demande.
Est-ce trop demander au personnel que d'exiger qu'il fournisse le travail pour lequel nous le payons — et à qui faut-il s'adresser pour obtenir une surveillance un peu sérieuse et non ces enquêtes-extraordinaires dont vient rendre compte cet onctueux inspecteur ?

Georges Loche
Avocat à la Cour d'Appel, 37, rue de Longchamp.

Le seul bon moyen a été employé par notre adhérent : il faut nous saisir de la plainte.
Nous ne nous contentons pas de la visite d'un inspecteur onctueux et administratif, et, en vertu des instructions données par M. Bérard à ses services, nous savons à qui nous adresser et nous ne lâchons prise qu'après entière satisfaction.
Mais, après cette aventure, M. Loche n'avai pas terminé avec ses déboires téléphoniques.

Notre correspondant vient, en effet, de nousfaire parvenir la lettre ci-dessous, ayant trait à à un incident analogue.
Monsieur,
Je continue à avoir les viêmes sujets de plainte de l'Administrationdu téléphone.
Aujourd'hui je vais aai Palais de justice pourchercher un renseignementurgent que je devais transmettre chez moi par téléphone, à 2 h. 1/2; à l'heure dite, de la, cabine publique du palais, " je demande mon n° 697-69. On me dit la phrase sacramentelle : ne répond pas. J'ai beau invoquer la surveillante, le chef de bureau, le bureau des réclamations, à 3 h. 20, au, bout de cinquante minutes, toujours la même chose ; or, je savais qiu'à cette heure même on attendait chez moi ma communication, j'en avise le 728-00 et le préviens que je vais prendre une voiture pour aller chez moi vérifier le fait. A 4 h. 5 je suis chez moi, je trouve mon monde inquiet de mon silence on n'avait pas sonné !
Je téléphone immédiatement au 728-00. Mon instrument, ma sonnerie, tout marche. On m'envoie un électricien qui, comme il y a un mois,
ne peut signaler une défectuosité. C'est donc encore une fois le mauvais fonctionnement d'un poste central, absence de surveillance du matériel ou des employés.
Quoi qu'il en soit, je demande à l'Administration qui n'a pas su assurer le service qu'elle mefait payer, de -nie rembourser la, somme de 2 fr. pria: du fiacre qui a remplacé la, communication.
Recevez je vous prie, Monsieur, l'assurance de ma considération très distinguée.
Gr. LOCHE.
Avocat à la Cour.
Nous avons immédiatement transmis cette plainte à l'administration, par la lettre c-dessous. Paris, le 28 juillet 1904.
Monsieur le Chef du. Cabinet,
Lors de l'audience que M. le Sous-Secrétaire l'Etat a bien voulu accorder M M., le Mu,rquis de Montebello, Président de l'Association des Abonnés au Téléphone, et à moi, Vice-Président de cette Association, M. Bérard, nous a fait, connaître qu'il avait donné à ses divers services des
instructions extrêmement précises afin que toutes les réclamations que nous pourrions lui, transmettre fussent examinées avec la plus grande attention.
Voulez-vous me permettre de vous signaler tout particulièrement la lettre ci-jointe ?
Le fait que nous signale M. Loche est loin d'être isolé,, c'est, par dizaines que nous recevons des plaintes de ce genre, et le signataire de cette, lettre, par une singulière coïncidence, a été victime, il y a quelques jours, d'une aventure analogue.
Si nous vous communiquons, entre tant d'autres, la lettre de M. Jjoche, c'est qu'elle est conçue en termes très précis, étayée de détails exacts
et minutieusementannotés, et que, de cette façon, elle vous permettra une enquête approfondie.
Si, en certaines circonstances, il est permis de faire la part des difficultés dm service et de l'encombrement des lignes, vous serez d'avis, Monsieur le Chef d.u Cabinet, qu'il ne nous est pas possible, en l'espèce, d'admettre les explications qu'ont bien, voulu donner à M. Loche lies divers agents qu'il a interrogés à ce snjet.
Il est imj)ossible que l'on soit sonné pendant trois quarts d'heure sans que l'on entende la dite sonnerie, et toutes les explications, plus ou moins
ingénieuses, que Von pourrait donner, ne prévaudront jamais contre ce seul fait : Quand on sonne, le timbre fonctionne, donc... quand il ne fonctionne pas, c'est que l'on n'a pas sonné.
Je vous serais très reconnaissant, Monsieur le Chef du Cabinet, de vouloir bien faire procéder à une enquête très sérieuse sur le fait que je vous
signale, et je vous prie de vouloir bien m'en faire connaître les résultats.
Veuillez agréer, Monsieur le Chef du Cabinet, l'assurance de mes sentiments de considération très distinguées.

Le Yice-Président.
Max VINCENT

sommaire

La première assemblée générale de l'Association des abonnés au téléphone s'est tenue le 15 octobre 1904 sous la présidence de Maurice de Montebello. Et les propos recueillis montraient bien la tension entre abonnés et administration.

L'Administration des Téléphones en France :
Nos lecteurs ont été mis au courant, par les bulletins d'août et de septembre, de la plainte que M. G. Loche, avocat à la Cour d'appel, nous
avait adressée et que nous avions transmise à l'Administration, ainsi que de la suite donnée a cette plainte. Après la lettre que nous avait fait parvenir à Mr Salomon, Directeur du Cabinet et du Personnel au Sous-secrétariat des Postes, Télégraphes et Téléphones, nous avions tout lieu de considérer l'incident comme clos, M. Loche, étant lui-même, aux termes de cette lettre déclaré satisfait. Aussi , notre étonnement fut grand à la réception de la communication ci-dessous, par laquelle Mr Loche proteste contre les explications de M, Salomon.
Monsieur le Président, Je vois, hélas! que votre Administration fait aux réclamations transmises par votre Association le même sort qu'à celles transmises directement par les abonnes. Mais elle ne devrait pas, au moins, violer aussi outrageusement la Vérité !
J'apprends par votre numéro de septembre la réponse que l'on a faite à ma réclamation reproduite dans le bulletin d'août. Tout d'abord, à là suite de ma réclamation concernant le refus de me donner mon n° 697.69 demandé au Palais de Justice (et non au Tribunal de Commerce) je n'ai pas reçu de visite d'inspecteur, je n'ai donc pas pu « bien accueillir » des explications qu'on ne m'a pas données, ni « renoncer" à réclamer mes frais de voiture » qui me sont dus et que je réclame au contraire énergiquement .
A la suite de ma réclamation, j'ai reçu, le jour même, un électricien; quand cet ouvrier est entré chez moi, le timbre sonnait, c'était l'administration qui me téléphonait : mon appareil fonctionnait donc ! L 'ouvrier l'a démonté et c'est alors seulement, après avoir dévissé dès fils, qu'il a prétendu trouver une interruption qui ne s'est produite que pendant quelques minutes. Il n'a put en, établir la cause; à force de chercher, il a trouvé une microscopique tache de rouille sur le pivot, pour justifier l'administration ! Or, il y a plusieurs mois que je réclame et je paye l'entretien de mes appareils, entretien dont est chargée l'Administration. Cette microscopique tache de rouille ne peut justifier l'Administration; j'en reviens toujours à mon raisonnement : je paie 400 fr. pour avoir la communication et faire entretenir mon appareil, celui-ci n'est pas entretenu et on ne me donne pas de communication ... je réclame le remboursement de mes 2 francs de voiture !
Je vous prie d'appuyer ma réclamation auprès de l'Administration et de protester contre les inexactitudes trop nombreuses que l'on trouve sous l'a plume du « Directeur du Cabinet et du Personnel ».
Veuillez agréer ...............

Naturellement et pas plus que M. Loche, nous n'avons hésité un instant, et nous avons adressé, le jour même, à M. le Sous-secrétaire
d'Etat, la lettre ci-dessous.

Paris, le 16 septembre 1904
Monsieur le Sous-secrétaire d'Etat aux Postes et Télégraphes.
Monsieur, lors de la visite que MM. le Marquis de Montebello et Max-Vincent, Président et Vice-Président de l'Association des Abonnés au Téléphone, ont eu l'honneur de vous faire, vous avez bien voulu leur donner l'assurance que des instructions très précises seraient données à vos divers services pour que les plaintes et réclamations que notre Association pourrait leur transmettre fussent examinées avec le plus grand soin. A la date du 28 juillet dernier, nous vous avons communiqué une réclamation émanant de M. G. Loche, avocat à la Cour d'Appel, en vous priant de vouloir bien faire procéder à une enquête très sérieuse sur cette plainte. A la date du 19 août, une lettre signée du Directeur du Cabinet et du Personnel nous faisait connaître qu'à la suite des explications fournies par M Froment, inspecteur, à M. Loche, ce dernier se déclarant satisfait, « retirait la. demande qu'il avait formulée primitivement, en vue du remboursement de ses frais de voiture. » .
Cette lettre, publiée dans notre Bulletin mensuel de septembre, nous attire la réponse ci jointe de M. Loche. Vous comprendrez aisément, Monsieur le Sous-Secrétaire d'Etat, qu'il ne nous est pas possible d'accepter pareils procédés de votre Administration, et nous sommes convaincus qu'il nous aura suffi de vous les signaler pour que pareils faits ne puissent plus se produire à l'avenir. Il est de notre devoir d'appeler l'attention sur ces faits, et nous vous serions très reconnaissants de vouloir bien prescrire sur cette question une nouvelle enquête, en donnant les instructions nécessaires pour que, cette fois, elle soit conduite avec toutes les garanties de sincérité et d'impartialité que nous sommes en droit d'exiger, tant en notre nom qu'au nom, des intéressés: qui, comme M. Loche, ont remis leur cause entre nos moins.
Veuillez agréer, Monsieur le Sous-secrétaire d'Etat, l'hommage de mes sentiments de haute considération.


Le Président, M. DE MONTEBELLO.

Aussi un de nos adhérents, M. le Dr Bosquain, vient d'être aussi victime d'une série d'incidents qui valent la peine d'être contés.

Dans le courant du mois de juillet, il fit effectuer au bureau 34 (avenue Marceau), par sa bonne, le versement de 100 frs pour un trimestre de son abonnement. En son absence, le reçu de cette somme fut déposé sur son bureau, et y resta pendant deux ou trois jouis, puis M. le Dr Bosquain, dans la hâte d'un départ à la campagne, le classa et ne le retrouva plus. Quelque temps après, un avis lui parvint, lui intimidant, avec cette aménité et cette courtoisie qui sont les caractéristiques de l'Administration, l'ordre de payer le dit trimestre dans un délai de cinq jours, sous menace de suspension de ses communications.
Emoi de M. le Dr Bosquain, certain d'avoir eu en sa possession le fameux reçu et de l'avoir rangé ! Malheureusement, les dimensions microscopiques de ces reçus facilitent de beaucoup leur perte et, ne pouvant le représenter, notre adhérent se résigna à payer une seconde fois ! Mais, suspectant, à bon droit, semble-t-il, le bureau 34 de négligence, M. Bosmiain informa l'Administration, par nos soins, de son refus de payer une seconde fois au dit bureau. La division de la comptabilité nous informa qu'un reçu de 100 fr. serait présenté, le lendemain, au domicile de M. le Dr Bosquain. Mais, entre temps, ce dernier reçut un ordre téléphonique d'avoir à effectuer ce versement, sous peine de suspension, au bureau. de la rue Ballu. Notez que notre adhérent habite rue de Chaillot ! -,Craignant, avec assez de raison, d'être victime d'une fumisterie, il préféra attendre qu'on lui présentât le reçu à domicile. Ce qui fut fait le 15 de ce mois. — Le second versement fut effectué. Or, le lendemain même de ce paiement, un premier coup de téléphone avisait M. Bosquain d'avoir à payer immédiatement au bureau de la rue Ballu, et un second, au bureau 34 !
M. Bosquain se fâcha, ce qui est assez compréhensible et expliqua qu'il avait payé, pour la seconde fois, la veille.
Naturellement, à chacun des deux coups de téléphone en question, nouvelle menace de se voir couper toute communication.
L'affaire en est là ! ..... et les explications et revendications continuent.

sommaire

LE RAPPORT En 1905, au nom de l'association, Maurice de Montebello diffuse un rapport intitulé "La question des téléphones, le téléphone à l'étranger, le téléphone en France, le règlement et le tarif, l'administration et le personnel, le matériel".

Ce dossier très documenté, fait une critique sévère de la situation du téléphone en France.
Dans son introduction, les deux principales objections formulées par l'administration des téléphones sur ses incapacités à résoudre les plaintes des abonnés sont vivement réfutées.
A la première objection qui porte sure l'insuffisance dont elle dispose pour améliorer les services téléphoniques, il est répondu que la bonne marche des services téléphoniques n'est pas nécessairement subordonnée à une question budgétaire, ensuite que l'administration des téléphones n'a jamais demandé les crédits nécessaires ...
A la seconde objection qui prétend que l'état actuel de l'industrie téléphonique, il n'est guère envisageable qu'on puisse apporter à la situation présente une amélioration sensible, il est répliqué que l'industrie téléphonique a réalisé depuis quelques années des progrès énormes que l'administration des téléphones feint d'ignorer .... si dans quelques pays le téléphone fonctionne très mal, dans beaucoup de pays il fonctionne très bien.
Puis ce rapport fait un état des lieux du service téléphonique dans les pays étrangers. Il affirme que le service téléphonique est très satisfaisant aux Etats-Unis ou le téléphone a pris une extension considérable avec plus de 2 millions de postes et ou les capitaux engagés s'élèvent à près de 2 milliards. Le téléphone commencerait à fonctionner correctement dans 20 grandes villes d'Europe. Ce ne serait guère qu'à Paris et à Madrid qu'on trouverait encore des méthodes surannées et un matériel antique. Dans les autres pays l'administration agissant comme une maison de commerce considère l'abonné comme un client qu'elle doit attirer et conserver ... Des appareils de types uniformes, sont mis gratuitement, par l'administration elle même, à la disposition des abonnés. Ces appareils sont munis de dispositifs permettant de simplifier les opérations de l'abonné comme l'avertissement de l'opératrice au décroché du récepteur, de l'établissement d'une communication et inversement au raccroché . Le signal de fin de communication est donné automatiquement sans que l'opératrice ait à suivre la conversation.
Sur le plan du matériel, le rapport condamne l'emploi de milliers d'éléments de piles primaires établis aux postes des abonnés qui a depuis longtemps été reconnu comme le principal défaut des anciens systèmes , en raison de la fragilité, des complications et des dépense d'entretien considérables inhérentes à ce système de piles ... Au contraire la batterie centrale, rendue possible grâce au génie de Planté, permit de transformer radicalement le fonctionnement des centraux téléphoniques, en assurant à tou le système un courant constant et uniforme, dont les générateurs placés au bureau central et à la portée du personnel compétent peuvent être aisément et continuellement vérifiés et entretenus.
La généralisation des systèmes à batterie centrale a permis, dans les bureaux centraux, d'abandonner d'abord depuis plus de vingt ans, les premiers commutateurs multiples en série, puis depuis une dizaine d'années, les commutateurs en dérivation au profit des commutateur multiples à courant central.
De plus le système à batterie centrale permet de remplacer les indicateurs électro-magnétiques à volet qui informe l'opératrice de l'état des lignes par un système de deux lampes par paire de cordons qui permet à l'opératrice de suivre, par la vue, toutes les phases de la communication, en évitant les indiscrétions de sa part, les ruptures prématurées de communication et une perte de temps considérable ... De ce fait, une même opératrice peut servir de manière satisfaisante 200 appels par heure .
La suite du texte se poursuit en détaillant la situation du téléphone en France, et particulièrement à Paris. Reprenant les constatations faites au parlement par M. Sembat, il est mentionné qu'en France l'administration considère les abonnés non comme des clients, mais des contribuables taillables et corvéables à merci.
Les abonnés doivent acheter eux-mêmes les appareils fort coûteux, de type très variés et très compliqués qui nécessite la manœuvre énervante du bouton ou d'une manivelle ... l'abonné est obligé de s'épuiser en élevant la voix ... il est entravé par une foule de bruits divers qui empêchent la communication dans de nombreux cas ...
En outre l'opératrice très souvent tarde à répondre ou transmet inexactement le numéro . Les communications sont très lentes à établir et elles peuvent être coupées impestivement ou interrompues par des causes diverses. En cours de communication il est possible d'attirer l'attention de l'opératrice puisque tout appel de l'abonné est considéré comme signal de fin. A la fin d'une communication l'abonné est de manœuvrer le bouton ou la manivelle, ce qu'il oublie de faire la plupart du temps.
Les lignes sont souvent en dérangement et les réparations sont longues . Les raccordement nouveaux comme les transferts demandent des délais de plusieurs semaines.
L'annuaire fourmille d'erreurs et l'administration, au détriment des abonnées, en a fait un organe de publicité et souvent un moyen de concurrence déloyale.
Au point de vue de la rapidité des communications, la moyenne d'attente des bonnes communications est d'environ de deux minutes .... parfois même la communication est rendue matériellement impossible.

Un progrès notable fut fait lorsqu'on parvint à construire des commutateurs multiples ayant des indicateurs dont les volets pouvaient être relevés automatiquement par le seul fait d'introduire une fiche dans le jack correspondant à cet indicateur.
Ce fonctionnement automatique des volets diminuait non seulement le travail des opératrices de façon à augmenter la rapidité des mises en communication, mais de plus permettait de placer les annonciateurs à la partie supérieure du meuble puisqu'il n'était plus nécessaire de les toucher de la main. On gagnait aussi à la partie inférieure du meuble un emplacement utilisable pour les organes qui doivent se trouver à portée de la main de l'opératrice. L'indicateur à relèvement automatique permit en plus d'obtenir des améliorations dans les dispositions électriques qui, à leur lour, donnèrent au service une plus grande certitude et une plus grande exactitude. Celte forme de commutateur fut introduite vers 1892 cl elle prit rapidement la place des formes précédentes. Pendant les quelques années qui suivirent, on fit des progrès, radicaux, qui curent tous pour objectif la méthode qui est devenue actuellement universelle el qui est connue sous le nom de Batterie centrale.
Le premier pas fait dans cette voie fut l'introduction des signaux lumineux formés par de petites lampes adoptées il y a environ dix années. Ces lampes ont de nombreux avantages sur les indicateurs électro-magnétiques. Elles offrent un signal positif et très dislinclif qui attire l'attention même quand on ne le regarde pas directement ; car l'oeil est d'une sensibilité extrême aux rayons lumineux.
Elles sont très compactes, puisqu'elles ne recouvrent chacune qu'un espace représenté par un cercle de 8 m/m de diamètre, ce qui permet de les placer immédiatement à côté du jack ou de la fiche qu'elles doivent, contrôler.
De plus, comme ces lampes n'ont aucun organe mécanique,elles peuvent, être disposées dans n'importe quelle position, soit verticale, soit horizontale, soit oblique. Ceci n'est pas possible avec les indicateurs électro-magnétiques. On gagne énormément de temps par suite de l'augmentation de rapidité et de sécurité du travail résultant du fait que les lampes sont placées immcdialemenl à côté des organes qu'elles contrôlent.

Sur le plan du règlement et du tarif , les récents conflits soulevés ont montrés dans quel esprit tyrannique, vexatoire et anticommercial, le règlement imposés aux abonnés français a été rédigé. Le réglement serait entaché d'erreurs et d'illégalités. Quant au tarif il est jugé exorbitant.
En ce qui concerne le personnel, les sous secrétaires d'état n'ont, au point de vue téléphonique, aucune compétence technique et paraissent ignorer toutes les règles d'une administration industrielle et commerciale. Il n'existe aucune école spéciale pour les ingénieurs téléphonistes qui sont recrutés au petit bonheur dans les services postaux et télégraphistes ... Les opératrices ne recoivent pas non plus d'enseignement spécial et c'est au dépens qu'elles font leur apprentissage... Au point de vue de la discipline, à la tolérance la plus aveugle succède la sévérité la plus brutale....
La comptabilité n'existe pas. Non seulement le public n'est pas encouragé aux abonnements, mais au ontraire à le dégoûter du téléphone.
Quoique l'augmentation du nombre d'abonnés ait été relativement faible, l'Administration déclare qu'elle se trouve débordée.
Pour ce qui est du matériel, le rapport affirme qu'aucun progrès sérieux n'a été accompli par l'administration qui a laissé en service un matériel abandonné partout depuis longtemps.
L'énergie électrique est toujours fournie par les piles primaires placées chez les abonnés. Les commutateur multiples "en série", rejetés depuis vingt an, sont encore en usage pour 8000 abonnés parisiens, soit le quart de la totalité. Quant aux signaux, un grand nombre de multiples sont encore munis de volet à relever à la main par l'opératrice, un certain nombre sont pourvus du volet automatique, lequel fonctionne très irrégulièrement, les derniers enfin sont pourvus de signaux lumineux, formés par une seule lampe non automatique. Ces trois systèmes ont d'allieurs tous le même inconveniant, celui d'obliger l'opératrice à surveiller constamment la communication entre deux abonnés, d'où perte de temps, indiscrétions inévitables et erreurs fréquentes
L'administration affirme qu'il n'existe pas de compteurs automatiques en service; soit mais l'expérience a prouvé que le compteur contrôlé directement par les opératrices est infiniment préférable... Pourquoi ne les a t'on pas adoptés pour l'établissement des conversations taxées ?
Nous ne savons que trop qu'avec le système actuel une opératrice est surmenée avec 80 abonnés.
Au point de vue des lignes auxiliaires, l'administration s'est enfin décidée à étudier le système des lignes d'ordre ou de service pratiqué partout depuis dix ans.
L'installation des nouveaux multiples, actuellement construits depuis plusieurs mois, sont pour l'auteur du rapport, dans l'incapacité de fonctionner au mois de juillet 1905, date avancée par l'administration pour mettre fin à la crise actuelle. De plus ces multiples , loin de constituer un progrès , entraîneront une complication de service plus grande encore et l'économie du prix de revient sera annulée par l'augmentation inévitable du personnel...
L'administration pourrait pourtant bien facilement doter le réseau parisien d'un système moderne, car la ville de Paris se trouve dans des conditions extrémement favorables au développement d'un service téléphonique, aucune ville au monde ne possédant un réseau d'égouts aussi bien établi, aussi bien accessible et aussi propice à l'installation de câbles souterrains.
Pour procéder à l'ensembles des transformations, pour tout le réseau de Paris, il faudrait engager une dépense évaluée à 250 Fr par abonné, soit environ 10 millions. L'économie engendrée par la suppression des piles est estimée à 2 millions par ans. En 5 ans, la transformation serait payée par les économies en résultant. Après ce délai, l'exploitation présenterait une augmentation de bénéfice de 2 millions par an .
Le rapport consacre un mince paragraphe au téléphone en province. Il affirme que le manque absolu d'intérêt que l'Administration porte au développement du service téléphonique en province résulte du simple examen des statistiques , qui montrent que l'ensemble des abonnés de tous les départements réunis atteint à peine le nombre des abonnés de Paris. Il suffit de comparer ces statistiques à celles des autres pays pour être convaincu de l'incurie et de l'incapacité de l'administration des P&T.
Il est inutile de dire que le service déjà si mauvais à Paris, est encore bien plus défectueux en province où on envoie que du matériel de rebus et où le personnel dirigeant est privé de toute autorité et surtout de toute initiative.
En conclusion ce rapport s'achève par ces trois termes :
Il faut cesser d'avoir recours à des expédients.
Il faut recourir à une transformation radicale des méthodes et des systèmes
Pour cette transformation, il faut laisser de côté tout amour-propre mesquin et profiter résoluement et immédiatement des progrès réalisés.
C'est à une commission extra-parlementaire que devra être laissé le soin de choisir, parmi les systèmes étrangers, celui qu'il conviendra d'adopter.
Là est la solution à la cris et pas ailleurs.

Malgré toute l'ampleur de cette contestation et le sérieux des constats établis, l'administration se trouve dans l'incapacité, faute principalement de crédits, de remédier à la situation. Tous les usagers de France, disposent d'un service téléphonique de très mauvaise qualité et qui leur coute très cher.

Bulletin de décembre 1905 LE TÉLÉPHONE EN PROVINCE

Les abonnés de Roubaix-Tourcoin — Une entrevue avec le directeur des postes du Nord.

Un rapport documenté.
Le Comité de l'Association des Abonnés au Téléphone de Roùbaix-Tourcoing, accompagné de délégués du commerce el de l'industrie de la région, vient d'avoir une intéressante entrevue avec M. de Barolet, directeur départemental des postes, télégraphes et téléphones.
M. Adolphe Sévin, président du Comité, a donné lecture d'un remarquable rapport, dont les passages suivants, méritent, entre autres, d'être soulignés :
« Noire Association, vous le savez, mais nous tenons à le répéter, n'est guidée par aucun partipris. Fondée sous la pression de l'opinion publique et avec le concours d'abonnés qui se plaignaient d'être mal servis, elle a constaté qu'en effet ils le sont mal, el elle a demandé qu'ils le fussent bien.
« Les abonnés se plaignent d'inductions, de coupures, de lenteurs dans les réponses, de négligences dans la visite des postes, de retards dans les réparations, prolongés pendant des jours et des semaines.
« Il faut surtout signaler une question de principe trop perdue de vue, ce semble, en matière administrative, el qui pourrait se formuler ainsi : Le monopole doit-il absorber le monopolisé au point de décider seul de ses intérêts ? En d'autres termes, le monopole doit-il être tout et le monopolisé rien ?
« Les, intérêts commerciaux cle noire laborieuse région sont déjà trop entravés par la concurrence étrangère pour que les errements du monopole y ajoutent encore de nouvelles entraves.
« Chaque année, notre activité infatigable verse au Trésor des millions qui s'évanouissent sans que rien nous en revienne pour améliorer des relations dont la rapidité est, devenue par la force des choses un facteur essentiel du succès, un agent de vie ou de mort pour le capilal et le travail.
« Nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas nous résigner plus longtemps, à celle lutte inégale, à cette espèce de torture téléphonique à laquelle nous sommes condamnés et nous venons vous demander, Monsieur le Directeur, si voire Administration peut faire aboutir à bref délai des réformes impatiemment attendues ».
Un des délégués de Lille, M. Séralzky, fait remarquer que la question des améliorations téléphoniques doit être une plateforme électorale. Celle lactique ne mêle en rien la politique dans la question qui reste sur le lorrain des affaires : c'est le meilleur moyen pratique d'aboutir.
Le directeur a reconnu qu' « une bonne partie des défectuosités relevées dans le rapport de M. Sévin n'est malheureusement que l'expression de la" vérité ». 11 s'est engagé à réclamer les crédits nécessaires à l'amélioration des services de son ressort.
Une promesse de plus, ou do moins n'engage à rien ! M. le directeur du Nord se doute bien de la réponse qui lui sera faite à Paris.

...

Au moment de commencer la distribution du Bulletin de février 1905, nous apprenons le succès considérable remporté par Me Henri Talamon, Président de la Commission Judiciaire de l'Association dans l'affaire Belloche.
On sait que l'Administration s'était pourvue en cassation contre l'arrêt de la Cour de Paris refusant de reconnaître aux demoiselles du téléphone la qualité de citoyens chargés d'un service public et acquittant M. Belloche inculpé 'd'outrages envers des fonctionnaires publics, délit prévu par l'art. 224 du Code pénal.
L'Association des Abonnés au Téléphone, fondée pour défendre les droits et intérêts des Abonnés, avait donc le devoir de prendre à sa charge la défense de M. Belloche devant la Cour de Cassation et elle avait chargé Mr Talamon de ce procès de principe.
La Cour de Cassation vient de déclarer irrecevable le pourvoi de l'Administration et a confirmé l'arrêt de la Cour d'Appel.
Les demoiselles du téléphone ne sont donc pas des fonctionnaires, mais simplement des agents de gestion. Ce fut toujours du reste notre théorie.
Outre que cet arrêt de la Cour suprême fixe un point de droit des plus intéressants, il constitue en même temps un nouvel exemple des
résultats que peuvent obtenir, en se liguant, les Abonnés, et des efforts que continuera à faire l'Association dans leur intérêt général.
L'ASSOCIATION
...

sommaire

En 1912 on pouvait lire dans le " Bulletin mensuel / Association des abonnés au téléphone " :

La question des appareils téléphoniques aux postes des abonnés a été soulevée depuis bien longtemps; elle est des plus importantes; elle intéresse à la fois le public, l'Administration et les constructeurs ; de sa solution dépend en grande partie la bonne marche des téléphones.
Il importe que.ces appareils soient autant que possible d'un type uniforme au moins pour les parties essentielles, qu'ils soient également de très bonne qualité, sinon les communications seront défectueuses, non seulement au préjudice du propriétaire de l'appareil imparfait, mais au préjudice encore de tous ses correspondants; de telle sorte qu'il suffit qu'une partie seulement des appareils fonctionne mal pour que le service tout entier laisse à désirer. II faut en outre que ces appareils puissent être économiquement entretenus et facilement réparés, sous peine dégrever l'exploitation de très gros frais. Enfin il est nécessaire que soit déterminé par qui ces appareils devront être fabriqués et suivant quel type, par qui ils doivent être fournis aux abonnés et à quelles conditions.

D'abord l'Anarchie
Au début de son exploitation, l'Administration des téléphones s'est malheureusement désintéressée des transmetteurs des abonnés, ce fut le régime de l'extrême liberté ou plutôt de l'anarchie dont nous souffrons encore aujourd'hui.
Tous les constructeurs fabriquaient et vendaient des appareils; plus de 150 types furent agréés, les abonnés n'eurent que l'embarras du choix.
Entre tous ces appareils il y avait, il es tvrai, un point commun : ils étaient tous alimentés électriquement par les encombrantes, défectueuses et coûteuses piles locales.
Aussi, lorsqu'en 1905 l'Administration se décida enfin à adopter pour le réseau de Paris la batterie centrale que l'Association des abonnés réclamait depuis sa fondation, et qui fonctionnait depuis 10 ans déjà aux Etats-Unis, on crut que, se conformant à la pratique générale et au bon sens, elle allait appliquer cette batterie centrale à tout le système, centraliser les sources électriques, supprimer les piles locales et réglementer enfin les appareils transmetteurs des abonnés.

Une Batterie Centrale décentralisée
Or, il n'en fut rien. Rougissant de copier servilement les Américains, nos ingénieurs inventèrent une monstruosité scientifique: la batterie centrale décentralisée. On limita la batterie centrale à l'appel et à la fin de conversation et on continua à se désintéresser des transmetteurs des abonnés.
L'Association des Abonnés protesta vivement et commença une campagne qu'elle poursuit encore aujourd'hui pour obtenir la batterie centrale intégrale, la suppression radicale des piles locales et l'unification des transmetteurs des abonnés. A cette époque, les circonstances étaient favorables pour une réforme qui apparaît maintenant particulièrement délicate. En effet, en prenant une décision dès l'année 1905, l'Administration pouvait mettre à profit le délai de deux ou trois ans nécessaire pour la transformation des multiples à batterie centrale ; elle pouvait procéder Sûrement à toutes les études, à toutes les expériences préalables et préparer sans à-coups le nouveau régime.

Un Retard de plusieurs années
Au pis aller, l'Administration pouvait agréer des appareils transmetteurs à batterie centrale que les constructeurs auraient proposés aux nouveaux, Si cette mesure avait été adoptée, plus de 10.000 postes d'abonnés du réseau de Paris seraient aujourd'hui équipés en batterie centrale. Mais une mesure radicale eût été bien préférable : du moment que la batterie centrale était appliquée à tout le réseau de Paris, l'Administration devait, à ses frais, doter tous les abonnés de transmetteurs à batterie centrale. Il en eût coûté 4 à 5 millions ; mais cette dépense eût été rapidement compensée par les économies annuelles réalisées par la suppression des piles primaires.
Malheureusement l'Administration a préféré maintenir le statu quo, retardant ainsi délibérément de plusieurs années la solution nécessaire. En sorte que les abonnés ont pu continuer à acheter des appareils quelquefois préhistoriques et détestables parmi les 150 anciens types agrées par l'Etat, mais qu'il leur était absolument interdit de se munir d'un appareil moderne à batterie centrale, par exemple du type employé à plusieurs millions d'exemplaires sur les réseaux américains... Pourquoi ?
C'est que l'Administration ne voulait pas admettre sur ses réseaux un appareil transmetteur qui ne fût pas sorti tout équipé du cerveau d'un de ses ingénieurs ou d'un de ses employés et qu'il fallût plusieurs années pour mettre au point ce chef-d'œuvre qui aurait fait l'objet d'un nouveau monopole : le monopole de l'invention, de la fabrication et de la vente des appareils téléphoniques.

L'Association réclame un Concours
On conçoit que, dès que ces intentions percèrent, l'Association des Abonnés ne manqua pas de protester vivement; une campagne de presse produisit un effet salutaire et l'Administration, renonçant à imposer son appareil, se résigna à instituer un concours qui fit l'objet de l'arrêté du 3o septembre 1911,
Or, les conditions du concours institué par cet arrêté ont donné lieu à de vives critiques. En effet, ce décret n'a prévu qu'un examen technique des appareils sans aucune épreuve pratique, et nous savons tous qu'il arrive souvent qu'après avoir longtemps étudié une machine ou un appareil, l'expérience en service effectif nous révèle des défauts qu'on n'avait pas soupçonnés.
Un simple examen technique n'est pas suffisant pour permettre de préférer à des appareils qui ont fait leurs preuves depuis longtemps un appareil nouveau dont le principe même est très discuté. L'arrêté du 3o septembre exprime en effet ses préférences (art. 8) pour un type d'appareil qui n'a jamais subi encore les épreuves de l'expérience.

Comment se fera l'Échange des Appareils
Notons d'ailleurs que l'arrêté du 30 septembre ne donne pas la solution de la question des transmetteurs d'abonnés. Un type d'appareil sera choisi, mais cet appareil, seuls les nouveaux abonnés, à partir d'une date à fixer, en seront les heureux propriétaires. Les anciens abonnés, c'est-à-dire l'énorme majorité, conserveront les anciens appareils et les piles primaires. Cent mille appareils à piles primaires vont continuer à déranger de plus en plus les services, tout en coûtant toujours fort cher à l'Administration.
D'autre part, l'arrêté du 3o septembre faisait de l'Administration un fournisseur officiel d'appareils, concurremment, il est vrai, avec les autres constructeurs, mais avec un avantage considérable. Or, nous estimons qu'il convient de restreindre et non d'étendre le rôle industriel de l'Etat.
C'est dans ces conditions que nous avons demandé à l'Administration, non pas d'annuler le concours, mais d'en limiter les effets au minimum — ceci à titre transactionnel. .
Que l'Administration, comme cela est prévu au cahier des charges, commande 6.000 appareils au constructeur primé.
Mais que, d'autre part, pour le choix du type définitif, il soit procédé à des expériences pratiques et prolongées sur un certain nombre des meilleurs appareils soumis au concours.
Que l'appareil type ne soit ni fabriqué, ni vendu pour le compte de l'Administration, mais soit fabriqué et vendu par les divers constructeurs.
Nous avons pensé ainsi sauvegarder à la fois les intérêts de l'Etat et ceux du public.

MARQUIS DE MONTEBELO.

...

Du Rappel: UN AVEU
« Dans 1 administration des Télégraphes, avoue la Revue des Postes, la majeure partie du personnel ignore le mécanisme des appareilsqui lui sont confiés? »
Mais qu'il se dépêche d'apprendre, ce personnel, allez vous crier. Je vous arrête. Si les employés -des Télégraphes ignorent ce qu'ils devraient savoir, c'est que l'administration ne met pas à leur disposition les ouvrages scientifiques dont ils auraient besoin et qui sont trop chers pour leurs maigres appointements. Et je me rallie volontiers au système suivant, proposé par beaucoup de postiers :
Le bulletin mensuel, au lieu de ne contenir que des instructions ingrates, ne pourrait-il pas publier, en même temps, le plan des communications et des appareils en service. Cette publication techniquene serait pas la moins lue du bulletin.
Effectivement, la solution proposée par leRappel pourrait être adoptée si ... , mais ... !
Voyons, Rappel, vous ne voudriez pas, cependant, que les téléphonistes puissent arriver un jour, par l'étude, à en connaître plus long que leurs Chefs, ce qui, pour la moyenne des intelligences,serait l'affaire de trois mois de cours ! Où irions-'nous ? et que deviendrait la discipline ?
Il n'y faut pas songer.

...

1914 : Le téléphone en Corse
La- Corse n'est-elle pas française ? Non, elle n'est que trop française.
Dernièrement, quelques voyageurs de commerce se trouvant à Ajaccio eurent besoin de téléphoner à Toulon. Or, ironie des choses inexcusable l'insouciance des ronds-de-cuir ministériels ; la Corse, département français, n'a pas de réseau téléphonique avec la métropole !
La Corse n'est que trop française ! puisqu'elle est victime de l'infâme gabegie qui règne dans toute administration française. M. Lebureau n'éprouve pas le besoin de communiquer téléphoniquement avec ce merveilleux pays qu'est la Corse ! Pourquoi faire, grand Dieu, établir un câble, plusieurs câbles, avec cette île unique ?
Pour troubler le repos si honnêtement gagné de quelques gratte-papier. Mais on s'en est bien passé de téléphoner jusqu'ici, à quoi bon créer à ces insulaires de nouveaux et coûteux besoins ?
Doux pays ! et nous sommes en République.

Le 28 juin 1914 , à Sarajevo, un jeune nationaliste serbe de Bosnie, Gavrilo Princip, assassine le couple héritier du trône austro-hongrois, l'archiduc François ... la première guerre mondiale éclate, juillet 1914 sera le le dernier bulletin de l'assocaition.

sommaire

Vous pouvez consulter, lire tous les
Bulletins de L'association des abonnés au téléphone (en pdf)
Année 1904 N°2 Aôut, N°3 Septembre, N°4 Octobre, N°5 Novembre, N°6 Décembre.
Année 1905 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1906 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Juin , Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1907 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1908 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1909 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1910 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1911 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1912 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1913 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1914 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui .

sommaire