Le Service des Téléphones
SON PASSÉ — SON PRÉSENT — SON AVENIR

Cette page est consacrée au Service des Téléphones, articles issus du bulletin de l'Association des Abonnés au Téléphone des premières années ou l'on rertrace le début du téléphone, de son développement, tout en restant simples avec quelques explications techniques, sur les premiers standards manuels, jusqu'au stantard multiple; du travail complexe et difficile des opératrices au service du public principalement sur PARIS ou l'association a été l'organisme qui a fait bouger les choses pendant la longue crise du téléphone jusqu'en 1914.

Une page beaucoup plus technique présente l'évolution des centraux manuels principalement sur Paris et sa banlieu.

sommaire

Un brin d'histoire
Le premier téléphone parisien

Dans la première partie de l'histoire du téléphone en France, on raconte comment le téléphone arrive fin 1877 quel sont les premières installations ...
Mais beaucoup de nos lecteurs ignorent sans doute comment fut installé le premier téléphone qui fonctionna à Paris.
L'anecdote est curieuse et mérite d'être rappelée.
Dès 1879, l'Administration des Postes et Télégraphes avait accordée des concessions à trois systèmes de téléphones : Edison, Gower et Bell.
M. Bivort le distingué et sympathique directeur du Bulletin des Halles, s'était intéressé à ce dernier système, représenté par un ingénieur français, M. Soulerin, et s'occupait de grouper autour de sa concession le monde commercial et industriel, la clientèle du journal.
Avant de souscrire, chacun voulait essayer ce merveilleux téléphone, et l'Administration autorisait aucune installation dans Paris, même provisoire.
Dans cette situation, MM. Bivort et Soulerin obtinrent le concours d'un agent des téléphones qui, dans la nuit, installa la ligne de la rue de Viarmes à la rue d'Aboutir, l'appuyant sur les bâtiments mêmes de l'ancienne Poste, rue J.-J.-Rousseau. Le lendemain,le téléphone fonctionnait entre l'imprimerie et les bureaux du journal où fut installé un bureau central avec plusieurs postes.
Les visiteurs affluèrent. Les appareils fonctionnaient très bien et l'installation rendait de réels services pour la tansmission des cours et dépêches.
Quelques jours plus tard, M. Cochery, ministre des Finances, apprenait l'infraction commise : il entra dans une vive colère, menaçant de ses foudres les auteurs du délit. Il ne donna, néanmoins, aucune suite à ses menaces; son fils, qui devait aussi devenir ministre des Finances put venir avec MM. Menier et d'autres notabilités pour voir fonctionner le téléphone à l'avenir duquel on ne croyait guère à cette époque dans les hautes sphères gouvernementales. Le poste téléphonique du Bulletin des Halles continua à fonctionner jusqu'à la démolition de l'ancien Hôtel des Postes.

En 1879 par la suite la nouvelle concession faite à la Société Générale des Téléphones, pour une durée de 5 ans, en vertu de laquelle elle exploitait les réseaux téléphoniques de Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Rouen, Le Havre, Nantes, Saint-Etienne, Alger, Oran et Saint-Pierre-les-Calais, Elle a été renouvelée en 1884 pour une nouvelle période quinquennale ; elle atteignait le terme fixé à sa durée le 8 septembre 1889.
En 1885 L'État gèra des centraux téléphoniques dans 9 villes, avec un total de 1 062 abonnés, et la Société dans onze communes, avec un total de 6 113 abonnés. Cette concession ne constitue pas un monopole pour la Société, et l'Etat s'est réservé le droit de racheterà tout moment de la concession, à un prix à fixer par experts. Ces conditions sont certainement loin d'être favorables à l'extension du téléphone en France.
C'est en 1889 que se déroule le processus de nationalisation du Téléphone français et son assimilation au sein de l'Administration des P & T .
L’État est autorisé à racheter, en 10 annuités, les réseaux téléphoniques appartenant à la Société Générale des Téléphones.
L'abaissement des taxes après la nationalisation de 1889, eut pour conséquence une augmentation considérable dans le nombre des abonnements.
En 1890 il y avait 10 000 abonnés au téléphone en France. C'est le début de l'ouverture au téléphone manuel de la banlieue parisienne. 48 réseaux annexes de Paris seront créés jusqu'en 1893. l'administration décide de modifier le réseau de Paris.
En 1891 L'idéal serait de relier tous les abonnés de Paris à un central unique.
Le nombre des abonnés et la longueur des lignes alors nécessaires empêchent de recourir à cette solution. On adopte alors une solution médiane. Le nombre des bureaux de quartier sera réduit â quatre seulement dont l'un beaucoup plus important que les autres. Le grand bureau central sera localisé rue Gutenberg près des Halles pour tenir compte du déplacement du centre de gravité du trafic et desservira les 6 000 abonnés du centre. Un autre bureau avenue de Wagram desservira les 3 000 abonnés d'Auteuil, Passy et des Batignolles ; un troisième bureau rue de Belleville reliera les 6 000 abonnés de Ménilmontant , la Villette, Belleville etc.; un quatrième bureau desservira la rive gauche. Le tout devrait permettre d'atteindre 20 000 abonnés.
En 1893 Création de la Société Industrielle des Téléphones (SIT)

1894 Etat des lieux Article vu dans le bulletin de septembre 1904.

IL Y A DIX ANS
Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'Administration des téléphones se voit en butte aux critiques et. si nous avons eu le triste privilège d'être les premiers à nous liguer contre ses fantaisies, les abonnés ont, de tout temps, émis à son sujet de justes doléances, lin effet, clans le numéro d'août
1894 de la « Revue Politique et Parlementaire » nous avons trouvé, sous la signature de M. Charles Gide, à cette époque Professeur de Droit à la Faculté de Montpellier, un article intitulé « Les Téléphones en France » et qui n'est rien moins qu'élogieux pour l'Administration.
Le manque de place nous oblige à ne citer que quelques extraits de cet article niais ils suffiront pour donner à nos lecteurs une idée cle ce que l'on pensait, il y a. dix ans, du service téléphonique.
« M. Jules Lemaître 'place dans la bouche d'un des héros de son roman les Rois un mot gui a fait fortune: « Ce qui me plaît dans Paris, c'est que
tout y arrive cent ans plus tôt qu'ailleurs. » Ce compliment a agréablement chatouillé la. fibre des Parisiens, et même celle des provinciaux qui prennent toujours une petite part des compliments adressés à la capitale. Il y aurait fort à dire sur ce propos. Contentons-nous de faire remarquer que dans le modeste domaine qui fait l'objet de cet article le compliment n'est rien moins que 'mérité.En fait de téléphones, Paris et la France sont, non point en avance, mais déplorablement en retard sur toutes les autres nations.
Une statistique internationale, si elle était faite — heureusement elle ne t'a pas été encore — nous couvrirait de confusion. Contentonsnous de quelques chiffres. Il n'y a pas en France 20.000 abonnés au téléphone: la petite Suisse en a presque autant que nous, 15.000, quoique sa population soit treize fois moindre. L'Allemagne en a plus de trois fois plus, 65.000. Prenons quelques villes: par exemple, Genève et Montpellier dont les populations sont précisé ment égales, 70 à 72.000 habitants chacune.
Montpellier a 48 abonnés, Genève en a 2.503, cinquante fois plus, et le parallèle entre presque toutes les villes françaises et suisses serait à peu près le même. Paris lui-même n'occupe pas une situation beaucoup plus brillante: il a 6.000 abonnés, trois fois moins que Berlin qui en a 18.000.
Ces chiffres ne sont, naturellement, plus exacts, mais cependant la proportion reste sensiblement égale ! Montpellier compte 230 abonnés, Grenève
plus de 9.000 ! Soit quarante-cinq fois plus. En ce qui concerne Paris, on y trouve environ 20.000 abonnés,Berlin en a juste le double, et le service y est fait à la. perfection !
A. quelle cause devons-nous attribuer une semblable infériorité ? Est-ce indifférenceou ignorance des Français pour une des plus belles inventions de ce siècle ? La véritable cause n'est pas là. L'obstacle vient de l'Etat. C'est lui qui, après avoir enlevé les téléphones à la Société particulière qui les avait introduits en France, sous prétexte d'en faire un àervice public, l'a tué net. Le prix qu'il a fixé pour l'abonnement le rend en effet inaccessible à tous autres qu'aux gens très riches ou à ceux- qui sont dans les affaires Or, en 1894, c'était encore l'âge d'or ! Le prix d'abonnement était de 200 francs par an ! Nous en payons à présent 400 ! Nous serions heureux de connaître l'opinion actuelle de M. Gide.
Après tout, c'est peut-être ce que l'Administration appelle « Le Progrès ».
Et, de cette façon, nous nous trouvons, pauvres abonnés,enfermés clans un dilemme dont il nous paraît assez malaisé cle sortir.
Lorsque nous demandons à l'Etat la réduction du prix de l'abonnement il nous répond que le chiffre des abonnés est insuffisant. D'autre part, la diminution de prix devant avoir pour conséquence directe ? l'augmentation des abonnés, nous sommes parfaitement en droit d'affirmer à l'Administration que rien ne s'oppose à cette réduction.
Et la lutte pourrait durer longtemps entre ces deux déclarations, en apparence opposées, si l'Etat, pour clore la discussion, ne nous lançait dans les jambes un argument d'une logique éprouvée, devanj, lequel force nous est de nous incliner :
« Messieurs les abonnés, le service est déjà DIFFICILE avec 35.000 abonnés, le jour où nous serons plus nombreux, il deviendra IMPOSSIBLE.
Et voilà! De même que les théâtres avec une pièce à succès, on refuse du monde !
Citons encore la conclusion de l'article de M. Gide.
Nous nous permettons donc d'appeler sur cette question l'attention de M. le Ministre du commerce. Il ne s'agit vas ici évidemment d'une grande réforme sociale; toutefois, une petite réforme comme celle-ci vraiment démocratiaue, puisqu'elle permettrait aux fortunes modestes de participer aux bienfaits d'un nouvel instrument de civilisation — tout en permettant à l'Etat de faire une bonne affaire — n'est pas de celles qu'un ministre ait la chance de rencontrer tous les jours sur son chemin.
Charles GJWE,
Professeur à la Faculté de droit de Montpellier.

Nous ferons nôtre cette conclusion, et, en raison cle l'immense portée de ce Bulletin qui, nous le savons, est lu très attentivement par tout le personnel du Sous-Secrétariat, nous espérons que le voeu de M. Gide, repris par nous, sera étudié attentivement.

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Au 21 février 1904 : Etat du Service téléphonique
A Paris
le nombre des groupes en service dans les bureaux téléphoniques centraux de Paris était le suivant.
Gutenberg ... ............. 322
Desrenaudes ............... 99
La Valette.................... 63
Pott-Eoyal ............. .... 36
Passy. ........................ 81
La Roquette..............,. 55
Saxe .... .,...,....,:...;,.... 44
Total ........................ 650
Le service étant fait à deux brigades, ces 650 groupes nécessitent lé concours de ; 650 x 2= 1.300 dames employées.
Le nombre dés tables interurbaines est de 52, soit à raison de deux dames opératrices par brigades 208 dames.
Ensemble : 1.300 + 208 = 1.508.
Afin de parer aux absences pour maladies, repos, congés, etc., l'effectif doit être majoré de 10 %, ci 151 emplois.
La surveillance du service nécessite, d'autre part, la présence de 156 surveillantes et d'autant de pointeuses.
L'effectif total des bureaux téléphoniques de Paris devrait donc être de : 1.508+151 +156+:156= 1.971 employées instruites.
D'autre part, les téléphonistes ne sont en état de tenir un groupe qu'après plusieurs mois d'instruction; il est donc nécessaire d'avoir dans les bureaux un certain nombre d'employées en instruction ne comptant pas dans les effectifs.
Il a été reconnu nécessaire de constituer un groupe d'instruction de 150 téléphonistes. Ce nombre correspond à un stage de six mois, avec une moyenne de 300 nominations par an.
Le nombre des employées immédiatement nécessaire.est donc de 1.791 + 150 = 2.121.
Enfin, pour faire face à l'augmentation du nombre des abonnés pendant l'année 1904, il sera nécessaire de mettre 25 nouveaux groupes en service, nécessitant encore 50 dames employées. On arrive ainsi au chiffre de : 2.121+ 50 = 2.171 dames.
Le budget de 1904 n'en prévoyant que 1.791, il existe une insuffisance de 20 .
Service téléphonique des départements
Lie budget de 1904 prévoit la création de 175 emplois de dame téléphoniste dans les départements. Ce nombre est sensiblement inférieur aux nécessités du service.
En effet, du 1er janvier 1903 au 1er janvier 1904, le nombre des circuits téléphoniques interurbains a augmenté de 1.817,passant de 3.474 à 5.291, progression, 50 %; le nombre des abonnés aux réseaux des départements a augmenté de plus de 9.500, passant de 44.947 à 541509, progression, 21 '%.
En ne considérant que les réseaux desservis par un personnelrétribué, par l'Etat au titre téléphonique on trouvait dans ces réseaux:
Au 1er janvier 1903 34.S18 abonnés.
Au 1er janvier 1904 40.495 abonnés.
Soit l'Augmentation en 1903 de 5.667 abonnés .
Dans les grands bureaux téléphoniques pourvu d'appareils multiples (Lyon, Marseilh),Bordeaux, Lille, etc.), l'effectif peut être calculé à raison de 2 téléphonistes par groupe de 80 abonnés et de 2 à 4j téléphonistes par groupe interurbain, selon l'intensité du trafic sur les circuits. Dans les bureaux moyens, pourvus d'appareils Standard ou Jack Knive, l'effectif est calculé d'après le nombre des communications échangées : 1 unité par 100 communications environ. Cependant cette règle est loin d'être absolue, car il est nécessaire de créer des emplois partout où les communications ne peuvent être régulièrement établies par les agents des autres services; c'est ce qui se produit dès que le trafic atteint 30 ou 40 communications par jour.
Au 1er janvier 1904, pour desservir 40.495 abonnés, l'Administration disposait de 1.395 emplois de téléphonistes, soit, sans tenir compte des circuits interurbains, une opératrice pour 29 abonnés, ce qui est insuffisant pour assurer un service régulier.
Dans ces conditions, les abonnés ne retirent pas du téléphone tout ce que ce mode de correspondance est susceptible de leur donner. Dans le service interurbain chaque téléphoniste a un trop grand nombre de circuits à desservir; tel circuit qui pourrait écouler 12 ou même 15 communications à l'heure n'en écoule que 10; les communications sont retardées et beaucoup sont finalement annulées, d'où perte pour le Trésor.
La création d'une cinquantaine de téléphonistes interurbaines permettrait d'obtenir le maximum cle rendement sur les circuits interurbains les plus importants et d'augmenter ainsi les recettes téléphoniques.
D'autre part, l'accroissement du nombre des abonnés et des circuits interurbains ne sera pas moindre en 1904 qu'en 1903. Les 5.677 abonnés nouveaux nécessiteront, à raison d'une dame par 29 abonnés (proportion au 1er janvier 1904), 195 emplois nouveaux. Le budget de 19041 n'en prévoit que 175 ; l'insuffisance est de 20. L'exécution normale du service téléphonique exige ainsi la création de 50 + 20 = 70 emplois nouveaux pour 6/12.
Quant au service de surveillance, il a d'autant plus besoin d'être renforcé qu'à part les postes centraux importants, disposant d'une organisation spéciale, le service téléphonique fonctionne, dans la plupart des bureaux, sous le contrôle direct du receveur, qui, absorbé par ses occupations multiples, ne peut toujours exercer sur cette branche du service le contrôle nécessaire.
Pour donner satisfaction aux exigences les plus urgentes, 100 dames surveillantes seraient nécessaires ; or, il n'en existe que 71, d'où insuffisance de 29 surveillantes.
— Extension des postes centraux téléphoniques non pourvus de multiples. 250.200 fr.
Du 1er janvier 1903 au 1er janvier 1904, le nombre des abonnés aux réseaux des départements a augmenté cle plus cle 9.500, passant cle 44.947 à 54.509, soit une progression supérieure à 21 % ; pendant le même temps, le nombre des circuits téléphoniques interurbains a augmenté de 1.817, passant de 3.474 à 5.291, donnant uneprogression de 50 %.
La capacité des appareils commutateurs des postes centraux auxquls sont reliés les abonnés n'a pas suivi la même progression. Il en résulte qu'aujourd'hui un très grand nombre d'entre eux n'offrent plus de disponibilités, pour permettre d'y recevoir les nouveaux abonnés, ainsi que les nouveaux circuits prévus en 1904, et dont le nombre ne semble pas devoir être inférieur à celui de 1903.
L'extension en 1904 des postes centraux téléphoniques non pourvus de multiples, nécessitera la fourniture d'au moins :
100 tableaux à 25 directions à 1.510 francs l'un 151.000 fr.
60 tableaux à 50 directions à 2.720 francs l'un 163.200 fr.
60 tableaux à 100 directions à 4.250 francs l'un... 255.000 fr.
Total 569.200 fr;
A déduire :
110 tableaux à 10 directions qui reviendront disponibles, à 750 fr. l'un 82.500 fr. soit 486.700 fr.
Les crédits inscrits au budget de 1904 étant de.236.500 fr. l'insuffisance constatée s'élève à. 250.200 fr.
Lurgence de l'allocation d'un crédit de pareille somme est telle que l'Administration, des Postes et des Télégraphes se verrait dans l'obligation de refuser à bref délai des abonnements dans un certain nombre de villes si elle ne disposait pas prochainement des ressources nouvelles proposées.
D'ici peu de temps, en conséquence, le personnel sera augmenté dans une notable proportion, de nouveaux multiples seront construits et mis en service. Le service en sera, naturellement, amélioré, mais ces mesures, si urgentes qu'elles soient, sont absolument insuffisantes, et ne parviendront pas à donner satisfaction aux trop légitimes paintes des abonnés.
C'est bien, peut-être, pour un début, mais cela ne doit constituer qu'un début.

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1905 Nous allons essayer de décrire en un langage familier les traits généraux du système téléphonique d'une ville moderne,

L'éveil d'un art nouveau,
Il existe aujourd'hui dans nos villes des systèmes téléphoniques desservant depuis quelques milliers jusqu'à 200.000 téléphones,
N'importe quel appareil de ces systèmes peut être mis en communication quelques secondes après que la demande en a été faite, Aujourd'hui, tout le monde se sert du téléphone, et il nous semble tout simple de causer familièrement à des distances de plus de 600 lieues,
L'invention du téléphone a rendu possible ce qui, auparavant, était impossible, c'est à dire l'échange de conversation à distance, et une nouvelle industrie fut ainsi fondée,
Dès l'instant où le téléphone fu tinventé et devint un appareil dont on pouvait se servir, il fut possible à deux personnes de communiquer entre elles des deux côtés opposés d'une ville, ou même des deux côtés opposés d'un pays, Mais de ce fait prodigieux à l'établissement d'appareils capables de permettre à n'importe quels postes téléphoniques pris parmi des centaines de mille autres, répandus sur une superficie de milliers de kilomètres carrés, de correspondre et à toute heure du jour et de là nuit, il y avait loin, En réalisant ce progrès, ou plutôt cette série de progrès, car bien que la téléphonie ait avancé à pas de géants, elle a eu à subir beaucoup d'épreuves et d'insuccès, il y avait là l'évolution d'un art industriel nouveau; la création d'une nouvelle industrie qui promettait d'atteindre de plus vastes proportions que n'importe quelle autre branche de l'électricité pratique, excepté peu-têtre celle des tractions électriques,
Le Téléphone Bell, l'appareil que nous désignons actuellement sous le nom de « récepteur », est le plus sensible des instruments électriques que connaisse la science, Il répond au moindre des courants électriques, La force du courant passant à travers une lampe incandescente ordinaire, donnerait, si elle était subdivisée, un son que l'on pourrait parfaitement entendre dans tous les téléphones du amonde entier, Cette extrême sensibilité du téléphoneest à la fois un, avantage et un désavantage,
Un avantage , parce que le téléphone transmet fidèlement les très faibles courants établis par les vibrations , des voix et un désavantage, parce qu'il transmet également les courants étrangers qui peuvent influencer les lignes téléphoniques « par induction ou par infiltration»,
Comme transmetteur, le téléphone Bell n'a qu'une étendue très limitée, étant seulement sensible à la voix humaine, Ceci fut cause, lors de la première apparition du téléphone, que beaucoup de personnes prophétisèrent que cet appareil ne pourrait jamais avoir une sérieuse application commerciale comme on ne pouvait s'en servir qu'à de petites distances,
Les inventeurs virent tout de suile que pour étendre les limites du téléphone, il fallait trouver un transmetteur qui utiliserait une source d'énergie extérieure, et Edison inventa le système à pile électrique,
Ceci permit la conversation par téléphone sur n'importe quelle distance, et, de ce fait, porta les limites de la téléphonie de quelques kilomètres à des centaines de kilomètres,
Sans entrer dans des détails techniques, il peu-têtre dit, que dans le téléphone, le courant transmetteur est fourni par une batterie électrique et que les vibrations de la voix exercent sur ce courant une action qui fait que dès qu'une personne parle dans le transmetteur le courant qui entre dans le fil se transforme en une série d'ondes électriques qui reproduisent fidèlement les vibrations de la voix,
Le Rev. M. Hunning un clergyman anglais, amena au plus haut point l'amélioration du système par sa découverte que du graphite granulé rendait la transmission beaucoup plus sensible que les charbons précédemment employés, Cette découverte, la seule amélioration radicale que l'ingéniosité anglaise ait ajoutée à la téléphonie (à moins de classer le professeur, Bell lui même comme de nationalité, anglaise), est pour ainsi dire la base actuelle de tous les transmetteurs téléphoniques servant universellement aujourd'hui, La petite embouchure circulaire en aluminium dans laquelle cause l'abonné téléphonique anglais, contient le graphite granulé inventé par M, Hunning,
Dès qu'il fut prouvé que le téléphone transmettait la parole, l'idée de « centres d'échange» se présenta, Il existait déjà des établissements où se centralisait un nombre quelconque de fils, servant à assurer la rapidité des messages et, a, donner l'alarme en cas de vol; il existait même un centre télégraphique à Newcasile, où les fils des abonnés pouvaient, sur leur demande, être mis directement en communication entre eux,
Par conséquent, les centres ou postes téléphoniques existaient à l'état d'embryon, même avant l'invention des téléphones,
Le premier réseau téléphonique sérieux fut créé à Boston en mai 1877, il y a exactement vingt sept an. Les fils d'un système d'alarme contre le vol servirent, et comme le commutateur téléphonique n'était pas encore inventé, ce fut l'opérateur lui même qui fit l'office de récepteur— qui devint, pour ainsi dire, une machine vivante à répéter — la communication était faite à l'opérateur et répétée par lui (car la demoiselle du téléphone n'avait pus encore paru sur la scène) à l'abonné à qui elle était adressée,
L'idée des réseaux téléphoniques se propagea rapidement, et des réseaux s'établirent promptement dans le monde entier,
Les demandes pour l'établissement du nouveau service affluèrent et excédèrent si promplement, vu le peu de facilités dont on disposait pour l'établir, les offres qui avaient été faites, qu'une foule d'esprits entreprenants inventèrent immédiatementdes méthodes et des appareils pour activer le rétablissement du nouveau système,
Ces méthodes et ces appareils furent, à l'origine, très primitifs, comme non seulement les problèmes à résoudre étaient entièrement nouveaux, mais aussi que les hommes qui prenaient à tâche de les résoudre étaient forcés de faire un long apprentissage partant tout à fait du commencement, aucune expérience antérieure ne pouvant leur servir de guide,
Aucun des appareils dont se servait la télégraphie (qui était alors la seule industrie électrique bien établie), ne pouvait servir à la téléphonie, car les résultats qu'on, attendait du téléphone différaient essentiellement de ceux que donnait le télégraphe,
Tous les appareils pour le service téléphonique durent être créés, Les fils télégraphiques, eux mêmes, furent bientôt reconnus impropres au service des téléphones, En télégraphie, on ne se sert que d'un fil, le circuit étant établi par la terre, En téléphonie, un fil unique relié à la terre provoque des courants étrangers, ce qui cause de tels bruits dans les appareils que, fréquemment, toute conversation devient impossible, Le seul moyen d'obtenir ce qu'un téléphoniste appelle » un fil silencieux » est d'éviter tout rapprochement avec la terre, en se servant de deux fils; cet avantage est connu sous le nom de « circuit métallique », Le téléphone est si sensible, que l'usage même de deux fils par ligne n'est pas toujours suffisant pour empêcher toute confusion,
Sur de longues lignes, les deux fils doivent être mis en relation d'une façon toute spéciale, de manière à neutraliser les effets d'induction qui se produisent, d'un circuit à un autre,
Dans les câbles téléphoniques, où chaque fil est séparément isolé dans une enveloppe de papier, les deux fils conducteurs de la même paire sont tordus ensemble, Dans les lignes aériennes, les deux fils d'un circuit sont tressés sur eux mêmes, chaque fil étant conduit à un isolateur différent à chaque pôle successif, ou encore, ces fils sont branchés à des intervalles définis,
Dans la construction des réseaux téléphoniques, le problème difficile que les pionniers durent résoudre fut celu ici : Concentrer sur un point des centaines (qui devaient bientôt devenir des milliers) de fils partant tous d'un téléphone quelconque; donner à chacun de ces téléphones les moyens d'appeler l'attention du réseau central; donner à ce réseau central la possibilité de percevoir les signaux téléphoniques; faire communiquer sur demande deux de ces appareils entre eux; et, enfin, de pouvoir appeler les abonnés au téléphone,
Bien des méthodes différentes furent proposées pour mener à bien ces diverses opérations, quelques unes étaient pratiques, d'autres ne l'étaient relativement pas, Il fallut une vingtaine d'années d'inventions et d'expériences continuelles pour arriver à un systèmer emplissant, d'une manière simple et rapide, toutes les conditions voulues et sur lequel on puisse compter pour pouvoir satisfaire le nombre énorme d'abonnés groupés actuellement dans les grands réseaux téléphoniques de nos villes,
Il y a, en Angleterre, une phrase d'argot bien expressive et qui peut s'appliquer aux tant nombreuses expériences par lesquelles on a été obligé de passer, c'est « faire des essais sur le chien »,
Dans les premiers jours de l'existence des réseaux léléphoniques, toutes les nouvelles méthodes furentforcément « essayées sur te chien »,
Dans ce cas, « le chien » était le public se servant du téléphone, et ennuyé par les défauts et l'insuffisance des appareils léléphoniques, « le chien » était fréquemment de mauvaise humeur, Il faut avouer que celle mauvaise humeur était amplement, justifiée, car, comme dans le nouveau système on était obligé de procéder par déduction, les mauvais résultas étaient presque aussi fréquents que les bons,
La récapitulation de la courte histoire du téléphone prouve que, lors de ses débuts, le public fut vraiment trop exigeant, et voulut imposer l'obligation d'un service perfectionné à une industrie qui avait encore tous ses problèmes à résoudre,
Il est possible que cela peut paraître un peu excessif, mais la cause réelle de l'impatience que le public manifeste souvent, même encore actuellement, dans ses rapports avec le service téléphonique, est celle que nous avons déjà eu l'occasion de signaler, à savoir : que le public se servant lui même directement de l'appareil, en ressent toutes les défectuosités, même les plus insignifiantes, d'une façon forcée,
Le résultat de vingt cinq ans de recherches patientes et de brillantes inventions est que : actuellement, le service téléphoniquea atteint un degré de perfection pratique permettant de desservir dans la même ville plusieurs centaines de milliers de téléphones et de faire communiquer, sur demande, deux de ces téléphones, dans l'espace d'environ 25 secondes, (Malheureusement, pas en France!)
Le service se fait presque automatiquement, laissant ainsi un minimum d'action à la personne se servant de l'appareil : enlever le récepteur du crochet provoque automatiquement un appel au réseau central, et remettre le récepteur donne le signal de la fin de la conversation C'est ce qu'on a appelé le système téléphonique à batterie centrale.
Dans les centres des réseaux téléphoniques, on trouve à chaque pas des inventions automatiques qui simplifient le travail de l'opérateur, donnant une célérité extrême aux communications, tout en leur assurant une exactitude beaucoup plus grande qu'auparavant, On place maintenant les lignes des abonnés des grandes villes presque entièrement sous terre ou dans des câbles protégés,
Cette disposition des fils et les grandes améliorations qui ont été faites dans les instruments et les appareils des réseaux téléphoniques assurent normalemen tle service contre toute interruption, à moins d'événements tout à fait extraordinaires,
En conséquence, le téléphone est, devenu aujourd'hui un service remplissant, tous les desiderata du public, permanent, rapide, exact, digne enfin d'inspirer confiance (toujours, maheureusement,pas en France), Enfin, l'étendue des lignes léléphoniques va toujours en s'augmenlant, Il y a quinze uns, des lignes téléphoniques de plus de 200 à 300 milles étaient rares (320 à 480 kilomètres), En 1892, la ligne entre NewYork et Chicago, longue de près de 1,000 milles (1,600 kilomètres) fut inaugurée, Aujourd'hui, la limite actuelle des communications téléphoniques est d'environ 2.000 milles (3,200 kilomètres),
L'année prochaine, elle sera probablement de 3,000 milles (4,800 kilomètres),
Actuellement, le nombre total des téléphones servant dans le monde entier est de plus de 3,000,000,
Le total des capitaux placés dans les systèmes téléphoniques est de plus de cent millions de livressterling (2,500,000,000 francs),
Quant au total des appels téléphoniques faits journellement, il atteint des chiffres fantastiques,
Tels sont les résultats de vingt cinq ans d'une nouvelle industrie !

Efficacité et Développement
La valeur du service téléphonique se trouve dans les facilités uniques qu'il réalise, En, fait de moyens de communications, le téléphone prime tous les autres systèmes,
Dans les plus grands réseaux téléphoniques de nos villes, il ne faut que quelques secondes pour relier n'importe quelles deux lignes et, les deux correspondants peuvent instantanément communiquer ensemble de façon directe et personnelle, L'opération entière ne prend que deux ou trois minutes, mais ce laps de temps suffit à la transaction d'affaires qui nécessiteraient plusieurs heures par télégraphe ou messager et une journée par lettre,
Le fait essentiel qui caractérise les opérations téléphoniques, est la vitesse pour ainsi dire instantanée des communications et le caractère complet qu'elles revêtent, questions et réponses se suivant directement durant la, même opération, Le service téléphonique abrège le temps et la distance et rend ainsi possibles bien des choses qui étaient impossibles avant son établissement,
Grâce au téléphone, les affaires se font plus rapidement et avec des méthodes nouvelles, donnant énormément d'essor et d'efficacité à toutes les organisations commerciales; il a aussi rendu possibles bien des entreprises industrielles et commerciales qui ne pouvaient pas exister sans le téléphone, qui ne permet pas de temps perdu, Pour toutes affaires sociales et domestiques, le téléphone est, aussi indispensable qu'en affaires commerciales et pour les mêmes raisons, la rapidité qu'assure la communication téléphonique et son caractère personnel,
Pour qu'une communauté réalise toute la valeur d'un service téléphonique, il faut que celui ci remplisse deux conditions d'importance capitale : un grand développement et une réelle efficacité,
Pourque tous nous nous servions du téléphone comme d'une chose ordinaire, il faut que son service soit absolument sûr et efficace, Il faut que l'abonné qui s'approche de son appareil soit assuré d'une prompte réponse à son appel et d'une communication pour ainsi dire instantanée avec le numéro téléphonique qu'il demande,
Le service doit être ininterrompu, dans ce sens que foule interruption provenant de défectuosités électriques ou mécaniques doit devenir extrêmement rare; car c'est un ennui véritable pour tout abonné pouvant avoir besoin de son appareil à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, de constater que pour une cause quelconque à lui inconnue, sa communication est interrompue,
Actuellement, dans les plus grandes villes, les progrès et les améliorations des méthodes de construction et des appareils téléphoniques permettent d'assurer aux abonnés un service téléphonique remplissant toules les conditions que nous venons d'énumérer, c'est à dire un service rapide, exact, sur lequel on peut compter et d'un caractère si stable que la ligne de n'importe quel abonné n'est guère interrompue, même une fois, dans le laps de temps représentant la durée ordinaire d'une vie humaine (L'auteur parlant, bien entendu, des grandes villes d'Angleterre et d'Amérique, quant à la France, dans l'état actuel de son système il ne peut en être question. ), C'est un service comme celuici que le public de toules les grandes villes exige et, ce ne sera que quand ce service sera assuré à toutes les villes d'Europe que le grand publie reconnaîtra le service téléphonique comme faisant partie intégrale et indispensable de tous les établissements commerciauxet industriels aussi bien que de tout foyer domestique,
Aux Etats Unis, le service téléphonique est considéré comme absolument, indispensable et son développement dans toutes les cités américaines prend de jour en jour une extension prodigieuse,
Le développement considérable du service téléphonique étant la conséquence des perfectionnements apportés, en tant que rapidité et exactitude, aux appareils, il y a donc beaucoup de probabilités pour que tout le monde, à un moment donné, se servire du téléphone, Etant donné le plus grand nombre possible d'abonnés au service téléphonique, la chance que justement la personne avec laquelle on désire s'entretenir soit de ces abonnés devient naturellement plusgrande aussi, Un de mes amis soutient quelquefois qu'un développement considérable du service téléphonique, n'est, d'aucune utilité, un homme, enmoyenne, n'ayant des relations sociales ou d'affairesqu'avec environ cinquante personneset, qu'un, réseau téléphonique comptant seulement cinquante abonnés (pourvu que ce soient les cinquante avec lesquels il est en relations) serait tout à fait suffisant, Ce paradoxal argument négligeant deux points très importants : 1° Que plus le réseau téléphonique a, d'étendue, plus il est probable que les cinquante connaissances de mon ami y seront abonnées; 2° Qu'il est, peu probable que chacune de ces cinquante connaissances ne désire communiquer uniquement qu'avec les membres constituantce groupede chiquante, Il est presque certain que c'est le contraire qui se produira : chacune des cinquante connaissances ayant probablement, cinquante autres connaissances qui, elles aussi, possèdent chacune à leur tour un cercle de connaissances et que chaque membre de ces groupes a son cercle personnel et ainsi de suite, adinfinilum,
La plus légère attention montre combien l'argument du groupe de cinquante est illusoire et démontre que plus le cercle d'abonnés sera élendu, plus il donnera au service téléphonique son plus grand caractère d'utilité, Ce dont on a réellement besoin c'est de pouvoir, de chez soi ou de son bureau, communiquer instantanêment avec n'importe quelle personne dès que la nécessité s'en fait sentir,
Dans une ville où le réseau téléphonique est très développé, c'est à l'appareil téléphonique qu'on ar ecours instinctivement quand une circonstance imprévue se présente : que ce soit pour discuter une affaire importante, pour commander une nécessité quelconque, ou pour traiter une question sociale ou familiale avec un parent ou un ami, la somme totale de temps gagné, de voyages devenus inutiles, de méprises et de déceptions qu'on a ainsi évitées, es ténorme, Mais, pour profiter de ces avantages et de bien d'autres encore, également importants, mais trop longs à énumérer, il est nécessaire que toutes les personnes avec lesquelles on se trouve en relations sociales ou d'affaires soient des abonnés au téléphone,
Ceci s'applique non seulement aux relations d'affaires immédiates ou aux, amis intimes, mais à l'agglomération entière de parents, connaissances et fournisseurs; car, le point essentiel est que le service téléphonique fait communiquer, non seulement ceux qui ont d'habituels rapports ensemble, mais aussi n'importe quel membre de la communauté avec qui et à n'importequelle minute on désire avoir une communication, De là l'importance d'un développement considérable du service, Je pressens, avec confiance, le jour où l'appareil téléphonique fera partie de l'aménagement de tout bureau ou magasin et même de toute maison ayant les plus modestes prétentions aux commodités et au confort modernes, au même titre que les dispositions nécessaires pour avoir l'air, la chaleur et l'eau,
Dans certaines cités, le service téléphonique atteint presque ce summum de popularité et devient une nécessité reconnue générale,
En Angleterre, il est encore loin d'avoir réalisé ce degré de popularité,

sommaire

Dans un chapitre suivant, nous considérerons les causes du peu d'extension du service téléphonique dans les Iles Britanniques, comparé à son étendue aux EtatsUnis, par exemple,
Actuellement, nous nous en tiendrons aux arguments qui préconisent le grand développement du service téléphonique, de façon à prouver que c'est ce développement même du service qui rendra d'immenses services à la, communauté en général et à chaque individu en particulier, et nous passerons en revue les moyens nécessaires à la réalisation de ce développement,
L'idée populaire est que la question téléphoniquen est qu'une question de prix; que si le tarif de l'abonnement est assez abordable, tout le monde sera abonné, étant, donné que l'utilité du téléphone est généralement admise, Cette question étant assez compliquée, c'est vraiment l'envisager de façon trop restreinte, à moins de plaider que le service téléphonique étant de nécessité universelle, doit être fourni à tous et à chacun à un prix purement nominal et sans avoir égard au prix de production,
Mais la question du prix de l'abonnement ne peut être séparée de celle du prix de revient, qui varie, non seulement dans différents pays, mais dans différents endroits du même pays; il varie suivant la qualité du service, et conformément aux demandes individuelles de chaque abonné,
Nous nous occuperons des tarifs téléphoniques et des considérations qui les régissent dans un chapitre suivant,
Mais nous pouvons dire ici que la, question de l'excellence du service est bien plus importante que la question du prix de ce même service,
Un service téléphonique vraiment excellent, rapide, exact, efficace, sur lequel on peut compter, deviendra, de nécessité, plus populaire, même avec un tarif relativement élevé, qu'un service mal fait et ennuyeux à un prix beaucoup moindre,
Le public demande des résultats et, en général, ne fait aucune difficulté pour payer un bon article un bon prix, mais il refusera promptement un mauvaisarticle, même à bon marché,
La première des conditions nécessaires à un grand développement des réseaux est l'excellence du service assurant au public des communications rapides et satisfaisantes,
Pourqu'un lel service soit possible, il faut que les systèmes téléphoniques soient construits sur une vaste échelle, que les fils soient autant que possible mis sous terre, — l'ère des fils aériens, sujets à toutes sortes de risques, étant passée, — et que les réseaux centraux et les appareils des abonnés soient établis sur les modèles les plus perfectionnés,
Il est aussi nécessaire que le personnel soit très soigneusement formé et qu'un plan bien conçu d'organisation et de discipline systématiques, soit observé de façon à ce que toutes les branches du service se maintiennent au plus haut degré possible, Ces traits caractéristiques, si faciles à décrire en quelques mots, ne sont pas si faciles à mettre à exécution, néanmoins il sera très possible de les obtenir, dès que ces diverses nécessités seront clairement et continuellementmises en pratique,
La différence qui en résulte pour le public est que dans le système où une intelligente direction est l'idée primordiale, l'usage du téléphone devient un plaisir, et que dans le second cas où l'excellence du service n'est qu'une question secondaire, téléphoner est un ennui auquel on ne se soumet que par cruelle nécessité,
Dans le premier cas, une communication est l'affaire de quelques secondes, et dans le second cas, c'est fréquemment une question de plusieurs minutes, et même très souvent aucun résultat satisfaisant n'est obtenu, Ces deux genres de service sontaussi éloignés l'un de l'autre que les deux pôles,
Dans bien des cas, comme nous le prouverons plus loin, ce n'est pas le personnel chargé du service qui est blâmable de son insuffisance, mais bien les autorités supérieures qui ont imposé des conditions absolument incompatibles avec les méthodes modernes,
Les divers réseaux téléphoniques gouvernementaux et les réseaux soumis au contrôle du Gouvernement le prouvent abondamment, Un service efficace étant établi, la seconde question est d'obtenir son développement, afin de mettre le service téléphonique à la portée de tous,
Ceci est une question en partie double : 1° De prix; 2° D'éducation permettant au public d'apprécier, à sa juste valeur, l'utilité du service téléphonique,
Il y a bien des personnes encore qui, malgré les grands progrès des méthodes scientifiques, sont d'esprit si conservateur qu'il faut un patient et long enseignement pour les amener à apprécier la valeur d'un progrès, aussi essentiellement, moderne, que les ervice téléphonique,
Peu de personnes se refuseront à reconnaître l'énorme extension prise durant, les cinquante dernières années par tous les nouveaux moyens de communication — rues, chemins de fer, postes et télégraphes — et l'utilité individuelle que chacun en retire,
Eh bien ! le téléphone devance d'un bond magique tous les autres moyens de communication, en supprimant les préliminaires et en établissant une communication directe et instantanée,
Le télégramme, à 10 centimes le mot fait son parcours aller et retour en une heure ou deux, Le téléphone fait plus effectivement la même communication en trois minutes,
Les rues bien pavées et bien éclairées permettent d'envoyer un rapide message au docteur en dix ou quinze minutes; le téléphone l'avertiten vingt secondes,
Le téléphone est non seulement nécessaire à toute bonne direction intérieure, un chaînon dans les relations d'amis à amis, une voie nouvelle par laquelle, les affaires affluent chez le commerçant, mais dans toute circonstance imprévue il est d'une valeur inappréciable, incalculable, Bien des personnes n'apprécient pas tous ces avantages, il faut les leur enseigner, Instruire ses futurs abonnés et leur faire comprendre tous les avantages du service téléphoniquedans n'importe quelle situation, fait partie du programme de toutes les administrations téléphoniques, et ce n'est que par de telles campagnes systématiques d'éducation, qu'on obtiendra un complet développement, l'esprit conservateur étant si fortement ancré clans une partie notable de toute communauté,
C'est ici qu'intervient la question des prix,
Vous pouvez offrir à l'acheteur l'objet le plus vendable en faisant ressortir par des arguments convaincants ses nombreux avantages et qualités, mais (à moins que ce ne soit un objet de luxe ou de facilité personnelle), il faut que le client futur estime que le prix demandé équivaut à la valeur de l'objet, ou il n'y aura rien à faire, Les tarifs téléphoniques sont considérés universellement, comme étant injustes, parce que le principe sur lequel ils sont basésest essentiellement, faux, Les règlements obligent tous les abonnés à payer le même abonnement, quelle que soit l'étendue personnelle de leur service,
L'appareil téléphonique est l'unité de dépense, et ce principe est essentiellement injuste, l'appareil n'étant que l'objet permettant à l'abonné de se servir du service, et une partie insignifiante du total mécanique formant le système téléphonique, La vraie unité de dépense réside dans chaque communication ou message téléphonique, Si l'on prend le message pour base des calculs dutarif, chaque abonné ne paiera plus que la sommere présentants un usage personnel du service, ce qui n'est que juslice, Un tarif élastique pouvant alors être établi, fixant des prix modérés pour ceux qui ne se servent que modérément du téléphone, mettant fin à cette injustice qui fait que tous paient le même abonnement à un service dont individuellement chacun se sert dans des proportions très inégales, L'équité et la nature pratique du » taux par message » comme base du tarif du service téléphonique, sont actuellement reconnues d'une façon générale, Avec un tel tarif, un service vraiment efficace et une campagne systématique d'éducation publique, le service téléphonique deviendra d'un usage presque universel,
Sans ces mesures, le grand développement nécessaire , pour que la communauté ressente puissamment la valeur du téléphone ne sera point obtenu,

Le Réseau Téléphonique moderne
Une conception exacte des résultats exigés du service téléphonique permet de suivre plus facilement la manière dont est conduit le travail de ce réseau téléphonique,
Nous prendrons pour acquis que le réseau fait partie d'un système dont les lignes et les appareils sont d'un modèle assurant une bonne transmission de la voix,
Dans les premiers temps, les appareils et les lignes étant défectueux empêchaient fréquemmentde bien entendre,
Mais, actuellement, comme il est possible d'obtenir des appareils de qualité parfaite et d'établir des câbles el des fils d'une solidité à toute épreuve, les difficultés à cet égard n'existent plus; ce qui fait que de mauvaises auditions ne sont plus qu'une cause très isolée de plaintes contre le service téléphonique,
Il n'en est malheureusement, pas de même quant à la rapidité et à l'exactitude des demandés et dès fins de communication, Il est évident que sous ce rapport, il y a place pour de sérieuses améliorations dans bien des grands réseaux téléphoniques d'aujourd'hui,
Les fonctions d'un réseau téléphonique sont :
1° De recevoir les appels des abonnés;
2° De répondre aux appels et prendre les numéros des lignes demandées;
3° De déterminer quelle est la ligne demandée et a) s'assurer si elle est libre ou non; et si non, b) en informer l'abonné qui appelle ou, si elle est libre, c) la relier à la ligne de l'abonné appelant;
4° D'appeler l'attention du second abonné;
5° Defaire cesser immédiatement la communication établie entre les deux lignes, aussitôt la conversation terminée,
Il est évident que pour remplir ces fonctions, il faut que l'appareil de l'abonné soit en mesure de faire un appel au réseau central pour demander un numéro, de notifier la fin d'une communication, autant que d'être capable de recevoir les appels du réseau central,
Au réseau central, il faut des moyens indiquant aussi clairement que possible l'appel de l'abonné, ainsi que le signal d'interrompre la communication,
Comme l'effort des esprits inventifs s'adonnant eu perfectionnement du téléphones est particulièrement porté sur les moyens nécessaires pour assurer l'exactitude et la clarté de ces opérations diverses, avant de donner la description des moyens par lesquels le téléphoniste distingue entre plusieurs milliers de lignes celle que demande l'abonné, nous parlerons succinctement, de l'évolution du système moderne des signaux téléphoniques,
Les premiers signaux se firent au moyen d'un indicateur magnétique du même modèle que ceux servant aux annonciateurs des sonnettes électriques,
Le passage d'un courant à travers la magnéto soulevait le crochet qui retenait un volet(C'est encore actuellementle système employé dans la majorité des .eommuiateurs en France.).
En tombant, le volet découvrait un numéro et l'opératrice mettait son poste en communication avec le commutateur portant le numéro correspondant, Pour actionner le signal, l'appareil de l'abonné était dans la nécessité d'avoir une source de courant que ledit abonné pouvait à volonté relier à la ligne téléphonique, On se servit, d'abord de batteries voltaïques et le rôle de l'abonné se bornait simplement a presser un bouton pour signaler l'appel au réseau central, Plus tard, ces batteries, d'entretien difficile et coûteux, furent remplacées par une petite dynamo (générateur magnétique) que l'abonné actionnait en tournant une manivelle,
Cette petite machine est génératrice d'un courant alternatif et actionne en même temps "l'indicateur" du réseau central et la sonnerie généralement adaptée aux systèmes téléphoniques,
Certains systèmes en profitaient pour laisser aux abonnés le soin de s'appeler mutuellement, le réseau se bornant simplement à établir entre les lignes la communication, demandée,
Pour les signaux d'appel l'amélioration principale date d'environ dix ans et se résume en ceci : quand pour répondre à 'l'appel d'un abonné, l'opératrice insère la fiche dans la ligne, le volet indicateur se remet automatiquement dans sa position normale évitant ainsi à l'opératrice qui était auparavant obligée de le remettre en place avec la main, une perte dé temps et d'effort, (Inutile de dire que, dans notre système téléphonique, cette amélioration apportée partout il y a plus de dix ans, n'existe encore que dans les rares «comcommutateurs multiples,», récemment construits)
Nous arrivons maintenant aux signaux de « fin de communication » et ceci est un point très important, Il est essentiel que le réseau central reçoive un signal distinct, indiquant que la conversation est terminée, Il est aussi essentiel, pour éviter toute interruption en attirant l'attention de l'opératrice, de ne donner le signal de fin de communication que quand la conversation est bien réellement terminée,
Une conversation interrompue avant sa fin est une expérience très désagréable du téléphone, mais qui se reproduira forcémenttant que les signaux de fin de communicationpermettant de telles méprises seront en usage, Jusqu'à ces dernières années, le modèle dé signal de fin de conversation servant généralement était un indicateur magnétique de couleur spéciale et occupant une position particulière sur le commutateur, de façon à le distinguer des signaux d'appel; Le signal de fin de communication est celui , que les cordons flexibles, nécessaires à établir une communication complète entre deux lignes au réseau central, faisaient entrer dans le circuit,
L'abonné actionné ce signal en donnant un tour à la manivelle de son appareil à la fin de la conversation ((Ce système est toujours en usagé en France),
Dans les systèmes où les abonnés s'appellent mutuellement à l'appareil, on est forcé de se servir d'un indicateur sur lequel n'opère pas le courant générateur, de façon à éviter les faux signaux; on ajoute donc aux appareils faisant partie de ces systèmes, un bouton rouge que l'abonné n'a qu'à presser pour donner le signal de fin de communication,
Le côté défectueux de ces systèmes est qu'ils mettent l'abonné dans l'obligation d'exécuter une action définie à la fin de toute conversation et que bien des abonnés négligent de le faire,
En fait, beaucoup d'abonnés téléphoniques avouent franchement qu'ils né cherchent même pas à se rappeler de donner le signal « fin de communication » en tournant une manivelle ou en pressant un bouton, Conséquémment, la majorité des abonnés ne donnant pas le signal de « fin de communication», l'opératrice est obligée de chercher à savoir, au mieux de ses moyens, quand la communication est vraiment terminée, Ceci impose un travail supplémentaire aux opératrices, occasionne des interruptions de conversation se prolongeant et une perte de temps au service général; car, deux lignes étant souvent maintenues en communication bien plus longtemps qu'il ne serait nécessaire, les appels qui peuvent survenir pour ces lignes pendant qu'elles : sont ainsi inutilement occupées sont forcément bloqués,
Dans le système téléphonique moderne, les indicateurs sont supprimés et manivelles et boutons n'apparaissent plus sur lès appareils des abonnés, Rien n'est imposé à la mémoire de l'abonné, et il n'a qu'un très petit travail pour appeler le réseau: En soulevant simplement le récepteur téléphonique du crochet on produit un appel au réseau central, et en le replaçant sur le crochetle signal « fin de communication » est transmis au réseau central, La tâche de l'abonné est ainsi réduite à sa plus simple expression, prendre le récepteur.du téléphone pour en faire usage et le replacer après s'en être servi,
Le mouvement d'appel et la pile sont supprimés et l'appareil est ainsi réduit au transmetteur et au récepteur par lequel il parle et écoute, et à la sonnerie qui est le moyen d'appel du réseau central,
Dans les conditions normales (ordinaires ou de repos d'un poste téléphonique au poste d'abonné), la ligne est reliée à la sonnerie, mais le support ou crochet auquel est suspendu le récepteur est un commutateur automatique qui sert à mettre cette sonnerie hors circuit et en même temps met le récepteur en contactavec la ligne lorsque le crochet, commutateur est allégé du poids du récepteur,
Les mouvements de montée et de descente de ce crochet commutateur sont actuellement utilisés pour accomplir une double fonction,
1° Couper ou relier alternativement la ligné par rapport à la sonnerie et au récepteur (au poste de l'abonné);
2° Produire simultanément la mise en action des signaux d'appel et de fin au bureau central,
Les signaux dont on se sert maintenant sont de minuscules lampes incandescentes qui s'allument pour un appel et s'éteignent automatiquement quand l'opératrice a répondu à cet appel,
Les lampes comme signaux ont plusieurs avantages sur les indicateurs qu'elles remplacent, L'oeil étant naturellement plus sensible à la lumière qu'à des changements de forme ou de couleur, elles attirent l'attention bien plus sûrement que le petit volet qui tombe, L'opératrice constate qu'une lampe signal s'allume, même si elle n'est pas directement dans son rayon visuel, et ce signal ne peut pas passer inaperçu; le déplacement d'un petit vole tn'est pas aussi sûrement remarqué, Les lampes étant beaucoup plus petites que les indicateurs, permettent d'assembler de façon plus compacte les commutateurs téléphoniques et de placer les signaux immédiatement adjacents aux commutateurs et aux cordons dont ils dépendent,
On plaçait autrefois tous les indicateurs d'un côté de la table du commutateur, et tous les commutateurs et cordons d'un autre, l'espace nécessaire aux indicateurs ne permettant pas de placer chaque indicateur à côté du commutateur correspondant, Ceci impliquait pour l'opératrice un effort mental, car elle était obligée de chercher le commutateur ou cordon correspondant à un indicateur s'en trouvant souvent éloigné, La lampe téléphonique est très petite, le capuchon la couvrant ne mesurant pas même 1 cent 1/2 dé diamètre, ce qui permet de placer la lampe immédiatement à côté du commutateur ou du cordon qu'elle contrôle, Ceci donne une plus grande exactitude à l'opération,
Les lampes ne faisant aucun bruit, le crissement et le cliquetis constants des volets indicateurs ne s'entendent plus, Le côté le plus effectif des lampes téléphoniques est que leur action étant entièrement automatique, les signaux qu'elles donnent ont une signification définie et bien spécifiée,
Au réseau central les lignes des abonnés sont mises en communicationau moyen de cordons flexibles se terminant par des fiches métalliques, Chaque employée téléphoniste a devant elle un certain nombre de paires dé cordons et dé fiches, ce nombre étant établi d'après la proportion des lignes qui, vraisemblablement, demanderont à être mises en communication en un temps déterminé,
Les deux cordons de chaque paire sont électriquement reliés ensemble et forment un chaînon flexible, au moyen duquel, deux lignes quelconques peuvent être mises temporairement en communication. La communication effective est produite par l'insertion des fiches dans de petits commutateurs tabulaires, dont l'embouchure se trouve au commutateur devant l'opératrice, En langage téléphonique on appelle ces petits commutateurs des « springjacks » et plus habituellement des « jacks »,
Ils consistent en deux ressorts métalliques qui sont en contact permanent avec les métallique ou alvéole, Quand la fiche est insérée dans le « jack », les deux extrémités dés fils conducteurs prennent contact avec les deux ressorts, et complètent ainsi la communication entre les conducteurs formés par lé cordon attaché à la fiche et là ligne de l'abonné,
L'embotture métallique formant le devant du « jack » et située en face dé l'opératrice remplit un rôle très important, que nous décrirons présentement,
Les fiches, normalement, occupent là position verticale, faisant saillie audessus d'une table au planche horizontale devant laquelle l'opératrice est assise; les cordons sont maintenus au dessous de la planche au moyen de contrepoids, Sur la surface de là table se trouvent établies deux làrrrpcs pour chaque paire de cordons, les lampes suivant là même ligne que les cordons, un coup d'oeil suffît pour distinguer le cordon se rattachant à chaque lampe, Quand un abonné appelle, une lampe s'allume sur la surface de la table, et l'opératrice insère immédiatement la fiche dans le « jack » au dessus de cette lampe, se mettant ainsi en communication avec l'abonné qui vient d'appeler, L'action de ficher met la lampe hors circuit et cause automatiquement son extinction,
Après avoir pris le numéro que demande l'abonné, l'opératrice insert la deuxième fiche de la paire dans le « jack » du numéro réclamé, qu'elle choisit, parmi les séries de mille qui garnissent la table du commutateur, Puis elle presse un bouton placé sur la tablette des cordons, actionnant la sonnerie de l'abonné appelé, jusqu'à ce qu'il réponde,
Cette réponse est perceptible à l'opératrice par le fait que les deux lampes associées aux cordons s'allument quand les récepteurs téléphoniques sont, sur leurs crochets et s'éteignent lorsqu'ils n'y sont, plus, La lampe du premier cordon sera éteinte, l'abonné qui appelle ayant naturellement enlevé son récepteur du crochet, mais la lampe appartenant au second cordon s'allumera dès que la fiche se trouvera insérée dans le commutateur de la ligne de l'abonné appelé et restera, allumée jusqu'à ce que celui ci saisisse son récepteur pour répondre à l'appel, puis à ce moment s'éteindra automatiquement, Si ensuite un des abonnés raccroche son récepteur, la lampe correspondant à ce récepteur s'allume; si les deux abonnés remettent leurs téléphones, les deux lampes s'allument et cet éclairage simultané des deux lampes est le signal de « fin de communication »,
Il est donc évident que ces deux lampes, associées aux cordons conducteurs qui établissent temporairement la communication entre deux lignes au réseau central, permettent à l'employée téléphoniste de suivre les communications si toutes deux sont éteintes, les deux abonnés ont leur récepteur en main; s'il y en a une d'allumée et une d'éteinte, c'est qu'un des abonnés a remis son téléphone en place, mais que l'autre a encore le sien en main, désireux de garder la ligne; si toutes deux sont allumées, il est évidentque les deux abonnés ayant remis leurs récepteurs sur les crochets, la communication peu-têtre coupée,
Puis, les fiches étant retirées des commututeurs, les deux lnrnpes s'éteignentautomatiquement, Ces deux lampes sont dénommées « signaux dé surveillance » comme elles permettent à l'opératrice de « surveiller » la communication sans écouter la conversation sur la ligne téléphonique, Quand le signal de « fin de communication» dépend de la mémoire de l'abonné, l'opératrice est obligée, au bout d'un certain temps, d'écouter les conversations afin: de se rendre compte si les abonnés communiquent toujours ensemble, ou s'ils ont terminé et oublié de donner le signal final,
Etant donnée l'insouciance d'une partie des abonnés, si l'opératrice n'agissait pas ainsi, bien des lignes resteraient on communication tonte une journée,
Mais il peut arriver parfois qu'une opératrice trop zélée interrompe intempestivemént des conversations commencées, au grand ennui, très naturel, des causeurs, Toutes ces difficultés disparaissent avec l'usage de la double lampe des « signaux de surveillance » — chacun des trois étuis différents de ces deux lampes —toutes deux éteintes — une éteinte et une allumée— ou toutes deux allumées — ayant une signification bien établie et accusant définitivement les différents états de la, communication aux têtes de lignes des deux abonnés intéressés, L'opératrice est entièrement guidée par les lampes et n'est plus du tout dans la nécessité d'écouter la conversation .

Le commutatenr multiple et « l'essai » ou « test » des lignes occupées,
La rapidité avec laquelle une opératrice est en mesure d'assurer à l'abonné que la ligne qu'il demande est « occupée » comparée à la longueur de temps qui lui est nécessaire pour appeler l'abonné quand la ligne est inoccupée, est un perpétuel mystère pour tout abonné téléphnoique, Le mot « occupé » est devenu pour tous les abonnés téléphoniques ce que le proverbial chiffon rouge est au proverbial taureau,
Les Américains appellent cela « en affaire », mais que l'opératrice déclare la ligne « en affaire » ou « occupée » l'abonné est également sceptique et contrarié, Cet état est inhérent à la nature humaine qui est naturellement incrédule, et qui déleste être contrariée dans ses désirs par de simples affirmations sans l'appui de circonstances confîrmatives,
La rapidité avec laquelle l'opératrice assure l'abonné que la ligne est occupée vient de ce qu'elle n'a qu'à toucher le bord du « jack » de l'abonné demandé avec la seconde fiche de la même paire de cordons pour entendre dans le récepteur fixé à son oreille un clic caractéristique, signifiant en langage téléphonique « occupé » ou « pas libre »,
Il est clair que pour l'opératrice ce n'est l'affaire que d'une ou deux secondes d'interroger ainsi la ligne de l'abonné demandé et de répondre «occupée» à l'abonné la demandant,
La raison pour laquelle l'abonné reçoit généralement l'avis que la ligne qu'il demande est « occupée » beaucoup plus vite que la réponse de son correspondant, la ligne étant libre, est que les abonnés téléphoniques ne répondent pas en général, aussi vite qu'il le faudrait à leur sonnerie, Si la ligne est libre, il ne faut que 3 ou 4 secondes à l'opératrice pour insérer la fiche et actionner la sonnerie; le reste du temps représente le retard que met l'abonné à répondre à la sonnerie, Telle est la raison qui fait que l'avis « occupé » est reçu plus rapidement que la réponse de l'abonné appelé,
La raison qui rend « l'essai électrique » permettant à l'opératrice d'indiquer si la ligne est occupée tout à fait indispensable, est que daps tous les grands commutateurs multiples, il y a sur chaque ligne plusieurs jonctions d'où cette ligne peut être reliée à d'autres lignes, Chaque ligne est pourvue pour établir les communications l'opératrice puisse s'en servir,
Le commutateur multiple peut être long d'environ 200 pieds et occuper 100 opératrices; dans ce cas, il y aurait 31 différents « jacks » pour chaque ligne, un pur section de 6 pieds du commutateur multiple, Il est naturellement impossible que l'opéralrice puisse surveiller plus que la partie du multiple qui se trouve devant elle et un, peu des deux cùlés,
Par conséquent, quand elle reçoit un appel pour une ligne quelconque, il lui est impossible de dire par la vue seule, si celte ligne est déjà en communication avec une autre ligne, à une autre seclion du multiple, Nous la mettons donc dans la possibilité de faire cette distinction au moyen de l'ouïe,
Quand deux lignes sont en communication, les bords des «jacks» appartenant à chacune d'elles, d'un bout à l'autre du multiple sont chargés d'électricité, ce qui fait que n'importe quelle opératrice, en touchan tn'importe quel « jack » avec la fiche correspondante, recevra à travers son récepteur un courant électrique, produisant un clic signifiant « occupée »,
Il est évident que sans ce signal « d'occupée» le système du commutateur multiple serait impossible les opératrices ne mettraient fréquement en communication plusieurs abonnés ensemble, et il en résulterait un étal continuel de confusion,
Le principe du commutateur multiple est de mettre chaque ligne du, réseau central à la portée de chuque opératrice,
Chaque opératrice répond aux appels d'un certain nombre fixe d'abonnés, mais elle peut mettre en communication les lignes de la totalité des abonnés du réseau, de façon à compléter rapidement toutes les communications qui peuvent lui être demandées, Ceci provient de ce qu'on a installé au multiple et à des intervalles réguliers, un certain nombre de « jacks » destinés à relier les lignes entreelles,
Le commutateur multiple consiste réellement en une série de sections mesurant chacune environ 6 pieds (soit 1 m 80) et étant chacune une reproduction du « multiple » de sa voisine, De là le nom de commutateur multiple,
Prenons, par exemple, un commutateur de 5.000 ligues, qui aura 5.000 « jacks »; un « jack » correspondant à chaque ligne dans chaque section, et chaque section étant la reproduction exacte de toutes les autres du moins pour tous les «jacks», Il y aura, admettons, 25 sections en tout, le long desquelles une des opératrices quelconque, celle desservant la vingtième section, par exemple, pourra établir sa communication avec le « jack » n° 3592 aussi facilement que l'opératrice de la première, de la deuxième ou de n'importe quelle autre section,
Mais il est évident que l'opératrice de la vingtième section doit être en mesure de s'assurer instantanément si le n° 3592 n'est pas déjà en communication avec une autre section, sans être obligée d'inspecter du regard un commutateur multiple long de 120 pieds, même si celuici était en droite ligne, ce qui n'est que très rarement le cas; le « test » électrique « d'occupé » lui permet de faire celte celte constatation instantanément. La simple opération de toucher le rebord du « jack » avec la fiche correspondante, lui fait savoir immédiatement si la ligne est occupée ou non,
Jusqu'ici nous ne nous sommes occupés que de la partie de l'opération ayant trait à l'établissement de la communication,
Voyons maintenant la façon dont les appels sont reçus et, incidemment, comment se déterminé le nombre des sections du commutateur multiple, étant, donné le nombre des abonnés,
Dans le commutateur multiple les « jacks » généraux sont les voies de transmission des lignes des abonnés, les moyens par lesquels se font les appels, et il peut y avoir sur tout le parcours de la ligne de 3 à 20 ou 30 de ceuxci en raison de l'importance du réseau, Mais il doit y avoir un point bien défini où l'abonné puisse appeler le réseau et lui faire connaître ses désirs,
Ce point s'appelle le « signal avertisseur» ou d'appel et «jack» local ou individuel,
Comme nous l'avons déjà dit, le signal avertisseur est une lampe minuscule, qui s'éclaire quand l'abonné.décroche son récepteur du crochet; le jack correspondant du local est un petit commutateur tabulaire pareil à tous points aux jacks généraux, et placé immédiatemient audessus de la lampe signal correspondante, Comme le nom l'indique, le jack local ou répondant est le commutateur dans lequel l'opératrice insère sa fiche pour répondre à un appel,
Les jacks locaux ou répondants et les signaux avertisseurs sont placés en rangs compacts immédiatement au dessus de l'étagère des cordons; ainsi, pour établir la communication en réponse à un appel, la distance en hauteur que parcourt la fiche est légère, .et le temps de la réponse est court,
Les jacks généraux sont placés au dessous des jacks répondants ou locaux, et une telle quantité en est nécessaire que dans quelques uns des grands commutateurs multiples actuellement en usage, ils sont construits en rangées serrées atteignant souvent une hauteur de trois pieds au dessus de l'étagère des cordons,
Bientôt, les directeurs des services téléphoniques seront obligés, en engageant leurs opératrices, de stipuler que pour les jeunes filles au dessous de 6 pieds il est inutile de se présenter,
On place à chaque section du commutateur un certain nombre de signaux avertisseurs et de jacks, locaux, ce n'ombre étant calculé d'après la, moyenne des appels journaliers de chaque abonné,
Chaque section du commutateur est desservie par 3 opératrices, et chacune de cellesci a, devant elle, un nombre de jacks locaux variant de 50' ou 60 à 100 et môme plus,
Une opératrice ne peut matériellement établir que tant de communications dans la journée; si l'abonné appelle très fréquemment, le,nombre des lignes d'abonnés se terminant devant, chaque opératrice doit être relativement minime; si par contre les appels sont relativement peu nombreux, le nombre des lignes confiées à chaque opé ralrice devient relativement aussi plus grand,
Il est donc évident que ce n'est pas le nombre dès lignes des abonnés, mais bien le trafic, qui détermine réellement la grandeur des commutateurs,
Etant donné un réseau de 6.000 abonnés, et pour chaque abonné, une moyenne de 5 ou 6 communications par jour, on mettra 300 jacks pour chaque section, 100 pour chaque opératrice, et le commutateur tout entier sera divisé en 20 sections, Mais, si par exemple chaque abonné faisait 10 appels dans la journée, chaque ligne demanderait un travail double, et on serait alors obligé de donner à chaque opératrice un nombre plus restreint de lignes à desservir,
Dans ce cas, il n'y aurait plus que 180 jacks locauxpour chaque section, 60 par opératrice et pour desservir les 6.000 abonnés un commutateur multiple de 34 sections deviendra nécessaire,
L'usage des lampes signaux et des inventions automatiques décrites plus haut simplifie beaucoup le travail de l'opératrice, et un commutateur équipé avec les lampes, signaux permet aux opératrices de traiter un nombre bien plus considérable d'appels que l'ancien commutateurà indicateurs,
Dans les grandes villes, le système teléphonique consiste en de nombreux bureaux centraux, reliés entre eux par des lignes spéciales, de manière à ce que chaque bureau central puisse faire passer les communications aux autres bureaux centraux et de même les recevoir,
Les lignes d'intercommunicalion sont appelées lignes auxiliaires; dans lous les grands réseaux téléphoniques, une telle quantitéde communications sont passées d'un bureau central à un autre.qu'un grand nombre de ces lignes auxiliaires est devenu nécessaire, et pour permettre de répondre systématiquement aux appels, les lignes auxiliaires sont divisées en deux services : un service réservé uniquement aux communications allant dans une direction, et l'autre aux communications allant dans la direction opposée, Cette disposition correspond en pratique aux lignes d'aller et de retour des grandes Compagnies de chemins de fer et, nécessairement, ces lignes téléphoniques auxiliaires exigent, elles aussi, des platesformes de départ et d'arrivée, afin que les communications puissent systématiquement être reçues et repassées entre elles,
Pour le commutateur téléphonique, la plateforme de départ est représentée par une série de « jacks » spéciaux étiquetés et numérotés comme les platesformes d'un grand terminus, placés audessus des jacks locaux et audessous de la masse des « jacksgénéraux », Ces « jacks » spéciaux s'appellent des « jacks auxiliaires de départ », comme ils forment des points de jonction accessibles aux lignes auxiliaires de départ qui relient le bureau central considéré aux autres bureaux centraux du système, A l'autre extrémité, la « plateforme » d'arrivée est constituée par une réunion de quelques sections du commutateur multiple, ou même souvent simplement par une prolongation du commutateur principal, où les lignes auxiliaires, qui sont alors appelées « lignes auxiliaires d'arrivée », se terminent en cordons et fiches,
Les opératrices de ce commutateur d'arrivée reçoivent non pas les appels des abonnés, mais ceux des opératrices des lignes auxiliaires de « départ » d'un poste éloigné,
Entre deux opératrices les appels ne se font pas par signaux, mais de vive voix; l'opératrice du commutateur des lignes auxiliaires « d'arrivée » étant toujours à l'écoute d'un téléphone qui est relié à une ligne de service direct établi entre les deux bureaux centraux( Pas en France. En effet, il n'est pas un abonné qui ne soit resté, plusieurs fois, 15 ou 20 minutes à l'appareil, en attendantque Saxe ou "Wagram, La Roquette ou Port-Royal, sonné par un autre bureau, consente à répondre. Très souvent, dans ce cas, l'abonné,découragé, abandonne la partie ),
Cette opératrice d'arrivée établit les communications nécessaires entre les lignes auxiliaires et les « jacks » placés devant elle en réponse aux demandes parlées par le moyen de ce fil spécial de l'opératrice de départ du bureau éloigné, Il est à remarquer que cette ligne de conversation de service ne sert absolument qu'à ïa transmission des ordres verbaux et que le nombre des paroles à échanger est réduit au strict nécessaire, c'est à dire au n° de la, ligne demandée et au n° de la ligne auxiliaire à employer, Le premier n° est prononcé par l'opératrice de départ, le deuxième n° est prononcé par l'opératrice d'arrivée, Toutes les autres indications de service, telles que « occupée » ou « ne répond pas », etc, , etc, , se font par d'autres voies que par cette ligne auxiliaire dont il importe d'éviter l'encombrement,
Pour être bien sûr que nous comprenons exactement l'opération du commulateur multiple, suivons la manoeuvre d'un appel,
L'abonné appelant décroche son récepteur, la lampe signal de sa ligne s'éclaire; l'opératrice insère la fiche dans le jack local correspondant, situé au dessus de la lampe qui s'éteint aussitôt,
Elle demande, par exemple, comme en Amérique « Numéro ? » ou comme à Paris « j'écoule », car il y a intérêt à réduire au strict minimum le nombre de paroles à faire prononcer par l'opératrice qui doit • les répéter des milliers de fois par jour, L'abonné répond : « 1017 Kensington », par exemple,
Avec la seconde fiche de la paire, l'opératrice touche le bord du « jack » général n° 1017, et n'entendant pas le clic, insère la fiche dans le jack de l'abonné demandé et actionne la clé d'appel correspondant à celte fiche, Puis la lampe correspondant également à cette fiche d'appel s'éclaire à son tour, Bientôt après, elle s'éteint et avise ainsi l'opératrice que l'abonné appelé vient de répondre,
Elle ne s'occupe plus alors de celte communication jusqu'au moment où les deux lampes sur la planchette des cordons s'éclairent ensemble,
Elle retire alors promplement les deux fiches, les deux lampes s'éteignent et les deux lignes se trouvent de nouveau dans les conditions permettant, de recevoir des appels ou d'en faire,
Si le n° 1047 Kensington demandait le n° 2635 Holborn, l'opératrice de Kensington en pressant un bouton marqué Holborn se met immédiatement en communication avec l'opératrice du commutateur des lignes auxiliaires de la « plateforme d'arrivée » à Holborn; elle dira « 2635 » et l'opératrice de Holborn répond « 23 » (l'opératrice d'arrivée eût pu désigner tout autre nombre correspondant à une quelconque des lignes auxiliaires dont elle dispose, chacune de ces lignes auxiliaires étant représentée devant elle par la fiche et le cordon qui la terminent), signifiant ainsi que l'opératricc de Kensington doit se relier à la ligne auxiliaire n° 23, qui va à Holborn,
L'opératrice de Kensington ayant fait la manoeuvre nécessaire, l'opératrice de Holborn fait alors avec la fiche terminant la ligne 23, le lest ou essai du « jack » de la ligne 2635 de son commutateur,
Si elle trouve celte ligne libre, elle y relie la fiche de la ligne auxiliaire 23, établissant ainsi la communication, puis elle sonne,
Si d'un autre côté, elle reçoit le « clic » prouvant que la ligne demandée est « occupée », elle introduit la fiche de la ligne auxiliaire n° 23 dans un « jack » spécial relié à une machine qui émet un bourdonnement intermittent; ceci est le signal pour l'opératrice de Kensington, et pour l'abonné de Kensington qui souvent l'entend et apprend ainsi avec ennui que la ligne demandée est « occupée »,
Les opérations supplémentaires nécessaires pour faire passer un appel d'un bureau central à l'autre expliquent l'attente plutôt longue par laquelle il faut passer avant d'apprendre que la ligne est « occupée » ou de percevoir la réponse de l'abonné demandé, quand il dépend d'un bureau central différent que l'abonné appelant,
Mais personne ne peut manquer d'admirer les méthodes ingénieuses et les procédés systématiques par lesquels ce temps supplémentaire est diminué jusqu'à n'être plus qu'une moyenne de quelques secondes pour chacune des centaines de mille communications passant journellement par le réseau téléphonique, ( Les secondes devenant avec le système actuel français des minutes)

J'ai décrit, aussi clairement, je l'espère, que le permettent la complexité du travail et des moyens qu'on y oppose, le travail général d'un système de téléphonie moderne, mais il est impossible d'entreprendre ici la description de tout le mécanisme par lequel ces résultats ingénieux sont obtenus, Dans tous les réseaux téléphoniques modernes, il y a un local aussi vaste que la chambre des commutateurs, qui contient les batteries et les machines permettant aux téléphones de parler, aux signaux de s'éclairer et de bourdonner, aux sonneries de sonner, Ce local appelé le « générateur de force » est en petit, une usine d'électricité pour force et lumière, Son aspect est compliqué; il s'y trouve emmagasinés de grandes batteries, des dynamos de toutes grandeurs et un commutateur imposant pour contrôler les dynamos et les batteries, aussi bien qu'une quantité importante d'autres appareils,
Mais cette organisation de machines compactes et réglées fait par elle même le travail qui, autrefois, exigeait des myriades de batteries et de générateurs individuels, répartis dans toute la ville et nécessitantune surveillance constante, Le générateur de la force du réseau téléphonique est l'incarnation même de la centralisation,
Toutes les parties essentielles et exigeant une attention soutenue étant ainsi groupées dans un seul département et sous la surveillance constante d'un personnel expérimenté,

Des Grands et des Petits Systèmes Téléphoniques
Un des côtés du service téléphonique qui présente le plus de difficultés est que le coût de l'abonnement téléphonique est plus élevé dans une grande ville que dans un petit endroit,
Le passant ordinaire ne voit pas en quoi consiste la justice de ceci, Pour lui, le principe du tarif des marchandises en gros doit s'appliquer aussi bien à la téléphonie qu'aux affaires commerciales; et conséquemment plus il y a d'abonnés moins l'abonnement doit coûter, Malheureusement, cette théorie ne peut s'appliquer à la téléphonie, et il n'y a aucun mystère ou paradoxe à ce qu'il en soit ainsi,
Les raisons qui font que le service téléphonique est plus coûteux dans les grandes villes que dans les petits centres sont faciles à comprendre, si on les examine attentivement,
Pour bien comprendre ce sujet, il ne faut pas l'examiner superficiellement et conclure hativement que le téléphone étant l'unité de l'industrie téléphonique, la « location d'un téléphone » doit coûter la même somme à Londres, ou à Liltle Peddlinglon,
Ceci ne serait admissible que si la location des téléphones était la seule transaction des administrations téléphoniques, mais comme le téléphone n'est qu'un item, ou détail de l'organisation du système téléphonique, un appareil permettant d'en faire usage, il ne représente nullement le coût du service ou le travail que nécessite ce service, Par conséquent, c'est adopter un point de vue tout à fait erroné que de prendre pour unité de l'industrie des téléphones l'appareil téléphonique, C'est celte erreur qui est responsable du malentendu général qui entoure la question des tarifs téléphoniques,
L'affaire de l'administration des Téléphones est de fournir aux abonnés un service téléphonique, et la mesure du travail fourni ne se résume pas dans l'appareil, mais bien dans le message téléphonique et la distance qu'il parcourt, La vraie unité du coût du service téléphonique est la « communication kilométrique correspondant au système du tonnage kilométrique que les Compagnies de chemins de fer appliquent aux voyageurs et aux marchandises, et d'après lequel elles calculent leurs frais,
Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que la grandeur du commutateur multiple desservant un certain nombre d'abonnés est déterminée non par le nombre des abonnés, mais par le nombre des appels que fait journellement chaque abonné, De même le nombre des opératrices est déterminé non par le nombre des abonnés, mais par le nombre des appels faits par ces abonnés,
Il est donc évident que le coût du bureau téléphonique et de son service varie suivant lé nombre des appels des abonnés et non pas suivant le nombre des abonnés,
Par exemple, dans une ville suisse, où la vie est très tranquille et où l'usage du téléphone est très restreint, un poste téléphonique comptant 5.000 abonnés coûte beaucoup moins cher et nécessite beaucoup moins d'opératrices qu'un réseau comptant autant d'abonnés dans une ville anglaise, où la vie est bien plus active et l'usage du téléphone beaucoup plus répandu,
Prenons un exemple plus près de chez nous : la ville de Guernesey a un service téléphonique comptant environ 1.200 abonnés, et la population de Guernesey étant paisible et agricole, ne transmet que 2.000 appels téléphoniques par jour, Naturellement, les frais d'un service aussi tranquille sont très minimes,
Par contre, dans une ville anglaise comptant également 1.200 téléphones, les appels étant beaucoup plus nombreux, les frais du service sont forcément beaucoup plus élevés aussi,
Il est donc évident que le coût du service téléphonique varie nécessairement suivant, le nombre des communications passant journellement par le réseau,
Voyons maintenant quel est l'effet des distances ,
Dans une petite ville, où il n'y a d'habitude qu'un seul bureau central téléphonique, la distance maximum que parcourent les commutateurs est la somme totale des deux lignes lès plus longues du réseau,
En général, dans une petite ville, la longueur moyenne des lignes d'abonnés est la 1/2 ou les 3/4 d'un mille (1.610 m), ce qui fait que la distance moyenne que parcourent les messages téléphoniques est d'un mille (1.610 m), ou d'un mille et demi (2.145 m) La distance maxima n'atteint généralement pas plus.de 3 (4.830m) ou 4 milles (6.440 m),
En comparant ces distances à celles des grandes villes où le réseau téléphonique s'étend sur une superficie de plusieurs kilomètres carrés, nous voyons que la distance moyenne des communications téléphoniques est de 5 (8.050 m) ou 6 milles (9.60 m) et que la distance maxima atteint souvent 20 (32 km ) et même 30 milles (48 km,),
Il est donc évident que le service téléphonique dont dispose l'abonné d'une petite ville est en valeur inférieur à celui fourni à l'a'bonné d'une grande ville, et que le prix de celuici est forcément plus élevé, s'élendant comme il le fait sur une grande superficie, et assurant aux communications une moyenne de dislance beau^ coup plus étendue,
En examinant attentivement la disposition du système téléphonique d'une grande ville, il est facile de comprendre que le service de ce système doit forcément coûter plus cher que celui d'une petite ville,
Il est impossible dans une grande ville de centraliser toutes les lignes d'abonnés et de les faire aboutir au même bureau central : 1° Parce qu'il faudrait des lignes d'une longueur démesurée et très coûteuses ; 2° Le nombre des abonnés s'élevant à des dizaines de mille, les difficultés de mécanisme et de forcé procédant de celte quantité énorme de fils, deviendraient accablantes,
On est donc obligé pour une grande superficie de la diviser en districts ou arrondissements, de créer pour chuque district un bureau central et do relier lous ces bureaux centraux ensemble par un système de lignes auxiliaires ou de jonction, ainsi qu'il a été décrit dans le chapitre précédent,
Par ce moyen, on empêche les lignes d'abonnés de dépasser une longueur moyenne raisonnable, et le nombre des lignes centralisées dans un bureau central est également restreint à une limite permettant de les desservir convenablement,
Mais le matériel des lignes auxiliaires nécessaires à assurer les intercommunications entre les divers bureaux centraux, de manière à ce que chaque bureau central puisse échanger des messages avec tous les autres, est une partie très importante du système et celle qui différencie le système téléphonique des grandes villes de l'unique bureau central téléphonique d'une petite ville,
Dans la grande ville, la zone téléphonique réservée à chacun des bureaux centraux est généralement de capacité suffisante pour assurer le service d'une ville de grandeur moyenne, et comme le district ou arrondissement que ce bureau central dessert atteint en général la superficie d'une petite ville, les lignes des abonnés sont évidemment de la môme longueur dans les deux cas,
Mais le bureau central téléphonique de la grande ville n'est qu'une partie d'un immense système, ce qui ne serait que de petite utilité aux abonnés qu'il dessert s'il ne les mettait, en communication qu'avec ses abonnés directs, ceuxci pouvant parfaitement désirer communiquer avec la totalité des abonnés répartis dans toute la ville, En conséquence, le bureau central téléphonique de la ville doit être pourvu d'un équipement spécial, lui permettant de transmettre ses communications à tous les autres bureaux centraux du système, aussi bien que d'en recevoir,
Il résulte de ceci que le mécanisme du réseau de la ville est plus complexe et a plus d'extension que celui du réseau possédant un unique bureau central,
Comme nous l'avons dit précédement, pour permettre à chaque bureau central de transmettre les messages téléphoniques à tous les autres bureaux centraux, ils sont reliés entre eux par un système de lignes auxiliaires ou de jonction, partagées en lignes d'aller et de retour, et dans chaque bureau central un commutateur multiple spécialement aménagé est nécessaire pour le service des lignes d'aller et un autre commutateur multiple pour le service de retour,
Prenons pour exemple le système téléphonique de Londres, et supposons que ce système ne consiste que dans les bureauxcentraux de Kensington, Gerrard, Holborn, Central et de la Banque,
Pour permettre aux abonnés de chaque bureau central de communiquer avec tous les autres, il faut, que le poste de Kensington, au moyen de lignes auxiliaires, soit en communication directe avec les postes de Gerrard, Holborn, Central et de la Banque; que le bureau central de Gerrard soit luimôme relié directement, par des lignes auxiliaires aux bureaux centraux de Kensington, Holborn, Central cl, de la Banque; et ainsi de suite, de façon à ce que chaque bureau central puisse communiquer directement avec tous les autres,
En examinant un bureau central, mettons celui de Kensington, nous verrons dans le commutateur multiple des « jacks » correspondant a toutes les lignes auxiliaires d'aller ou de départ permettant aux opératrices de Kensington de transmettre les appels de leurs abonnés aux postes de Gerrard, Holborn, etc,
Nous trouverons également un conimutateur mulliple spécialement réservé au service des lignes auxiliaires de retour ou d'arrivée, et desservi par les opératrices faisant le service des communications demandées par les lignes de Gerrard, Holborn, etc, pour celles des abonnés de Kensington, Et chacun des cinq bureaux centraux présente nécessairement, ces mêmes conditions,
Le système téléphonique de Londres est, en réalité beaucoup plus compliqué que ce simple exemple pourrait le faire supposer, s'étendant comme il le fait sur une superficie de quelque 640 milles carrés, réparti entre 60 bureaux centraux, et tous ces bureaux centraux étant forcément reliés entre eux par un système de ligne auxiliaires, de façon à permettre aux communications de parcourir toute l'étendue du système,
Il est donc évident que le rôle des lignes auxiliaires est de transmettre les messages téléphoniques d'une partie du système à une autre partie, il s'ensuit que l'extension matérielle de ces lignes dépend de la quantité des communications et des distances qu'elles parcourent,
Si deux bureaux centraux se transmettent une grande quantité de communications, un nombre considérable de lignes devient nécessaire, le nombre des messages transmis par une ligne étant limité; si les deux réseaux sont très éloignés, les lignes auxiliaires sont forcément longues en proportion,
Nous voyons donc que le matériel des lignes auxiliaires du système téléphonique d'une ville est proportionné aux communications transmises journellement et aux distances qu'elles parcourent,
En d'autres termes, le nombre des messageskilométriques de chaque jour détermine le prix du service fourni par l'Administration,
Dans chacun des bureaux centraux d'un système téléphonique d'une grande ville, il n'y a qu'une très petite proportion des appels destinés à des co'abonnés du même bureau,
Il est constaté que les abonnés ne se restreignent nullement à leur propre bureau central, leurs communications s'étendant dans toute la ville,
En général, les lignes auxiliaires transmettent environ les 4/5 de la totalité des appels, et il n'y a donc que 1/5 des messages téléphoniques qui soient des communications directes entre abonnés aboutissant au même commutateur,
Le service des lignes auxiliaires est pour cette raison la partie la plus importantedu réseau téléphonique d'une grande ville; on fait donc tous les efforts possibles pour faciliter un service exact et rapide à ces lignes auxiliaires, pour rogner des fractions de seconde sur la durée moyenne des appels, enfin pour assurer la plus grande exactitude et promptitude à ce service,
Une des grosses difficultés qui entravent, te service des téléphones est que le nombre des communicalions est très inégalement réparti entre les différentes heures de la journée,
Si les bureaux recevaient les appels en quantités toujours égales, la direction du service des téléphones serait beucoup plus facile qu'elle ne l'est,

Mais chaque journée a des heures de presse excessive, et des fleures où le service comparativement se ralentit. Pendant les premières heures de la matinée, le flux des appels va s'élevant jusque vers 10 heures. Puis tout le monde ayant alors reçu son courrier et ses télégrammes, la cité entière prend le téléphone d'assaut, le flot des appels monte tumultueusement, et les bureaux centraux et les lignes auxiliaires subissent lin excès de travail pendant environ deux heures. Après l'heure de midi, il y aune diminution dans les appels, puis au milieu de l'après-midi, une nouvelle période de presse, les affaires de la journé étant alors mises au point. Après cette période, les communications vont diminuant et les bureaux centraux sont comparativement sans travail une fois le soir arrivé.
Surgit-il un événement sortant de l'ordinaire, le service téléphonique s'en ressent instantanément; des faits spéciaux tels qu'un grand incendie, un désastre quelconque, une faillite importante, une course de grand intérêt, des nouvelles du siège de la guerre, la mort d'un personnage éminent, causent une très grosse affluence des appels téléphoniques.
Les communications téléphoniques ont été fort justement appelées les pulsations de la vie d'une grande ville. En observant le trafic d'un bureau téléphonique, il est facile de suivre les fluctuations qui surviennent clans l'activité de la communauté desservie par ce bureau central.
L'inégalité du travail quotidien d'un système téléphonique fait que le service coûte beaucoup plus cher que si les appels venaient en quantités qui puissent être déterminées par heure, durant toute fa durée de la journée de travail. L'essence du service téléphonique est la vitesse. Il est donc nécessaire que le matériel et le personnel soient organisés de façon à pouvoir répondre sans retard aux appels téléphoniques des heures de presse les plus excessives. Une heure après le moment de grande presse, ce que les ingénieurs électriciens appellent : « le sommet de la quantité », il y aura du matériel inactif et du personnel également inoccupé. Mais l'organisation du système tout entier est forcément calculée d'après les appels de l'heure de presse excessive, le système téléphonique ne comportant ni réserve ni magasinage. Chaque appel est une transaction individuelle avec laquelle il faut traiter de suite, et bien que pour de courtes périodes les opératrices puissent fournir un travail excessif, il n'en est pas du tout de même des machines, qu'il est impossible de pousser ou de forcer pour la bonne raison qu'un 111 téléphonique ne peut transmettre qu'un message à la fois: C'est donc l'heure de grande presse qui détermine le nombre des opératrices, la quantité de lignes auxiliaires et l'importance des commutateurs.
Pendant la nuit, le matériel entier est presque entièrement inoccupé; mais le service de nuit doit forcément être maintenu tel que, parce que les appels de nuit, quoique rares, sont urgents, et que ce service de nuit est une facilité publique très précieuse. Le matériel, cela va sans dire, est sur place, et ne coûte pas plus cher ù entretenir la nuit que le jour, son importance étant déjà fixée par les appels de l'heure de plus grande presse de la journée. Mais le service de la nuit tout entière nécessite, en proportion du travail, de très nombreuses opératrices. Dans bien des grands bureaux centraux téléphoniques, il y a à peine un appel par heure, durant la plus grande partie de la nuit, mais pour surveiller les grands commutateurs, pour donner une prompte réponse aux appels qui peuvent venir, il est nécessaire que plusieurs opératrices soient de service dans tous les grands bureaux centraux téléphoniques. D'où il résulte que le coût du service de nuit est très élevé relativement au nombre des appels de nuit.

Dans les premières pages de ce petit ouvrage, il a été signalé le caractère tout particulier que présente le service téléphonique, en ce sens que c'est le seul service public dont le public fasse personnellement et directement usage. C'est cette particularité qui est cause indubitablement des expressions plutôt vives dont le public et la presse caractérisent toute discussion relative aux affaires téléphoniques. Mais un fait qui n'est pas suffisamment admis, c'est que le public faisant usage lui-môme du service téléphonique encourt ainsi dans une certaine mesure la responsabilité de s'en servir correctement et intelligemment. Toute communication téléphonique intéresse deux abonnés, et si chacun des deux abonnés ne s'acquitte pas correctement de: sa part respective dans la transaction, le résultat général ne sera rjas satisfaisant. Cette réciprocité inhérente au service téléphonique permettant aux' abonnés de s'aider mutuellement à obtenir un bon service, en faisant correctement la partie du service qui leur est attribuée, n'est pas suffisamment comprise par la majorité des abonnés au téléphone. Un grand nombre d'abonnés se servant de leur appareil comme d'une machine, et ne prenant pas en considération ce fait qu'il y a toujours à l'autre extrémité du fil téléphonique un être humain, se laissent ainsi aller à une façon inconsidérée et négligée de faire leurs communications, d'où il résulte de grandes frictions, une tension inutile pour les opératriceset fréquemment pour les abonnés de sérieux ennuis.
Dans les premiers jours de la téléphonie, l'abonné faisait partie intégrante du mécanisme téléphonique, d'une façon bien plus active que maintenant. Il était obligé de se rappeler de faire certaines choses à certains moments, de presser des boutons et même quelquefois de signifier à l'opératrice à l'autre extrémité, la fin du message, pour permettre à celle-ci de couper promptement sa communication. Il existe encore des systèmes () où pour s'assurer le bon fonctionnementdu service, les abonnés sont obligés d'accomplir ces diverses manoeuvres, et le meilleur conseil que l'on puisse leur donner, est d'observer aussi fidèlement que possible les instructions qui assurent le service. Dans ces systèmes, le genre de service qu'obtient un abonné dépend beaucoup de la manière dont un autre abonné exécute les instructions nécessaires au bon fonctionnement du service.
Mais il y a longtemps déjà que les ingénieurs téléphonistes les plus expérimentés ont constaté qu'il est inutile de compter, pour chaque appareil, sur un abonné se souvenant de faire certaines manoeuvres en un ordre déterminé, chaque fois qu'il sera, appelé à s'en servir. Tout appareil téléphonique peut servir quotidiennement à une demi-douzaine de personnes ou même plus, et quelques-unes de celles-ci seront forcément insouciantes ou négligentes; de là, la nécessité d'un service si simplifié que toute erreur devienne presque, impossible.
Le système de signaux automatiques d'appel et de fin de communication que nous avons décrit dans les chapitres précédents, donne incontestablement un service d'une extrême simplicité. En exceptant l'erreur tout à fait exceptionnelle d'oublier de remettre le récepteur sur son crochet une fois la communication terminée; il n'y a. plus, pour ainsi dire, d'erreur que l'abonné puisse commettre., Ce système.qui vient d'être adopté en Angleterre par la « National Téléphone C° » et par le,«Post Office.,» esf appelé à devenir d'un usage.commun dans tous les pays.,
'II.faut dire aussi que même-avec le, système des signaux automatiques, Iy a deux ou trois points importants où la coopération attentive des abonnés est nécessaire: le premier de ceux-ci, est la grande 'attention que nécessite l'exactitude des numéros téléphoniques; le deuxième, l'empressement à répondre aux appels; et enfin, le; troisième, la nécessité de is'attacher à un certain code d'étiquette téléphonique.
Prenons, d'abord, la question des numéros. L'organisation du service téléphonique étant entièrement basée sur des numéros, l'exactitude que nécessite l'emploi de ces numéros est d'importance de toute évidence. Considérons par quels moyens il est possible à l'opératrice de distinguer vivement un numéro quelconque des (mettons approximativement) 80.000 abonnés téléphoniques actuels de Londres. Chaque opératrice répond a un nombre variant de 60 à 100 abonnés ; mais il faut qu'elle puisse distinguer rapidement le numéro demandé parmi les 80.000, indépendamment de celui dont elle s'occupe de transmettre: la demandé. Ceci est faute de transmettre la demande. Ceci lui étant facilité par la division des 80.000 abonnés en groupes, chaque groupe ayant un nom et les unités de chaque groupe étant numérotées. L'opératrice ayant des lignes reliées à chaque groupe, choisit premierrement la ligne du groupe demandé, puis, transmet le numéro à une seconde opératrice à l'extrémité éloignée, à laquelle incombe le devoir de choisir le numéro demandé parmi ceux du commutateur devant lequel elle se trouve.
Tout ce travail devenant inutile si le numéro est mauvais, il convient que la plus rigoureuse exactitude soit observée dans; l'usage des numéros par tous les intéressés. Les numéros peuvent être mauvais pour des raisons variées; l'abonné se croyant sûr du numéro qu'il demande, sa mémoire peut lui faire défaut; son coup d'oeil dans l'Annuaire, trop hatif, peut causer une erreur; il se peut parfaitement qu'après avoir lu correctement le numéro, il le transpose en l'énonçant; — c'est, en effet, une erreur très commune que de transposer les chiffres; — de lire, par exemple, 3647 et de dire 3467, ou la pononciation du numéro n'étant pas très distincte, l'opératrice entendra 5 pour 9 ou 8 pour 10.
Il se peut que l'opératrice répète inexactement le numéro et que l'abonné ne s'en aperçoive pas, ou qu'elle le transmette indistinctement à l'opératrice des lignes auxiliaires; mais, les opératrices ont des méthodes spéciales de répéter les numéros afin d'éviter toute méprise ; et quoiqu'il y ait parfois des erreurs dues à des similitudes de sort dans les numéros entre elles, la majorité des erreurs se font entre abonnés et opératrices.
Les erreurs provenant de mauvais numéros sont une des formes les plus ennuyeuses des défauts du service téléphonique. Afin de les éviter dans la mesure du possible, il faudrait que les abonnés vérifient invariablement l'exactitude du numéro demandé, qu'ils l'énoncent distinctement et qu'ils s'assurent que l'opératrice le, répète correctement. Il est évidemmentdu devoir de. tout, abonné téléphonique de. répondre rapidement à sa sonnerie. Cette sonnerie ne voulant pas dire seulement qu'un instrument fait du bruit, mais traduisant l'attente de quelqu'un qui désire parler, la courtoisie la plus élémentaire demande donc qu'une prompte réponse soit faite à cet appel. Mais ceci peut être approfondi davantage. Dans toute communication téléphonique, l'opération qui consiste à mettre deux correspondants en communication demande un certain temps, pendant la plus grande partie duquel la sonnerie de l'abonné appelé se fait entendre, niais il ne se produit rien de plus; en diminuant ce temps, l'opération entière sera réduite d'autant; la communicationse fera de manière plus satisfaisante et les deux lignes reviendront a leur état normalj leur permettant de recevoir ou de faire de nouveaux appels beaucoup phis rapidement. Il est donc évident qu'une réponse rapide à la sonnerie.améliore non seulement le service de l'abonné; appelant, mais tend à diminuer aussi les ennuis provenant des ; « lignes occupées », en limitant au temps strictement normal, la durée, d'occupation des deux lignes nécessaires à tout message téléphonique. . .
Ceci devrait être une raison suffisante à de rapides réponses; mais, en vertu du simple précepte de « faire aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fassent », tous les abonnés téléphoniques devraient invariablement répondre a la sonnerie téléphonique aussi rapidement que possible.
De même, les abonnés des systèmes demandant un signal spécial pour annoncer les « fins de communication » diminueront les. ennuis provenant des lignes dites « occupées » en ne négligeant pas de donner ce signal, quel qu'if soit. Comme nous l'avons vu, « occupée » veut simplement dire que la ligne demandée est en communication avec une autre ligne. Il est donc évident qu'en négligeant de donner le signal «fin. de communication », les lignes continuent à être en communication inutilement et sont ainsi la cause d'une perte de temps précieux, en n'étant pas en mesure de transmettre de nouveaux appels.
Certainement, à la longue, l'opératrice se rendra compte quel les abonnés ayant terminé leur conversation ont négligé de l'en avertir et d'elle-même elle coupera la communication. Mais, durant cet intervalle,'.les appels qui pourraient demander l'une de ces lignes ou même les deux se trouveraient forcément bloqués, le test ou « essai » dé l'opératrice donnant» occupée »; plussieurs, de ces appels auraient donc pu passer, si les abonnés n'avaientpas oublié d'actionner leur signal de fin de communication.
Dans lès systèmes nécessitant un signal spécial pour avertir le bureau central des «fins de communication» les appels bloqués par suite de lignes inutitement «occupées» sont, quotidiennement des plus fréquents. Ces considérations prouventclairement que les abonnés peuvent améliorer matériellement leur propre service, en s'acquittant convenablement de la part qui leur incombe dans les opérations téléphoniques. En ce faisant, ils n'obtiendront pas la perfection du système, mais ils peuvent contribuer y arriver,' en se rappelant la coopération qu'ils doivent à un service dont ils ont en mains les deux extrémités. La difficulté des lignes « occupées » existera toujours dans une certaine mesure dans tous les systèmes téléphoniques des grandes villes, durant les heures de presse de la journée; car, à ce moment, tout le monde désire mutuellement s'entretenir.
Beaucoup d'abonnés ont tendance à occuper leurs lignes uniquement avec les communications allant au dehors, ne s'apercevant pas ainsi dès essais infructueux de leurs correspondants pour les appeler; ils ne réalisent pas l'importance qu'il y aurait pour eux à avoir des lignes téléphoniques en nombre suffisant pour permettre le service du trafic tant intérieur qu'extérieur. Les méthodes automatiques que nous avons décrites et la coopération apportée par les abonnés en exécutant rapidement la part qui leur revient dans l'opération, diminueront les ennuis des lignes « occupées »; mais les abonnés qui se servent énormément de leur appareil, peuvent encore le restreindre en faisant usage d'un nombre de lignes suffisant pour assurer le service de leur trafic.

Un mot sur la question d'étiquette téléphonique.
Il a, en téléphonie, une certaine étiquette à observer, tout comme il est d'usage de s'astreindre à certaines formes pour entrer ou pour sortir d'une maison ou d'un bureau. Le premier principe de cette étiquette téléphonique est'que l'abonné qui appelle soit au téléphone, quand l'abonné appelé répond.
Il y a des abonnés téléphoniques qui font violence à ce principe et qui font faire! leurs appels par l'entremise d'un tiers, lequel est généralement le garçon de bureau. Cette pratique est un manque d'égards envers l'abonné appelé et occasionne sur les lignes une perte considérable d'un temps précieux. Pour la plupart d'entre nous, c'est une expérience quotidienne, et qui n'en est pas pour cela moins exaspérante, d'être appelé par un garçon de bureau pour s'entendre dire : « Attendez une minute, M. un tel désire vous parler. » Il se passe souvent bien plus d'une minute avant que la voix de M. un tel se fasse entendre. Cette façon de procéder n'est pas polie; si M. un tel désire me parler, il devrait être à son appareil en même temps que moi, autrement, c'est d'une manière choquante, du temps perdu !
Et cette perte de temps deviendra encore plus grande, s'il y a un garçon de bureau à chaque extrémité de la ligne téléphonique. Ces fâcheux procédés entraînent donc des pertes de temps, non seulement pour les personnes directment intéressées à la communication, mais également pour l'emploi du matériel téléphonique qui est de grande valeur, contribuant aussi au bloquage du trafic des communications.
Un autre point d'étiquette téléphonique est la manière de s'adresser à une personne au téléphone.
Bien des gens qui ne songeraient même pas à s'adresser ainsi à une personne face à face, sont extrêmement brusques et agressifs au téléphone.
Une des formes ordinaires du peu de politesse téléphonique est celle-ci : « Qui êtes-vous? » Ma sonnerie m'appelant au téléphone, il m'est très désagréable, quand j'y réponds, qu'on me demande qui je suis. Qui pourrais-je être ? La formule naturelle pour s'adresser à moi, qui suis invisible, est celle ci : « Est-ce vous, M. un tel ? » Je réponds naturellement : (( Oui » et la conversation se poursuit alors aisément. Une personne croyant me reconnaître dans une foule, ne m'aborde pas en me disant : « Qui êtes-vous? » Pourquoi donc serait-elle si impolie au téléphone ? Puisqu'elle appelle quelqu'un et qu'elle connaît ce quelqu'un, pourquoi ne dirait-elle pas : « Est-ce vous M. un tel ? »
Une attention raisonnable pour ces détails empêche grandement et dès fictions et des pertes de temps; contribuant ainsi à l'efficacité générale du service.

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Fin 1905 c'est la crise économique : Etat du Service téléphonique à Paris

A cette date en France, les commutateurs multiples ne sont pas encore avec la "batterie centrale" comme aux Etats-Unis, Angleterre, Belgique, Allemagne, Autriche, Hongrie, Italie, Portugal, Russie, Roumanie.
Voici un rapport de notre ingénieur-conseil, M. Herberl-Laws Webb, sur le service téléphonique à Paris. La. compétence en matière téléphonique de M. Herberl-Laws Webb, universellement reconnue, donne d'aulant plus de poids à ses critiques, et aux mogens à employer pour mettre le téléphone à Paris nu niveau des progrès réalisés en téléphonie à l'étranger.

Les causes du service défectueux.

1° La cause principale du service défectueuxdu réseau téléphonique de Paris est que l'on continue de s'y servir d'appareils et de méthodes essentiellement défectueux, cl qui ont été abandonnés depuis longtemps dans tous les pays où la science téléphonique a fait des progrès. L'historique des réseaux téléphoniques, qui datent d'environ 1880, peut se diviser (à première vue) en trois périodes.
Pendant la première période, d'environ dix ou douze ans, les appareils et méthodes téléphoniques ne furent que des « expériences », les ingénieurs téléphoniques étudiant encore celte industrie et inventant des appareils et des méthodes pour expérimenter les résultats qu'ils pourraient en obtenir.
Pendant la deuxième période, d'environ cinq ou six ans, le développement des appareils téléphoniques fut plus scientifique, l'expérience acquise dans le service des réseaux téléphoniques des grandes villes permettant de diriger les recherches et. les perfectionnements sur certaines parties du
système afin d'obtenir un service vraiment efficace et rapide.
En procédant ainsi, sur des lignes bien comprises, il résulta, de toutes ces inventions et expériences téléphoniques, des appareils et des méthodes perfectionnés qui pendant la troisième période, d'environ sept, ou huit ans, ont créé le modèle ou type d'un service, qui à tous les points de vue, est efficace, rapide et permanent. Le réseau téléphonique dé. Paris est de beaucoup resté en arrière, et se sert encore aujourd'hui des appareils et. des méthodes, qui, au point de vue de la téléphonie moderne, appartiennent à la période des « expériences », laquelle, pour les ingénieurs télphoniques qui. suivent le progrès, se termina il y a dix ou douze ans.

2° Bien qu'il soif peut-être vrai, que jusqu'à un certain point le système téléphonique de Paris ait adopté quelques-uns des perfectionnements qui appartiennent à la deuxième période du développement technique de la téléphonie, il n'en est pas moins vrai que, pris en entier, l'équipement technique et la méthode de travail de ce système sont ceux des premiers jours des réseaux téléphoniques. Le système téléphonique de Paris paraît absolument ignorer les appareils et les méthodes de la troisième période, qui date d'environ 1897.

3° Telle est. donc la cause principale du service téléphonique défectueux de Paris : les appareils des centraux et. des postes d'abonnés sont d'un
type ancien et insuffisant, et. il est. certain qu'avec un pareil équipement il est impossible de donner un service satisfaisant.

4° Dans un très petit système téléphonique, deservi par un seul réseau, il est possible de donner un service relativement satisfaisant avec des appareils anciens, parce que le travail est relativement simple et que les opératrices peuvent être entraînées et surveillées de façon spéciale. Mais dans un grand système, composé d'un nombre considérable de centraux reliés les uns aux autres par des lignes auxiliaires, le service est. si compliqué d'un si grand volume qu'il devient impossible de donner, même avec la plus grande attention de la part des opératrices et une minutieuse surveillance, un service exact et rapide aux abonnés, si les appareils sont défectueux et insuffisants. De plus, les anciens appareils donnent un service si défectueux et irrégulier qu'il réagit forcément sur les nerfs des opératrices, et qu'il est par conséquent déraisonnable d'exiger d'un grand nombre d'opératrices astreintes à un service compliqué cl exgeant une haute discipline et exactitude, quand tous les appareils servant, à assurer ce service fonctionnent avec la plus grande irrégularité. Il y a donc, dans un grand réseau téléphonique équipé avec des appareils défectueux, deux principales causes de mécontentement, superposées l'une à l'autre : l'une, qui provient des appareils eux-mêmes en raison de leur service défectueux et l'autre, de la démoralisation des opératrices forcées de se servir d'appareils ne causant qu'erreurs el confusions.
Il parait évident que le service téléphonique de Paris souffre de ces deux causes de mécontentement.

5° Un des traits bien connus du service téléphonique de Paris, el qui d'après mon expérience est unique, consiste en ceci : les abonnés sont dans l'obligation de fournir leur appareils. L'origine de celle pratique est obscure, mais ses résultats sont malheureusement trop visibles. Une des conditions essentielles au bon fonctionnement d'un grand système téléphonique est que tous les appareils soient du même type ; ceci est essentiel .
1 ° parce que les qualités électriques du poste de l'abonné sont forcément en « inter-relalions » avec celles des appareils centraux ; et 2° parce qu'on ne peut maintenir constamment en bon étal un grand nombre d'appareils d'abonnés, que s'ils sont tous uniformément d'un même type, de façon que les inspecteurs chargés des appareils soient absolument, familiarisés avec tous les détails de ces appareils et en mesure de porter remède à tous les défauts et même de prévenir, si possible, ceux qui pourraient se produire. Il est de toute évidence que si chaque abonné achète son instrument, il a un choix à faire entre les différents types d'appareils : parmi ces différents types il peut y en avoir qui, par rapport aux autres appareils auxquels ils seront reliés et dont ils deviendront une partie intégrale, présentent quant à la technique certains défauts radicaux. Ceci cause forcément des difficultés qui se renouvelleront journellement. De plus, il est impossible avec cette diversité dans les appareils d'arriver à former une équipe d'inspecteurs parfaitement familiarisés avec toutes les particularités de chacun de ces différents types.

6° Une autre difficulté, considérable et très coûteuse, que perpétue dans le système téléphonique de Paris celle pratique qui veut que tout abonné
achète son appareil, est l'usage très étendu de batteries pour les appels centraux.
Celle méthode d'appeler l'attention du bureau central remonte aux tous premiers jours de la téléphonie : c'est le commencement de la première période mais dans presque tous les pays, ces batteries primaires furent bientôt remplacées par le générateur à main ou appel magnétique, qui constitue un moyen d'appel beaucoup plus simple, pluseffectif (et sur lequel on peut compter) qu'une collection de batteries primaires. Le générateur à main disparut à son tour pour faire place au signal automatique, qui est mis en action par le simple fait, de décrocher le récepteur.
En France, pour une raison ou pour une autre l'usage des batteries primaires a persisté beaucoup plus longtemps que dans les autres pays, et la pratique, qui oblige l'abonné à acheter son appareil, est cause de cet usage qui se perpétue indéfiniment, d'appareils de types très anciens employant des batteries primaires pour les signaux.
Le nombre de batteries primaires nécessaires au service des 40.000 téléphones du système de Paris est énorme et constitue non seulement une cause très sérieuse du service défectueux dont se plaignent, les abonnés, mais une dépense excessivement importante.
L'usage en téléphonie des batteries primaires donne comme résultat un service très irrégulier, et qui revient, très cher, et ces défauts augmentent en
proportion du développementcl de l'extension que prend le système : ce furent ces difficultés fondamentales, reconnues par tous les ingénieurs en téléphonie, qui amenèrent l'invention du système de la « Batterie-Centrale » qui supprime entièrment les batteries aux postes des abonnés.

7° Comme je viens de le dire, celte pratique d'obliger les abonnés à acheter leurs appareils est presque exclusivement particulière à l'administration française. En effet, celle pratique n'existe plus dans aucun pays, à l'exception de quelques très petites compagnies et administrations téléphoniques de la Scandinavie, et aucun ingénieur téléphonique ne pourrait entreprendre d'assurer un service vraiment efficace dans un grand réseau avec de telles conditions. Il est évident que- cette pratique entraîne tout un cortège de défauts radicaux, et que ceux-ci ne peuvent qu'augmenter en proportion du développement du système. Cette pratique constitue donc un des défauts radicaux du service téléphonique de Paris ; et, avant, d'arriver à réaliser une amélioration réelle cl permanente, il faut que celte question soil élucidée et la pratique, dont nous parlons forcément abolie.
Quand on s'occupera, de la question téléphonique de façon vraiment scientifique et pratique, il. faudra, bien que l'administration française, se conformant en ceci, aux pratiques de toutes les autres compagnies et administrations téléphoniques, fournisse elle-même à tous ses abonnés des appareils d'un type moderne et uniforme.

8° Enfin, on peut dire que durant ces dix ou douze dernières années, l'Administration française, en tout ce qui louche le côlé technique du service téléphonique, est allée à la dérive, et que le système téléphoniquc de Paris est tombé de ce fait, dans une condition de désuétude, tant pour les appareils qui fonctionnent aux deux bouts de la. ligne, que pour les méthodes d'opérations qu'un service satisfaisant est ainsi rendu absolument impossible.

9° Il est certain que plus cet état de choses se prolongera, plus le service ira de mal en pis ; chaque addition faite au système actuel perpétue les
erreurs primitives, el ajoute une complication de plus à une collection d'appareils déjà excessivement compliqués. Il faut se rendre compte que le
système télphonique de Paris contient actuellement environ 40.000 abonnés, ce qui donne un total d'environ 200.000 communications par jour. Cha-
que communication nécessitant une série d'environ 8 à 10 opérations, cela fail approximativement un million d'opérations par jour. A moins que tou-
tes ces opérations soient effectuées d'une manière facile, rapide el exacte, il s'ensuivra forcément des erreurs, des frictions et des retards.
Le nombre journalier des communications tendant à s'élever constamment, il est donc évident quo si l'on continue à se servir de ces appareils, de ces méthodes défectueux, les relards, frictions et erreurs s'élèveront forcément aussi.

10° Il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'une complète reconstruction du système téléphonique de Paris sur des données modernes est, le seul remède
qui mettra fin d'une manière définitive aux défauts el aux irrégularités que ce système présente actuellement. Avec les appareils et les méthodes qui
sont d'un type courant en Amérique, depuis six ou sept, ans (el. dont j'ai, fait, une courte description dans mon rapport général), et avec un personnel bien organisé, le service téléphonique de Paris pourrait devenir un service pour ainsi, dire parfait.
Il faudrait de deux à trois années pour renouveler ainsi, tout le système, et, durant ce laps de temps, une amélioration graduelle se manifesterait, à mesure qu'un nouveau réseau entrerait en service ; le coût total de cette reconstruction n'atteindrait pas le prix d'un cuirassé. Et. il n'est pas douteux que pour la communauté, un service téléphonique vraiment efficace aurait une valeur qui dépasserait de beaucoup ce prix.

En résumé, si le système téléphonique de Paris était complètement reconstruit avec des bureaux centraux el des postes d'abonnés modernes, et si
le personnel était soigneusement formé et exercé suivant les plus récentes méthodes d'opérations téléphoniques, Paris aurait en trois ans un service
parfaitement efficace, un service où l'audition serait bonne, l'opération exa.de, et la rapidité moyenne d'une mise en communication d'environ trente secondes.

Les Téléphonites et la Réforme
L'opinion du personnel. — Un rapport à M. Bérard. — La condamnation du programme de la Commission.
De tous côtés, des voix autorisées s'élèvent pour condamner le maladroit replâtrage élaboré par la Commission sous le masque trompeur d'une réforme téléphonique.
Le personnel vient de faire entendre à son tour ses critiques. Ne devait-il pas, en effet, avoir voix au chapitre ? Les téléphonistes ont une expérience pratique qui aurait été forl utile à MM. les Commissaires. Mais ceux-ci n'ont pas plus daigné entendre les téléphonistes que les abonnés et les techniciens. Ils ont voulu systématiquement écarter toutes les compétences, pour ne pas être gênés dans leurs petites combinaisons. Malheureusement pour l'Administration, sa tactique, aujourd'hui, se retourne contre elle.
Le rapport que vient d'adresser à M. Bérard l'Association des Dames employées des postes, télégraphes et téléphones, constitue en effet, sous une forme modérée et respectueuse, le plus fomidable réquisitoire contre les pratiques el le haut personnel de l'administration: il est précis, documenté ; il émane d'employées qui ont la pratique des appareils et ne connaissent que trop les défauts et les plaies cachées du système.
oici les passages principaux de cet intéressant
rapport :
« Les deux grandes causes responsablesde la crise endémiquedu téléphone sont :
« 1° L imperfection des appareils;
« 2° L'insuffisance numérique du personnel; et ces deux causes dépendent elles-mêmes d'une double erreur gouvernementale el administrative.
« L'erreur gouvernementale, on l'a maintes fois répété, consiste à attribuer à l'Administrationdes postes, télégraphes et téléphones un rôle fiscal au lieu de l'organiser en entreprise industrielle el commerciale, seul moyen d'assurer son dévelonnemenl méthodique. Nous n'insisterons pas davantage sur cette erreur parce que sans l'erreur administrative elle aurait maintenant disparu.
« L'erreur administrative consiste à remettre la destinée des services électriques à une direction et à des commissions dont, la science n'embrasse encore ni les connaissances techniques universelles, ni la pratique de la manipulation, au moins en ce qui concerne la téléphonie. »
Voilà une exécution soignée des grands chefs, qui, pour être conçue en termes mesurés, n'en est que plus décisive.
Voulez-vous un exemple de la bêtise el de la fatuité administratives ? L'année dernière, on s'en souvient, l'Administration crut faire une innovation, merveilleuse en renonçant aux appareils à multiplage pour acheter des multiples divisés, système Standard.
— Ça ne marchera pas, prophétisèrent les quelques techniciens égarés à l'Hôtel des téléphones.
— Il faut que ça marche, ripostèrent les grands chefs dont la présomption n'a d'égide que l'ignorance. L'appareil doit permettre à chaque téléphoniste de servir 200 abonnés.
L'expérience en décida autrement. Le rapport nous édifie à ce sujet :
« Le Standard a donné les résultats suivants. A Gutenberg, la téléphoniste de ce multiple, OH lieu de servir 200 abonnés, selon les premières espérances, n'en sert pas même 100, comme celle du 3" étage ; pas même 80, comme celle du 2° étage, laquelle a cependant, à lutter avec un vieux multiple primitif et tout usé ; la téléphoniste du Standard, à Gutenberg sertà peine 70 abonnés. »
Tout commentaire serait, superflu !
Et le rapport conclut :
« Le nouveau système est donc inférieur aux anciens comme rendement et. comme qualité puisque les dérangements y sont plus nombreux ; enfin, s'il est exact qu'il est abandonné depuis sept ans à l'étranger, c'est une preuve de plus de ce que nous avançons.
« Si ta commission chargée de l'achat des nouveaux multiples avait eu la connaissance approfondie des différents systèmes téléphoniques en service à l'étranger, elle aurait fait choix du système le plus perfectionné ; en tout cas, à défaut de ces connaissances, si les membres de cette commission avaient, eu l'expérience de la manipulation téléphonique, elle se serait refusée à cet achat, de 2.833.000 fr. de Standard, dont le rendement sera celui d'une somme trois fois moindre.
« Que MM. les ingénieurs n'ignorent plus rien des progrès de la téléphonie universelle et qu'il leur soit permis de faire un stage de téléphoniste tout
comme les ingénieurs de chemins de fer font un stage sur les machines, et d'aussi regrettables erreurs ne se reproduiront plus. »
Quand les subordonnés reconnaissent aussi clairement — avec preuves à l'appui — l'incapacité de leurs chefs, il faut vraiment que le gâchis soit. à son comble !
La batterie centrale tronquée que nous promet l'Administration, aura-t-elle pour effet de faire cesser la crise ? 11 n'en est rien :
« Si les signaux de la téléphoniste ne fonctionnent pas par suite du mauvais étal du matériel, l'abonné ne recevra pas plus de réponse qu'auparavant, et il restera en communication avec son correspondant après la fin de conversation comme avant. Donc, pour que l'abonné ait avec la batterie centrale l'assurance que ses appels parviennent bien à son bureau, il faut que les signaux de sa téléphoniste fonctionnent régulièrement ; or, dans les anciens multiples, les annonciateurs se dérèglent fréquemment, par suite de l'usure, du mauvais entretien : et pourtant la plupart fonctionnent moins mal que les signaux lumineux, « un des derniers perfectionnements en usage en Amérique », parce que la fabrication française n'a pas dû suffisamment s'inspirer de la fabrication américaine : autrement, les résultats seraient les mêmes de chaque côté de l'Atlantique. »
Mais il y a mieux : telle innovation annoncée à grand fracas par l'Administration ne servirait qu'à augmenter encore — serait-ce possible ? —
l'acuité de la crise :
« Quant à « l'application à litre définitif du mode d'exploitation par le dépari avec clefs de convertsation déjà pratiqué à Paris à titre d'essai et qui doit permettre une meilleure utilisation des lignes établies entre bureaux centraux », nous nous permettrons, monsieur le Sous-Socrétaire d'Etat, d'attirer particulièrement votre bienveillante attention sur cette innovation qui menace de paralyser complètement le service cet hiver, tout en compromettant gravement la sanlé des téléphonistes ; les congés de maladie augmenteront sans suffire à guérir votre personnel d'extinctions de voix, de laryngites, d'ébranlements cérébraux dûs à cette innovation connue sous le nom de travail en Swiiching.
« De prime abord il paraît agréable, rapide et sûr, — et il pourrait l'être, — mais il ne résiste pas à l'expérimentation dans les conditions où la commission veut l'appliquer, faute toujours de pouvoir l'expérimenter elle-même. Apparemment le travail est ie même ; en fait, il est. privé d'un concours précieux, celui de l'abonné qui, dans le premier système, accomplit une bonne partie de la besogne, quand il consent au double appel, non autorisé mais couramment pratiqué. Ce concours, pendant les heures calmes de la journée, n'est pas nécessaire: alors le système Swiiching est praticable, il offre même certains avantages qui peuvent le faire préférer à l'autre ; mais pendant, les heures chargées, la téléphoniste de départ ne pouvant plus compter sur l'aide de ses abonnés, devant demander toutes sescommunications une à une, son travail primitivement trop considérable se trouve encore augmenté : de plus, elle esl immobilisée par l'encombrement de sa correspondante d'arrivée ; alors elle s'énerve parce que les appels se multiplient dans son groupe sans qu'elle puisse y répondre ; pressée d'obtenir sa communication, craignant d'être oubliée par sa collégue de l'arrivée, elle répète dix fois son numéro, elle s'égosille, elle s'époumone, elle s'épuise ; pendant ce temps, la téléphoniste d'arrivée est absolument ahurie par la multitude des voix qui l'assiègent. La Swiiching dans ces conditions esl un travail indescriptible et infernal. »
Veut-on un exemple ? En voici un typique,chiffres à l'appui :
« Pour répondre aux 7.000 abonnés du bureau de Wagram, presque tous appelés à communique avec Passy, vu la proximité des deux quartiers et leurs relations, Passy n'a que deux téléphonistes d'arrivée : sur ces deux l'une d'elles donne les communications à 45 téléphonistes de départ de Wagram, c'esl-à-dire qu'avec le système Swiiching 45 voix aupis-aller pourraient demander ensemble un numéro à lu téléphoniste de Passy ; cela ne s'est probablement jamais produit, mais sur ces 45 voix il s'en trouve parfois une vingtaine et plus qui se font ou voudraient se faire entendre du bureau de Passy.
Quelle cacophonie en résulte ? Il est facile de l'imaginer. Par contre, il esl, plus difficile de s'expliquer comment la téléphoniste de ce bureau ne perd pas la tête et, comment celles de Wagram peuvent donner satisfaction à leurs abonnés demandant un numéro 600... et à tous ceux qui en attendan tappellent désespérément. »
El c'est la généralisation de cet extravagant état des choses que l'Administration nous propose comme remède de la crise téléphonique ! Il est difficile de se moquer plus cyniquement du public et. du Parlement.
La conclusion du rapport est. nettement formulée : il faut remplacer tout, le matériel actuel qui ne vaut, rien, ancien et nouveau. Tout replâtrage serait déplorable :
« Nous conclurons donc avec vous, monsieur le Sous-Secrétaire d'Etal, que « l'ancien outillage a a cessé d'être à la hauteur des besoins cl des progrès nouveaux et de l'augmentation permanente du nombre dès abonnes, et nous ajouterons que LE NOUVEL OUTILLAGE SERA ENCORE INFÉRIEUR A L'ANCIEN, ce que nous avons démontré.
« C'est donc tout le matériel existant ancien el nouveau qui devrait être remplacé par celui qui, après l'examen de tous les systèmes en activité à l'étranger, serait reconnu le meilleur, toutefois en lui affectant le personnel reconnu nécessaire là où il fonctionne bien. Les téléphonistes françaises ne redoutent aucune comparaison loyalement établie. »
En attendant, pour diminuer l'acuité de la crise les dames employées proposent les trois réformes suivantes, qui sont, au moins les deux dernières, immédiatement,applicables :
1° L'augmentation du personnel ;
2° L'entretien minutieux du matériel existant ;
3° L'application du mode d'exploitation des appareils le plus propre à faciliter le service.
« Le personnel doit, être augmenté d'UN TIERS au moins, ce qui permettra de constituer une brigade de réserve ; le service mixte serait enfin supprimé, el les téléphonistes pourraient prétendre au repos hebdomadaire volé par le Parlement et qu'elles n'ont jamais goûté. Nous pourrions citer certains bureaux ou dix dimanches de suite elles se sonl trouvées à leurs postes. »
On voit que le personnel — et nous insistons sur ce point. --—arrive, par des moyens d'investigation différents, à la même conclusion que l'Association des Abonnés au téléphone. La réforme de M. Bérard, incomplète et bâtarde, n'améliorera pas la situation el la fera même empirer à certains égards. Tout le matériel acluel doit être remplacé par un système en harmonie avec les progrès de la téléphonie.
Nous avons toujours soutenu les légitimes intérêts du personnel. Nos adhérents n'ont pas oublié noire enquête sur la situation des téléphonistes,
enquête qui a révélé des faits véritablement scandaleux à la charge de l'Administration. Nous savons, et nous n'avons cessé de répéter que les
dames employées ne sont pas responsables de la situation actuelle, et que, pour la très grande majorité d'entre elles (le rapport actuel est là
pour le prouver), le zèle el les connaissances techniques sont indiscutables.
Les intérêts des abonnés el du personnel sonl solidaires. L'idenlilé de leurs revendications et de leurs critiques, en ce qui concerne l'outillage
et le projet de réforme actuel, ne peut manquer d'impressionner le Parlement.

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L'usage du téléphone a donné lieu a bien des incidents, les uns tragiques, les autres comiques.
Une pièce de théâtre française, intitulée « Au téléphone »,et dont la scène principale est l'angoisse impuissante d'un mari qui, à une distance de plusieurs centaines de kilomètres, entend des voleurs assassiner sa femme, dépeint d'une puissante manière les terribles possibilités de la communication téléphonique. La vie réelle, elle-même, n'est guère distançêe par le roman en fait d'incidents téléphoniques macabres. Récemment, ert Hongrie, un jeunè.hommé appela sa fiancée, avec laquelle il venait de se quereller, au téléphone, en lui disant :« Voulez-vous écouter pendant que je me tire un coup de revolver? »; se logeant incontinent une balle dans là tête.
En Amérique, un homme qui, sûrement, avait dû être influencé par la pièce française, appela un ami au téléphone, en lui disant d'écouler et qu'il entendrait quelque chose d'intéressant. L'interpellé entendit tout d'abord les bruits d'une violente altercation entre son ami et sa femme, puis d'une lutte et enfin une succession de coups de revolver. Il apprit par la suite que l'homme, après avoir tué sa femme, s'était suicidé.
Il y a d'autres exemples plus ou moins effrayants de communications téléphoniques ayant servi à des cas morbides, ajoutant encore ainsi à l'horreur de ces actes de violence; mais pourquoi les rappeler ?
Cependant, les histoires qui par leur côté humoristique font également ressortir une moralité supportent plus aisément la répétition. Dans le pittoresque argot américain, une personne qui se plaint continuellementest un « kicker » (grincheux). Dans les premiers jours du téléphone, les « grincheux » étaient légion et il était très difficile d'arriver à les contenter. Les directeurs de certains bureaux centraux imaginèrent alors d'affecter au service des plus irascibles une certaine partie du commutateur, placée sous la direction des plus habiles opératrices, et généralement on dénomma cette partie du commutateur « la table des grincheux ».
Un jour, un abonné important visitant) un bureau central, le directeur lui expliqua en détail le travail téléphonique; le visiteur se déclarant des plus intéressés, tant par le mécanisme en général que par la dextérité des opératrices, trouvant, entre, autre, l'idée de « la table des grincheux » très plaisante, mais un peu cependant offensante pour les opératrices si consciencieuses et si assidues, et qui ne devraient donc pas être malmenées par les abonnés. Finalement, après avoir examiné et admiré tout en détail, le visiteur exprimai le désir de voir la partie où sa ligne était desservie. Le directeur ne, pouvant, de prime abord, lui indiquer l'endroit, appela une des opératrices, en lui donnant le numéro du visiteur; ce à quoi il lui fût répondu que c'était le premier numéro « de la table des grincheux ». Le visiteur partit sans en demander plus.
Ils sont rares, du reste à les abonnés qui se rendent véritablement compte de f'effort exigé des opératrices et aussi combien le langage inconsidéré et peu parlementaire trop fréquemment employé par les abonnés augmente cet effort. En général, l'opératrice est consciencieuse et fait de son mieux; tout insuccès dans l'exécution des demandes de l'abonné la contrarie vivement, et lés sottises qui lui sont parfois transmises ajoutent énormément à la fatigue de ses nerfs. L'habitude de parler de façon grossière au téléphone est, malheureusement trop générale. Un de mes amis, que nous appellerons, si vous le voulez bien, Jones, était autrefois inspecteur général d'une Compagnie téléphonique, possédant un certain nombre de petits bureaux centraux. Durant ses tournées d'inspection, il prenait fréquemment la place d'une opératrice, afin de faire personnellement l'expérience du travail, et il s'ensuivait souvent quelques chose dans ce genre :
Un indicateur étant tombé, Jones fichait et demandait : « Numéro, s'il vous plaît ? » Ce à quoi il lui était répondu : « Tiens, où est donc Maggie ? »
(diminutif de Marguerite).
— Numéro, s. v. p., répétait Jones.
— Vous êtes bien le bureau ?
— Oui, c'est bien le bureau; numéro, s. v. p. ?
— Alors, qu'est-ce qu'est devenue Maggie ?
— Numéro, s. v. p.
— Oh alors, je suppose que ça va bien; donnez moi le. numéro 79. »
Durant ce colloque, plusieurs autres indicateurs étant tombés, Jones, fichant à tour de rôle et aussi rapidement que possible, était reçu par une série
de remarques d'abonnés impatients, telles que :
— Enlevez donc le coton de vos oreilles.
— Laissez donc votre tricotage et occupez-vous de votre affaire.
— Réveillez-vous donc, il y a dix minutes que je sonne.
— Bougez-vous. Je vous croyais morte. »
Et après environ cinq minutes de ce genre de conversation, Jones, dans une colère blanche, abandonnait son siège à « Maggie ».
Au bout d'un certain temps et le résultat étant toujours le même, les autres opératrices pétitionnèrent auprès de Jones pour qu'il n'opérât pas lui-
même, cinq minutes au commutateur le mettant de si mauvaise humeur, que leurs demandes d'augmentation ou de congé s'en ressentaient forcément.
Pendant ces dernières années, l'usage du service téléphonique a pris une grande extension dans les districts ruraux de l'Amérique. Un jour, tout dernièrement, un fermier visitant un de ces petits bureaux centraux, déclara très bien comprendre Je travail du commutateur, car, ayant lui-même un petit talent mécanique, il était très adroit pour tout ce qui était machines, surtout pour les faucheuses ou les moissonneuses. Cependant, il aurait bien
voulu savoir pourquoi les jeunes filles plaçaient continuellement des chevilles dans la table du commutateur ?
Dans une certaine ville d'Amérique, il y a un abonné qui n'est abonné qu'à la condition de ne pas se servir lui-même de son appareil. Ce brave homme est un entrepreneur de transports, faisant de grosses affaires; mais, son langage est tellement grossier que, pour la protection des opératrices, la Compagnie téléphonique s'est vue finalement forcée de couper son service. Mais, comme il reconnaissait ses défauts de caractère et surtout de langage, et que le Service du téléphone lui était absolument nécessaire, on arriva à un modus Vivendi, en insérant dans son contrat une clause spécifiant que l'abonné s'engageait à ne pas user personnellement de son appareil. Son service lui fut donc en conséquence rendu; mais ce sont ses employés qui font toutes les communications téléphoniques.
Une autre méthode, moins radicale, mais tout aussi efficace, fut adoptée pour corriger un abonné également violent et intempérant de langage. Dans
ce cas, le coupable était un employé du gouvernement, qui avait l'habitude, dans toutes les occasions possibles, d'injurier grossièrement les opératrices. Après avoir inutilement essayé de toutes sortes d'observations spéciales, le directeur du bureau central fit communiquer sa ligne à son propre bureau. Puis, à la première opportunité, il sténographia toutes les remarques injurieuses que ce grossier employé croyait adresser à une infortunée opératrice; copie en fut faite et envoyée à son chef de bureau, accompagnée de l'avis que la Compagnie se verrait dans l'obligation, de couper le service téléphonique si le coupable continuait à s'en servir. Pour parer à une telle éventualité, on s'empressa de le congédier.
De leur côté, les abonnés ont parfois aussi réellement à se plaindre du service téléphonique. Il arrive forcément dans une organisation aussi compliquée et au milieu d'une telle quantité de transactions que des erreurs se produisent, Mais certainement la plainte la plus singulière fut celle que porta, en personne, un abonné (il y a longtemps de cela), au directeur d'un bureau central, contre l'impertinence des opératrices, qui persistaient à lui demander quel numéro il désirait toutes les fois qu'il donnait son signal d'appel. Et le directeur s'efforçant de savoir quelle était sa ligne et de quel bureau central elle dépendait, le visiteur de s'écrier : « Vous voilà encore — toujours à demander des questions. — Pourquoi ne pouvez-vous pas faire votre service sans demander toutes ces questions? De ma vie, je n'ai vu un tas de gens aussi curieux! »
Il est évident que cet abonné était fou, mais il ne l'était cependant pas trop pour occuper une situation publique importante.
Dans une des lignes précédentes, j'ai fait allusion à la délicate question d'étiquette téléphonique. Le petit dialogue suivant extrait d'un journal américain, entre deux abonnés, est bien caractéristique :.
— Qui êtes-vous?
— Qui êtes-vous?
— C'est moi qui ai demandé en premier.
Mais moi, je ne parlerai pas avant de savoir qui vous êtes.
— Très bien, ni moi non plus. Bonjour. »
Le service téléphonique se prête parfois à des plaisanteries bonnes ou mauvaises et même parfois aussi à des fraudes ingénieusement combinées.
A New-York, il y a quelques années, Une farce téléphonique devint si populaire qu'elle atteignit presque les proportions d'une épidémie. En rentrant de son déjeuner, on trouvait sur son bureau un message reçu téléphoniquement, à cet effet, pendant vôtre absence et ainsi conçu : « Prière de téléphoner au 1644 M. Poisson désire vous parler. »
Et. de cet appel, vous servant de votre appareil, s'ensuivait ce dialogue :
— Est-ce bien le numéro 1644 ?
— Oui
— Je voudrais parler à M. Poisson.
— A quel poisson désirez-vous parler ? C'est ici l'aquarium. »
Cette plaisanterie devint si familière dans le quartier de la Bourse que, pendant plusieurs jours, la Compagnie fut forcée de charger une opératrice du service spécial du numéro 1644, avec mission d'informer les nombreux appelante que ce numéro étant celui déi l'Aquarium de New-York, le message qu'ils avaient reçu n'était qu'une mystification.
Une faible imitation de cette plaisanterie consistait aussi en un message suivi d'un numéro demandant une communication avec un certain M. Corbillard. Et le numéro spécifié se trouve naturellement être celui d'un entrepreneur de pompés, funèbres.
L'existence des lignes à abonnés greffés donne lieu à de fréquentes difficultés, provenant, d'une part, de la curiosité de différents abonnés greffés
sur la même ligne et, d'antre part, du fait que deux de ces abonnés essaient parfois de faire usage au même moment de la ligne, sans qu'aucun d'eux ne veuille céder son tour à l'autre.

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C'est aussi en 1905, seulement connu des spécialistes du téléphone ainsi que les P&T, que le public découvre l'existance du téléphone automatique .
— Allons-nous abandonner les opératrices téléphoniques et faire nos appels en jouant un concerto sur une série de boutons, ou en tournant un cadran ?
— Le communtaleur automatique apparaît certainement à l'horizon téléphonique.
Le Téléphone à New-York.
Il y a au moins une demi-douzaine de systèmes automatiques qui témoignent de beaucoup d'ingéniosité. Jusqu'ici, cependant, un seul d'entre eux a été essayé avec un certain succès. A Grand Rapids, Michigan, est installé un commutateur automatique (strowger) , faisant un service régulier sur plus de 6.000 lignes en service. Ce commutateur est en service depuis un an. Il donne un bon service et les abonnés semblent prendre plaisir à faire leurs propres appels en « tournant un cadran ». Il est plus que douteux cependant que le commutateur antomatique soit appelé à remplacer toutes les autres méthodes. La tendance de la grande majorité des ingénieurs téléphonistes, bien que tous reconnaissent, l'ingéniosité des systèmes automatiques et les avantages des commutateurs automatiques sous certaines conditions, est en faveur du système direct, à Batterie Centrale.
II ne faut pas oublier que le système « Batterie Centrale » est. déjà largement, automatique ce qu'il le deviendra sans douté encore davantage quand des perfectionnements y auront, été apportés. Le perfectionnement, probable sera celui qui consiste à placer plus de systèmes automatiques entre les mains de l'opératrice, et de maintenir le poste d'abonné dans son état actuel de simplicité, où toute la manoeuvre de l'abonné se réduit à. ceci : décrocher et raccrocher le récepteur.
— Parmi tous les systèmes téléphoniques que vous avez vus, Monsieur Hesketh, quel est, suivant vous, le plus complet ?
— Sans hésitation, c'est, celui de New-York.
Le système téléphonique de New-York est le plus bel exemple d'une installation téléphonique complète .
Tous les commutateurs sont équipés d'une façon uniforme; ils sont, tous dans des constructions à l'épreuve du feu, construites et, aménagées spécialement, pour le téléphone. La distribution par câbles est, pour la plus grande partie de la ville, conduite de telle façon que les lignes sont dans des câbles couverts en plomb sur foute la distance qui sépare le commutateur des maisons des abonnés. Le service est, à tous égards, excellent.
Le développement, actuel du service n'est pas si grand que dans quelques-unes des villes de l'Ouest de l'Amérique, mais, néanmoins, le système de New.-York est. de beaucoup la plus vaste installation du monde. Il dessert actuellement plus de 150.000 postes. Il est aussi, sans aucun doute et à tous les égards, le mieux équipé. Londres aura dans quelque temps un service téléphonique analogue à celui de Nêwx-York, puisque le travail y est conduit, à peu de chose près, de la même manière qu'à New-York ; mais la superficie de Londres est beaucoup plus grande que celle de New-York et le travail nécessaire pour établir une distribution complète dans une ville couvrant, plus de 600 milles carrés, est un travail d'une grandeur et d'un prix effrayants. Autant, qu'on en peut juger par ce qui a été fait jusqu'ici, les travaux du téléphone, à Londres, sont excellents.
— Il y a eu une discussion sur le travail fait dans les systèmes téléphoniques municipaux en Angleterre. Monsieur Hesketh, avez-vous eu l'occa sion de voir l'un de ces systèmes ?
— Oui, j'en ai vu un ou deux au cours de mes voyages, mais à ce sujet, je préférerais n'exprimer aucune opinion.
En France ce sera à Nice en 1913 que le premier cente automatique fut ouvert à quelques centaines de lignes publiques.

Le téléphone sans téléphoniste : Le système du commutateur automatique. — Une invention américaine. —
A Chicago, on a beaucoup parlé dans les journaux, depuis quelque temps, d'un ingénieux appareil qui permettrait aux abonnés de téléphoner sans intermédiaires et, au lieu de demander la communication pour ne l'obtenir qu'après un temps plus ou moins long, de se servir eux-mêmes et et d' « attaquer » leur correspondant sans avoir recours à nul préposé. Quel rêve ! dira plus d'un lecteur. Ce rêve est pourtant réalisé en Amérique, à Chicago. Malheureusement il paraît que son fonctionnement laisse quelque peu à désirer, et que la pratique est moins séduisante que la théorie.
Mais auparavant examinons le système.
Voici en quoi consistait le problème. Il s'agissait d'organiser au service de commutateurs tel que le client lui-même, par des manoeuvres simples opérées à domicile, sur son appareil muni d'un perfectionnement ad hoc, se mette à sa volonté en relation avec ses correspondants ?
Ne pourrait-on pas se passer de l'entremise active du bureau central chargé dans le système actuel d'établir les communications entre les fils des divers abonnés aboutissant à ce bureau ?
Ce remarquable problème, qui s'est posé dès les premières créations d'installations téléphoniques, se trouve maintenant résolu : c'est à un Américain, M. Strowger, que nous en sommes redevables. Voyons comment l'inventeur a résolu pratiquement la difficulté.
Les abonnés, comme on sait, ont chacun leur numéro; s'il y a 1.000 abonnés desservis par un bureau, ces 1.000 abonnés sont numérotés de 1 à 1.000. Représentons-nous les 1.000 fils groupés par dizaines, et par centaines de façon que, pour arriver à communiquer avec un numéro déterminé, il faille d'abord obtenir une communicalion avec le groupe de la centaine à laquelle il appartient, puis, dans ce groupe, une communication avec le sous-groupe de la dizaine que porte ce numéro, puis enfin une communication avec l'unité voulue : par exemple, pour atteindre l'abonné 875, nous
aurions d'abord à nous mettre en rapport avec le faisceau de la huitième centaine, puis, dans ce faisceau de centaine, avec celui de la septième dizaine, puis enfin, dans ce faisceau de dizaine, avec la cinquième unité.
Chaque abonné a à sa disposition, outre l'appareil ordinaire, un appareil complémentaire particulier qui porte, à l'extérieur, un cadran où figurent les numéros 1, 2, 3..., etc. ; et, pour en comprendre le mystère, rappelons nous le principe du télégraphe à cadran — en usage dans les chemins de fer — en faisant tourner la manivelle pour l'amener successivement sur les lettres ou chiffres à transmettre; on provoque, grâce à l'alternance de parties
conductrices et non conductrices, des émissions successives de courants qui, par le jeu d'électro aimants spéciaux, vont exciter au poste récepteur des mouvements corrélatifs.
L'appelant n'a qu'à se servir de son cadran d'appel et à le faire tourner pour amener en face d'un repère fixe, d'abord le chiffre 9, puis le chiffre 7, puis le chiffre 2, — je suppose toujours qu'il s'agit d'obtenir l'abonné 972 ; ces manoeuvres ont pour effet de déterminer, dans les commutateurs du bureau où sont groupés les fils, les mouvements de distribution nécessaires pour établir la communication du fil de l'appelant avec celui du numéro 972.
Le bureau n'est pas supprimé ; mais il devient simplement un poste central de commutateurs où les combinaisons de contacts se réalisent sans intervention manuelle ; un seul agent y est attaché, pour surveiller les mécanismes.
On a pu voir des essais très réduits de ce système à Paris, à Berlin, dans quelques administrations dont les divers rouages sont reliés par téléphone ; Berlin a même réalisé l'application de ce système à un certain groupe d'abonnés. Mais il faut aller en Amérique, à Chicago, pour voir fonctionner tout à fait en grand le système du commutateur automatique.
Les avantages de la méthode sautent aux yeux. Les abonnés n'ont à redouter ni les retards, ni les impatiences, ni les discussions et les colères dangereuses..., ni les chômages de nuit, ni les indiscrétions...
La généralisation de ce système entraînerait, en revanche, un bouleversement complet de notre organisation téléphonique. Sans doute, la dépense qu'occasionnerait la réparation complète du matériel ne constituerait pas une objection suffisante si on devait être mieux servi, puisque tôt ou tard il faudra en venir à une réforme radicale.
Plus grave évidemment serait l'éventualité de la suppression de tous les emplois de téléphonistes. Mais ce ne serait pas encore une objection birimante. La substitution d'un système à l'autre serait progressive, et l'Etat s'arrangerait pour caser dans d'autres services — certainement moins fatigants — les demoiselles du téléphone, qui seraient les dernières à se plaindre du changement.
Mais la question n'est pas près de se poser.
Le commutateur automatique — du moins dans son état présent — est loin d'être le meilleur des systèmes téléphoniques actuellement en vigueur. On verra plus loin, à ce sujet,les intéressantes déclarations d'un technicien très compétent, M. Hesketh, qui préfère de beaucoup la batterie centrale,
Les demoiselles du téléphone ont encore, de beaux jours devant elles pour nous donner la communication... avec un meilleur matériel souhaitons-le pour elles et pour nous.

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Service des Téléphones (Suite et fin)

Une ligne en participation (ou en partage) est une ligne desservant deux stations ou plus, les diverses stations étant appelées au moyen d'un code de sonneries, tantôt longues, tantôt courtes. Ces lignes permettant aux Compagnies de fournir un service bon marché, sont en grande faveur dons les districts ruraux de l'Amérique, où la même ligne dessert souvent 20 et même 30 abonnés. Ces abonnés deviennent très habiles à distinguer les différentes sonneries du code, et connaissant naturellement tous leurs voisins, ils savent parfaitement à quel abonné correspond chaque appel. Un directeur raconte que quelques-uns de ses abonnés entendant, a. minuit, un appel pour le docteur se lèvent, et vont au téléphone demander qui est malade. Une autre historicité de lignes en participation est celle d'un homme politique éminent d'une ville d'Amérique, abonné à la même ligne qu'un docteur. Un jour, voulant tous deux se servir de la ligne en même temps, ils en vinrent bientôt à se dire des choses fort désagréables :
— Qui étes-vous?, demanda l'homme politique.
— Je suis le docteur B..., fut la réponse.
— Oh! excusez-moi, docteur, vous pouvez prendre la ligne, car c'est bien grâce à. vous que je gagne ma vie.
— Comment ça? Qui êtes-vous donc? demanda le docteur.
— Je suis l'entrepreneur des pompes funèbres.
Pour téléphoner de Boston à New-York, un abonné éprouvait de grandes difficultés par suite du mauvais état de son appareil ou de la ligne, n'arrivant presque jamais ù se faire entendre à New-York. L'opératrice de Boston lui disant de « parler pins fort », il fit de son mieux jusqu'à complète extinction de voix. Et New-York n'entendant, toujours pas, et l'opératrice lui faisant de nouveau la même recommandation, l'abonné bilieux, de lui répondre : « Si je pouvais parler plus fort, je n'aurais pas besoin, de votre téléphone! »
Dons un récent banquet de représentants de diverses Compagnies téléphonique, un juge éminçât, en réponse à. un toast, s'expliqua, ainsi :
La. téléphonie est une des activités commerciales contre laquelle l'action judiciaire est; rare.
La. raison en est, je suppose, que ne fonctionnant généralement que la moitié du temps, nul mortel n'a jamais pu établir, de façon précise, ces moments-là. Pour la. même raison, je n'ai jamais vu qu'une assignation, en manquement de service fut lancée, car aucun pouvoir naturel ni même surnaturel n'est capable de faire remplir au téléphone des conditions pourtant exigées et garanfies quand il refuse de le foire. Je suppose que les raisons qui font que toutes les Compagnies s'occupant de téléphonie en Amérique se dénomment, généralement « Mutuelles » sont basées sur les tentatives fréquentes et valeureuses que font mutuellement deux abonnés pour causer pendant que leur appareil refuse systématiquement tout service...
Comme un petit garçon le dit a. son compagnon de jeux :
— Nous avons un téléphone a la. maison et tu » n'en us pas.
— Non, répond l'autre, mais mon papa a un «cheval vicieux! »

Les Tarifs téléphoniques
- Une fausse évaluation unitaire ayant été adoptée presque universellement pour les tarifs téléphoniques, les discussions qui font rage autour cette question s'en sont, trouvées naturellement obscurcies. En effet, c'est, l'appareil de l'abonné qui constitue actuellement l'unité de dépense au lieu du message téléphonique, qui est la véritable unité; le coût du message variant suivant les distances qu'il parcourt, l'unité vraiment scientifique est forcément le message kilométrique. Il est vrai que cette erreur est due à des hommes compétents en téléphonie, mais dans les premiers jours de cette industrie, qui n'existait encore qu'à l'état d'expérience, cette méprise parut très naturelle, pour celle raison : les premiers bureaux centraux téléphoniques étant très petits, la moyenne du service de chaque abonné s'équilibrait généralement, et il sembla donc très naturel de coter le prix du service à un prix égal pour tous. Actuellement, dans un rès petit bureau central téléphonique, où le matériel est simple, le service petf compliqué et le trafic de chaque abonné à peu près le même dans tous les cas, le tarif égal pour tous s'impose naturellement,. Quelques-uns des premiers centres téléphoniques furent, établis sur les bases coopératives.
Un certain nombre de personnes ayant des lignes particulières se mirent d'accord pour que toutes leurs lignes fussent reliées au mémo bureau central et convinrent que chaque participant contribuerait annuellement pour une somme fixe, pour couvrir les frais du service et. de l'entretien, formant ainsi une espèce, de cercle téléphonique. Ce fut ainsi que la méthode du prix fixe ou forfaitaire, de tant par ou pour chaque abonné, devint le modèle d'après lequel furent établis par la suite tous les tarifs téléphoniques. Mais il résulta, bientôt de l'expérience acquise en téléphonie que le coût du service dans une grande ville était beaucoup plus élevé que l'évaluation du même service dans un petit endroit. Puis, lorsque les effets des grandes superficies exigeant de longues lignes et du travail beaucoup plus considérable pour chaque abonné s'étant fait sentir, les tarifs, tout d'abord trop bas, commencèrent, à monter. Il fut aussi acquis que dans les grandes villes où certains abonnés se servent, beaucoup plus fréquemment de leur téléphone que d'autres, le service de leurs lignes, par rapport, aux lignes des autres abonnés, était d'un prix plus élevé. La tendance naturelle fut, alors de fixer les tarifs en tenant compte plutôt, du prix; élevé du service des abonnés usant, beaucoup du téléphone que du prix de revient naturellement inférieur du service d'abonnés s'en servant beaucoup moins.
Il fallait donc trouver et fixer une moyenne, et celle moyenne fut, en général, fixée du côté élevé.
Ceci fut couse d'un grand et général mécontentement, cette moyenne de tarif étant trop élevée pour permettre aux personnes de situation modeste de faire usage du service téléphonique. Pour celui qui se sert beaucoup du téléphone, le service lui rapporte beaucoup plus qu'il ne lui coûte, car par son entremise il se fait une quantité de travail qui ne pourrait se faire autrement.
Mais pour celui qui ne s'en, sert que modérément, ce tarif, s'il est établi sur des moyennes, peut parfaitement, sembler exagéré, constituant une dépense qui n'est plus en rapport avec sa fortune, et quoique le téléphone puisse lui être d'un service inestimable, il est forcé de s'en passer.
Le tarif forfaitaire, à prix fixe pour tous, conduit donc à un dilemme.
Si le tarif est assez élevé pour que les abonnés se servant beaucoup du téléphone fournissent un profit à la Compagnie, le nombre de ceux-ci augmentant et se multipliant régulièrement, les abonnés ne se servant que peu du téléphone seront forcément exclus, et le grand développement du système éprouvera, en conséquence, un échec. Si d'un autre côté, le tarif est fixé à un taux assez bas pour en permettre l'usage aux personnes ne s'en servant que peu, le service des gros abonnés coûtera plus cher qu'ils ne le paient, et les Compagnies seront, par conséquent, en perte. Pour sortir de cette difficulté, il faut baser le tarif, non pas sur le poste de l'abonné, sans avoir égard au nombre des communications transmises, mais bien sur le message téléphonique lui-même. La justesse de cette méthode est évidente quand on considère que dans tous les grands réseaux centraux téléphoniques il y a des abonnés ne faisant pas en moyenne une communication par jour, et qu'il y en a. d'autres qui, par contre, atteignent à une moyenne quotidienne de plus de cent messages téléphoniques. Il est donc clairement peu équitable de taxer pareillement à la même somme annuelle tous les abonnés d'un service dont ils font usage dans des proportions si différentes. La seule conclusion à laquelle puissent arriver tous les hommes d'affaires consciencieux et loyaux est que le coût du service téléphonique devrait, être basé sur la quantité du service réellement fourni, soit donc sur le message et non sur lavaleur de la ligne et. du poste.
L'acceptation du message comme unité permet de franchir ce nouvel échelon, que la valeur du message doit augmenter proportionnellement à la dépense qu'il nécessite, il s'ensuit alors tout naturellement que plus la. distance parcourue est longue, plus le message devient coûteux, et l'on arrive ainsi à la vraie base du service téléphonique, le message téléphonique.
Ce système de tarifs, basé sur le message téléphonique, n'est pas du reste d'invention récente.
Dès les premiers jours de l'industrie téléphonique il y eut des observateurs subtils qui comprirent les mauvais effets qu'entraînerait inévitablement le tarif unique et qui suggérèrent qu'un tarif basé sur le trafic particulier serait plus équitable. Il existe en Amérique, depuis plusieur.es années déjà, des systèmes téléphoniques où le tarif est basé sur le message; cette méthode est aussi en vigueur en Suisse et dans certaines parties de la Suède et de l'Allemagne. Durant ces dernières années, les tarifs établis d'après le message se sont aussi introduits en Angleterre; le gouvernement de Guerncsey a. établi pour son système téléphonique un tarif fixé exclusivement sur le message, sans aucun tarif forfaitaire.
La, rapide extension du système téléphonique de Guernesey, qui en six ans est monté d'environ 200 ou 300 postes à 1,200, est principalement due à son adoption de la méthode de tarifer le message. En Angleterre, les abonnés ayant un gros service téléphonique se sont toujours opposés à l'adoption de cette méthode, car ils se rendent, parfaitement compte que tarifés d'après ce système leur service téléphonique leur reviendrait certainement plus cher qu'ils ne le paient, actuellement. Les autorités locales qui ouvrent occasionnellement des discussions sur la question des téléphones arrivent à soutenir invariablement le tarif unique; la raison en est que la plupart des personnes y ayant pris part, étant des hommes dans les affaires, usant largement du téléphone, trouvent:- alors tout naturellement que la.méthode à préconiser est celle d'un service illimité pour un bas prix. Mais, en ceci, ils font preuve d'un manque de clairvoyance. Il est vrai qu'avec le système tarifant le message, quelques-uns des abonnés ayant un très gros service le paieront plus cher qu'ils ne le font actuellement, mais en revanche, ils auront un service bien supérieur et, leur assurant de plus grandes facilités, car d'après ce système il y a. des arrangements spéciaux concernant les gros abonnés, leur permettant d'obtenir un service téléphonique très supérieur à celui qu'ils obtenaient en. surmenant, de travail une seule ligne. D'un autre côté, en adoptant ce système de tarif, qui rend possible un coût minimum, le développement général du service devient possible, et la communauté tout entière est appelée à en bénéficier davantage. Le meilleur exemple que je puisse donner des résultats féconds obtenus par ce système de tarifer le message vient de l'autre côté de l'Atlantique.
Jusqu'en 1891, le tarif téléphonique en vigueur à New-York était le tarif forfaitaire, et en dix-sept ans, le réseau avait atteint lentement 10,000 postes environ, fin 1891, on fil, la première tentative d'adoption du système tarifant le message. Maintenant, le tarif est exclusivement basé sur le message, et le réseau qui comptait, il y a. dix ans, 10,000 postes en compte actuellement, plus de 150,000. Dix ans de ce tarif ont donc fait quinze fois plus pour le développement généra] du service téléphonique que dix-sept ans du tarif forfaitaire. Un des grands avantages de ce système de tarifer le message est qu'en permettant de fixer un tarif minimum à prix bas, il met le service téléphonique à la. portée d'un cercle très étendu de consommateurs.
Un. tarif minimum est. obligatoire, l'installation de la.ligne de l'abonné et de son poste représentant un certain débours de capital, qui est le même que la ligne serve peu ou beaucoup; l'entretien de la. ligne et du poste et sa part du matériel impliquant une certaine dépense annuelle, qui doit, être couverte quelle que soit la quantité du trafic. Ce tarif minimum dépendra des conditions locales.
Les frais de construction sont plus élevés dans une grande ville que dans les pcliles cités, parce que le travail est. plus cher, que le terrain, a plus de valeur et que les frais de construction sont plus considérables. Le tarif minimum doit donc être fixé en considération des. frais que nécessiteront tous les travaux d'établissement dans la. localité à desservir; ces frais seront donc naturellement les plus élevés à Londres par exemple. Une fois le tarif minimum fixé, fe coût du service variera exactement suivant l'usage qui sera fait de ce service, c'est-à-dire suivant le nombre des messages de chaque abonné.
Avant de déterminer le coût de la transmission de chaque message, il est nécessaire de se livrer à une étude très approfondie des conditions locales de chaque endroit, car, ainsi que, nous l'avons déjà dit, ce coiït varie forcément suivant l'étendue de la surface à parcourir. Il n'est pas à la portée de ce livre d'approfondir les questions techniques, qui doivent, être pourtant comprises dans l'étude détaillée du coût de production d'un service téléphonique.
Tout au plus peut-on donner un aperçu des principes généraux et prouver leur exactitude aussi clairement que possible, sans entrer dans des arguments techniques et détaillés.
Le système à conversations taxées, d'après lequel le message est tarifé, est en même temps qu'exact en théorie producteur de résultats merveilleux en pratique. Mais pour en obtenir les meilleurs résultats possibles, il ne faut pas en fausser l'application, en y adjoignant le tarif forfaitaire.
Etant donnée l'existence du tarif forfaitaire, à moins qu'il ne soit très, élevé, tous les abonnés ayant de gros services et même des services moyens s'attacheront à ce tarif forfaitaire, et comme abonnés partisans des conversations taxées, c'est-à-dire du tarif par message, il ne restera, plus que ceux qui ont, un très petit service téléphonique ou ceux qui se servent principalement de leurs postes pour recevoir les communications.
Dans ces conditions, il est certain que les abonnés du tarif-message ne fournissant, qu'un très petit revenu, les postes du service forfaitaire augmentent progressivement; mais, par contre, le revenu n'augmente pas dans les mêmes proportions. Il arrive même fréquemment dans les endroits où les deux tarifs existent ensemble que les abonnés à conversations taxées s'arrangent de manière à. ce que leurs correspondants abonnés du tarif forfaitaire fassent, tous les appels. Il y a aussi un ou deux points qui, bien que passant généralement inaperçus, ont une certaine influence sur le coût de production du service téléphonique et qui ne font pas tellement partie du domaine technique qu'ils ne puissent être décrits en un langage usuel. Un de ceux-ci est l'entretien du service de nuit. En pratique, le public exige un service téléphonique permanent, qui lui sera toujours ouvert et dont il
puisse faire usage à n'importe quel moment; il est donc tout à fait impossible de le restreindre à des heures bureaucratiques, de l'interrompre mettons à 10 heures du soir et de ne le rouvrir que le lendemain à 7 heures.
Il est vrai qu'encore fout dernièrement en Allemagne le service se pratiquait ainsi, mais dans ce pays le service étant gouvernemental, l'économie prime tout.
Le service de nuit du réseau téléphonique d'une grande ville entraîne une dépense qui, en proportion des appels de nuit, est certainement excessive.
Entre 8 heures du soir et 8 heures du matin, les communications n'atteignent pas à 2 % du trafic total des vingt-quatre heures; mais en. revanche, les frais que nécessite le service si restreint de la nuit s'élèvent à beaucoup plus de 2 % du total des dépenses quotidiennes. En raison, des. nombreux bureaux centraux et de l'étendue des commutateurs à. surveiller, les opératrices du service de nuit sont bien plus nombreuses que ne nécessiterait le même service durant la journée, bien que la moyenne des appels soif alors beaucoup plus élevée.
Pour le public, la. valeur du service téléphonique de nuit consiste plus dans la. possibilité qu'il a de s'en servir immédiatement eu cas de besoin que dans le ombre d'appels qu'il pourrait transmettre nuitamment; mais il est bon de ne pas ignorer que ces messages de nuit, quoique assez rares, reviennent beaucoup plus cher que les messages de jour, qui sont si fréquents.
Un trait très important des réseaux téléphoniques des grandes villes, ayant une influence directe sur le coût du service, c'est que la. capacité totale du matériel téléphonique n'est jamais complètement employée. Il y a toujours forcément une marge de matériel libre qui représente non seulement un
capital ne produisant rien et sur lequel il faut payer des intérêts, mais encore c'est un matériel qui demande de l'entretien et qui subit naturellement des dépréciations.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles cette marge de matériel en réserve est indispensable.
Il n'est pas possible de construire un. réseau téléphonique par morceaux — ligne par ligne — il doit être établi en prévision de l'avenir, de manière à ce qu'il puisse prendre de l'extension sans être forcé de recourir à de fréquents changements. Les conduits posés doivent donc avoir un peu d'espace en plus, les câbles des lignes aussi et les commutateurs quelques éléments en plus.
Les additions doivent être faites sur une grande échelle, car il n'est pas du tout pratique de faire poser de temps à autre quelques pieds de conduits, un mètre ou deux de câbles, ou d'ajouter constamment, des éléments iridividuals à un commutateur multiple.
Pour le matériel des câbles et conduits, les additions se font par kilomètre et pour les équipements des bureaux centraux par plusieurs centaines ou
plusieurs milliers de lignes à la fois.
Il est donc absolument indispensable que le matériel téléphonique soit toujours en avance des besoins actuels du moment et qu'il soit toujours en mesure de desservir bien plus d'abonnés qu'il ne te fait au moment donné. On est forcé de procéder ainsi, non seulement parce que étant données les conditions du travail d'établissement, les travaux de construction téléphonique doivent se faire non pas partiellement, mais en grandes quantités à la fois, une certaine réserve du matériel étant nécessaire pour remplir à un moment donné toutes les exigences du service.
Les abonnés ne viennent pas toujours dans les proportions qu'on pourrait attendre; il y a donc nécessité absolue à toujours avoir quelques places
réservées dans chacune des parties du réseau, car sans cela certaines parties se remplissant plus rapidement que d'autres, on se trouverait dans l'impossibilité d'accueillir les nouveaux abonnés.
Il est, évidemment de l'intérêt de toute Compagnie téléphonique d'être en mesure de pouvoir accepter jtous les nouveaux abonnés dès qu'ils se présentent et de les mettre immédiatement en possession du service, car le nouvel abonné, bien que se passant 'depuis longtemps du téléphone, entend toujours en prendre possession dès le lendemain de la signature du contrat.
Il est donc nécessaire d'avoir dans tous les bureaux centraux du réseau une certaine portion de matériel libre permettant de relier promplement les nouveaux abonnés à tous ces bureaux centraux.
De plus, les abonnés téléphoniques sont très peu stables, leur service se trouvant fréquemment suspendu pour toutes sortes de raisons — naturelles généralement—telles que faillites, décès ou départs pour des endroits inconnus, changements fréquents de domicile. Un abonné ayant arrêté son service, il ne s'ensuit pas qu'un autre abonné surgisse de suite pour s'approprier précisément sa ligne, mais il est très possible que dans une autre localité apparaîtra un nouvel abonné réclamant une autre ligne.
Ainsi une ligne devenant vacante à un endroit, on en demande une autre à un endroit différent. La même chose se produit quand un abonné se déplace; le téléphone enlevé d'une ligne est reporté sur une autre. Ces fréquents changements nécessitent une flexibilité dans le matériel qui n'est pas en rapport avec sa nature; ainsi, pur exemple, ni les câbles ni leurs conduits ne peuvent être ni allongés ni facilement déplacés d'un endroit à un autre. Il n'y a qu'une seule manière d'assurer au réseau cette latitude de matériel nécessaire pour répondre aux fréquents déplacements des abonnés, c'est de maintenir constamment une certaine marge dans foules les parties du réseau.
Ce matériel inoccupé, les frais de son entretien, de dépréciation et les intérêts du capital qu'il re. présente sont nécessairement à la. charge de lu partie du réseau en activité et rappariant un revenu.
On soumet souvent à l'appréciation des autorités municipales de Londres des devis de système téléphonique basés sur des réseaux municipaux entièrement en activité cl. où chaque ligne fournil, son revenu; mais il est de toute évidence que ces devis. établis par des personnes très peu au courant des systèmes téléphoniques des grandes villes, ne donnent qu'une idée fort erronée du coût de construclion et d'installation des grands réseaux téléphoniques.

Le Tarif forfaitaire gradué
Les Objections au système de la Conversation taxée. — Un Moyen-terme équitable — Nul ne paiera davantage, beaucoup paieront moins.
Le projet de M. Decker-David, député du Gers, relatif à la substitution du tarif forfai1 aire gradué au tarif forfaitaire actuel, a été assez diversement accueilli parmi les abonnés du téléphone.
Le principe lui-même-donne lieu à certaines critiques assez vives et aussi a quelques malentendus. Il importe donc de remettre les choses au point.
Le système forfaitaire gradué, croyons-nous, est celui qui concilie le mieux les intérêts de tout le monde, des petits et des gros abonnés, de ceux qui téléphonent une ou deux fois par jour, comme de ceux qui ont cent communications de plus dans la journée.
Le système de la conversation taxée parait peut-être plus juste, théoriquement et à première vue. A l'examiner de plus près, oiï est bien forcé de reconnaître qu'il deviendrait fort onéreux pour les gros abonnés, si minime que soit le taux de la communication.
D'ailleurs, lorsque la consommation d'une denrée se fait en grande quantité, le prix de la marchandise n'augmente pas proportionnellement à la quantité : cent communications par jour ne doivent pas coûter cent fois plus qu'une seule.

Une autre objection, faite par M. Decker-David au système de la conversation taxée, est, celle-là, moins fondée.
L'honorable député, après avoir reconnu que ce système est lié à l'emploi du compteur automatique, ajoute : « La grosse difficulté inhérente à cet appareil réside en ce que son fonctionnement est intimement lié à l'emploi du signal de fin de conversation, très difficile à obtenir des abonnés. »
Cet argument avait une valeur il y a quelques années; aujourd'hui, il n'en a plus. Tous ceux qui sont au courant des derniers perfectionnements de la téléphonie savent fort bien qu'on a remédié à cet inconvénient dans les nouveaux appareils. L'abonné qui a terminé sa conversation n'a pas besoin de recourir à un signal spécial pour prévenir la téléphoniste. Le signal de fin dé conversation est donné automatiquement par le simple raccrochage des récepteurs. Donc aucune difficulté à enregistrer le nombre des communications de chaque abonné.
Mais il y aurait un autre inconvénient plus grave à employer ce système sans atténuation.
L'abonné voudra-t-il s'astreindre, de son côté, à prendre note de toutes ses communications.
Ce travail ne lui semblera-t-il pas fastidieux, et ne sera-t-il pas matière à erreurs possibles ?
En cas de divergence entre le chiffre de l'abonné et celui de l'administration, de nombreuses contestations ne tarderaient pas à surgir. Ne vaut-il pas mieux éviter une cause perpétuelle de réclamations, qui ne se termineraient jamais à la satisfaction de l'abonné ?
Le système forfaitaire gradué répond à foutes ces objections. Chaque classe donnerait droit à un nombre moyen de communications mensuelles. Chacun connaissant la fréquence de ses conversations téléphoniques, se rangerait lui-même dans la catégorie correspondante, de manière à rester en-deçà du chiffre maximum.
Supposons, par exemple, que la première classe donne droit à cinquante communications par mois, la deuxième à cent. Celui qui se sert de son téléphone une fois par jour, en moyenne, déclarera, en s'abonnant, qu'il entend faire partie de la première classe ; celui qui téléphone environ trois fois par jour se rangera de la deuxième.
L'administration enregistrerait le nombre de communications mensuelles de l'abonné.
Aucune discussion entre eux à ce sujet, aucune, constatation de chiffres, sauf dans un seul cas : si l'abonné dépasse le maximum de communications mensuelles qui lui est accordé. Dans ce cas, il paiera le tarif de la classe supérieure.
Mais, nous ont demandé plusieurs de nos adhérents, le système forfaitaire gradué n'empirera-t-il pas la situation de quelques abonnés au point de vue pécuniaire ? Ceux d'entre nous qui ont un très grand nombre de communications par jour ne paieront-ils pas davantage ?
A cela nous répondons :
Non ! le tarif de la classe la plus élevée ne devra en aucun cas, dépasser 100 francs.
Les petits abonnés seront dégrevés, mais ce ne sera pas au détriment des autres. Personne ne paiera davantage, beaucoup paieront moins.
On pourrait, par exemple, établir cinq classes, allant de cinquante en cinquante francs, avec 200 francs pour minimum et 400 francs pour maximum.
Ce qu'il importe avant tout, c'est de mettre plus de justice dans les tarifs et de dégrever les petits abonnés qui, avec le tarif forfaitaire actuel, sont honteusement exploités par l'administration.

sommaire

1905 parait un article sur
Le Perfectionnement de la Téléphonie DANS LE MONDE

Intervient de John HESKETH
— L'enquête d'un Ingénieur australien. — Systèmes et Tarifs —
L'excellence de l'organisation téléphonique aux Etats-Unis. M. John Hesketh, ingénieur-électricien du Post Master General Department, de l'Etal de Qùeensland, regagnait dernièrement, l'Australie après un grand voyage d'études aux Etuis-Unis et en Europe.
A la veille de son départ, le journal anglais l'EIecIrical Financier, sachant qu'il avait, fait une ample moisson de précieux documents relatifs au perfectionnement de la téléphonie, résolut de profiler de celle occasion pour lui demander quelques renseignements sur les résultats de son enquête
clans les deux mondes.
M. Hesketh était spécialement envoyé par le Posl Mas1er General d'Australie, pour prendre part, au Congrès.International des Electriciens à Saint-
Louis, et pour étudier les différents systèmes télégraphiques et téléphoniques en Amérique cl; en Europe, dans le but de préparer un rapport officiel destiné à guider les autorités du Commonweallh dans le développement de la télégraphie et de la téléphonie en Australie.
Comme on. le verra, M. Heskelh a été surtout séduit par les systèmes américains. En Europe, il parle de l'Angleterre, de la Belgique, de la Hollande, de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Autriche, de la Russie môme. Pas un mot de la France.
C'est une humiliation bien méritée pour notre administration routinière.
M. Hesketh est bien connu d'un grand nombre de nos lecteurs. C'est le type de l'ingénieur moderne, homme d'action au jugement clair et rapide, qui exprime facilement, sous une forme simple et pénétrante, ses impressions et ses opinions.
Notre confrère a eu la bonne fortune d'aborder M. Hesketh pendant une heure où il se trouvait heureusement libre, car c'est un homme fort occupé, que ses multiples travaux absorbent toute la journée et même une partie de la nuit. Sans s'attarder à d'inutiles préliminaires, il l'aborda en entrant aussitôt, dans le vif du sujet, comme il sied, entre businessmen anglo-saxons qui n'ont pas de temps à perdre :
— Monsieur Hesketh, l'EtecIrical Engineer; sachant que vous avez consacré plusieurs mois à l'élude de la téléphonie en. Amérique et en Europe, désire savoir, pour en faire profiler ses lecteurs, où vous avez été, ce que vous avez vu, quelles sont vos impressions, et ce que vous allez faire en rentrant chez vous.
— La question est un peu vasle, mais je vais m'efforcer de vous satisfaire, au moins en partie.
Après avoir débarqué en Amérique, à Sant Francisco, j'ai étudié la téléphonie dans les principales villes d'Amérique, du Pacifique à. l'Atlantique, visitant vingt villes en tout — y compris des villes importantes, telles que San Francisco, Sait Lake City, Chicago, Saint-Louis, Détroit, Clevcland, Buffalo, Grand Rapids, Boston, Rochcsler, New-York, Philadelphie et Washinglon.
Partout où deux systèmes se faisaient concurrence, je les ai examinés tous deux.
J'ai passé quelque temps en Europe. En Angleterre, j'ai vu Londres, Glascow, Newcustle, Liverpool et Hull. Dans toutes ces villes, j'ai étudié également les deux systèmes concurrents, toutes les fois que le cas se présentait. Sur le Continent, j'ai décrit un assez vaste cercle, passant par Anvers, Bruxelles, La Haye, Copenhague, Stockholm, Berlin, Varsovie, Vienne, Budapesth, Munich, Zurich et Paris.
— Vous n'avez certainement pas perdu de temps !
Puis-je vous demander quelle est votre impression générale sur l'exploitation du téléphone ?
— L'Amérique, sans aucun doute, vient en tête, tant pour le développement général de la téléphonie — c'est-à-dire l'utilisation de ce service par le
public — que pour son développement technique.
La grande avance qu'a l'Amérique en matière téléphonique est nettement visible. En Europe, c'est en suivant l'expérience américaine que se fait le
meilleur ouvrage.

La vulgarisation du Téléphone :
Il semble résulter de, l'historique du téléphone en Amérique, que les Américains ont plus-volontiers recours, an service téléphonique que les Européens. Ils sont plus prompts à se servir des nouveaux moyens de communication, et chaque perfectionnement dans le service, chaque accroissement des facilités est aussitôt employé avantageusement par le public.
Comme exemple de l'extension qu'a prise le service téléphonique en Amérique, je vous dirai que, pendant mon voyage, je n'ai jamais couché dans
une chambre où il n'y eût un téléphone, dont je pouvais me servir non seulement pour le service intérieur de la ville, mais aussi pour le service suburbain et interurbain. C'est un énorme avantage pour le.voyageur que de pouvoir communiquer avec n'importe quel point du pays, de sa propre
chambre d'hôlel. Ici, et, en général, dans foule l'Europe, les hôteliers ne semblent, point penser qu'il vaille la peine de procurer à leurs hôtes de telles facilités.
Dans les villes américaines, le développement du téléphone a déjà, atteint un maximum qui semble, à. l'heure actuelle, dépasser les limites du possible pour la plupart des villes d'Europe.
Dans une ville, j'ai constaté un développement de 23 téléphones pour 100 habitants. Dans les grandes villes, comme San Francisco, le développement est de 12 téléphones par 100 habitants.
Partout, l'accroissement annuel dans le nombre des téléphones en usage atteint, de grandes proportions. Il n'existe pas de limite.
Il est, évident qu'avec un bon service et un tarif raisonnable, un développement de 10 % (de téléphones), par rapport à la population, peut, aisément être atleint actuellement. Les ingénieurs américains qui s'occupent de téléphonie affirment qu'on doit arriver à un développement de 20 %.
— Voilà une théorie audacieuse, Monsieur Hesketh. Quelle ésl, donc la façon de procéder des Américains, pour obtenir un usage aussi général du téléphone ?
— La théorie n'est pas hardie puisqu'elle s'appuie exclusivement sur des faits. Pour arriver à ce résultat, voici les points principaux du programme : un service effectif, un tarif gradué, el, de la part du public, une connaissance complète de la valeur du service téléphonique.

La Batterie centrale
— Quel est, d'après vous, le système qui donne les meilleurs résultais ?
— D'après mes recherches, je crois pouvoir affirmer que le système dit à « Batlerie Centrale » est actuellement; reconnu pour les ingénieurs-téléphonistes du monde entier, comme étant le meilleur des commutateurs.
En Amérique, on peut dire qu'en pratique, tout le service téléphonique est, fait par « Batlerie Centrale ». En Europe, ce système tend à s'introduire partout, et dans les quelques endroits où ce n'est pas le cas, ce n'est jamais qu'une question locale ou de propriété qui y met obstacle, et non pas un manque de foi,, à l'égard du système, do la part des ingénieurs responsables.
Aujourd'hui, tous les fabricants de téléphone font la « Batterie Centrale » est plutôt un principe général qu'un système particulier. Il existe une foule de systèmes parmi lesquels on peut choisir, et quoique la méthode générale de travail et les résultats soient approximativement les mêmes dans tous
les systèmes, les détails des appareils et, les moyens d'arriver aux mêmes résultats diffèrent beaucoup entre eux.
En Amérique, il y a beaucoup de grandes fabriques téléphoniques qui toutes construisent des appareils à « Batterie Centrale », bien que plusieurs d'entre elles aient, quant aux détails, deux ou trois systèmes différents. En Europe, les principaux fabricants téléphoniques ont aussi adopté la « Batterie Centrale » et, introduisent des systèmes qui, en principe, suivent.les systèmes américains.
— Nous devons alors accepter comme un fait établi que la Batterie Centrale s^est affirmée comme un principe général ?
— Sans aucun doute. Aucun système n'est proposé actuellement, excepté la « Batterie Centrale », et justement ici, à Londres, nous voyons le système entier transformé peu à peu en « Batterie Centrale ». Le travail que fait maintenant le Post Office et la. National. Téléphone C° donnera éven
tuellement, à la ville de Londres un service téléphonique moderne et complet. Mais ce travail demandera naturellement un certain temps, l'énorme surface de Londres étant pour ainsi dire unique parmi les grandes villes du monde entier, et le système existant devant être non seulement, changé, mais aussi étendu à toutes les parties de la métropole.
— Sur le Continent, en général, trouvez-vous la même opinion relativement à l'emploi du système dit à « Batlerie Centrale » '!
— Cette opinion est absolument unanime, et fous les nouveaux travaux en fournissent la preuve pratique.
Pendant la dernière, on les deux dernières années, plusieurs systèmes téléphoniques du Continent ont été refaits sur le système de la « Batlerie
Centrale ». J'ai constaté qu'à La Haye, Bruxelles, Buclapest et Varsovie, les nouveaux systèmes téléphoniques à «Batlerie Centrale » qui y sont en
usage donnent entière satisfaction au public, et j'ai pu aussi m'assurer que tous les nouveaux travaux actuellement en cours sur le Continent se poursuivent dans cette même voie.
— Voilà qui est très intéressant. Maintenant, Monsieur Hesketh, comme il y a eu depuis quelque temps beaucoup de discussions dans notre pays sur la. question téléphonique, je désirerais vous demander quel est, suivant vous, le point le plus important en cette matière ?

Tarifs proportionnels
-— A. mon avis, pour envisager convenablement la question téléphonique, il faut placer en premier lieu la question du bon service et du développement, et en deuxième lieu la question des tarifs.
L'expérience universelle montre que le public des grandes villes désire un service bien fait et, le veut largement développé.
Quant aux tarifs, le meilleur principe est, sans aucun doute, un tarif gradué, permettant à l'abonné de payer proportionnellement à l'usage qu'il a fait, du service téléphonique. C'est une grande erreur que de baser le service téléphonique sur un prix uniforme et peu élevé pour un usage illimité. En Amérique, les Compagnies téléphoniques indépendantes se rendent maintenant compte de l'erreur qu'elles ont commise en basant leur service sur un prix forfaitaire uniforme'et peu élevé.
Elles n'ont pas seulement trouvé que l'organisation d'un service efficace et son développement rapide coûtent plus cher qu'elles ne l'avaient prévu, mais elles ont pu se rendre compte que le système du tarif proportionnel est bon en théorie aussi bien qu'en pratique. En conséquence, les Compagnies indépendantes se voient maintenant contraintes d'essayer d'augmenter leurs prix et d'introduire le tarif gradué par conversation ; mais il est beaucoup plus facile de parler d'élever les prix que de persuader au public de payer un prix supérieur, une fois qu'il s'est habitué à un tarif peu élevé.
— Quand vous parlez de prix gradués et de payer proportionnellement à l'usage, voulez-vous dire strictement un prix par conversation, un paiement
pour chaque appel ?
— Il y a plusieurs moyens de proportionnel les prix du service téléphonique, mais ils arrivent tous nu même résultat, donner un service proportionné aux demandes de l'abonné, et le lui faire payer approximativement pour ce qu'il en consomme. Les lignes communes à plusieurs abonnés sont un moyen accepté de faire varier les prix. Sur les lignes non communes, les conversations taxées donnent à l'abonné le meilleur service téléphonique, et le paiement en est réglé simplement, pur la quantité de service demandé.

Tableaux privés et lignes communes (partagées)
— Le meilleur système, pour arriver à fournir un excellent service téléphonique, sur une grande échelle, est le Tableau Privé, qui est tout spécialement, adapté aux exigences des grandes maisons d'affaires, des hôtels et des résidences particulières.
Avec un Tableau Privé annexé, chaque abonné au téléphone a un appareil sur son bureau ou dans sa chambre, et le préposé au tableau agit comme un distributeur de communications, tous les appels allant à la personne demandée et étant envoyés par elle; de sorte qu'il n'existe plus qu'un minimum de temps et de frottement dans l'emploi de ce service.
En Amérique, la méthode des Tableaux Privés pour faire le service d'un grand nombre d'abonnés a été développée au plus haut point. Dans les villes, tous les. grands établissements d'affaires et tous les hôtels et maisons de rapports ont leur Tableau Privé. Quelques-uns d'entre eux desservent plusieurs centaines de téléphones sous un même toit.
Un hôtel, à New-York, en a plus d'un millier !
— Alors, vous avez confiance dans les lignes communes à plusieurs abonnés ?
— Comme moyen propre à graduer les tarifs ? certainement. On peut marcher hardiment dans cette voie. Le poste téléphonique des lignes communes, en tant que machine à parler, est exactement aussi bon qu'un poste à lignes non communes ; mais, nécessairement, lorsque vous avez plusieurs postes sur une même ligne, une seule personne peut se servir d'un poste à un moment donné. Par conséquent, un abonné ayant, un poste
greffé ne peut pas en faire usage sans restriction, comme peut le faire un abonné ayant une ligne non commune. Mais il n'en a pas besoin, ou plutôt, il ne sent pas la restriction. La ligne commune est spécialement adaptée pour les petits abonnés et l'on peut constater, qu'en effet, il ne survient que peu d'ennuis et de froissements du fait que les appels de deux abonnés greffés coïncident.
Je ne crois pas cependant au succès de l'essai qui tend à rendre le service des lignes communes aussi commode que le service des lignes non communes. Dans les lignes non communes, on fournit un certain service à ceux qui ne sont pas disposés à payer le prix total pour avoir de plus grandes facilités. En essayant de rendre le service sur les lignes communes aussi bon que sur des lignes non communes, par l'introduction des appels à sélection et des systèmes « lock oui. » permettant la mise hors circuit des autres coabonnés, on complique l'appareil et on augmente tellement, le prix de l'entretien qu'on perd le bénéfice résultant de l'application de plusieurs postes sur une môme ligne.
Quelques-uns de ces systèmes pour les lignes communes me semblent pousser les choses trop loin clans cette voie. A mon avis, un arrangement raisonnable est l'appel à sélection sur les lignes à deux postes et l'appel à semi-sélection pour les lignes à quatre postes. Sur les lignes à deux postes, chaque abonné n'entendrait la sonnerie que quand il serait appelé, et, sur les lignes à quatre postes, chaque abonné entendrait les appels destinés à un autre abonné, aussi bien que les siens.
— Comment, s!arrange-t-on sur les lignes à dix et vingt postes ?
— Dans ces cas-là, le service est « bon marché » et on ne peut même pas essayer de le rendre pareil au service des lignes non communes. On a nécessairement un code d'appels, et les abonnés doivent apprendre à distinguer leur propre signal. Mais l'avantage des lignes à dix postes est, qu'elles permettent de développer le service parmi les petits abonnés qui ne veulent, pas payer un service avec ligne non commune, et qui n'emploieraient pas du tout le service, s'ils ne pouvaient l'avoir à bon marché. Avec celte catégorie de service, on a obtenu un énorme développement du service téléphonique dans l'Ouest américain et dans les districts ruraux.
A mon avis, les lignes à dix postes ne devraient être- employées que dans les campagnes, et non dans les villes.

Le Téléphone à New-York les commutateurs automatiques
— Allons-nous abandonner les opératrices téléphoniques et faire nos appels en jouant un concerto sur une série de boutons, ou en tournant un cadran ?
— Le communtaleur automatique apparaît certainement à l'horizon téléphonique. Il y a au moins une demi-douzaine de systèmes automatiques qui témoignent de beaucoup d'ingéniosité. Jusqu'ici, cependant, un seul d'entre eux a été essayé avec un certain succès.
A Grand Bapids, Michigan, j'ai vu un commutateur automatique (du Strowger), faisant un service régulier sur plus de 6.000 lignes en service. Ce commutateur est en service depuis un an. Il donne un bon service et les abonnés semblent prendre plaisir à faire leurs propres appels en « tournant un cadran ».
Il est plus que douteux cependant que le commutateur antomatique soit appelé à remplacer toutes les autres méthodes. La tendance de la grande majorité des ingénieurs téléphonistes, bien que tous reconnaissent, l'ingéniosité des systèmes automatiques et les avantages des commutateurs automatiques sous certaines conditions, est en faveur du système direct, à Batterie Centrale.
II ne faut pas oublier que le système à « Batterie Centrale » est déjà largement, automatique et qu'il le deviendra sans douté encore davantage quand
des perfectionnements y auront, été apportés. Le perfectionnement, probable sera celui qui consiste à placer plus de systèmes automatiques entre les mains de l'opératrice, et de maintenir le poste d'abonné dans son état actuel de simplicité, où toute la manoeuvre de l'abonné se réduit à. ceci décrocher et raccrocher le récepteur.
— Parmi tous les systèmes téléphoniques quevous avez vus, Monsieur Hesketh, quel est, suivant vous, le plus complet ?
— Sans hésitation, c'est, celui de New-York. Le système téléphonique de New-York est le plus bel exemple d'une installation téléphonique complète
que j'aie vue. Tous les commutateurs sont équipés d'une façon uniforme; ils sont, tous dans des constructions à l'épreuve du feu, construites et, aménagées spécialement, pour le téléphone. La distribution par câbles est, pour la plus grande partie de la ville, conduite de telle façon que les lignes sont dans des câbles couverts en plomb sur foute la distance qui sépare le commutateur des maisons des abonnés. Le service est, à tous égards, excellent.
Le développement, actuel du service n'est pas si grand que dans quelques-unes des villes de l'Ouest de l'Amérique, mais, néanmoins, le système de
New.-York est. de beaucoup la plus vaste installation du monde. Il dessert actuellement plus de 150.000 postes. Il est aussi, sans aucun doute et à
tous les égards, le mieux équipé. Londres aura dans quelque temps un service téléphonique analogue à celui de Nêwx-York, puisque le travail y est conduit, à peu de chose près, de la même manière qu'à New-York ; mais la superficie de Londres est beaucoup plus grande que celle de New-York et le travail nécessaire pour établir une distribution complète dans une ville couvrant, plus de 600 milles carrés, est un travail d'une grandeur et d'un prix effrayants. Autant, qu'on en peut juger par ce qui a été fait jusqu'ici, les travaux du téléphone, à Londres, sont excellents.
— Il y a eu une discussion sur le travail fait dans les systèmes téléphoniques municipaux en Angleterre. Monsieur Hesketh, avez-vous eu l'occasion de voir l'un de ces systèmes ?
— Oui, j'en ai vu un ou deux au cours de mes voyages, mais à ce sujet, je préférerais n'exprimer aucune opinion.

Le Téléphone en Australie
— Espérez-vous établir beaucoup de téléphones en Australie, et allez-vous acheter votre matériel téléphonique en Angleterre ?
— J'espère que dans un temps très rapproché nous pourrons soumettre nos plans au Gouvernement pour un grand développement, du téléphone. je suis absolument convaincu que dans n'importe quelle ville d'Australie un développement d'au moins 10 % peut être alleint, dans le cours normal des affaires, et qu'un système téléphonique doit, être prévu, dès le début, pour assurer ce développement.
J'espère qu'en Australie, nos plans-seront établis sur ces bases.
Quant, à acheter notre matériel en Angleterre, nous devons espérer que les fabricants anglais pourront, nous fournir ce dont nous aurons besoin à des prix convenables.
Je dois dire cependant qu'en ce moment ils semblent n'avoir alleint que difficilement les progrès nécessaires pour arriver à construire de grands systèmes téléphoniques.

Télégraphie et Téléphonie
— Je suppose que vous avez aussi porté votre attention sur la télégraphie ?
— Oui. Le principal objectif de mon voyage était l'étude des questions téléphoniques, mais j'ai naturellement prêté quelque attention au télégraphe, et je puis résumer mes impressions sur la télégraphie, très succinctement.
Ce que l'Angleterre a à apprendre de l'Amérique en téléphonie, l'Amérique, sans aucun doute possible, peut l'apprendre de l'Angleterre en télégraphie. En ma qualité d'Anglais, il m'est très agréable de pouvoir l'affirmer. Il me paraît hors de doute que le système télégraphique de la Grande-Bretagne est, comme service général, de beaucoup en avance sur tous les outres systèmes du monde.
Le Telegmph Department a fait de remarquables travaux, durant ces dernières années, en posant des lignes télégraphiques souterraines à travers tout le pays. Quand j'ai quitté le pays en 1896, je n'aurais pas cru possible que le système pût quadrupler d'importance sur des lignes souterraines entre Londres et Leeds.
— Comment expliquez-vous la différence dans l'état relatif des deux pays en télégraphie et en téléphonie ?
— Eh bien ! en allant au fond des choses, la télégraphie est née en Angleterre, et la téléphonie est née en Amérique. Dans les premiers temps, le télégraphe fut sans doute développé sur des bases plus scientifiques en Angleterre que nulle part ailleurs. Avec l'extension rapide de la télégraphie terrestre et sous-marine, il s'est, formé un lien, dans ce pays, entre les ingénieurs du télégraphe et les inventeurs, et cette entente a laissé une profonde empreinte dans l'art, de la télégraphie.
De même, le téléphone, au début, au point de vue des affaires cl; au point de vue technique, s'est plus rapidement développé en Amérique que nulle part ailleurs. De.sorte que, en Amérique, il s'est formé un lien entre les inventeurs et les ingénieurs du téléphone ; c'est ce qui a fait du téléphone une
science distincte.
Ce résultat est naturel, car il est inévitable, quand tant d'intelligences travaillent constamment et assidûment à résoudre les problèmes d'une science nouvelle et en voie de progrès, que celle science atteigne un développement rapide et constant.

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1905 La cause du problème principal de la crise qui ne tarda pas à arriver.

Malheureusement, en France pour des considérations purement budgétaires, on se propose de n'établir pour l'instant qu'une batterie centrale incomplète, réduite aux signaux d'appel et de fin de conversation ; conservant ainsi jusqu'à nouvel ordre la.décentralisation de la force électrique par le maintien des piles primaires chez les abonnés, cause fondamentale du mauvais fonctionnement actuel. Or, il n'est pas d'exemple, nulle part, qu'on ait substitué aux divers systèmes celui de la batterie centrale ainsi réduite.
Le système mixte que nous propose M. le sous secrétaire d'Etat est donc une expérience dangereuse, coûteuse, et peut-être même inutile.
Au contraire, la batterie centrale a fait ses preuves. Partout où elle a été adoptée, l'usage du téléphone s'est développé dans des proportions considérables. De 1898 à 1905, le nombre des abonnés à Paris, passait de 25.000 à 40.000. tandis qu'à New-York, où on avait installé la batterie centrale, il décuplait dans le même espace de temps, passant de 25.000 à 242.000.
Aux Etats-Unis, où fonctionne généralement la batterie centrale, le téléphone est partout et entre toutes les villes, réuni par de doubles et triples lignes. En France, le téléphone existe seulement dans un petit nombre de localités qui la plupart du temps, ne peuvent pas communiquer entre elles.
En résumé, si les nécessités budgétaires empêchaient pour le moment l'adoption immédiate de la batterie centrale intégrale, nous demanderions tout au moins que ce système fut appliqué à l'avenir pour les nouveaux abonnés, et qu'e les abonnés actuels puissent, sur leur demande, en bénéficier en faisant l'abandon de leur ancien poste.

Depuis février 1904 il a été construit des meubles système Standard. Or, ce système sur lequel on comptait beaucoup, fut une profonde désillusion ;
il est inférieur aux anciens systèmes, à tous les points de vue : rendement, qualité, commodité et rapidité.
Comme rendement, puisque l'on ne peut même servir 95 abonnés ; comme qualilé, parce que les dérangements sont plus nombreux ; comme comodité et rapidité, parce que les abonnés ne sont pas multiples. En général, les abonnés d'un même bureau causant beaucoup entre eux, le multiplage est de beaucoup préférable au non multiplage pour la rapidité des mises en communication.
Il est important, de ne pas passer sous silence le mauvais emploi qui a été fait des crédits demandés jusqu'à ce jour. Le meuble du 4° élagç de Gutenberg a coulé 1.400.000 fr. et n'a pu encore être mis en service, étant de construction défectueuse pour le mettre en état de servir, il est demandé 1.210.000 fr.: il reviendra donc à 2.600.000 fr.
Celui de Passy-Sablons (le bureau n'est pas ecore ouvert) a coûté 700.000 fr. ; il est demandé plus de 300.000 fr. ; il reviendra donc à un million.
Les fiches mauvaises devraient être remplacées immédiatement, mais il n'y en a pas dans les ateliers, les clés sont, défectueuses cl. produisent des
interruptions. Quant aux appareils transmetteurs et récepteurs, l'on en manque absolument, et si, par hasard, il y en a quelques-uns de rechange, ils
sont plus mauvais que ceux que l'on vient de quitter.
Les annonciateurs ne fonctionnant pas sont un temps infini avant d'être réparés, alors qu'il ne faut que quelques minutes pour les remettre en état.
El tout cela pour quelles raisons ?
Parce qu'il n'y a pas d'argent pour les réparatlions trop onéreuses — parce que les ouvriers mécaniciens ne sont pas assez nombreux — parce que
l'Adminislralion n'a pas pris les précautions indispensables pour qu'ils puissent accomplir leur service avec compétence et, rapidité...
Le service interurbain, installé au bureau de Gulenberg, devient de jour en jour d'une exécution plus difficile, en raison du manque de place, de l'accroissement continu du nombre des circuits et, par suite, des communications. Il y a 51 tables à l'interurbain plus une pour les avis d'appel. Une
téléphoniste à trop de circuits à desservir : elle en a au moins six, et deux employées sont affectées à chaque table ; une employée ne pouvant prendre les appels et passer les communications à elle seule, il est donc absolument urgent de faire des réformes à l'interurbain.
Il est de toute nécessité d'agrandir le bureau, de mettre de nouvelles tables, de décharger celles existantes, de façon à ce que' chaque téléphoniste n'ait que trois circuits à desservir. Elle pourra alors fournir un travail parfait à la satisfaction de l'abonné qui sera plus vite et mieux servi. L'Administration y trouvera son bénéfice, parce que chaque circuit, surveillé attentivement par l'employée, rapportera le maximum de rendement, ce qui est très loin d'exister actuellement.
La téléphoniste, moins surmenée, pourra exécuter un bon travail, surveiller ses communications, et ne sera pas forcée de croire sur parole les abonnés qui abusent, de la situation et bénéficient, l'employée n'étant jamais en mesure d'affirmer s'il ne s'est pas passé d'incidents pendant la communication (coupure, friture, interruptions, etc.), de la crainte qu'elle peut avoir des réclamations.
Il n'est pas besoin pour cela d'une augmentation sensible du personnel, mais de l'emploi utile de toutes les unités, une partie du personnel faisant un
travail secondaire ou prenant les appels. Chaque téléphoniste n'ayant que trois circuits à servir, pourrait, prendre elle-même ses appels.
Il est indispensable de même qu'au service des abonnés, que le matériel, fiches, conjoncteurs, etc., soient vérifiés souvent et remplacés ou réparés aussitôt reconnus défectueux. Il serait urgent d'avoir de très bons appareils, aussi légers que possible, pour rendre le travail moins pénible.
Le service du laboratoire a pour mission de vérifier les dérangements sur les fils. Le personnel y .est insuffisant, de même que le matériel de vérifi-
cation, et lorsque, en cas de perturbations atmosphériques, tempêtes en hiver, orages en été, il y a des quantités de circuits impraticables, le service
est "souvent interrompu plusieurs jours, faute de personnel de vérification ; ici, encore, les intérêts du public et du Trésor sont en jeu.
Les schwilching, avec certains bureaux, spécialement la Villette el la Roquette, sont tout, à fait insuffisantes, et tous les jours il y a des manques de
lignes préjudiciables à la rapidité du service.
L'exploitation défectueuse du service téléphon que, au point de vue économique, pour une partie de la France très industrielle et très commerçante, la région Sud-Est, attire certainement l'attention. Cette région, qui comprend des villes comme Lyon, Saint-Etienne,Grenoble, l'Italie, la Savoie, la Suisse avec ses avec ses stations estivales, est desservie par cinq circuits.
Les communications avec l'Italie ayant la priorité sur les françaises, les communications officielles en grand .nombre ayant aussi la priorité, les circuits étant souvent défectueux sur celle ligne, il ne reste plus aux abonnés qu'à s'armer de palience et attendre jusqu'à 4 heures ou plus tard, les communications souvent demandées avant 9 heures le malin.
Il faudrait donc établir des circuits directs avec Grenoble, Saint-Etienne, Avignon, la Savoie et, la Suisse, et au moins 4 circuits pour Lyon direct et
l'Italie. On aura une idée du trafic formidable qui passe sur ces cinq circuits en disant qu'il y a environ 2.000 localités desservies.
Il serait urgent de faire une réglementation plus sévère des communications officielles pour qu'il n'en soit pas fait abus par les employés des ministères qui encombrent les circuits sans contrôle au détriment du public et du Trésor....

Les frais de premier établissement qu'entraînera la réfection do notre réseau téléphonique sont considérables ; en voici le résumé tel que l'indique le projet de loi :
Dépenses résultant des lois votées.............................................. 15.197.104
Dépenses résultant du projet de loi déposé le 28 novembre 1902 .... 1.216.000
Dépenses nouvelles cle premier établissement ...............................26.222.760
Total . ........................................................................................42.633.864
Malgré l'importance du capital engagé, il est à craindre que les communications restent aussi, défectueuses que par le passé et qu'il en soit ainsi.
Ce jourheureux arivera-t-il bientôt ? Au train dont vont les choses, il est permis d'en douter, et il est probable que bien des ministres et des sous ecrélaires d'Elat se succéderont avant que les Parisiens soient aussi favorisés que les habitants de Chicago.

M. Bérard s'est à peu près engagé à nous donner plus tard la Batterie centrale intégrale, quand l'étal du budget lui permettra de demander de nouveaux crédits.
Pendant le seul mois de septembre 1906 , les recettes des téléphones ont accusé une moins-value de 550.000 francs sur les évaluations budgétaires.
Si cela continue, c'est, un trou de plus de six millions qui va donc creusé dans le budget. L'incurie de M. Bérard nous coûtera cher.
Alors que le rendement des téléphones s'accroît à l'étranger dans des proportions fantastiques, en France, l'Administration refuse de nouveaux abonnés parce que les centraux sont « saturés ».
De nombreux abonnés se désabonnent, écoeurés du déplorable fonctionnement du service téléphonique.
Qu'en pense le minisire des finances ?

Novembre 1906 Enfin ! M. Bérard est parti !!
Nous voilà donc débarrassés de l'homme néfaste qui s'est incrusté pendant plus de quatre ans sur son fauteuil de sous-secrétaire d'Etat, et qui, hostile à toute réforme, laisse les services postaux, télégraphiques et téléphoniques dans un inénarrable désarroi.
M. Clemenceau — qui aime les hommes actifs et énergiques — a rendu un grand service à l'humanité téléphonique souffrante, en la débarrassant de la nullité encombrante et dangereuse qui présidait à ses destinées. Le passage de M. Bérard aux affaires aura été, en effet, particulièrement calamiteux. Ignorant tout du service qu'il avait l'honneur de diriger, il n'a pas daigné se mettre au courant ; il n'a eu qu'une ambition : durer; qu'un
intérêt : celui des inaugurations et des intrigues de couloirs. Au moment où les services postaux et téléphoniques avaient besoin d'une vigoureuse réorganisation, M. Bérard a employé toute son astuce à faire échouer tous les projets de réformes, pour qu'aucun tracas ne vînt troubler sa quiétude. Il a fait régner autour de lui le favoritisme le plus éhonlé ; il s'était discrédité aux yeux du personnel dont il avait perdu la confiance et était las, tout comme le public, d'être berné par des promesses jamais tenues. Incurie, anarchie, routine, désorganisation dans tous les services et à tous les degrés : tel est le triste bilan de la gestion de M. Bérard.
L'Association des Abonnés au Téléphone ne peut que s'honorer de la eamonone vigoureuse qu'elle a menée contre lui, après avoir épuisé tous les moyens pour l'engager dans la voie des réformes. Elle est heureuse que ses efforts soient enfin couronnés de succès: avec nous les journaux professionnels des postes, compétents en la matière, ayant toujours mené le bon combat. Mais aujourd'hui l'effondrement est complet. M. Bérard s'en va sans un regret, au miieu de l'indifférence la plus complète: tant est grand et général le soulagement causé par son départ.
Avec nous les journaux postaux ne peuvent cacher leur joie :
M. Simyan , déclare le Professionnel des Postes, a une physionomie énergique qui tranche absolument avec celle de pay san bonasse et joufflu de son prédécesseur peu regretté. Souhaitons que la différence entre les deux hommes ne s'arrête pas là.
— On l'a vu vendredi dernier, déclarait la Journal des Postes, pendant la crise à la terrasse d'un café du boulevard Haussmann. Et ce pauvre M. Bérard, qui aurait si bien voulu devenir ministre, supputait, en buvant lentement son bock, sa chance de rester encore sous-secrétaire d'Elat. Lui qui aimait tant être entouré, était solitaire à cette terrasse, comme si l'abandon commençait.
Le même journal ajoutait plus tard, avec un soupir de soulagement :
— M. Bérard va être rendu à ses chères éludes... Parmi les épaves, on compte notre sous-secrétaire d'Elat. Son départ ne causera ni surprise, ni regret. Les chères études de M. Bérard, nous les connaissons déjà. L'ex-sous-secrétaire d'Elat n'ambitionne rien moins, en effet, que de refaire l'histoire des Gaules. Qu'il retourne donc à son cher Izernore, et n'en parlons plus.

sommaire

Jusqu'en 1907, les installations sont réalisées dans Paris en batterie locale, les postes étant munis d'une magnéto que l'abonné doit actionner au début et à la fin des communications. Une première transformation du réseau de Paris consiste à mettre en oeuvre la batterie centrale pour l'appel, ce qui supprime les magnétos. Jusqu'alors pour appeler l'opératrice afin d'obtenir la communication demandée, les abonnés envoyaient un courant sur la ligne, soit en tournant une magnéto, soit en actionnant un bouton d'appel relié à une batterie de piles qui se trouvait chez eux.
L'innovation qui vient des Etats-Unis consiste à remplacer ces sources particulières de courant par une batterie centrale c'est-à-dire un puissant groupe de piles dans chaque central. Il suffit donc aux utilisateurs de décrocher leur combiné pour établir le contact.
Les travaux de transformation commencés en 1907 se termineront en 1909. Les piles pour l'alimentation des microphones subsistent encore chez les abonnés après la suppression des magnétos.

1907 La question des piles et des communications longues dislances
Rapport de M. H.-L. Webb. 31 janvier 1907.
Monsieur le Marquis de Montebello, président de l'Association des Abonnés au Téléphone, Paris.
Monsieur,
J'ai l'honneur de répondre à la question que vous m'avez posée relativement, à l'adoption partielle du système de la B. C. pour le réseau téléphonique de la ville de Paris.
J'apprends que l'Administration propose d'adopter seulement le système de la B. C. pour les signaux d'appel ou de fin de communication, conservant, par contre, les piles primaires chez les abonnés. La raison de ce système mixte serait la crainte que, pour les longues dislances,la transmission ne soit pas aussi bonne avec le système complet de la B. C. qui consiste en une source unique d'énergie, qu'avec la diffusion des sources d'énergie représentées par les piles primaires d'abonnés. Je crois que l'Administration serait mal conseillée en adoptant une telle décision, qui est en désaccord complet avec la pratique actuelle de la téléphonie et l'expérience de toutes les-administrations, téléphoniques des autres pays.
La qualité des transmissions à longues distances dépend beaucoup plus des conditions générales des ils téléphoniquesel des divers embranchements du circuit qui relie les téléphones de deux villes très éloignées l'une de l'autre, que du type ou de l'arrangement spécial adopté pour les appareils d'abonnés. Si la construction et l'entretien des lignes destinées aux longues dislances sont dans des conditions satisfaisantes, el si les diverses lignes auxiliaires et embranchements qui, en général, interviennent dans les communications à longues distances, le sont également, la transmission sera certainement bonne, étant donné toutefois que les appareils des postes d'abonnés soient d'une efficacité moyenne : pour les communications à longues dislances, les transmissions défectueuses sont bien plus fréquemment causées par des défauts dans les lignes principales ou auxiliaires, ou par une mauvaise liaison dans les divers multiples placés sur le parcours de la communication que par des défauts dans les appareils des postes d'abonnés. De plus, les appareils de la B.C, d'une construction simple et solide, sont, bien moins accessibles à tous ces défauts que n'importe quel autre type d'appareil. Les conditions actuelles de la. téléphonie démontrent clairement, qu'avec le système de la B. C. les communications à longues dislances ne présentent plus aucune difficulté. Il n'y a pas un pays au monde où les communications à longues dislances soient aussi demandées, aussi efficaces et aussi étendues qu'aux Etals-Unis. Chaque jour il y a de nombreuses communications téléphoniques entre New-York et Chicago, 1.500 kilomètres ; entre Boston el. Chicago, 2.000 kilomètres ; et le système téléphonique de ces villes, comme celui de toutes les villes de l'Amérique est le système complet de la B. C. C'est en 1901 que fut terminée la transformation (commencée en 1898) du réseau téléphonique de la ville do New-York, et depuis celle date il n'existe plus à New-York un seul poste d'abonné à batterie primaire -— le système dans tout son ensemble étant celui de la B. C. complète.
De plus, il y a déjà plusieurs années que le système de la B. C. a été également adopté par toutes les villes d'Amérique, et que les communications téléphoniques sont fréquentes à des distances encore plus considérables que celles dont je viens de parler. C'est bien la première fois, à ma connaissance, que Ton propose de transformer le réseau téléphonique d'une ville en B. C. tout en conservant les batteries dos postes d'abonnés.
En Angleterre, les divers réseaux téléphoniques sont régulièrement on voie de transformation en B. C. — et le service des communications à longues distances ne présente pas de difficulté, bien que quelques-uns des réseaux à B. C. soient très éloignés les uns des autres, ce qui oblige à des transmissions de 650 à 700 kilomètres.
Dans aucune des villes d'Europe où le système de la B. C. a été adopté, ou est en voie d'adoption, il n'a jamais élé sérieusement propose de conserver les appareils à batteries locales des postes d'abonnés, cl. il n'y a jamais eu, à ma connaissance, de difficultés résultant d'un système
complet de B. C. dans le service.des communications à longues dislances. Bien au contraire, les transmissions faites avec les appareils de la B. C. sont, en moyenne, trés supérieures aux transmissions faites avec les appareils des batteries locales. Les appareils centralisés de la B. C. reçoivent
des dynamos des centraux une provision régulière et constante d'énergie, ce qui l'ail que la conversation peut se prolonger même longtemps sans
diminution ni variation du courant. Par contre, le courant fourni par les posles locaux est fréquemment faible, soit du fait d'un usage excessif, soit d'un entretien défectueux, el dans tous les cas la force du courant diminue à mesure que la conversation se prolonge. Il arrive parfois qu'un certain poste à batterie locale donne une meilleure communication qu'un autre certain poste à 13. C. Mais l'expérience universelle révèle que ceci n'est qu'une exception ce qu'en règle générale la communication téléphonique avec la B. C. est, toujours supérieure, el ceci dans toutes les circonstances cl pour lous les abonnés, à la communication avec la batterie locale.
Ce serait à mon avis une très grave erreur épic de transformer en B. C. une partie du réseau téléphonique de la ville de Paris et de garder en même temps les batteries des posles d'abonnés. Il est vrai qu'il serait plus coûteux d'adopter le système complet de la B. C. el. d'équiper lous les posles d'abonnés avec les appareils centralisés, mais il en résulterait, d'abord un service bien plus efficace el plus lard une grosse économie, les dépenses d'entretien cl, de renouvellement des postes d'abonnés étant matériellement, réduites. Si l'on adopte pour Paris la proposition de l'Administration, il s'en suivra nécessairement un service très inférieur, causé principalement, par le grand nombre d'erreurs ou accidents provenant des appareils « transformés » qui ne seront que « transformés » et qui ne pourront que s'adapter difficilement au service B. C. Les dépenses que nécessitent l'entretien et le renouvellement des batteries locales, — et ceci constitue une dépense très importante dans une grande ville comme Paris, — continueront, et, de plus, continueront à augmenter. Il est aussi forl probable que ces dépenses seront plus considérables avec le système mixte proposé par l'Administration qu'avec le système actuel ; les instruments transformés et probablement endommagés par cette transformation étant de plusieurs types, seront certainement causes de plus de « fautes » dans le service que propose l'Administration que dans le service actuel.
On peut donc résumer les désavantages de l'adoption partielle de la B. C. tout on conservant les appareils actuels des postes d'abonnés, comme
suit :
1° Service inférieur tant au point, de vue de la transmission qu'au point, de vue des interruptions provenant de « défauts » dans les instruments.
2° Des dépenses annuelles beaucoup plus considérables provenant de l'entretien très coûteux des centaines de mille de batteries primaires réparties sur une grande ville.
3° Un entrelien très.difficile — provenant des nombreuses différences dans les types des instruments auxquels, dans certains cas, le travail nécessaire d'adaptation causera des défauts, et dans d'autres dos défauts qui n'apparaîtront que quand ces appareils seront rattachés au système
de la B. C.
Par contre, les avantages du système complet de la B. C. se résument connue suit :
1° Un service très supérieur — résultat obtenu par des appareils d'un type uniforme, actionnés par une force également uniforme et transmise
par le plus puissant des types do transmetteur.
2° Economie de dépenses annuelles — résultai de la disparition des piles primaires.
3° Entretien plus facile — résultat de l'adoption d'un type uniforme pour lous les appareils d'abonnés — ces appareils étant d'une construction simple et solide et, pou susceptible de dérangement.
De plus, si, suivant, l'exemple des autres administrations téléphoniques, on transforme maintenant de façon complète le réseau téléphonique de la ville de Paris en système B. C, il y aura aussi ce grand avantage que toutes les extensions cl développements futurs du réseau pourront se faire
sur ce même type uniforme de la B. C.
Je suis, etc.... LAWS WEBB

M. Simyan, a témoigné la ferme volonté d'aboutir aux problèmes de la crise du téléphone par une lettre à l'association :

SOUS:SECRÊTARIAT D'ÉTAT
République Française des Posles et Télégraphes. — CABINET —
— Paris, le 9 mars 1907. Secrétariat Administratif.

Monsieur le marquis de Montebello, Président de l'Association des Abonnés au Téléphone,
J'ai l'honneur de vous indiquer ci-après la suite dont chacun des voeux que vous avez bien voulu me transmettre au nom de l'Association des Abonnés au Téléphone m'ont paru susceptibles :
1° Règlement. — Toutes les questions soulevées à ce sujet par votre Association ont fait ou vont faire l'objet d'une élude très approfondie de la
part de l'Administration. Incessamment, un projet d'arrêté portant modification des articles 44, 50 et 52 de l'arrêté du 8 mai 1901 sera soumis à M. le
Ministre. Ainsi que vous l'avez reconnu vous-même, l'article 52, relatif aux suspensions pour inexécution des clauses du contrat ou pour difficultés causées par des propos injurieux adressés au personnel, n'est d'ailleurs plus appliqué depuis déjà un certain temps.
En ce qui concerne les autres points traités par M. Talamon dans son mémoire et visant les articles 3, 5, 7, 14, 15, 16, 18 et 21 du décret du 7 mai
1901 et un certain nombre de dispositionsde l'arrêté du 8 mai de la même année, je me propose de les soumettre très prochainement à l'examen d'une commission spéciale qui sera constituée en vue de l'étude des modifications à apporter aux conditions d'abonnement.
2° Personnel. — Toutes les mesures ont été prises pour n'avoir, dans les bureaux centraux téléphoniques que des employées parfaitement exercées. A cet effet, des cours d'instruction comportant un enseignement théorique et pratique, basé sur les méthodes les mieux appropriées à la connaissance et à la manoeuvre des appareils utilisés dans le service téléphonique ainsi qu'à l'élude des règlements concernant celte branche de l'exploitation,ont été organisés à Paris et dans les centres importants où le personnel des débutantes se renouvelle le plus fréquemment : Lyon,
Marseille, Bordeaux, Lille, Roubaix, Rouen, etc. Ces cours seront étendus progressivement dans tous les bureaux où ils seront susceptibles de
fonctionner utilement.
En ce qui concerne le personnel des ingénieurs, je crois devoir vous faire connaître qu'en fait, à Paris tout au moins, il est absolument spécialisé.
Certains ingénieurs ne s'occupent, depuis leur sortie de l'école d'application des postes et télégraphes, que du télégraphe, d'autres sont spécialement affectés au service téléphonique.
3° Matériel. — L'Association demande l'établissement de la batterie centrale intégrale. Or, les multiples de Paris, urne fois transformés, se prêter ont, sans modification aucune, à la batterie centrale intégrale ; les schémas adoptés sont exactement ceux des multiples étrangers où la batterie centrale est en service.
Relativement à l'entretien du matériel et à la visite des postes d'abonnés par des fonctionnaires spéciaux chargés de s'assurer de leur bon fonctionnement, je suis heureux de vous annoncer que satisfaction complète vous est donnée sur ces deux points : des instructions formelles ont été données on vue de la prompte remise en état, aussi bien des appareils des postes centraux que des appareils d'abonnés, dès que leur fonctionnement laisse à désirer; d'autre pari, des agents spéciaux sont chargés de s'assurer, en faisant eux mêmes des appels à partir des postes d'abonnés, que les téléphonistes se conforment bien aux dispositions réglementaires concernant le rétablissement des communications et les réponses à faire aux abonnés en cas de difficultés.
Enfin, vous avez demandé également que l'Association soit considérée comme une institution appelée à rendre service à l'Administration autant
qu'au public ; qu'elle soit représentée dans les commissions téléphoniques, et que des instructions soient données aux chefs des bureaux centraux
pour qu'ils accueillent les réclamations que leur adresse l'Association au nom de ses adhérents et qu'ils y donnent bonne suite.
Ainsi que je vous l'ai déjà déclaré, j'apprécie hautement le but poursuivi par l'Association des Abonnés au Téléphone et je suis convaincu que de la collaboration de l'Administration et des abonnés il ne peut résulter que des avantages pour les deux parties ; aussi, soyez persuadé que je ne manquerai pas de.tenir le plus grand compte des communications que vous voudrez bien continuer à. m'adresscr, de même, pie je ne manquerai pas, le cas échéant, de désigner, d'accord avec vous, des représentants des abonnés comme membres des commissions qui seront instituées pour
l'étude des questions téléphoniques et qui ne seraient pas d'ordre purement, technique.
En ce qui concerne l'accueil à faire aux réclamations transmises par l'Associationdes Abonnés au Téléphone, au nom de ses adhérents, j'ai donné
des instructions très précises pour qu'il y soit répondu clans le plus bref délai possible.

Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération très distinguée.
Le Sous-Secréiaire d'Elat des Postes et Télégraphes,
Signé : SIMYAN

Juin 1907 On sait que trois cents nouvelles lignes auxiliaires sont en construction. Elles entreront en service au fur et à mesure de leur achèvement. La plupart fonctionneront, comme nous l'avons dis, en octobre prochain.
La transformation des multiples actuels en batterie centrale est très avancée. On installe dans le sous-sol de Gutenberg les moteurs et accumulateurs nécessaires pour produire les nouvelles forces électriques.
La substitution, dans les multiples, de nouveaux groupes aux anciens, a déjà commencé. Ainsi, à Gutenberg, tous les abonnés de la série 300 ont eu leur vieux meuble remplacé par un multiple plus moderne — le multiple de transition dont nous avons déjà parlé — en attendant que s'effectue, sur l'emplacement des meubles anciens, les transformations définitives. Déjà un certain nombre d'abonnés de Gutenberg, de la Roquette, de Port-Royal sont actionnés par les sonneries des futurs multiples à batterie centrale. Le courant étant beaucoup plus fort que précédemment, il en résulte parfois que la sonnerie trembleuse des abonnés en éprouve un certain dérangement, qu'elle « colle », comme on dit en style technique. L'abonné n'a qu'à prévenir l'administration : une réparation extrêmement simple remet l'appareil au point.
Les multiples transformés entreront en service dès le mois d'octobre. La transformation des postes des abonnés, qui est relativement facile par rapport au travail précédent, s'opérera au dernier moment. Multiples et postes ne fonctionneront en batterie centrale que quelques mois plus tard, lorsque le réseau cle Paris sera entièrement transformé. L'administration a donné aux constructeurs jusqu'au 1er mars 1908, et toutfait prévoir que ces travaux considérables seront achevés à celle époque. En allant trop vite, on risquerait d'obtenir des malfaçons dans une besogne aussi délicate. Mieux vaut patienter quelques mois encore, et avoir enfin enfin un outillage qui nous donne pleine satisfaction.
Le projet que MM. Barthou et Simyan vont soumettre aux Chambres avant les vacances, prévoit à la fois la réforme du tarif et l'augmentation du nombre des bureaux centraux. Les deux questions, en effet, sont connexes, comme nous avons eu l'occasion de le montrer.
De la première, je ne parlerai.pas aujourd'hui. Je rappellerai seulement que, solidairement avec la réforme du tarif, l'administralion réclame la création de neuf nouveaux centraux (en sus des trois précédents). Les crédits nécessaires seraient de 55 millions, pour les achats de terrains, construction des bâtiments, des multiples et des lignes, et installalion des compteurs (qui figurent pour 2 millions et demi).
Si le Parlement repousse la réforme du tarif, il n'y a plus à prévoir une aussi grande affluence d'abonnés. Dans ce cas, l'administration, qui a aussi étudié cette éventualité, ne réclame plus que 4 centraux (au lieu de 9) et 18 millions environ de crédits. La réforme du tarif constituera donc le
noeud de la question. Nous reviendrons sur celle matière délicate.

Juillet 1907 Les désagréments de la période transitoire pour arriver à la réforme..
L'extension de l'interurbain.
Il y a en ce moment toute une fraction des abonnés parisiens qui ne sont pas contents. Les 200... surtout, reliés, comme on sait, à Gutenberg, protestent avec véhémence contre un service téléphonique qui a empiré depuis un mois. Nous avons même reçu quelques démissions, qui, hâtons nous de le dire, ne sont pas justifiées, qui le sont même moins que jamais. Car si les abonnés connaissaient la cause de leurs maux, au lieu de s'affliger, ils devraient se réjouir. Ce n'est pas un paradoxe. Expliquons-nous.
On ne l'ait pas d'omelette sans casser des oeufs, dit. un vieux proverbe. De même, quand on est malade, on absorbe vaillamment le remède qui, si exécrable soit-il au goût, doit nous rendre la santé : le petit désagrément d'un moment est amplement compensé par le but poursuivi. Le téléphone lui aussi est malade, depuis longtemps: nous ne le savons que trop. En ce momenton lui applique un remède énergique : c'est la grande réforme dont nous avons plus d'une fois entretenu nos lecteurs. Cette réforme ne s'opère pas sans difficulté ; la période transitoire a ses désagréments, nous l'avons déjà dit. Mais il faut bien en passer par là, pour avoir ensuite un système téléphonique qui nous donnera satisfaction.
Que se passe-t-il, en .effet, en ce moment ? On reconstruit tous les multiples de Paris pour y installer la batterie centrale, que notre Association a réclamée la première depuis longtemps, et qui seule pourra mettre fin à la crise actuelle. Or, pendant les travaux de réfection, il est bien évident que les multiples ne peuvent continuer à fonctionner, et qu'il faut raccorder provisoirement les abonnés à d'autres meubles.
Comme nous l'avons déjà expliqué, un multiple, qui avait été construit au quatrième étage de Gutenberg, et qui n'avait pas encore servi, a été sectionné et utilisé pour desservir les abonnés en attendant que s'opèrentles travaux d'installation de la Batterie Centrale. A Gutenberg, en ce moment, près de 5.000 abonnés des 200... et des 300... (environ la moitié) sont actuellement dans ce cas. Ce meuble provisoire étant neuf, n'est pas mauvais. Mais comme il n'a pas encore fonctionné, il se produit au début des défauts de réglage dans les relais électriques qui servent à allumer ou à éteindre les lampes-signal : c'est l'histoire d'une pendule ou d'une montre neuve qui a besoin d'être réglée. D'où des appels de l'abonné qui ne sont pas entendus, parce que le contact ne s'est pas produit, ou inversement des postes libres déclarés « pas libres » par l'opératrice, parce que le signal de fin de conversation n'a pas fonctionné. — Il suffit d'ailleurs d'une réparation très simple pour remettre tout au point.
Nous comprenons toutefois l'impatience des abonnés, qui n'ont pas été prévenus officiellemenl de cet état de choses. L'administration a eu le grand tort de ne pas les mettre au courant. Citons à ce propos la lettre d'un de nos adhérents, qui exprime bien l'étal d'esprit général: M. Binet s'était plaint à nous de l'état de choses dont il souffrait ; après notre réponse, qui lui en expliquait la cause, il nous adressa ces justes réflexions :

Paris, 22 juillet.
« Je viens vous remercier des explications contenues dans votre mémorandum du 19 écoulé, et qui rendent encore moins compréhensibles le mutisme et l'inertie de l'Administration. Il était pourtant de toute convenance, dès ma première réclamation, il y a dix jours, de m'indiquer la cause supprimant toute communication, et sa durée probable je n'aurai pu que m'en réjouir. Quand la Compagnie Edison supprime le courant de sa propre volonté, elle adresse un avis à chacun de ses clients : c'est un devoir. Un commerçant qui ferme de midi à 1 heure l'indique sur sa porte, sans pourtant être lié par un contrat avec sa clientèle. Bref, pour une fois que l'Administration avait une bonne nouvelle à apprendre à un abonné, elle s'est bien gardée de le faire !
« Par contre, si mon échéance tombe un dimanche ou un jour férié, comme cela vient d'arriver deux fois, je ne manque pas de recevoir une lettre recommandée, aussi vexatoire que ridicule, m'apprenant que l'Administration ignore ou méconnaît la loi, en me réclamant un paiement que je n'avais pas à faire à la dale portée sur son relevé, mais seulement le lendemain.
« Nous devons être légion dans le même cas que moi, et, par ce temps de socialisme à outrance, vous devriez rappeler l'Administration à la pratique de celte doctrine à l'égard de ceux qui la paient, alors qu'elle a tout l'air de nous faire une charité en nous vendant très cher des communications impossibles ou défectueuses.
« En vous remerciant encore pour une obligeance que j'avais le droit de rencontrer ailleurs, je vous présente, etc.
«A. BINKT, 2, rue Tailbout. »

Pour nous résumer, nous disons à nos abonnés, aux 200 et 300 en particulier : Réclamez !
Adressez-nous toutes vos réclamations. Nous nous emploierons pour faire exécuter de notre mieux, et au plus tôt, les réparations utiles.
Mais prenez en patience votre mal, qui est un mal nécessaire, en attendant le mieux. Et surtout, n'oubliez pas que ce mieux,vous le devrez à notre Association, qui a obtenu là réforme à la suite de son énergique et persévérante campagne.
Une bonne nouvelle pour terminer. L'interurbain de Paris va être également compris dans le programme de réformes. Nous reviendrons sur cette importante question.
Mr MAURICE DE MONTEBELLO

Octobre 1907 — nos lecteurs s'en souviennent — la construction, à Paris, de 300 lignes auxiliaires qui devaient être prêles pour ce mois d'octobre. Or, les lignes sont bien achevées, mais elles ne seront pas mises en service avant le printemps prochain, parce qu'on ne possède pas les groupes nécessaires pour les recevoir. Il faudra attendre l'achèvement des multiples en construction.
Viste aux centraux de Saxe et de port-royal
Les travaux en cours. Construction et consolidation d'immeubles. L'installation de la Batterie Centrale.
Décidément, il y a quelque chose de changé dans l'administration. .Jadis les bureaucrates mystérieux et gourmés agissaient en catimini auraient considéré comme vin sacrilège de mettre le public au courant, de leurs actes et de le l'aire pénétrer dans le sanctuaire administratif. Rappelez-vous seulement l'époque de M. Bérard ! Aujourd'hui l'administration se donne de l'air : elle ouvre ses portes, et, pour montrer au public qu'elle travaille, elle invite volontiers à venir voir ce qui se passe chez elle. Hommes nouveaux, esprit nouveau !
Ces jours derniers nous étions ainsi invités à visiter les bureaux centraux de Saxe cl de Porl-Royal, où d'intéressants travaux sonl en cours :
d'abord des travaux de 'reconstruction ; ensuite l'installation de la Batterie Centrale, qui est poursuivie activement dans tout Paris, fonctionnera en avril prochain.
Le bureau do Saxe — célèbre par l'inondation d'il y a deux ans — a été construit en 1900. Néanmoins, on est obligé d'y faire pour 125.000 francs de réparationsà cause de l'imprévoyance dont, on fit preuve lors de sa construction. On ne prévoyait pas alors l'extension du téléphone. Quoique très vaste, le bâtiment était trop léger pour supporter plus d'un multiple. Il a donc fallu le consolider depuis les fondations jusqu'au faîte, y compris
les plafonds, car on prévoit qu'au multiple actuel, d'une capacité de 10.000 abonnés (In n-y en a en ce moment que cinq mille et quelques) viendront
plus lard s'adjoindre aux autres étages deux autres multiples de capacité égale.
Or un multiple avec ses câbles pèse, sur un plancher, le poids respectable de 800 kilogrammes au mètre carré : c'est le maximum de résistance, pour un plancher, qui ail jamais été demandé aux airchitecte. Le poids total d'un multiple de 10.000 abonnés est de 60.000 kilogrammes.
A côté sur le même terrain, on va édifier un vaste bâtiment,- où seront installés tous les services téléphoniques de la région de Paris. L'Etat est locataire rue Las Cases : ici il sera chez lui.
Passons maintenant aux travaux techniques.
La transformation,des multiples s'opère, comme à Gutenbevg, à l'aide d'une section du fameux meuble découpé, sur laquelle sont reportés tour à tour les divers groupes d'abonnés, pendant qu'on transforme la partie correspondante du multiple.
La partie la plus intéressante, cl que nous n'avions pas encore vue dans d'autres bureaux, c'est la transformation de la force motrice et l'pnstallation de la Batterie Centrale, qui est presque terminée au central de Saxe, dans le sous-sol.
Autrefois l'énergie était fournie par un moteur à gaz, qui changeait une quantité considérable d'accumulateurs : autant d'accumulateurs que d'opérations de diverse sorte à faire clans le multiple (appel de l'abonné, fin de communication,lest, blocage, 'sonnerie chez l'abonné, etc., etc.)
Aujourd'hui, une batterie d'accumulateurs (la Batterie Centrale) et deux petites dynamos (ou transformateurs) : c'est tout ce qu'il faut pour desservir 10.000 abonnés. On est frappé d'une telle simplicité.
Voici comment fonctionne le système. Le courant esl fourni par les secteurs électriques de la Ville. C'est un courant alternatif de 110 volts : comme il est beaucoup trop fort, et qu'on a besoin d'un courant direct, il est transformé en un courant direct de 12 volts, par une première dynamo, qui charge la Batterie Centrale. Celle-ci par une dérivation directe, fovimnit le courant nécessaire pour alimenter les signaux locaux du multiple (allumage et extinction des lampes-signal, microphones des téléphonistes, blocage, etc.). Elle actionne en outre une deuxième dynamo, qui transforme le courant direct de 12 volts en courant alternatif de 65 volts, lequel actionne à son tour les sonneries d'appel chez les abonnés.
On inslalla un moteur à pétrole supplémentaire, qui fonctionnerait, pour charger la Batterie Centrale, en cas de grève des électriciens, ou de tout autre accident imprévu.
Toutes les explications techniques et administratives nous ont été données sur place par M. Troubet, le sous-directeur, qui nous a servi fort aimablement de cicérone.
Quand la Batterie Centrale fonctionnera, le débit du courant, sera sévèrement surveillé, pour éviter toute cause de débit irrégulier ou anormal.
Une sorte de sirène, surnommée le Hurleur, sera installée dans chaque poste et préviendra l'abonné, lorsque celui-ci, par mégarde, aura oublié de raccrocher son récepteur.
Au bureau de Port-Royal, les travaux sont moins avancés. Mais la Batterie Centrale y sera installée sous peu. Nous y avons vu encore l'archaïque installation du moteur à gaz et des in nombrables accumulateurs.
Comme le multiple est d'ancien système — c'est un meuble non multiple — on y apportera tout fait un nouveau multiple, ce qui évite les difficultés de la transformation sur place.
Ce bureau, l'un des plus, petits de Paris — 3.000 abonnés et 150 opératrices — fait très bonne impression. Les opératrices sont placées tout autour de la salle, qui est spacieuse et bien aérée. La surveillance est ainsi puis facile, et le chef bureau se déclare enchanté de son personnel, qui est plein de zèle et d'activité.
Le bâtiment sera également agrandi. Il en abesoin.
On le voit, la réforme se poursuit activement. Il n'y a plus que l'hiver à passer. Nos efforts auront enfin porté leurs fruit.

La construction du bureau de la rue des Sablons est terminée ; il ne reste qu'à achever les installations techniques. Si aucun relard ne se produit, ce nouveau bureau pourra vraisemblablement être inauguré au printemps prochain.
La mise en service du bureau de la rue des Sablons et celle du nouveau multiple dont l'installation se poursuit au quatrième étage de Gulenberg
permettront de dégager les autres bureaux de Paris, dont la plupart sont surchargés.
D'autre part, on poursuit activement l'établissement du bureau de la rue des Archives.
M. Simyan a fait rechercher s'il ne serait pas possible, en employant un des systèmes connus de transmission télégraphique et téléphonique simultanée, de transmettre ces communications de service, par télégraphe, pendant la durée même des conversations téléphoniques, c'est-à-dire d'assurer simultanément et sur le même circuit une communication téléphonique et une communication télégraphique. Les résultats obtenus jusqu'ici dans celte voie ont été très satisfaisants et l'essai sera généralisé progressivement sur tous les circuits à grand trafic.
En janvier aussi, création des contrôleurs des téléphones pour assurer la surveillance et l'entretien du matériel, que nous réclamions depuis longtemps. D'autre part, afin de se rendre compte de l'état quotidien des lignes téléphoniques, M. Simyan a décidé que désormais les téléphonistes sonneront chaque jour, entre midi et deux heures, leurs abonnés qui n'auraient pas fait usage de leur appareil dans la matinée.
Enfin la réorganisation du service de nuit dont nous parlons d'autre part.
Si ces résultats ne paraissent pas encore considérables, il ne faut pas oublier que, du temps de M. Bé.rard, le bilan était nul, et que le lourd.héritage (!) qu'il a légué à son successeur pése encore sur M. Simyan. Tout était à faire, et il faut un certain temps pour accomplir les grosses réformes.
Rappelons encore que la Batterie Centrale fonctionnera au printemps, à peu près en même temps que la mise en service de deux nouveaux bureaux : Gulenberg 4° (remplaçant le 1er étage) et les Sablons, qui déchargeront Wagram.
Enfin le projet de loi portant réforme de l'interurbain et extension du réseau de Paris, sera discuté incessamment.
Nos efforts, on le voit, ont déjà porté leurs fruits.
En décembre une visite au « central » des Sablons a été organisée.

En novembre une autre visite du nouveau bureau central de Passy, situé rue des Sablons, où M. Maurice, de Montebello a été reçu par M. le sous directeur Trouhel, qui nous a fort aimablement guidés à travers l'immeuble.
C'est une construction en briques de Bourgogne, puissante et solide, qui contraste heureusement avec la légèreté de tant d'autres bureaux centraux. Le bâtiment, très haut et bien éclairé, est construit en fer à cheval. Les deux ailes renfermeront les services annexes : logement du chef de bureau, cabinet et antichambre du médecin, salles de repos, vestiaires, etc. Ces pièces sont spacieuses et bien ordonnées.
Au centre, deux salles très vastes, superposées, contiendront les deux nouveaux multiples. Elles sont fort bien éclairées par d'immenses baies vitrées. On craint même qu'il n'y ait trop de lumière l'été : mais il sera facile d'y remédier par des stores.
On termine en ce moment les faux planchers, surélevés de 0 m 60, sur lesquels reposeront les meubles, et sous lesquels, au-dessus du plancher, sont amenés les câbles. Les meubles sont prêts à être montés. Tout sera terminé pour que les multiples puissent fonctionner fin mars. Ces deux multiples pourront contenir 10.000 abonnés. L'installation des cables est particulièrement intéressante. Elle est presque achevée.
Les lignes des abonnés sont amenées, par les égouts, dans des câbles qui contiennent chacun 224 paires de fils. Néanmoins, ces câbles ne sont pas très gros, grâce à un ingénieux système, originaire d'Amérique, et que la France a appliqué la première en Europe :
Chaque fil — en cuivre — tient fort peu de place, parce qu'il est isolé et entouré par une simple feuille de papier roulée en hélice. Lorsque l'humidité se manifeste— c'est elle qui cause surtout la fameuse rt maudite friture — on les dessèche en y injectant de l'air comprimé parfaitement sec.
Chaque câble, dans les sous-sols du central, est divisé en huit petits câbles de 28 paires de fils chacun. Avant la division, chaque fil est parafine, puis il est entouré de caoutchouc. Les fils se détachent des câbles clans les répartiteurs : c'est là que les abonnés prennent leur numéro. Les fils sont réunis ensuite dans d'autres câbles qui les amènent au multiple par des cheminées de montée.
Comme certains abonnés de Wagram — 1.800 environ — seront rattachésau bureau des Sablons pour dégager Wagram, les numéros de ces abonnés seront changés : des 500 ils passeront aux 600. On les a prévenus de ce changement quatre mois à l'avance (en novembre pour mars). Pareille mesure est sans doute un cas de force majeure : elle n'en est pas moins regrettable pour beaucoup d'abonnés parmi ceux qu'elle atteint. Nous avons déjà été saisis de plusieurs plaintes à ce sujet.

La transformation des postes d'abonnés.
Nous avions montré comment la transformation des postes d'abonnés en vue de la Batterie Centrale, avait eu pour résultat d'affaiblir momentanément les sonneries. Pour remédier à ce défaut, il a été décidé que les sonneries actuelles, dites sonneries trembleuses, seraient remplacées par des sonneries magnétiques (ou polarisées) ainsi que l'installation de condensateurs.
Ainsi que nous l'avions annoncé, l'Administration, parallèlement aux travaux poursuivis dans les bureaux centraux, vient de commencer la transformation des postes d'abonnés, qui doit durer quatre ou cinq mois. On a commencé par les abonnés de l'ouest (Passy et Wagram).
Quelques jours avant la date fixée pour la transformation de son poste, chaque abonné est prévenu par la circulaire suivante :

Sous-Secrétariat d'Elat des Postes et Télégraphes
DIRECTION des SERVICES de Paris RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
(Rue Lus-Cuses, 20)

OBJET :
J'ai l'honneur de vous informer que, comme conséquence de la transformation actuellement en cours de l'outillage des bureaux centraux téléphoniques de Paris en vue de l'application prochaine du système dit à Batterie Centrale, il est nécessaire de procéder à une modification d'installation de tous les postes d'abonnés du réseau. Les travaux correspondants vont être entrepris à bref délai.
Je vous serais obligé de vouloir bien donner toutes les facilités aux ouvriers qui se présenteront chez vous incessamment pour opérer les modifications, d'ailleurs peu importantes, que doit subir votre poste.
Ces ouvriers seront munis de cartes d'identité délivrées par l'Administration.
Recevez, M..., l'assurance de ma considération distinguée.
L'ingénieur en chef, directeur des Services téléphoniques de Paris,
BOUCHARD.
La transformation du montage des postes d'abonnés en vue de l'application de la Batterie Centrale est entreprise depuis le commencement de novembre. Elle se poursuit actuellement dans la circonscription de Passy.

Le futur central des Archives
Les déclarations de M. Dennery. Une installation modèle. — L'aménagement du central.
Nous avons déjà parlé plusieurs fois du futur central qu'on doit créer rue des Archives. Nous pouvons donner aujourd'hui de nouveaux détails à ce sujet, d'après des renseignements fournis par M. Dennery, directeur du cabinet de M. Simyan.
Ce sera un central d'un modèle absolument inconnu en France. Il sera aménagé de manière à pouvoir abriter une population de 1.000 employés environ, hommes et dames. Il ne comportera pas moins de quatre étages, et le nombre des abonnés prévu esl de 20.000. C'est dire qu'il sera plus puissant que Gulenberg, le plus considérable de nos centraux cependant, avec 15.000 abonnés.
Le rez-de-chaussée sera divisé en un certain nombre de salles. On y installera une salle de repos pour les dames téléphonistes.
A ce salon sera jointe une bibliothèque, meublée sobrement mais confortablement, où les opératrices trouveront la plupart des quotidiens et des périodiques français, et quelques milliers de volumes. Les plus pressées pourront même y faire leur correspondance.
Toujours au rez-de-chaussée, une troisième salle sera réservée à la « cuisine des dames téléphonistes ». Celles dont le logement esl trop éloigné auront la faculté d'y faire réchauffer ou y préparer leur repas.
Enfin, une quatrième salle sera spécialement affectée au réfectoire, avec tous les soins que réclame l'hygiène : lumière électrique, lavabos, chauffage à la vapeur, etc. Elle pourra contenir environ 200 convives.
Afin que le chef du bureau puisse exercer un contrôle de jour et de nuit sur ses employés, on a •pris le parti de consacrer le premier étage du nouvel immeuble à ses appartements el à ses bureaux.
On assure que ceux-ci seront clairs, nels, voire assez luxueux, et que l'abonné qui viendra réclamer y'sera reçu d'une façon charmante.
Le second étage du central des Archives sera réservé aux machines : accumulateurs et appareils techniques de toutes dimensions el de toutes formes, y seront réunis et ils enverront l'énergie aux étages supérieurs.
C'est en effet aux troisième et quatrième élages que sera placé le service téléphonique proprement dit. Chaque salle sera pourvue d'un multiple de 10.000 abonnés qui seront pris partie à Gutenberg, partie à la Roquette. Le montage des appareils exigeant un labeur d'une année, sera entrepris dans les usines électriques de l'Etat, pour être achevé sur place : en sorte que l'on espère être prêt avant deux ans et demi...
Le crédit volé pour ces travaux est de quatre millions. La moitié de cette somme sera consa' crée au montage des deux multiples : un million pour chacun. Le troisième million servira à l'acquisition des machines productrices de force et des appareils. Quant au quatrième, il sera partagé entre les plus grosses entreprises : maçonnerie (600.000 fr.), serrurerie, plomberie, etc. (250.000 fr.), cimenlage (205.000 fr.), chauffage, etc..
On commencera immédiatement. Les adjudications seront données à l'administration centrale, le 20 novembre.
Espérons que la réalité ne sera pas trop au-dessous des promesses administratives.

La méthode des Lignes de conversation
La nouvelle méthode d'exploitation que l'administration s'apprête à généraliser, esl caractérisée par l'emploi de « lignes de conversation » pour l'échange des communications de service de bureau à bureau ; par « l'appel automatique de l'abonné demandé » ; l'emploi de signaux spéciaux, pour prévenir les opératrices qu'un abonné demandé est déjà en communication ou qu'il ne répond pas ; enfin, par le mullipliage général de toutes les lignes d'abonnés sur un même multiple et l'emploi de signaux lumineux comme annonciateurs d'appel.
Les « lignes de conversation » permettront à deux téléphonistes appartenant à des bureaux différents de communiquer entre elles sans être obligées de s'appeler ; elles pourront entrer en communication simplement en abaissant une clef spéciale dite « clef de conversation ».
Aujourd'hui, les téléphonistes sont obligées de sonner les abonnés jusqu'à ce que ceux-ci répondent. Avec 1' « appel automatique », cette manoeuvre n'entraînera plus aucune perle de temps. Pour appeler un abonné, les téléphonistes n'aront en effet à appuyer qu'une seule fois sur un
bouton qui restera abaissé jusqu'à ce que l'abonné décroche son récepteur; à ce moment, le boulon d'appel se relèvera .automatiquement. Le
bouton d'appel abaissé actionnera la sonnerie de l'abonné demandé, avec intermittences d'arrêt, jusqu'à ce qu'il ail répondu.
Actuellement, quand un abonné demandé est déjà « en communication » ou s'il « ne répond pas », la téléphoniste doit en donner avis à sa collègue qui a reçu l'appel, ce qui entraîne une perte de temps. Avec le nouveau système, les opératrices n'auront plus de communication à échanger à ce sujet ; des signaux spéciaux les préviendront que la communication demandée ne peut être établie pour l'une ou pour l'autre des deux, raisons indiquées ci-dessus.

Enfin pour cette fin d'année 1907 , un important projet de loi va être discuté incessamment par les Chambres, et qui nécessitera une cinquantaine de millions, de crédits, a pour but l'extension du réseau de Paris, par la création de neuf nouveaux bureaux centraux, en prévision de l'augmentation continue du nombre des abonnés — et la construction de nouveaux grands circuits interurbains, pour améliorer les communications avec la province, aujourd'hui si lentes. Aussitôt que la Batterie Centrale fonctionnera, l'Administration procédera à la réforme du règlement et du tarif. L'abaissement du tarif est aussi décidé en principe. Nous espérons que l'Administration adoptera le système forfaitaire gradué, qui dégrèvera les petits abonnés sans surcharger les gros.

sommaire

1908 L'exécution du programme de réformes se poursuit activement, en dépit de quelques relards.
C'est ainsi que la Batterie Centrale ne fonctionnera dans tout Paris qu'à la fin de 1908, et que les deux nouveaux centraux — Sablons el Gulenberg — ne seront pas prêts avant le mois de mai (aulieu de fin mars). On peut regretter ces retards, qui ne sont pas imputables à l'Administration, sans toutefois en exagérer l'importance : l'essentiel, ce n'est pas que la Batterie Centrale fonctionne un mois plus tôt. ou plus lard : c'est que, une fois installée, elle fonctionne bien. Plusieurs de nos confrères ont émis à l'égard des réformes téléphoniques des critiques assez vives, qui, pour la plupart, ne sont pas fondées. Il y en a même qui portent complètement à faux et dénotent, chez les auteurs des articles, une incompréhension totale de la question. On accueille trop facilement, dans certains journaux, les critiques émanant de personnes incompétentes, bien que faisant partie parfois de l'Administration subalterne. On oublie que des questions aussi délicates doivent être trailées par des spécialistes, sous peine de s'exposer à de grossières erreurs. Comment peut-on parler, par exemple, de « déménagements inutiles », quand on transfère sur des multiples de nouveau modèle et de capacité trois à quatre fois supérieure, des abonnés desservis jusqu'à ce jour par des multiples vieux, usés et saturés ?
Le personnel dont dispose à cet effet l'Administration est insuffisant, mal recruté et manque d'homogénéité. On est débordé par les demandes des abonnés, et on n'arrive pas à y faire face. Il faut que cet étal de choses prenne fin. Il importe que l'Administration ait un personnel spécial, bien recruté, bien éduqué et assez nombreux pour vérifier les appareils des abonnés dès que ceux-ci en font la demande.
Et si l'argent manque, il faut absolument que l'on trouve les crédits nécessaires : les abonnés paient assez cher pour pouvoir exiger d'être bien servis.
Enfin, il est à souhaiter de plus en plus que l'Administration décide l'unification des appareils et adopte un type unique. Les vérificaleurs sont déroulés par la multiplicité actuelle des appareils. Ceux qui sont depuis peu dans l'Administration ignorent les anciens types, et n'en voient pas les défauts et les accidents. L'unité de type est la seule solution pratique. Il faudra y venir tôt ou tard. Le plus tôt sera le meilleur ! Sous réserve de tous les droits qui pouraienl être lésés par cette mesure .
L'installation de la Batterie Centrale produit toutefois, en ce moment, un inconvénient réel pour les abonnés — quoique momentané. La transformation qui se poursuit a nécessité l'installation de condensateurs clans les postes des abonnés. Ces condensateurs affaiblissent la sonnerie, tant que les multiples ne fonctionneront pas en Batterie Centrale. Mais dès que la Batterie Centrale fonctionnera, les sonneries reprendront, leur force antérieure, d'autant plus qu'à ce moment ce sera toujours le bureau d'arrivée qui sonnera l'abonné, et non, comme aujourd'hui, le bureau de départ. Beaucoup d'abonnés se plaignent — et avec raison — de la lenteur qu'apporte l'Administration à faire visiter les appareils des postes, lorsqu'on se plaint d'un mauvais fonctionnement.
Nous avons dit qu'une partie des abonnés de Wagram seraient rattachés au bureau des Sablons (en mai prochain) et changeraient ainsi de numéro, passant de la série des 500 à celle des 600. Ces abonnés, au nombre de 1.200 environ, sont tous ceux situés entre les avenues Marceau, de la Grande-Armée, Bugeaud, la rue Copernic el la place des Etals-Unis.
En attendant que le transfert de ces abonnés dégage le central de Wagram, quatre groupes d'extension ont été mis en service à ce bureau depuis
le 1er janvier.
Les téléphonistes de Gulenberg vont enfin avoir des salles de repos el ne seront plus obligées de faire leur goûter clans les escaliers. Un pelit bâtiment à trois étages va s'élever clans la cour, à la place'd'un vestiaire trop étroit qu'on vient de démolir : il comprendra salles de repos, cuisines,
réfectoires, etc. Le vestiaire sera installé, dans des proportions plus vastes, sur l'emplacement de l'ancienne rue Gutenberg, occupé aujourd'hui par la remise des voitures postales. Les travaux vont commencer incessamment.
De nouveaux et importants circuits interurbains ont été mis en service depuis le mois de décembre : Paris-Montauban, Paris-Bruxelles (5e ligne),
Paris-Gournay en Bray, Paris-Verrières le Buisson.

Mars 1908 Les nouvelles sonneries.
Nous avions montré comment la transformation des postes d'abonnés en vue de la Batterie Centrale, avait eu pour résultat d'affaiblir momentanément les sonneries. Pour remédier à ce défaut, il a été décidé que les sonneries actuelles, dites sonneries trembleuses, seraient remplacées par des sonneries magnétiques (ou polarisées). C'est le système généralement en usage à l'étranger, et qui donne toute satisfaction.
Un millier de ces nouvelles sonneries est installé en ce moment, à titre d'essai, chez les abonnés.
La nouvelle sonnerie diffère de l'ancienne par l'adjonction d'un puissant aimant appliqué contre la traverse de l'électro-aimant.
D'un autre côté, le système de l'armature est modifié : les deux extrémités d'une tige métallique mobile autour d'un axe sont attirées tour à tour, suivant que le courant est inverse ou direct, par chaque pôle de l'électroaimant. A chaque mouvement, le marteau, fixé à la lige et qui oscille entre deux timbres, est entraîné, et fait résonner les deux timbres tour à tour. La présence de l'aimant et des deux timbres ont pour effet de régulariser la
sonnerie et d'en augmenter l'intensité.
La ville de Paris se trouve, à l'heure présente, divisée en sept circonscriptions au point de vue téléphonique. Chacune de ces circonscriptions est
pourvue d'un poste central auquel sont reliées toutes les lignes des abonnés appartenant à la circonscription. L'ensemble de ces installations dans un même bureau constitue un meuble dit « multiple ».
D'autre part, les installations actuelles de certains postes centraux ne permettant plus de recevoir que pendant une période relativement courte les lignes des nouveaux abonnés, des travaux importants sont effectués en vue d'augmenter la capacité des multiples en service dans ces bureaux.
La construction et l'installation d'un huitième poste central, dont la création a été autorisée par la loi du 4 juillet 1906, se poursuit de même en
ce moment.
L'Administration compte que tous les travaux présentement en cours seront terminés de telle manière que les installations correspondantes,
nouvelles ou transformées, pourront être toutes mises en service vers le 1er janvier 1909. A cette date, le nombre de places normalement
utilisables sur les multiples, c'est-à-dire le nombre d'abonnés que les téléphonistes pourront desservir dans de bonnes conditions, sera, pour
l'ensemble des huit bureaux, de 53.130, alors que le nombre de lignes raccordées sera approximativementde 45.150, avec un accroissement annuel
de 2.875 en moyenne. Dans cette situation, étant donné que certains bureaux auront reçu toutes les lignes qu'il est possible.d'y amener et qu'on ne peut songer à utiliser les disponibilités existant dans d'autres circonscriptions (en raison des dépenses élevées en câbles, qui en résulteraient) des mesures d'extension d'outillage doivent être prises dans le plus bref délai possible. Autrement on se trouvera dans cette alternative inacceptable ou de refuser les nouveaux abonnements pour continuer à servir d'une façon normale les abonnés existants, ou de surcharger les opératrices et de
créer à nouveau l'état de choses dont la clientèle actuelle se plaint avec raison.

Le premier bureau de Paris à Batterie Centrale. — Gutenberg. — Précaution contre l'incendie. et nouveaux circuits interurbains.
Enfin, nous allons avoir une demi application de la Batterie Centrale ! Voici la première réforme effective que les abonnés vont pouvoir expérimenter grâce aux efforts persévérants de notre Association, qui, la première, a réclamé la Batterie Centrale ; malheureusement elle ne donnera pas ce qu'on était en droit d'en attendre, parce qu'elle est incomplète. Nous reviendrons sur la question.
Le nouveau bureau des Sablons, qui fonctionnera avec le nouveau système, est en effet achevé, et sera mis en service au moment où paraîtront ces lignes, le 28 avril. Ce sont donc les,abonnés de Passy qui expérimenteront les premiers cette demi-réforme.
Le multiple du 4c étage de Gutenberg est très avancé. Le 26 avril, 14 groupes d'arrivée et 15 groupes de départ, desservant 1500 abonnés des 300, seront mis en service. A la fin de mai, par la mise en service de 16 nouveaux groupes de départ, tous les abonnés des 300 seront reliés à ce nouveau meuble. Nous avons visité dernièrement ce multiple, et nous avons constaté avec satisfaction que des précautions toutes particulières — qui
n'existent pas dans les multiples actuels, — ont été prises contre les dangers d'incendie. On a installé, sur les fils, des fusibles qui fondent dès que le fil s'échauffe et dépasse une température donnée, et qui en même temps allument sur le multiple une lampe d'alarme, indiquant l'accident et l'endroit où il s'est produit. L'accident est également signalé au répartiteur du sous-sol par un appareil nommé disjoncteur.
Des rideaux en fer permettent d'isoler instantanément toute partie du multiple où le feu éclaterait.
Enfin le bois a été remplacé partout par de la tôle, sauf sur la corniche du multiple.

Voici les circuits interurbains qui ont été mis en service pendant le mois de mars 1908 :
Paris-Choisy-le-Roi. ... 6e
Paris-Marseille ............3e (combiné)
Paris-Mantes
Paris-Nevers .............. 3e (combiné)
Paris-Arras .................2e

Mai 1908 Projet de loi : L'association est fachée

Comment sortir du gâchis Téléphonique,
La Faillite de l'Administration. Le rôle de l'assocïatïon des abonnés. L'administration est impuissante. Il faut recourir à l'ndustrie privée .
La crise téléphonique s'aggrave de jour en jour.
Malgré les promesses de l'Administration, les Abonnés n'ont constaté jusqu'à ce jour aucune amélioration notable dans le service déplorabledes téléphones. Et l'avenir ne s'annonce pas mieux que le présent.
L'Association des Abonnés au Téléphone n'a cependant pas ménagé ses efforts depuis quatre ans, et nul ne peut l'accuser d'avoir manqué de bonne
volonté, de patience et de désintéressement.
Nous avons étudié la question téléphonique, à la place de l'Administration endormie dans sa routine. Avec le concours de spécialistes éminents de France et de l'étranger, nous avons établi un programme de réformes.
Ce programme, M. Bérard avait promis de l'étudier, mais il n'a cherché qu'à éluder la question, en bernant sans cesse les Abonnés.
Son successeur, M. Simyan, l'a étudié et, après en avoir reconnu l'utilité et l'urgence, il l'a adopté entièrement en principe. Malheureusementle projet de loi qu'il vient de présenter, est absolument informe et inapplicable, tant par sa teneur, que par l'opposition qu'il suscite déjà à la Chambre, et par l'hostilité systématique qu'il rencontre dans sa propre administration. De son côté le Parlement est impuissant à faire lui-même la réforme téléphonique et à mettre sur pied un projet cohérent et rationnel, car l'Administration ne lui fournit pas les renseignements nécessaires.
C'est donc l'avortement complet des réformes.
En présence de cette lamentable faillite de l'Administration, il nous est impossible de patienter plus longtemps.
A une situation anarchique, il faut un remède énergique et radical. Nous ne voulons plus de promesses qui ne sont jamais tenues, et qui, après quatre ans d'atermoiements et d'attente, aboutissent à l'effondrement total. Nos téléphones continuent à fonctionner de mal en pis. ils sont les plus défectueux qui existent et nous rendent la risée du monde civilisé.
- Car l'Etat est absolument impuissant à exploiter le téléphone, entreprise des plus délicates et d'une nature toute particulière.
- L'Etat est incapable au point de vue financier.
Pour mettre les téléphones à la hauteur des besoins actuels et assurer l'avenir, tant pour Paris que pour la Province, il faudrait plusieurs centaines
de millions. Les nécessités financières et budgétairesne permettent pas à l'Etat de fournir un pareil effort.
Aussi le projet de loi du Gouvernement prévoit-il seulement 42 millions de crédits échelonnés en six ans! Autant jeter une goutte d'eau dans la mer!
- L'Etat est incapable au point de vue technique.
Il a prouvé son impuissance à mettre sur pied avec rapidité un projet quelconque de réformes, rationnel et pratique.
La lenteur et la complication des rouages administratifs, la routine et l'inertie des bureaucrates ne permettent pas d'adopter à temps et avec décision
les perfectionnements réalisés par la science. Quand on s'est décidé à installer un nouveau système, il est déjà vieilli et remplacé à l'étranger.
- L'Etat est incapable au point de vue du personnel.
Il ne peut ni choisir, ni diriger convenablement le personnel chargé d'un travail très délicat, qu'il s'agisse de réparer les appareils ou de donner les communications. Le recrutement se fait au hasard des recommandations. Le personnel est écoeuré et dégoûté par le favoritisme éhonté qui s'exerce
à tous les degrés de l'échelle.
Faut-il s'étonner, dans ces conditions, si son rendement est insuffisant ?
- L'Etat est incapable au point de vue commercial. Il n'a aucune aptitude commerciale et industrielle. Il ignore même ce que lui coûtent — ou lui rapportent — les téléphones !
Le personnel, inamovible, a un avancement automatique et n'est pas intéressé au développement et au bon fonctionnement du service.
Au lieu de chercher à développer sa clientèle, l'Administration fait tout son possible pour écarter les nouveaux abonnés.
Que penserait-on d'un commerçant qui aurait peur d'avoir trop de clients ?
Voilà les causes de la faillite de l'Administration.
A cette situation il n'y a qu'un seul remède : On ne peut réorganiser les téléphones qu'avec le concours de l'industrie privée.
Jusqu'ici nous n'avions pas proposé cette solution. Nous conservions encore des illusions sur les réformes que pouvait faire l'Administration.
Nous avons essayé loyalement de collaborer avec elle, de faire patienter l'opinion, de calmer les abonnés irrités.
Aujourd'hui la mesure est comble, après ce dernier et éclatant aveu d'impuissance que vient de donner l'Administration.
Il faut donc à l'Etat le concours de l'industrie privée pour l'aider à solutionner la question téléphonique.
Seule une industrie privée pourra réunir le capital nécessaire, sans difficulté aucune, et mettre, en deux ou trois ans, le téléphone à la hauteur des besoins. Seule l'industrie privée, qui n'a les mains liées par aucune bureaucratie compliquée, peut exécuter rapidement un programme de réformes.
Seule une entreprise particulière saura choisir un personnel soustrait aux influences politiques et apte à satisfaire sa clientèle; des chefs compétents
responsables et intéressés, directement et personnellement, à la prospérité de l'entreprise.
Une société, dont les capitaux sont en jeu, fera tout pour accroître ses bénéfices, et par suite, comme tout bon commerçant, elle s'efforcera de satisfaire sa clientèle, d'augmenter le nombre des abonnés et son chiffre d'affaires, aussi bien à la satisfaction du public qu'au profit de l'Etat.
Abonnés du téléphone, êtes-vous satisfaits ?
Avez-vous constaté une amélioration notable depuis quatre ans?
Non ! répondez-vous à l'unanimité.
Voulez-vous des réformes ?
Oui ! sans doute.
Eh bien ! Vous êtes le nombre ! Souvenez-vous que vous en avez la force. Isolés, vous êtes impuissants contre l'Administration. Unis et groupés
vous pouvez faire capituler la bureaucratie qui se reconnaît elle-même incapable, et imposer votre volonté au Gouvernement et aux Chambres.
L'heure est venue d'agir énergiquement et de montrer par des actes que nous n'entendons pas être bernés plus longtemps !
Plus nous serons nombreux et unis, plus nous serons puissants. Tous les Abonnés, dans leur intérêt, doivent venir à nous.
Adhérez tous à l'Association des Abonnés au Téléphone.

MARQUIS DE MONTEBELLO

Juin 1908 — 1.200 abonnés « à terre » pour un court-circuit. — .
Etions-nous assez bons prophètes — en dépit de l'incurable optimisme officiel — quand nous demandions, il y a trois mois, ce que ferait l'administration en cas d'un incendie dans un multiple, et que nous prédisions, dans ce cas, la suspension du service pour les abonnés pendant un temps très long ? Pour un simple court-circuit, qui a provoqué, le 2 juin dernier, à Gutenberg, un commencement d'incendie vite éteint — c'était en plein jour — voilà 1.200 abonnés « à terre » — et atterrés sans doute ! pour un temps indéterminé.
Pareil fait se produirait-il, si l'administration avait des meubles de secours, ou simplement des places disponibles sur les multiples voisins, pour y raccorder les abonnés, pendant que dureront les réparations nécessaires ?
Et. si l'incendie avait éclaté la nuit et n'avait pas été enrayé à temps, c'est 15.000 abonnés qui seraient restés sans communication pendant 2 ans — sans compter l'interurbain.
Il est vraiment fâcheux — pour l'intérêt général — que les journaux ne se soient point trouvés parmi les abonnés « à terre ». Car nous aurions entendu un beau tapage dans la presse. Et les protestations virulentes des journaux, touchés au vif de leurs intérêts, auraient peut-être abouti à secouer l'administration ei à la sortir de sa torpeur.

Les efforts de l'Association pour obtenir des réformes.

M. Bérard ne voulait pas. M. Simyan ne peut pas. Quel a élé le rôle de l'Association des Abonnés vis-à-vis de l'Administration ? Quels ont été-nos rapports respectifs ? Il laut distinguer deux périodes.
Quand l'Association s'est fondée, elle a trouvé en face d'elle M. Bérard au Sous-Sécrétaïiat des postes... et des téléphones.
Elle a réclamé immédiatement des réformes,radicales et décisives. N'était-ce pas son but et sa raison d'être?
M. Bérard a commencé par couvrir de fleurs l'Association et par promettre tout ce qu'on voulait. Mais, interprète de la bureaucratie attachée à sa routine, il était bien décidé à ne faire aucune réforme. L'événement l'a prouvé. Pendant deux ans, il nous abernés défausses promesses, se dérobant sans cesse et ajournant la mise en chantier des réformes. Bref, pendant cette période, l'Association s'est heurtée à !a mauvaise foi et à la ferme volonté de ne rien faire — masquées sous des fins de non recevoir plus ou moins ambigues.
Une fois bien convaincue de la mauvaise volonté de M. Bérard, l'Association a entamé contre lui une campagne énergique — à laquelle la presse n'a pas tardé à s'associer — pour montrer son incurie et son incapacité. Nous avons eu enfin gain de cause, et M. Bérard disparut dans un remaniement ministériel, en octobre 1906.
Avec son successeur, la situation changea de face.
Nous trouvions en M. Simyan un homme disposé à faire aboutir les réformes. Nous lui avons soumis le programme que nous avions élaboré, au lieu et place de l'Administration, et il résolut, après l'avoir étudié, de l'appliquer entièrement.
En attendant, il sollicitait la collaboration de l'Association, donnait des instructions pour faire étudier sérieusement toutes les réclamations d'abonnés que nous présenterions, et s'efforçait de nous donner satisfaction en prenant une série de mesures de détail.
Malheureusement les réformes promises par M. Simyan n'ont pas tardé à avorter. L'Administration, foncièrement impuissante, entrave systématiquement toute action et fait nécessairement échouer tous les projets de réforme, soit en traînant en longueur l'étude des projets, soit en paralysant l'exécution des. mesures prises.
Le projet de loi, qui a élé élaboré, est insuffisant et n'est pas viable. D'ailleurs, la Commission du budget et la Chambre ne sont pas disposées à accorder les crédits nécessaires, même ainsi réduits. L'opposition des députés fait échouerla réforme du service de nuit.
Bref M. Simyan, qui voulait faire des réformes, n'a pu, depuis dix-huit mois, réaliser aucune amélioration importante et effective.
Il ne saurait en être autrement avec les rouages administratifs actuels, dont la lenteur et la complication font obstacle à toute réorganisation sérieuse.
Un Sous-Secrétaire d'Etat ne pourra jamais avoir d'action efficace sur son Administration, qui connaît ison incompétence inévitable. Amené par les hasards de la politique à la tête des téléphones, son règne est éphémère: il disparaît dès qu'il commence à se spécialiser, et on ne peut tabler sur ses promesses, car il lui est impossible d'assurer l'avenir et d'engager ses successeurs.
La situation actuelle durera tant qu'on n'aura pas changé l'organisation administrative, et tant que les téléphones, au lieu d'un homme politique, n'auront pas à leur tête un technicien.

L'Administration se rend fort bien compte du gâchis téléphonique dans lequel nous pataugeons. Mais elle est incapable de nous en
sortir.
Pressée, harcelée par l'Association des Abonnés qui a mené une campagne vigoureuse pour réclamer les réformes, elle a fini par élaborer — avec quelle lenteur! — un projet de loi dont l'exposé des motifs constitue le plus complet éreintement de l'Administration fait par l'Administration elle-même. Depuis 1900, déclare l'exposé des motifs, « il n'a été possible de faire face aux besoins d'extension, c'est-à-dire au rattachement des nouveaux abonnés, que par des mesures prises, pour ainsi dire, au jour le jour, et dictées par les seules nécessités du moment... Aujourd'hui encore, une installation de fortune existe au poste central de Gulenberg ». On donne aux téléphonistes « un nombre de lignes supérieur à celui qui correspond à une bonne exécution du service »
Pour l'interurbain — c'est toujours l'Administration qui parle — « les communications à longue distance ne peuvent être obtenues qu'après des attentes souvent troplongues ; parfois même l'encombrement sur certains circuits est tel que les correspondants doivent renoncer à communiquer. »
On ne peut proclamer plus clairement sa propre faillite!
Plus loin, le projet déclare que le développement du téléphone a dépassé toutes les prévisions de l'Administration — comme il les dépasserait encore dans l'avenir, c'est clair ! Imprévoyance, impuissance, l'Administration convient de tout.
Que fait-on quand on est incapable de gérer un grand service public ? On s'en va, ou on prend un collaborateur.
L'Administration s'est condamnée elle-même. Qu'elle se retire, ou qu'elle trouve dans l'industrie privée un collaborateur mieux qualifié.
— Pardon ! va objecter l'Administration. Mais mon projet de loi ? Voilà le remède !
Oui, parlons-en de ce fameux projet mortné!
Ce projet ne peut vous sortir de la crise actuelle:
1» Parce qu'il est incohérent et insuffisant ;
2° Parce qu'il court au devant d'un échec parlementaire;
3° Parce que l'Administration serait incapable de l'exécuter.

1° Il est, insuffisant. Ce n'est pas 42 millions qui peuvent réorganiser de fond en comble le déplorable service téléphonique parisien.
On nous promet cinq nouveaux bureaux : à peine achevés — cela mettrait 6 ans, 10 ans peut-être, — ils seraient déjà pleins.
Et en attendant, où mettre les nouveaux abonnés ? L'Administration avoue qu'elle n'a déjà plus deplace.
Et l'augmentation formidable d'abonnés qui serait provoquée par l'abaissement des tarifs ?
Le projet prévoit 80.000 abonnés,quand il s'agira d'en caser 200.000, peut-être plus. Il faut des lignes auxiliaires, du personnel, en grand
nombre. A-t-on pensé à tout cela ? Il faudrait dix fois plus d'argent. Mais ces 42 millions représentent le maximum de l'effort que peut faire l'Etat. Et même cet effort, le fera-t-il ? On avait songé à demander les crédits à la Caisse d'Epargne qui aurait fait l'avance et aurait été remboursée par annuités. De cette façon on ne grevait pas le budget. Le ministre des finances s'y est opposé : sans doute parce que la Caisse d'Epargne est impuissante à faire cette avance. Donc les crédits demandés grèveraient entièrement et lourdement le budget.
Le budget peut-il supporter cette charge ? Le Parlement le permettra-t-il ? Nous répondons: Non ! sans hésiter.
2° Le projet court au devant d'un échec parlementaire.
L'Administration elle-même l'avoue, et nous savons que des oppositions irréductibles vont se dresser à la Chambre au moment de la discussion. Rivalités politiques, oppositions financières, tout conspirera à l'échec total. Et d'ailleurs, il sera trop facile de prouver que ce pauvre projet est incomplet et insuffisant.
3° L'Administration est incapable de l'exécuter.
Lorsque le projet fut - déposé, un journal affirma — d'après une interview plus ou moins exacte —que les travaux pourraient être exécutés dans un délai de deux ans. Comment cela serait-il possible quand les crédits sont échelonnés sur six ans l
Et avec tous les retards auxquels l'Administration, toujours routinière et imprévoyante, nous a habitués, ce n'est pas trop de compter dix ans.
Or, à l'heure actuelle, il y a déjà des multiples pleins, complètement saturés. En supposant même qu'on raccroche les abonnés à des multiples quelconques — avec des dépenses folles pour des câbles qui devraient traverser tout Paris — dans deux ans il n'y aura plus une seule place disponible. Et le flot des nouveaux abonnés monte sans cesse.
Ce sera alors — de l'aveu même des techniciens — la crise téléphonique la plus effroyable, auprès de laquelle celle que nous traversons en
ce moment n'est que de l'eau de rose. Les abonnés veulent-ils en venir là ? Qu'ils le disent. Sinon, qu'on se hâte de faire contribuer l'industrie privée à l'exploitation du Téléphone.

Pourqoi la batterie centrale casera des mécomptes
Elle marche à merveille à l'Etranger. Elle fonctionnera imparfaitement à Paris.
On a fait la réforme a moitié. — Système incomplet et mutilé. — Nos avertissements ont été vains. — Nos prévisions réalisées.
Nous avons demandé et nous réclamons énergiquement le système de la Batterie Centrale, pour remplacer les méthodes archaïques de notre outillage téléphonique. La Batterie Centrale a fait ses preuves à l'étranger. Elle fonctionne admirablement à New-York, où on obtient la communication en cinq secondes, et dans tous les Etats-Unis. On l'installe — ou on l'a installée déjà — dans la plupart des grandes villes européennes, Londres, Berlin, Bruxelles, etc., où elle donne toute satisfaction. C'est actuellement le système le plus perfectionné.
Sur nos instances, sous notre pression, l'Administration a dû se rendre à l'évidence et, après avoir reconnu la supériorité de la Batterie Centrale, a décidé de l'installer à Paris. Le premier bureau à Batterie Centrale — celui des Sablons — fonctionne depuis le 28 avril. Et pourtant, d'ores et déjà, il est acquis que la Batterie Centrale causera à Paris plus d'un mécompte.
Les abonnés de Passy ont-ils vraiment constaté, depuis le 28 avril, une amélioration considérable dans leur service ? Il ne semble pas.
Et il s'agit d'un multiple entièrement neuf. Que sera-ce pour les vieux multiples transformés, « retapés » si l'on peut dire ?
Dès à présent un fait est acquis: la Batterie Centrale, qui marche à merveille à l'étranger, fonctionnera très imparfaitement à Paris. On dirait que notre Administration,dans son incapacité, gâte tout ce qu'elle louche et détraque les meilleurs mécanismes.
Ici l'explication est bien simple. Notre Administration, ne voulant ou ne pouvant obtenir les crédits nécessaires pour une transformation totale, n'a adopté qu'incomplètement le système de la Batterie Centrale: c'est une Batterie centrale incomplète et mutilée qu'on installe à Paris. Faut-il s'étonner si elle fonctionne imparfaitement ?
Au lieu d'avoir une source unique et centralisée d'énergie électrique (comme l'indique le nom même de Batterie Centrale), ainsi qu'on l'a fait partout à l'étranger, — on conserve les piles primaires dans les postes des abonnés. Or, ces piles, qui se détraquent sans cesse,constituent une des principales causes des dérangements actuels. La cause n'étant pas supprimée, le résultat restera le même : c'est-à-dire les détraquements continuels.
On n'a pas voulu unifier les appareils. La multiplicité des types d'appareils chez les abonnés, est, de l'aveu de tous les techniciens, un obstacle capital au bon fonctionnement du service. L'Administration a bien décidé, en principe, d'unifier le type des appareils: mais en fait, elle a renvoyé l'exécutionde sa décision aux calendes grecques. Non seulement les appareils transmetteurs et récepteurs sont de types différents, mais encore les « tableaux » des abonnés qui ont des postes supplémentaires. Sur cinquante types de tableaux, un seul s'adapte à la Batte-rie Centrale. Quant aux autres, il a été impossible de les transformer : tous ces abonnés, — un tiers environ des abonnés parisiens — continueront à fonctionner avec l'ancien système.
On voit à quel gâchis on aboutit quand on ne veut faire les réformes qu'à moitié. ous avions pourtant prévenu l'Administration.
Dès décembre 1905, nous avons crié : casse cou ! en prédisant tout ce qui devait arriver. Nous avions réclamé impérieusement la suppression des piles et l'unification des appareils. On n'a pas voulu, nous écouler.
L'Administration ne devra s'en prendre qu'à elle-même si elle éprouve des mécomptes. Cet échec lui servira-t-il au moins de leçon pour l'avenir?
On peut encore réparer la grosse erreur commise, mais il n'est que temps d'aviser. Le voudra-t-on?

En ce qui concerne les réformes importantes, nous sommes bien obligés de constater que les efforts de l'Administration ont échoué sur toute la ligne, et que M. Simyan a été sans cesse paralysé et mis en échec. Sans cesse on nous a retiré d'une main ce qu'on nous donnait de l'autre.

Juin 1908 L'ouverture du bureau des Sablons — quel'administration escomptait comme un triomphe ! — a provoqué une perturbation sans
précédent parmi les abonnés de Passy : certains d'entre eux ont vu leur service interrompu pendant 15 et 20 jours !
Un meeting de protestation des abonnés de Passy contre l'incurie administrative s'est tenu le lundi 1er juin, à neuf heures du soir, au cale de la Rotonde, 12, chaussée de la Muette, sous la présidence du marquis de Montebello.
Deux cents abonnés environ y assistaient. Après avoir retracé le but et le rôle de l'Association des Abonnés au Téléphone et montré l'utilité qu'elle présente pour tous, M. de Montebello résume brièvement les fautes et les erreurs incroyables commises par l'administration qui a fait preuve au bureau des Sablons d'une imprévoyance extraordinaire. Malgré les vertissements de l'Association, on n'a donné aux abonnés qu'une caricature de Batterie centrale, qui ne pouvait que causer des mécomptes, par suite de la conservation des piles primaires et de la non unification des appareils.
On avait oublié — simplement ! la transformation des postes supplémentaires: d'où une « couleuvre » — supplémentaire elle aussi — de deux millions que le Parlement devra avaler bon gré mal gré.
Le multiple n'était pas prêt: il n'avait pas même été essayé, pas plus que les lignes auxiliaires ! Les lignes des abonnés avaient été mêlées, le répartiteur « loupé » les accumulateurs ne marchaient pas; on avait confondu les signaux des abonnés supplémentaires avec ceux des abonnés principaux, bref, suivant l'expression d'une employée, une mélasse telle qu'on n'en avait jamais vu de mémoire de téléphoniste.
Le personnel était insuffisant, surmené. Il y avait des téléphonistes qui n'avaient ni casque,. ni transmetteur !
L'anarchie téléphonique, conclut M. de Montebello, croît de jour en jour ; il est grand temps d'y mettre fin.
Si l'administration ne veut pas faire faillite, il faut qu'elle lasse d'urgence les réformes nécessaires, et qu'elle exécute immédiatement le programme de l'Association, qu'elle a entièrement accepté. Mais il faut qu'elle obtienne sans tarder l'argent nécessaire, et qu'on la réorganise en plaçant à sa tête un directeur responsable, homme du métier et soustrait aux influences comme aux revirements politiques.
M. de Montebello est très "applaudi, ainsi que M. Thévin, secrétaire de l'Association — qui vient protester aussi comme victime et comme abonné de Passy — et qui donne, entre autres, l'intéressant renseignement suivant : tous les abonnés, dont la suspension a duré plus de quinze jours, ont droit à des dommages-intérêts, sous forme d'une diminution du prix de leur abonnement.
M. d'Andigné, le sympathique conseiller municipal de la Muette, obtient également un vif succès en faisant le procès de l'administration, et en demandant la formation d'un groupe de défense téléphonique parmi les élus de Paris. L'ordre du jour suivant est voté à l'unanimité :
Les abonnés au téléphone de Passy, réunis au nombre de deux cents :
Ayant entendu les explications de MM. de Montebello, président, et Thévin, secrétaire de l'Association des Abonnés au téléphone, et
de M. d'Audigné, conseiller municipal « Emettent le voeu :
1° Qu'il soil constitué parmi les élus de Paris, sur l'initiative de l'Association des Abonnés, ni groupe de défense téléphonique ;
2° Que l'administraion revienne à l'ancien système pour les postes supplémentaires, et permette aux titulaires de ces postes d'appeler directement les abonnés et d'être appelés par eux, sans être obligés de passer par l'intermédiaire de l'abonné principal.
Merci aux journaux qui ont bien voulu annoncer ce meeting, le Journal des Débals, le Gaulois, l'Eclair, Y Echo de Paris, L'intransigeant, la Libre Parole, etc .
Pour appuyer notre campagne en faveur de la rétrocession du téléphone à l'industrie privée, et pour bien montrer à l'Etat- qu'en .agissant ainsi nous sommes les interprètes de l'immense majorité des abonnés, nous venons de lancer la pétition suivante, dont nous tenons des exemplaires à la disposition de tous les abonnés. Celle pétition sera déposée sur le bureau de la Chambre.

Dans son interview du Figaro,M. Simyan déclare que les réformes prévues dans son projet de loi seront réalisées dam trois ans.
M. Simyan a fait des déclarations qui renferment certains aveux précieux à enregistrer. Pour lui, l'industrie privée « ne pourrait pas plus » que l'Administration, mais l'honorable Sous-Secrétaire d'Etat ne donne aucun argument — et pour cause — à l'appui de cette affirmation téméraire.
M. Simyan poursuit: .
Le. matériel que nous substituons à l'ancien est aussi parfait que possible ; il n'y en a pas de meilleur à. l'étranger (?) ; mais, pour qu'il donne exactement les résultats qu'on attend de lui, il faut que la substitution soit intégrale ; actuellement, trois matériels fonctionnent, et cette circonstance provisoire empêche d'apprécier autant qu'il convient les supériorités d'un outillage auquel le public trouve déjà, aujourd'hui que le personnel y est exercé, des avantages indiscutables. La substitution du matériel nouveau à l'ancien se poursuit ; elle sera nous l'espérons, terminée à la fin de 1909 ; et le sera sûrement en 1910. On ne peut aller plus vite ; l'indutrie privée ne pourrait se montrer plus célère.
Le passage suivant est particulièrement important :
Nous avons actuellement 60.000 abonnés (1 y a certainement un lapsus : le nombre actuel des abonnés de Paris n'atteint même pas 45.000) , avec les améliorations apportées et celles en cours, nous sommes en mesure de donner pour 3 ans, encore, satisfaction au public (?). L'effectif des abonnés augmente en effet de 3 à 4.000 par an ; or nous avons une disponibilité de 10.000 lignes qui sera utilisée dans le délai que je vous indique. Si à celle époque rien n'était,la situation sérail alors inextricable,et l'Elal ferait faillite en ne pouvant assurer un de ses services publics. Mais, dans 3 ans, le projet que j'ai élaboré avec le concours des techniciens les plus autorisés de l'administration et de l'industrie privée sera réalisé, et alors, disposant au total de 150.000 lignes environ, l'administration pourra accepter 80.000 abonnés de plus et remplir utilement, avec un outillage parfait, le service des communications.
— Soit ! Mais le marquis de Montebello affirme que le projet ne sera pas voté ; que voté, il sera réalisé en six ans, et que pendant six ans... le scandale téléphonique se poursuivra, et après se continuera.
— je vous affirme que le projet voté, il sera réalisé dans trois ans ! Mais pour qu'il soit réalisé dans ce délai, il est indispensable qu'il soit voté avant les vacances, et il le sera je n'en doute pas. Les raisons que je ferai valoir par lettre à la commission des postes, qui se réunit ce mois-ci, et à la tribune, à la rentrée des Chambres, convaincront, j'en suis sûr, le Parlement.

En réalité, le sous-secrétaire d'Etat a été mis sous le boisseau — lui et les réformes — par ces fameux chefs auxquels il avoue qu'il est obligé de s'en rapporter. C'est cet état major d'ingénieurs qui s'oppose à toutes les réformes demandées par le public et approuvées par le personnel actif.

Juillet 1908 Comme nous l'avions prévu, le projet de loi de M. Simyan, portant extension du réseau téléphonique, n'a pas été voté par le Parlement avanl les vacances. Cet ajournement, de l'aveu même du Sous-Secrétaire d'Etat, peut avoir des conséquences très graves.

A l'occasion de la mise, en service de la Batterie centrale au bureau des Sablons, l'Administration a adressé aux abonnés les instructions suivantes :
Instruction en vue de l'usage des postes téléphoniques après la mise en service du système de la Batterie centrale.

Installation comportant: un seul appareil ou deux appareils séparés par un commutateur.
DEMANDE DE COMMUNICATION.
Pour appeler le bureau central, il suffit de décrocher' le récepteur suspendu au crochet mobile. Porter, aussitôt ce récepteur à l'oreille et attendre la réponse de la téléphoniste qui signale sa présence en disant : J'écoule. Il est inutile d'appuyer sur le boulon d'appel, cette manoeuvre ne pourrait, d'ailleurs, avoir aucun effet. Dès que la. téléphoniste a dit : J'écoule, énoncer distinctement le numéro de l'abonné avec lequel on désire entrer en communication. La téléphoniste doit répéter ce numéro.
Le récepteur doit être maintenu à l'oreille jusqu'à ce que l'abonné demandé ait signalé sa présence ou que la téléphoniste ait donné l'avis :
n° pas libre, ne répond pas, etc...
La remise des récepteurs aux crochets a pour conséquence d'annuler une demande de communication cpii vient d'être formulée ou de provoquer la rupture d'une communication établie.
RÉPONSE A UN APPEL.
Aussitôt que la sonnerie de son poste a fonctionné, l'abonné doit porter les récepteurs aux oreilles et signaler sa présence.
Il est essentiel de répondre dès le premier appel, sinon la sonnerie fonctionne, avec intermittences d'arrêts, jusqu'à ce que l'abonné ait répondu.
DIFFICULTÉS AU COURS D'UNE COMMUNICATION.
Lorsqu'au cours d'une communication, il se produit des difficultés paraissant nécessiter l'intervention de la téléphoniste, l'abonné appelle cette dernière pour lui parler en abaissant lentement et trois fois de suite le crochet mobile, tout en conservant le récepteur à l'oreille.
FIN DE COMMUNICATION.
Dès que la communication est terminée, chaque correspondant l'accroche ses récepteurs.
Cette précaution est, indispensable ; elle a notamment, pour effet de transmettre automatiquement au bureau le signal de fin de la communication et de permettre à la téléphoniste de libérer la ligne.
DEMANDE D'UNE NOUVELLE COMMUNICATION.
Si, après avoir terminé une conversation, un abonné désire communiquer à nouveau, il doit raccrocher ses récepteurs afin de donner le signal de fin au bureau; puis, au bout d'une demi minute environ, appeler le bureau central en procédant comme il a été dit plus haut à propos d'un, premier appel.
RECOMMANDATIONS.
Lorsque le poste est inutilisé, les rècepieurs doivent toujours être suspendus à leurs crochets; si celle prescription n'était pas observée, le bureau serait appelé inutilement d'une manière permanente et l'abonné ne pourrait pas recevoir les appels du poste central.
MM. les abonnés sont instamment priés de ne jamais toucher aux divers organes de leur installation téléphonique.

Inslallalion comportant, un tableau (Instructions pirovisoires).
DEMANDE DE COMMUNICATION.
Pour «nppeler le bureau central., effectuer la manoeuvre ordinaire pour relier l'appareil avec la ligne du réseau (Introduction d'une fiche dans un jack, abaissement d'une louche, etc.), décrocher le récepteur suspendu au crochet mobile et le porter à l'oreille.
Appuyer à fond trois fois, pendant deux secondes chaque fois, sur le boulon d'appel spécial. La téléphoniste signale sa présence en disant : « J'écoute ».
Si la réponse de la téléphoniste se fait attendre, recommencer la manoeuvre.
Elle a pour effet de provoquer des allumages et des extinctions successifs de la lampe d'appel du bureau et d'attirer l'attention de la téléphoniste.
Tant que le bouton est enfoncé, on ne peut pas entendre le bureau central.
FIN DE COMMUNICATION.
Dès que la communication est terminée, raccrocher les récepteurs, appuyer à fond trois fois,
pendant deux secondes chaque fois, sur le bouton d'appel spécial pour indiquer au bureau central que la communication doit être rompue.
Le poste principal (poste à tableau) doit exiger que les postes supplémentaires qu'il dessert lui donnent toujours le signal de fin pour qu'il puisse le donner lui-même au bureau central et faire ainsi libérer la ligne.
RÉPONSE A UN APPEL.
Aussitôt que la sonnerie fonctionne, l'abonné doit, sans appuyer sur le bouton d'appel spécial, porter les récepteurs aux oreilles et signaler sa présence .

Septembre 1908 La mise en service d'un nouveau multiple à Gutenberg. — Une nouvelle circonscription.
Le multiple du 4e étage de Gutenberg, qui est en construction depuis deux ans, vient enfin d'être mis en service.
Les abonnés y sont rattachés progressivement : on compte avoir terminé fin septembre.
Au 2° étage, désormais libre, seront installés de nouveaux abonnés qui formeront le noyau de la future circonscription des Archives.
La transformation dès autres bureaux de Paris en Batterie Centrale, se poursuit très lentement.
Le 3° étage de Gutenberg (les 200) sera le premier prêt. Viendront ensuite — beaucoup plus tard — Saxe et la Villette. A Port-Royal et à la Roquette, on n'en est encore qu'aux travaux de bâtiments préliminaires — qui, on le sait, n'avaient pas été prévus au début.

L'incendie de Gutemberg a créé une crise. Imprévoyance et incurie

Alors que le multiple du 4e étage vient enfin d'être mis en service, le 20 Septembre 1908, une série d'événements et d'accidents met alors en lumière le fait qu'on a atteint les limites du système

Le dimanche 20 septembre 1908, le central Gutenberg, sur lequel on a concentré l'essentiel du trafic des quartiers d'affaires (18 000 abonnés), prend feu vers 7 heures du soir. Lire dans le Petit Parisien
A minuit, les répartiteurs et les multiples étaient complètement détruits.
La violence du sinistre avait été si grande que la construction elle-même était dans un état lamentable ; aucune utilisation de l'immeuble n'était possible ; il fallait le raser et reconstruire.
On édifia un bâtiment provisoire en fer et en briques, sur la rue Gutenberg, où furent installés deux nouveaux multiples équipés à la batterie centrale, commandés en hâte, l'un à la Société des Ateliers Thomson-Houston, l'autre à la Société de Matériel Téléphonique Aboilard. La première utilisa le matériel déjà préparé par elle, en vue de la transformation à la batterie centrale de trois bureaux de la périphérie ; les délais de livraison et d'installation étaient de un mois et demi pour les groupes de départ et de deux mois et demi pour le tout. La seconde construisit les groupes de départ et commanda en Amérique les groupes d'arrivée, qui lui furent envoyés complètement équipés ; les délais consentis étaient de deux mois.
La reconstruction d'un central provisoire durera trois mois, pendant lesquels tout le quartier entre la Bourse et le Marais est privé de téléphone.
Il ne faut pas oublier de noter les difficultés auxquelles s'est heurtée l'Administration, au moment même de la mise en service de la batterie centrale.


Carte Postale : incendie du central Gutemberg

Fin 1898 On se souvient aussi que M. Simyan avait l'intention de créer un cadre permanent de commis téléphonistes, chargés d'assurer le service de nuit dans les bureaux centraux de Paris. M. Simyan, avait même à cet effet déposé un projet de loi. Nous croyons savoir que le Sous-Secrétaire d'Etat, cédant aux protestations et aux sollicitations des employés actuellement affectés au service téléphonique de nuit, aurait renoncé au projet préparé.
Encore une réforme tombée à l'eau,
Dernièrement, les commis-principaux des postes et télégraphes ont été pressentis pour poser des candidatures volontaires au service de nuit. Ces agents passeraient une nuit tous les trois jours et toucheraient cinquante francs par mois.

La solution du problème des appareils n'a pas avancé. On espérait un progrès sensible de l'application du système de la batterie centrale. Or, de l'aveu même de l'Administration, on ne saura si les résultats confirment les espérances que « lorsque tous les bureaux centraux seront transformés. » Mais M. Chautard fait observer avec raison qu'à ce moment la dépense totale sera faite et qu'il ne servira à rien d'être fixé à ce moment-là, puisqu'il sera impossible d'éviter les frais que l'expérience serait considérer comme inutiles. Et puis, comment peut-on soutenir sérieusement que tous les bureaux de Paris devront être transformés avant qu'il soit possible d'avoir une opinion ? N'esl-il pas de toute évidence que le fonctionnement de la batterie centrale peut, et doit être jugé définitivement sur les communications échangées entre deux bureaux seulement, munis tous deux de cette disposition ?
Quant à la rapidité plus grande que la substitution des nouveaux signaux automatiques d'appel et de fin de conversation devait apporter à l'exploitation, l'Administration se borne à dire que les « communications sont établies au moins aussi sûrement el, aussi vile entre Passy el un autre bureau ou inversement, qu'entre deux de ces autres bureaux ». Nous l'espérons bien, mais ce n'est, pas pour cela qu'on a décidé de faire les frais de la batterie centrale...

sommaire

Fin 1908 Voila un excellent rapport de la situation de la crise du taléphone

RAPPORT D'UN SOUS AGENT DES P.T.T. Sur la Crise Jêléphonique et l'incendie de Gutenberg.


Quand on étudie avec soin le fonctionnement des P. T. T. en France, qu'on examine avec impartialité les résultats obtenus dans les trois branches de notre administration et qu'on les compare à ceux obtenus à l'étranger, on fait les constatations suivantes :
Le service postal français fonctionne normalement, le public n'a pas trop à s'en plaindre, son exploitation rapporte à l'Etat de beaux bénéfices.
Le service télégraphique a également un fonctionnement régulier; en ce qui concerne les transmissions télégraphiques, notre pays dispose d'appareils perfectionnés, d'un rendement élevé, d'une grande sûreté de fonctionnement.
Par contre, le service téléphonique est l'objet decritiques acerbes et trop souvent justifiées. Il ne répond nullement aux besoins du publie, provoque d'énormes dépenses et ne procure à l'administration que des mécomptes. On peut dire sans exagération qu'il existe en France une crise téléphonique à l'état permanent.
L'incendie récent de Gutenberg adonné à cette crise un renouveau d'actualité.
Au moment où l'administration se propose de rétablir les services autrefois installés dans l'édifice incendié, l'A. G. croit de son devoir de soumettre au public les idées que l'expérience lui a suggérées en ce qui concerne la réorganisation du téléphone.
D'autre part, cet incendie a pour grave conséquence de priver du téléphone, c'est-à-dire d'un élément indispensable de la vie commerciale et industrielle moderne, environ 20.000 abonnés parisiens.
Enfin il a mis en lumière les dangers courus par le personnel téléphonique des bureaux centraux en cas d'incendie et la nécessité de parer immédiatement à ces dangers par des précautions appropriées.
Je me propose donc au nom de l'A. G. des P. T. T. et de la commission Centrale des groupes téléphoniques, d'examiner devant vous, très brièvement, les trois questions suivantes :
1° Mesures à prendre en vue d'assurer la réorganisation et le fonctionnementauss irégulier que possible du service téléphonique;
2 ° Mesures à prendre en vue d'éviter à l'avenir, si un incendie d'un, bureau central vient à se produire, la non interruption du service des abonnés;
3° Mesures à prendre en vue d'assurer le sauvetage du personnel des bureaux centraux en cas d'incendie.
Le bon fonctionnement du service téléphonique est lié à deux conditions essentielles: un matériel en bon état, et un personnel en mesure, soit par lui-môme, soit par les conditions du travail qui lui sont faites, d'accomplir convenablement sa tache.
En ce qui concerne le matériel, l'utilisation des vieux multiples rafraîchis— qui est, paraît-il, dans le voeu de. l'administration— est de nature à causer les plus sérieux mécomptes non seulement à l'administration, mais encore et surtout au public. Dans quelques années, quatre ou cinq au plus, l'administration sera dans la nécessité de remplacer ces multiples par d'autres tout flambant neufs. Elle n'évitera donc pas la grosse dépense, mais la reculera seulement, avec cette aggravation que, dans l'intervalle, elle aura dû consacrer d'importants crédits aux réparations quasi-quotidiennes de son appareil vieillot. Il y a des économies qui sont ruineuses. Quant au public, la défectuosité de ce matériel ne lui permettra pas de compter sur les communications régulières et rapides auxquelles il a droit.
La crise téléphonique sera perpétuée de ce fait, au grand dommage des pauvres demoiselles du téléphone qui n'en peuvent irais, et seront toujours accusées de mauvais vouloir.
1° En ce qui concerne les conditions de travail du personnel, une réforme des plus urgentes est celle qui consiste dans la réduction du nombre des abonnés de chaque groupe. La téléphoniste la plus habile, la mieux intentionnée est absolument impuissante à desservir convenablement 100 ou 120 abonnés. Il faudrait qu'elle n'eut pas à en desservir plus de 70 environ.
Même alors, il pourra toujours se faire que 7 ou 8 abonnés appellent à la fois; cette mesure ne pourra donc pas leur assurer, d'une façon absolue, des réponses instantanées; des attentes de 1, 2 ou 3 minutes ne sont pas exagérées quand elles se produisent exceptionnellement. Ces attentes se produisent dans tous les pays où le téléphone est en usage. Elles sont un cas de force majeure impossible à prévenir;
2 ° Pour réduire ce cas de force majeure à son minimum d'inconvénients, il y aura lieu d'installer dans chaque section c'est-à-dire par 8 ou 10 téléphonistes, un groupe de secours, desservi par une téléphoniste de réserve qui, aux heures de trafic intense et sur les indications de la surveillante, prendrait les abonnés qui n'auraient pu être normalement desservis par la téléphoniste de leur groupe ;
3° En ce qui concerne spécialement les tables interurbaines, c'est-à-dire les tables de communications entre Paris d'une part, et la province et l'étranger d'autre part, il faudrait, pour faciliter et activer le service, créer une section spéciale pour la réception des appels. Actuellement, la .téléphoniste de la table, obligée de répondre aux appels et d'établir les communications, ne peut sulïîre à cette double besogne.
En outre, la téléphoniste du groupe de l'abonné qui demande la communication est immobilisée dans l'attente de la réponse qui ne vienit pas.
A l'étranger le service interurbain est basé sur cette division du travail, qui permet de donner les communications sans attributions de numéro, et sans longues attentes.
Disons aussi que le nombre de circuits reliant la province à Paris est très insuffisant.
Prenons par exemple Lyon qui est relié à Paris par 3 fils, mais ces lignes desservant un grand nombre de localités de la région du sud-est, desservent en outre la Suisse et l'Italie, et provoquent de très longues attentes, si longues que souvent l'abonné n'obtenant pas satisfaction renonce à sa communication.
En Angleterre, nous constatons 12 fils entre Londres et Liverpool et entre Londres et Manchester, et toutes les localités importantes sont reliées par des lignes directes ;
4° Une autre source de difficultés réside dans l'insuffisance des lignes auxiliaires servant à établir les communications entre les bureaux de Paris d'une part, et Paris et la banlieue d'autre part, et'des téléphonistes qui les desservent.
De là encombrement sur les lignes d'appel.
Cet encombrement pourrait, d'ailleurs, être évité par un dispositif technique qui empêcherait plusieurs téléphonistes de départ de se porter en même temps sur la même ligne ; .
5 ° Il est indispensable de soustraire, pendant le service, la téléphoniste aux demandes de renseignements dont l'accablent les abonnés ; dans ce but, il faudra créer un service, dit de renseignements, qui sera passé sans autre avisa tout abonné qui le demandera.
6°Il serait heureux aussi que l'administration, sans souci des recommandations politiques ou autres, ne verse pas au téléphone les employées physiquement inaptes a ce service: myopes, sourdes, bègues, aphones ou fatiguées, ou trop âgées, ou, ce qui est l'exception, des employées paresseuses ou inintelligentes. Il existe au téléphone des services spéciaux d'écritures (comptabilité ou ordre) ; au lieu de les peupler de privilégiées, ils devraient être réservés aux dames fatiguées ou âgées;
7° Il appartient au public lui-même d'aider les téléphonistes à la prompte exécution du service, et cela.de deux manières :
a) En mettant pour répondre au téléphone, des personnes sérieuses et non pas des gens inaptes, par exemples des gamins de 10 ou 12 ans qui immobilisent la téléphoniste par leur mauvais vouloir ou leur inhabileté;
b) En évitant les réclamations injustifiées pour1, 2 ou 3 minutes d'appel, pour réponses « pas libre», etc.. réclamationsqui entravent le travail de la téléphoniste et constituent ainsi une causede retard pour les autres abonnés.
L'administration contribue parfois, il faut le reconnaître, à rendre le public injustement exigeant. C'esl ainsi qu'au moment de l'ouverture du 4° étage de Gutenberg, il a été indiqué que l'intervalle entre chaque communication pouvait être de 30 secondes. C'est insuffisant. Il faut au moins 1 ou 2 minutes, si l'on veut assurer un travail convenable. S'imaginer le contraire, c'est ne pas connaître le téléphone. Je suppose, parexemple, un abonné causant sans répit de 7 h. du matin à 9 h. du soir avec des intervalles de 30 secondes: il est facile de comprendre que, dans ce cas, la téléphoniste aura de la peine à desservir 3 ou 4 abonnés ; or, elle en a une centaine ;
8° Enfin, à ces diverses réformes il convient d'en ajouter une qui est la rél'orme primordiale, essentielle, sans laquelle les autres ne pourraient produire tout leur effet utile: je veux parler de la substitution de la conversation taxée à l'abonnement forfaitaire actuellement en vigueur.
Nous connaissons de très nombreux .abonnés qui sur une ligne, c'est-à-dire moyennant 400 fr. par an, demandent dans une journée environ 200 à 250 communications.
D'autres abonnés possèdent plusieurs lignes qui àellesseules suffiraientà absorberune téléphoniste, puisque, chez ces abonnés, il y a des employés qui sont exclusivement affectés au service de ces lignes.
Pendant que la téléphoniste est accaparée par les abonnés en question, les 80 ou 90 autres lignes de son groupe sont nécessairement mal desservies.
Le système forfaitaire a donc un double inconvénient: d'une part, les abonnés qui communiquent peu, paient très cher un nombre restreint de communications, et ont la plus grande peine à les obtenir; d'autre part, les abonnés qui fontun usage fréquent du téléphone ont leurs communications à un prix de revient minime, dérisoire.
Le remède à cet- état de choses c'est l'adoption du système de la conversation taxée. Chaque abonné paierait ainsi les services réels que.lui rendrait letéléphone; rien de plus, rien de moins.
De plus avec ce système les abonnés seraient amenés à faire une sélection parmi leurs communications et ainsi, d'une façon générale, le service se trouverait allégé, au bénéfice des commerçants des industriels, de tous ceux qui usent du téléphone non pour un vain plaisir, mais dans l'intérêt de leurs affaires.
Enfin, rien n'empêcherait l'administration de consentir aux abonnés un tarif dégressif, c'est-à-dire que le prix des conversations serait en raison inverse du nombre de communications.
A l'étranger, ce système ou des systèmes analogues fonctionnent à la satisfaction générale.
Voilà, aussi brièvement que possible, les diverses mesures préconisées par l'A. G. pour assurerle fonctionnement aussi parfait que possible du
service téléphonique.

Suite à l'incendie, en fin de page, vous pouvez consulter l'Etude (technique) de la Batterie-Centrale faite par M.H.EA Andrê .

sommaire

1909 La grève des P. T. T. est venue encore confirmer nos prévisions et montrer l'anarchie administrative. Espérons que ce grave événement ne se renouvellera plus, et que l'Administration aura compris la dure leçon des faits.

Pour sortir de la crise actuelle, conclut M. de Montebello, il faut une grande enquête parlementaire, d'ailleurs imminente. Il faudra ensuite l'autonomie des téléphones et H réorganisation de l'Administration suivant les méthodes industrielles.

Une nouvelle catastrophe en perspective. Après l'incendie, l'écroulement.
Nouveaux détails sur le manoir à l'envers de la rue d'Argout. — Imprévoyance grave.

Nous avons déjà signalé les dangers d'écroulement que présente le « Gutenberg » actuel de l'interurbain. Donnons aujourd'hui à ce sujet de nouveaux détails.
L'Administration loua plusieurs étages d'un immeuble situé au coin de la rue du Louvre et de la rue d'Argout. Il eût été préférable, comme certains chefs de service le proposèrent alors, de louer l'immeuble entier, le propriétaire étant disposé à résilier les baux d'un ou deux locataires récemment installés, moyennant une indemnité. Car les locataires peuvent constituer des menaces d'incendie pour le téléphone — et bien plus encore le téléphone pour eux !
Certains fonctionnaires proposaient — comme la logique l'indiquait — de mettre en bas le multiple très lourd des futurs numéros de la série des mille, et de placer au-dessus l'installation plus légère du service interurbain. Mais M. Simyan n'entendit pas de cette oreille. Il avait un plan bien meilleur (sur le modèle du « manoir à l'envers » de célèbre mémoire), qui consistait à ne pas louer le rez-de-chaussée et à installer l'interurbain au troisième et le lourd multiple au quatrième !
Ce multiple, c'est le fameux multiple suédois, dont M. Symian s'est tant glorifié à la Chambre, lorsqu'il vanta les avantages de celte acquisition : économie, rapidité d'installation, que sais-je encore ? La Chambre applaudit de confiance : peut-être eût-elle été plus réservée si elle avait été mieux documentée. L'économie est réelle quoique inférieure aux chiffres annoncés ; il reste à savoir si elle n'a pas été réalisée aux dépens de la qualité.
Quant à la rapidité, on va en juger. Le contrat passé avec les Suédois obligeait ceux-ci à livrer le multiple tout prêt et à le monter eux-mêmes. Avec une rapidité digne d'éloges, ils embarquèrent dans des caisses le meuble démonté et les accessoires. Au bout de quelques semaines, les ingénieurs étaient arrivés avec le matériel et prêts à le poser... Mais c'était l'Administration française qui n'était pas prête. El pour cause !
L'architecte avait garanti que les planchers pouvaient supporter une charge de 1.200 kilogrammes par mètre carré. M. Simyan s'était contenté de celle assertion et
avait refusé, comme on le lui conseillait, de passer le bail sous réserve ou après essais préalables de la solidité du plancher.
Au moment où on s'apprêtait à monter le multiple, l'architecte inquiet déclara que le plancher supporterait bien les 1.200 kilos au mètre carré, mais à condition que la charge lût également répartie sur la surface. Or, il en serait tout autrement avec le multiple. L'Administration avait négligé de faire préciser ce détail ! Comme les planchers étaient d'une seule pièce en ciment armé, on risquait tout simplement, au dire des architectes, de faire verser l'immeuble !
Un multiple de Suède, quelle que soit la légèreté du bois dont il est fait, pèse beaucoup plus, évidemment, que son volume de gants du même nom !
On fit alors des essais avec des tas de sable. Il y eut des craquements significatifs.,
L'Administration demanda à réfléchir : il était temps ! Les ingénieurs suédois louèrent un magasin — au.rez-de-chaussée ! — pour y mettre leurs caisses ; puis, voyant les semaines passer, ils sont repartis. On. assure qu'ils vont intenter un procès au gouvernement français et lui demander une indemnité. Car ils ne sont pas payés : ils ne devaient l'être, en effet, qu'après le montage du multiple ; mais la faute du relard n'est pas de leur côté.
Que va faire l'Administration ? Quand elle aura suffisamment réfléchi à son incapacité, elle fera consolider l'immeuble à la diable, et y installera quand même le multiple dont nos grands ingénieurs ont absolument besoin pour mettre en service les numéros de la. série 1.000. De sorte qu'on ne sortira du gâchis administratif que pour courir au devant d'une catastrophe. Charmante perspective !

Il faut un technicien à la tête des P. T. T.
Les raisons qui empêchent nos politiciens de mettre à la tête de la marine et de la guerre des spécialistes, ne se rencontrent pas dans la poste, et pourtant les gens de lettres sont peut-être plus dangereux pour l'Etat que les traineurs de sabre..
Il ne faut pas oublier que, dans les postes, il n'y a pas de galons, de castes, d'officiers pauvres ou riches, des tendances diverses, des divergences d'opinion profondes ! Les chefs de bureau, directeurs d'exploitation, du personnel, sont égaux par l'origine, la carrière administrative ; les coteries ne sont pas marquées, les luttes intestines nulles, enfin les répercussions politiques ne se font pas sentir ; jamais les crises d'opinion, qui ont si malheureusement bouleversé l'armée et la marine, n'ont existé dans les postes. M. Mougeot, « qui connaît bien ce monde spécial des postiers », n'ignore pas cela. !
Pourquoi ergoter sur le mot spécialiste ? Je sais bien, et M. Mougeot le sait aussi, que ce n'est pas un huguiste, un dirigeur de Baudot, un gardien, de bureau employé au timbrage, qui sera appelé à la direction des postes. A côté de ceux-là, il y a des hommes autorisés, qui possèdent au plus haut point l'esprit d'organisation, de conception, rapide. Les parlementaires n'ont certes pas ce monopole. Si demain un receveur de la Seine, un chef d'exploitation allait siéger au
Parlement, tous les yeux se tourneraient vers lui, le désigneraient comme très autorisé dans la. partie administrative qu'il vient de quitter. En toute conscience, ce n'est pas son passage à la Chambre qui l'aurait rendu plus apte.
Au point de vue politique et administratif, la création d'une direction générale des, postes s'impose :
1° Parce que les ministres ne sont pas désignés aux portefeuilles d'apirès leurs aptitudes, mais de façon que l'harmonie des cabinets soit parfaite. Tel qui aurait bien fait à la marine va faire un tour à la justice.
2° Les ministres obéissent aux exigences du favoritisme. Il faut avant tout caser les amis personnels, les électeurs influents •— de ceux qui, demain, voteront la confiance. Celte obéissance se manifeste par la création de sinécures, les abus scandaleux, les passe-droits arbitraires.
.3° Les ministres se .succèdent avec trop de rapidité. La solidarité des cabinets les entraîne au moment où leur surnumérariat est accompli.
Cette succession apporte des troubles dans leur administration. Le remplaçant s'amène avec une conception nouvelle, un esprit de direction opposé, qui se manifeste par un bouleversement complet. : ses initiatives sont souvent malheureuses.
Si l'administration des postes est aujourd'hui un service inférieur dont l'organisation ne répond pas au trafic, c'est à cela qu'il faut l'attribuer.
4° Il importe que le chef d'une grande exploitation connaisse les divers rouages dans leur plus petite organisation. Et cela pour résister à la pression des bureaux toujours en opposition avec le service d'exploitation. La circulaire du tiercement, qui a si mécontenté le personnel des P. T. T., n'est pas une invention de Simyan, mais d'un employé de la rue de Grenelle en mal de décoration. Aveuglé, borné, têtu, noire sous-secrétaire d'Etat n'a été que l'exécuteur d'une oeuvre ridicule et. vite, dictée par un intérêt plus vil encore.
5° Pour bien conduire ses subordonnés, il faut connaître leur esprit, leurs aspirations, leurs besoins. Nul ne le peut s'il n'a vécu parmi eux.
D'autres raisons, qu'il serait trop long d'expliquer, militent en faveur de la création d'une direction générale des postes. Ce serait enfin le meilleur moyen de rendre ce service public à sa véritable destination ; nous verrions les innovations heureuses que seul un homme du métier peut apporter. Le public serait mieux servi, les
employés seraient .mieux traités. En un mol, ce serait, le meilleur moyen de refondre une administration dont les rouages craquent de foutes parts...

Août 1909 Notre numéro de juillet était tiré quand s'est produite la chute du ministère, qui a eu pour conséquence le départ de M. Simyan.
Nous souhaitons la bienvenue au nouveau ministre des posles, télégraphes'et téléphones, M. Millerand, espérant que les abonnés trouveront enfin en lui le ministre réformateur qu'ils attendent depuis si longtemps.
La première parole que M. Millerand a.prononcée, lorsque le Matin l'interviewa aussitôt après la formation du cabinet, fut celle-ci :
— Les téléphones ne marchent pas. Il faut qu'ils marchent. Je m'occuperai d'abord des téléphones.
Ce sont là des paroles de bon augure. Les abonnés n'ont pas oublié que M..Millerand, par décret du 7 mai 1901, avait abaissé de 400 à 300 fr. le prix de l'abonnement pour Jes abonnés parisiens : la mesure, qui devait entrer en vigueur le 31 décembre 1902, fut malheureusement, dans l'intervalle, annulée par son successeur. ?
Dès 1900, M. Millerand avait prédit la crise postale, que ses successeurs n'ont pas su conjurer. Il avait élaboré pour le réseau téléphonique parisien un plan de réformes, que maheureusement l'administration fit traîner en longueur outre mesure.
À la rentrée, le bureau de l'Association demandera une audience au Ministre des postes pour lui exposer les desiderata des abonnés. Dès aujourd'hui, signalons lui les points les plus urgents de notre programme.
Réforme administrative et autonomie des téléphones. Sur ce point, nous obtenons déjà une satisfaction importante, puisque M. Millerand, dès son arrivée rue de Grenelle, a réalisé l'autonomie téléphonique au point de vue du personnel et du matériel. Nous traiterons avec plus de détails cette question importante dans notre prochain numéro.
Extension du rêseati. de Paris. Il faut créer de nouveaux bureaux, augmenter les disponibilités existantes et préparer l'avenir.
Réforme du règlement, par la suppression des clauses draconiennes imposées à l'abonné qui doit, au contraire, être traité comme un client.
Admission dans les commissions administratives de délégués des abonnés au môme titre que de délégués du personnel. L'abonné qui paie doit avoir voix au chapitre.
Enfin faire droit aux revendications légitimes du personnel. Nous avons toujours déclaré que les intérêts des abonnés et du personnel sont solidaires. S'il, est moins surchargé, s'il est salislait de sa situation matérielle et morale, l'employé fait beaucoup mieux, son service pour le plus grand profit de l'abonné.
La double grève postale que l'administration n'a pas su prévenir et qu'elle a provoquée par des mesures maladroites, est déjà loin de nous.
Aujourd'hui l'apaisement s'impose. Nous faisons appel à la clémence de.M. Millerand.

Nous avons déjà eu l'occasion de signaler les inconvénients qui résultent du trop grand nombre de téléphonistes méridionales employées à Paris. Les Nouvelles sont du' même avis. Quand vous obtenez par hasard une communicalion, dit notre confrère, et que par hasard aussi vous êtes originaire du Nord, de l'Est, de l'Ouest ou du Centre, il vous est extrêmement difficile de vous faire comprendre de messieurs les téléphonistes. Tous claironnent dans l'appareil des vocables méridionaux et vous racontent, en patois, des histoires de leur pays. Les dialectes du Sud se mêlent à la friture et composent une musique, peu banale assurément, mais étourdissante pour les malheureux abonnés. C'est à croire que sur toutes les lignes les compagnons de Tarlarin ont établi leur domination et qu'ils régnent en maîtres dans l'exroyaume de M. Simyan. Peut-être l'ancien sous-secrétaire d'Etat était-il un ironiste et avait-il décidé que tous ceux qui n'auraient point l'assent seraient impitoyablement rejetés de l'administration téléphonique !
Nous sommes soumis à un nouveau trust : le Irust des cadets du téléphone. Ils parlent d'ail, le public poireaute el les grosses légumes officielles dorment sans.s'inquiéter des réclamations des abonnés. Doux tableau de famille !

Les méthodes industrielles pour le développement systématique du téléphone.
Nouvelle rubrique De Paris par M.H.E.A André
:
L'élude très intéressante qui va suivre donnera un exemple à nos lecteurs de celte méthode industrielle que nous désirerions voir appliquer en France par l'administration du téléphone. On verra au moyen de quels renseignements, enquêtes et statistiques, les Américains peuvent prévoir l'extension du service et les besoins de la clientèle et être toujours prêts à satisfaire les nouvelles démarches par une extension continue et systématique du réseau.Quand se décidera-t-on, en France, à entrer dans cette voie el à renoncer aux moyens de fortune ? — N. D. L. R.
Ce n'est que tout récemment que l'allention des Compagnies a été attirée sur la question du développement systématique de l'industrie téléphonique. Nous étions satisfaits de savoir que notre industrie se développait et, selon toute probabilité, continuerait à se développer, mais les questions :
1° Quel degré atteindra ce développement ?
2° Quel tarif ?
Je crois pourtant que l'on peut affirmer que celte question du développement systématique de la téléphonie est des plus importantes et mérite une élude attentive et toute particulière. Cette étude comprend deux questions principales :
1° Combien y aura-t-il de téléphones dans un nombre déterminé d'années ?
2° A quel tarif ?
Les progrès annuels et la densité du réseau sont les deux principales questions à étudier, mais au point de vue « ingénieur » il y a d'autres questions également à résoudre : ce sont la localité ou l'emplacement des téléphones ? leur genre de service ? le nombre probable des appels et leurs destinations ? Nous nous proposons ici d'étudier la densité, le progrès annuel, et l'emplacement des téléphones.
Dans l'administration téléphonique, c'est le service des contrats qui paraît le plus apte et le mieux placé pour étudier la question ; on choisira donc un des employés de ce service, et celui-ci sera chargé tout spécialement de compiler toutes les données et tous les faits nécessaires à cette étude.
La question du tarif a une très grande influence sur le développement d'un réseau téléphonique et l'on peut être sûr, que plus les tarifs sont élevés, moins fe réseau aura de densité et, réciproquement; moins les tarifs sont élevés plus le réseau aura de densité.
Il est vrai que la question des tarifs n'a pas une aussi grande influence sur le développement du réseau téléphonique, quand ce développement s'étend' sur plusieurs années. Mais pour une période de mettons, six à huit ans, la question des tarifs a certainement une très grande influence sur le développement du réseau. La question des tarifs est évidemment du ressort du comité d'administration, mais pour les besoins de notre étude, nous établirons une moyenne probable d'après les tarifs actuels. La première chose à faire est de lever sur un plan du réseau établi à une échelle de 0.50 c. les bureaux centraux existant actuellement, et de les marquer par un signe spécial, correspondant à un code, et indiquant à quelle classe ils appartiennent. Pour arriver à faire correctement un plan de ce genre, il faut non seulement que le dessinateur y consacre toute son attention, mais encore qu'il connaisse parfaiterixent toute la ville ou du moins toute la superficie de la ville. Il devra vérifier de temps en temps son plan, d'après les données des cartes des appareils, et il est certain que cette construction lente et graduée de son plan finira par l'intéresser passionnément. Après avoir indiqué tous les bureaux centraux existant à une date déterminée, il sera bon d'établir un tableau sur le modèle de
notre tableau n° 1 pour classer méthodiquement toutes les localités et tous les immeubles de la ville. Il est très important d'indiquer soigneusement les emplacements libres et les terrains vagues, ou, selon toute probabilité, des bâtiments s'élèveront bien avant la fin de la période comprise par l'étude. En faisant des enquêtes dans les localités il est très possible d'arriver à représenter presque correctement l'état des lieux tels qu'ils existeront à la fin de la période. (A suivre)
(Suite et fin)
TABLEAU I
(Servant à montrer comment classer les différents immeubles, etc., de la ville).
CLASSE A. : Alfaires. — Grands Magasins. Maisons de Commerce. Fabriques etbureaux importants.
Maisons particulières. — La classe aisée, des loyers de (mettons 1.500 francs et audessus).
CLASSE B : Affaires. — Les Magasins. Maisons de commerce. Fabriques et bureaux de moindre importance.
Maisons particulières. Les bonnes villas, d'un loyer annuel de — mettons 1.000 à 1.500 francs. .
CLASSE C : Alfaircs.— Tous les petits commerces
Maisons particulières. — Les petites villas, d'un loyer annuel de — mettons 625 fr. à 1.000 francs.
Nota. — Il serait bon de désigner les immeubles importants, tels que les grands hôtels, les maisons de commerce importantes et en général toutes les industries occupant de vastes locaux, sous la rubrique « Classe A A » en vue de nouvelles lignes particulières. Puis il faut, faire un plan de la ville et marquer ce plan avec les lettres du Code se rapportant au tableau n° I, et avec un chiffre indiquant te nombre des maisons de commerce, bureaux, maisons particulières, elc.
Pour ce travail, les chiffres simples sont préférables et il faut aussi avoir soin que les unités ne dépassent pas une limite raisonnable.
Avant, d'indiquer sur te « plan du développement » toutes les particularités mentionnées plus haut, il est. bon de faire un nouveau tableau (tableau n° II) sur le même modèle que le tableau n° I, qui démontrera ce que l'on peut appeler « l'expectative téléphonique » des différentes classes du réseau.
TABLEAU II
(Pourcentage des Maisons de commerce, c'est-à-dire « A flaires » el des « Maisons particulières ». Proportion probable d'abonnés.)
CLASSE A : Affaires-. — 100 pour cent. Maisons partculières. — 90 pour cent.
CLASSE B : Affaires. — 100 pour cent. Maisons particulières. — 70 pour cent.
CLASSE C : Affaires. — 20 pour cent. Maisons particulières.-— 13 pour cent.
Supposons que "noire'élude comprenne une période de huit années, la question à résoudre est celle-ci : étant donné le tarif probable, sur quel pourcentage de chaque classe pouvons-nous compter comme abonnés téléphoniques ?
Le tableau qui résoudra cette'question doit être établi dé façon à s adapter aux circonstances locales : celui que nous donnons n'est qu'un modèle destiné à donner une idée du développement téléphonique probable dans une grande ville importante et prospère pendant une période de huit années.
En rassemblant tous les faits fournis par l'enquête et en se servant du tableau n° II, on arrive à remplir le tableau « développement ».
On doit donc avoir maintenant un tableau donnant les « postes » existant actuellement, la classe et Je nombre total des abonnés (non des postes) sur lequel on peut compter ainsi que leur emplacement.
Un nouveau tableau est nécessaire pour établir le nombre de « lignes » probables.
Nous donnons ci-dessous le modèle d'un tableau (tableau n° 111), que nous supposons devoir s'adapter à une élude téléphonique de huit années dans une grande ville. Ce tableau doit servir à convertir le nombre probable des abonnés (non des postes) que nous venons de calculer en « lignes téléphoniques ».
TABLEAU III
(Pourcentage des abonnés. Nombre de lignes).
CLASSE A -.Affaires. — 110 pour cent à 120 pour cent.
Maisons particulières. — 100 pour cent.
CLASSE B : Affaires. — 100 pour cent.
Maisons particulières. — 90 pour cent.
CLASSE C : Affaires. — 50 pour cent.
Maisons particulières. — 60 pour cent.
Nota. — Il faut avoir soin, suivant les circonstances, d'établir un pourcentage spécial pour la classe A. A. qui représente les postes particuliers.
Jusqu'ici nous nous sommes efforcés d'indiquer dans ses grandes lignes une méthode d'après laquelle on peut évaluer le développement des lignes durant un nombre d'années spécifié d'avance. .Mais les questions « densité » el « emplacement des lignes » reslenl encore à résoudre.
Pour évaluer le degré d'extension que prend un reseau téléphonique, on peut procéder de la manière suivante :
Le tableau des abonnés existant actuellement donne le nombre des lignes actuelles, et le développement calculé d'après ce tableau donne le total des lignes "qui existeront à la fin de notre période d'étude, soit huit années. Nous avons ainsi .deux séries de chiffres, et au moyen de la table d'augmentation géométrique, nous trouvons un chiffre qui, employé comme multiple, servira à convertir le nombre des lignes actuelles en lignes « ultimes ».
Le chiffre du pourcentage représente l'augmentation ou développement sur lequel nous devons compter chaque année pour arriver au développement définitif à la fin de nos huit années. Il est certain (et ceci est chose reconnue) que ce pourcentage de développement peut très bien ne pas correspondre au pour cent du développement des dernières années, mais il nous semble que nous sommes plus près de la vérité en établissant le pour cent des différentes classes qui probablement deviendront des abonnés téléphoniques, qu'en assurant simplement qu'un certain pour cent d'extension ou de développement général est à prévoir.
Le pourcentage ainsi obtenu de la population peut aussi servir à vérifier tes chiffres réalisés par la méthode que nous indiquons.
Cette méthode de travail nous paraît de beaucoup supérieure à celles en vogue actuellement, et ceci étant le cas, il nous reste à établir une certaine densité pour chacune des différentes classes, pour arriver à fixer le développement final.
De ptus, notre méthode paraît préférable en ceci, qu'elle ne se borne pas, comme les autres méthodes, à évaluer le développement général d'un réseau téléphonique d'après le total de la population ; ceci est. toujours une erreur, car le calcul du développement étant basé sur un même multiple, s'applique également à toutes les surfaces et à toutes les classes de la population. Celte manière de procéder nous paraît maladroite el peu apte à assurer l'exactitude et la précision nécessaires aux études de développement, ce développement n'étant» presque jamais égal, même dans un espace restreint.
Après avoir trouvé le pourcentage annuel qui transformera le nombre des lignes actuelles en lignes « ultimes », il est intéressant de noter que nous pouvons, si nous le voulons, fixer différents degrés de développement pour les différentes années, sans pour cela changer le chiffre du dévetoppement que nous avons calculé devoir exister à la fin de la période comprise dans notre étude.
La question du développement des « postes » ne semble pas avoir grande importance, car excepté dans le cas des lignes particulières, elle n'affecte pas directement-le développement du réseau. Néanmoins, étant.donné le nombre de « lignes »,on peut calculer presque exactement quel sera le nombre total
des postes. Pour terminer, nous faisons observer que les tableaux et les plans représentant le développement d'un réseau téléphonique dans un temps déterminé, constituent un indicaeur parfait ou plutôt un guide d'une énorme valeur pour le service des nouveaux contrats, qu'ils renseignent instantanément sur les endroits tes plus favorables au développement ; et le coût de ces tableaux est certainement bien vite récupéré.
(Traduit du National Téléphone Journal.)

La réorganisation des téléphones
Tout vient à point à qui sait attendre. Mais on nous fait quelquefois attendre bien longtemps.
Voici que M. Miîlerand est fermement résolu, nous assure-t-on, à réorganiser entièrement notre service téléphonique. Ce n'est pas d'hier, ni d'avanl-hier, que pareille réorganisation s'impose. On peut dire, sans aucune sorte d'exagération, que le fonctionnement du téléphone, comme la saleté des rues de Paris, est une de nos hontes nationales. C'est en France que les abonnements téléphoniques coûtent le plus cher ; c'est en France qu'on Attend le plus longtemps pour obtenir, quand on l'obtient, la communication demandée... Pourquoi ne pas adopter, ainsi que cela se fait ailleurs, le système d'un droit fixe très bas, et d'une taxe perçue pour chaque -communication ? ...
L'Etat est bien obligé sans doute de trouver quelque part les ressources dont il a besoin pour équilibrer ses énormes dépenses. Il est impossible de constituer pour chaque service un budget indépendant qui présenterait de multiples inconvénients. Mais ce que le public peut et doit exiger, c'est ceci : quand il s'agit d'une exploitalion aussi importante, aussi essentielle que les téléphones, il est nécessaire que les revenus qui en amènent servent avant tout à assurer le bon fonctionnement du service. En d'autres termes, puisqu'il plaît à l'Etat de se faire commerçant et industriel, ce qui n'est, selon nous, ni nécessaire, ni même désirable, il faut que l'Etal ne prétende point se soustraire aux règles courantes du commerce et de l'industrie ; quand il reçoit l'argent du public, en échange d'un service promis, il faut que ledit service soit assuré dans les conditions les plus satisfaisantes.
« Le vendeur est esclave et c'est l'acheteur qui est roi », dit un célèbre proverbe anglais. Or, l'Etat, chez, nous, tout en se faisant vendeur, prétend quand même demeurer roi. Il y a là une inconséquence, dont nous sommes tous à souffrir et qu'il importe de supprimer au plus tôt !

Les réformes en prépâration
Les déclarations de M. Estaunié.
A la suite de la lettre que le Président de l'Association des Abonnés au Téléphone a adressée à M. Millerand, M. de Montebello et M.Giraudeau ont eu une entrevue avec M. Estaunié, Directeur Général des Téléphones qui leur a exposé quelles suites pourraient être données à ces revendications et quels sont lesprojets actuels de l'Administration.
M. Estaunié est partisan de l'autonomie téléphonique administrative. Un premier pas a été fait dans celte voie, mais il faut aller plus loi et l'appliquer à l'intérieur du service même. Jusqu'ici des difficultés ont fait obstacle à l'établissement d'une comptabilité téléphonique ayant un caractère strictement commercial et les bilans qu'il est possible d'établir ne peuvent être qu'approximatifs.
En ce qui concerne le personnel, dans les téléphones, l'admission serait désormais subordonnée simplement à un examen physique fait par un médecin et par une surveillante principale. Les postulantes suivraient ensuite un cours d'apprentissage pratique, à la sortie duquel elles seraient soumises à un stage et habituées progressivement à la manipulation des appareils. Celles qui donneraient satisfaction seraient alors définitivement admises.
Le recrutement serait exclusivement local, et on ne prendrait que des jeunes filles de 16 à 19 ans. Elles ne resteraient pas au delà d'une limite d'âge déterminée et toucheraient à leur sortie une prime proportionnelle à partir de 5 ans de service, variant de deux à trois mille francs ; à partir de cinquante ans elles jouiraient d'une retraite pouvant atteindre 500 francs par an.
Loin d'être une charge pour le budget, cette réforme, estime M. Estaudié, produirait pour l'Etat une économie considérable ; le personnel étant plus jeune, plus actif et rendant par suite beaucoup plus.
Les bureaux seraient autonomes. Chaque bnreau aurait son matériel et ses ouvriers. Tout le personnel masculin suivra des cours. M. Estaunié va choisir d'abord 20 sujets d'élite, qui apprendront en même temps l'anglais, puis iront faire un stage en Amérique. Ce sera la pépinière du personnel exploitant.
L'adoption de la Batterie Centrale va être poursuivie, sans être subordonnée à l'étude des systèmes automatiques.
Une somme de 142 millions est jugée nécessaire pour mettre tout le réseau en état.
Sur cette somme, 65 millions suffiraient pour agencer convenablement le réseau actuel pour 75.000 abonnés, en adoptant ensuite la communication taxée il en résulterait pour environ 50 millions de nouveaux travaux permettant de l'aire face aux besoins de 150.000 abonnés.
L'automatisme sera étudié par un ingénieur chargé à cet ellet d'une mission en Amérique.
Une deuxième mission importante ira aux Etats-Unis étudier la Batterie Centrale et l'organisation téléphonique générale. M. Estaunié n'est pas opposé à ce que des délégués des Abonnés et des Chambres de Commerce l'accompagnent dans ce voyage.
Les réclamations de l'Association des Abonnés seront étudiées avec le plus grand soin. Dès la fin des travaux actuels, les représentants des abonnés pourront visiter les bureaux nouvellement transformés.
Enfin M. Estaunié estime que, le jour où il serait sérieusement question d'adopter le système automatique, il serait nécessaire d'instituer une commission mixte pour connaître l'opinion des abonnés.

La décentralisation de Gutemberrg
C'est désormais décidé, Gulenberg sera décentralisé. On n'entassera plus multiples sur multiples dans ce bâtiment. Nous nous en félicitons. La leçon de l'incendie, sur ce point au moins, aura été comprise. C'est la solution que nous avions toujours préconisée.
Voici en effet ce que nous lisons dans un des organes du premier arrondissement (Paris-1er arrondissement) :
« L'incendie qui détruisit, le 20 septembre 1908, l'Hôtel des Téléphones dit « Gulenberg » eut pour conséquence de provoquer une étude approfondie de la réorganisation de cet important service public. « Le ministère des Travaux Publics, des Postes et Télégraphes, avant de prendre une résolution définitive examina la question sous les deux aspects où elle se présentait : le premier inclinait à donner une extension plus considérable à ce service, tandis que le second .était favorable à la décentralisation : c'est à celte dernière solution qu'il vient d'accorder ses préférences.
Il ne nous appartient pas d'émettre un avis personnel dans une question aussi complexe, si ce n'est que les raisons qui ont, semble-l-il, déterminé celte mesure nous paraissent, excellentes en ce qu'elles ménagent les intérêts des abonnés au téléphone, c'est-à-dire ceux du plus grand nombre.
En effet, la décentralisation des postes téléphoniques, leur dispersion, réduirait au minimum, les conséquences toujours possibles d'un nouveau sinistre qu'un court-circuit, peut, hélas ! provoquer, en dépit des précautions les plus minutieuses prises pour l'éviter.
Notre confrère cite ensuite une correspondance échangée entre M. Maurice Barrés, députe du 1er arrondissement, el M. Millerand.
De la réponse du Ministre des P. T. T. nous détachons le passage suivant particulièrement caractéristique :
« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'il n'est pas dans mes intenlions de donner un grand développement au bureau Central téléphonique qui va être reconstruit sur l'emplacement de l'ancien bureau détruit. Le terrain précédemment occupé par le service téléphonique sera donc suffisant pour répondre aux besoins de la nouvelle installation à réaliser. »

sommaire

Janvier 1910 Le système des lignes communes, propos d'un passage du rapport de M. Charles Dumont. — Ce qui se passe en Amérique. — Ce qu'on peut faire en France.
Nous avons reçu d'un de nos adhérents la très intéressante lettre suivante :
Monsieur le Président,
M. le Minisire des P. T. T. manifestant l'heureuse intention de faire participer des délégués des abonnés au téléphone à la réorganisation de ce service, je viens attirer votre attention sur un passage du rapport de M. Ch. Dumont, député, rapporteur du budget des P. T. T.
Parmi les modifications qu'il propose, je lis : « Notre réseau français est l'un des moins étendus. Le téléphone est, en effet, un luxe coûteux pour ceux qui n'ont à échanger que deux, quatre ou six communications par jour. Cela tient à ce que chaque abonné possède une ligne propre, une place individuelle au multiple. En Amérique, où les téléphones ont pris une admirable extension, une seule ligne et une seule place suffisent pour dix abonnés. Il n'est pas impossible d'adopter en France le. système des lignes communes.»
Ce système, en effet, fonctionne en Amérique, mais ce dont ne parle pas le rapporteur, ce sont lès inconvénients qu'il présente.
J'ai interrogé, à ce sujet, des Américains, et voici ce qu'ils m'ont dit :
Nous étions abonnés au téléphone à ligne commune. Voici comme il fonctionne : Nous sommes, par exemple, dix abonnés sur le même fil.
Chacun d'eux, dans le numéro commun, est appelé à son appareil par un ou plusieurs coups de sonnette, suivant un nombre convenu pour chacun d'eux. Mais ces coups de sonnette retentissent chez les dix abonnés; alors il faut les compter et ne pas se tromper. La nuit, on est réveillé souvent, parce que deux personnes,
que l'on ne connaît pas, se causent. Le jour,la sonnette marche également tout le temps, bien davantage encore.
De plus, lorsque nous causons, les neuf autres abonnés du fil commun peuvent suivre-la conversation et nous nous rendions compte que, très souvent, nous étions écoutés de plusieurs côtés; plusieurs fois même un domestique facétieux prenait part à la conversation.
En raison de tous les ennuis qui en résultaient, nous avons préféré prendre l'abonnement au fil individuel, plus cher, mais où nous étions tranquilles et moins espionnés. Voilà ce que m'ont dit mes amis américains.
Aussi j'espère bien que ce n'est pas ce système que préconise M. le Rapporteur.
Que ne parle-t-il plutôt du système français à fil commun, qui fonctionne déjà sur une vaste échelle et vaut mieux que l'américain : je veux parler du téléphone d'immeuble. Là aussi, le même fil sert à tous les locataires de la maison, mais lous ne sont pas dérangés parce que l'on téléphone à l'un d'eux.
Je ne comprends même pas que ce système ne soit pas plus développé, car il est beaucoup moins onéreux.
En effet, en l'étal actuel des prix, supposons un immeuble de dix locataires; en répartissant entre eux le prix d'abonnement d'un téléphone d'immeuble, cela lait 40 fr. par locataire et 90 fr. si l'on ajoute un poste secondaire dans l'appartement.
Ah ! si l'Etal voulait vraiment rendre service au public, en même temps qu'augmenter ses recettes, s'il avait vraiment le sens des affaires, il agirait comme agissent les sociétés commerciales qui veulent gagner de l'argent. Il en a des exemples autour de lui. Que fait, par exemple, la.Cie du gaz ? Pour vous inciter à vous abonner, elle fait certaines installations, elle vous prêle même gratis un réchaud de cuisine.
Que ferait une Cie privée des téléphones ?
Elle irait trouver les propriétaires d'immeubles et leur tiendrait ce langage : En attendant que je puisse établir le paiement à la communication, voudriez-vous demander à vos locataires, s'ils consentiraient à partager entre eux le prix d'un abonnement au téléphone. Si oui, je vous installe un tableau gratuitement dans la loge et je vous le confie en dépôt. Au besoin même, on paierait une petite location de 20 à 25 Ir. par an représentant l'intérêt de la valeur du tableau.
Peu de locataires, je pense, refuseraient et beaucoup donneraient 50 fr. de plus, pour avoir un poste secondaire chez eux.
Ce jour là, le téléphone cessera d'être un objet de luxe, et en même temps qu'il prendrait l'exlension qu'il devrait avoir pour être vraiment utile, l'Etal verrait ses receltes augmenter.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma considération très distinguée.
DR ARMAND LÉVY

L'épilogue de l'incendie de Gutenberg : en 1910 l'administration se dérobe.
Il y a eu deux ans le 20 septembre dernier que l'incendie dévorait l'hôtel des téléphones de Gutenberg.
Quelques semaines après le sinistre, l'Association des abonnés au téléphone intentait, au nom de deux abonnés, un procès en dommages-intérêts à l'administration, se faisant fort de prouver que l'incendie avait été causé par incurie, et que l'Etat-patron était responsable du tort qu'il avait causé à ses clients
L'administration, qui se sent fautive et qui redouté de voir ses responsabilités et ses fautes étalées au grand jour, s'est réfugiée dans le maquis de la procédure. Finalement l'affaire devait être plaidée au fond en novembre dernier. L'avocat de l'administration prétexta un deuil pour solliciter, quinze jours d'avance, une remise. La date fut fixée irrévocablement au 9 janvier.
De nouveau, l'administration vient de recommencer ses manoeuvres dilatoires et elle vient d'obtenir une nouvelle remise au 20 février.
On se demande jusqu'à quand durera cette comédie et celte perpétuelle dérobade. Bon gré, mal gré, il faudra bien plaider, et on assure que le dossier de l'Association des abonnés est écrasant. C'est bien ce que redoutent les représentants de l'Etat, qui n'ont même pas le courage de se montrer beaux joueurs.

1910 Le réseau de PARIS devait souffrir d'une autre calamité et l'on n'a pas oublié les dégâts causés par l'inondation de janvier-février .
C'est le réseau souterrain qui est victime de l'inondation.
Les affaissements, les ruptures d'égouts ont provoqué en maints endroitsl'écrasement des câbles, qui ont été envahis par l'eau.
Les parties'immergées sont totalement inutilisables et ces portions de câblés,souvent tort longues, doivent être changées totalement. Travail fort long et très coûteux,si l'on songe que le kilomètre de gros câbles (à 224 paires de fils) revient à dix mille francs. Il faudra peut-être une dizaine de millions environ. Il y a eu près de quinze mille abonnés sinistrés, répartis entre tous les bureaux de Paris, sauf celui de la Yillette qui était indemne. Plus, de huit mille appartenaient à Gutenberg et avaient été privés de téléphone, il y a quinze mois, par l'incendie.
Evidemment, cette fois, il faut, s'incliner devant la force majeure, et l'administration des téléphones ne peut être rendue responsable de la rupture des égouts. Est-ce à dire que les câbles étaient placés pour le mieux ? Nullement. Ils sont installés trop bas, juste sur le coin des trottoirs de l'égout. Aussi sont-ils immergés à la première hausse des eaux et,quoiqu'ils soient entourés de plomb, il se produit toujours des fissures par où l'eau pénètre. Aussi, la plupart de ces câbles étaient-ils très mauvais. Espérons qu'on profilera de la réfection, pour les placer plus haut, près de la
voûte.
Au point de vue des dégrèvements, il n'y a aucun doute pour. les abonnés sinistrés dont l'interruption, malheureusement, sera bien supérieure à quinze jours. Le prix de leur abonnement sera diminué en proportion de la durée d'interruption. L'administration poursuit le travail en relevant pour chaque abonné la date à laquelle ses communications ont été suspendues.
Mais nous voudrions davantage. Nous voudrions qu'on dégrève aussi les abonnés non sinistrés de la capitale, qui éprouvent un préjudice considérable du fait qu'ils ne peuvent plus téléphoner à un tiers des abonnés parisiens, parmi lesquels presque toutes les grandes maisons de commence. Ce dégrèvement, qui n'est pas octroyé par les décrets et arrêtés en vigueur, nous demandons qu'il soit de rigueur dans des cas comme eelui-ci, dans le projet de règlement actuellement soumis au ministre des travaux publics. Nous espérons que M. Millerand, en attendant d'avoir statué sur la réforme, voudra bien l'octroyer en raison du préjudice général éprouvé en ce moment par le inonde des affaires ; depuis l'inondation on ne téléphone presque plus. Reste à savoir comment les raccordements seront opérés. Nous demandons que les raccordements soient faits par quartiers et par câbles, au fur et à mesure des facilités d'accès afin de hâter le plus possible les travaux, et sans privilège particulier. Après l'incendie de Gutenberg, on a relié d'abord les abonnés « recommandés » ou ceux qui criaient le plus fort. C'est inadmissible. Nous aimons à croire que, celte fois, il n'en sera pas ainsi.

La moitié des égouts n'est libre que vers mars ; 1 000 lignes ne sont pas dégagées avant avril ; le réseau n'est entièrement restauré que le 4 mai.
Le sinistre met en lumière le fait que, « faute de ressources en matériel et en personnel, le réseau de Paris n'avait pas été, depuis plusieurs années, l'objet d'un entretien régulier ».
E. Estaunié, directeur de l'École supérieure de télégraphie, rapporteur devant la commission des inondations, souligne qu'il est urgent « de revenir sur des méthodes d'économie au jour le jour, qui se traduisent ensuite par des pertes désastreuses ».
Avril 1910, la commission des inondations, édite le rapport Bordelongue, un état détaillé et chiffré des dégats et répartations des réseaux télégraphiques et téléphoniques de Paris.
Un débat s'instaure dans la presse : faut-il ou non sortir le téléphone des égouts ?
L'administration ne prétend pas revenir au réseau aérien, mais elle prévoit au moins de déplacer toutes les chambres de coupure au rez-de-chaussée d'immeubles.
Ces deux anecdotes ne constituent-elles pas deux bons points, en faveur de notre Administration si dénigrée ?
II faudra une dizaine d'années pour appliquer réellement le plan de 1891 .
Tous les bureaux crées par la S. G. T. â l'exception de celui de Passy seront successivement fermés : 3 en 1894, 3 en 1895 et 2 en 1900, et remplacés par d'autres . Le central Gutenberg, le plus important a commencé dès 1893.

Les plans de rénovation du réseau reviennent à l'ordre du jour.
En effet, 1909-1910 est une période d'intense débat public sur la crise du téléphone et sur son financement.
En particulier, en 1910, le sénateur Steeg dépose une proposition de loi sur la réorganisation financière et administrative du ministère des Postes et Télégraphes. La même année, le rapporteur du budget de ce ministère, Charles Dumont, préconise la séparation du budget général, la tenue de comptes d'exploitation sur le modèle industriel, la préparation de plans d'équipement.
Tout cela, en matière de téléphone, s'appuie sur les études menées sur le réseau de Paris depuis 1907-1908.
Le programme à réaliser est le suivant : installer un central autonome pour l'interurbain, reconstruire Gutenberg, installer dans la circonscription de Gutenberg quatre autres multiples neufs d'une capacité de 10 000 abonnés, dédoubler trois circonscriptions, en créer deux autres...
Cela revient, en plus de la construction de Tinter et de la reconstruction de Gutenberg, à créer neuf bureaux nouveaux d'un coup.
Le projet sera déposé en 1914 — mais la période n'estait guère propice.
C'est seulement au moment de l'introduction de l'automatique que cela se révélera possible.

Mars 1910 Le président du comité technique téléphonique est M. Seiigman Lui, inspecteur général ; vice-président pour la première section, M. Bouchard,
ingénieur en chef, directeur des services téléphoniques de Paris ; vice-président pour la deuxième section, M. Thévenin, ingénieur en chef, directeur des ateliers.

Août 1910 L'Administration est enfin décidée à nous donner la batterie centrale intégrale. Cette réforme l'ail partie du grand projet de M. Millerand, annoncé déjà voici dix mois et dont le dépôt aurait été relardé par suite des négociations avec la Chambre de commerce de Paris.
Aujourd'hui l'accord est complet. La Chambre de commerce consent à avancer 200 millions à l'Etat pour la réfeicition du réseau de Paris. Espérons que maintenant le projet sera déposé à la rentrée, et rapidement voté.
On nous assure que quatre grandes décisions sont prises par M. Millerand à l'égard du réseau de Paris : Unification des postes d'abonnés ; réfection générale des lignes ;essais d'appareils automatiques ; ÉTABLISSEMENT DE LA BATTERIE CENTRALE INTÉGRALE.
S'il en est ainsi, nous ne pouvons que nous féliciter de voir le programme de l'Association des abonnés adopté, intégralement par le ministre.

Aujourd'hui l'administration se déclare décidée à transformer la batterie centrale mutilée en batterie centrale intégrale. Que valaient donc les raisons techniques qu'elle invoquait depuis quatre ans ? Mais, pourtant, l'expérience ne lui a rien appris : on va donc jeter au feu toutes les piles des abonnés et on leur fournira des microphones à batterie centrale d'un type uniforme, Mais de quel type ? Voilà la question.
Peut-être croyez-vous que l'administration se propose de choisir un microphone à batterie centrale du type le plus en usage à l'étranger, un appareil qui ait l'ait ses preuves et qui puisse sans aléa nous donner toute satisfaction ?
Erreur..., erreur..., grossière erreur... Nos ingénieurs, humiliés de l'aire des emprunts à l'étranger mais incapables de rien inventer seuls, ont été tirés d'embarras par un commis rédacteur de l'administration. C'est cet obscur rond-de-cuir qui doit se révéler demain comme un Napoléon téléphonique: son microphone doit éclipser tous ceux qui ont été inventés jusqu'à ce jour et, dans les crédits qui vont être sollicités du Parlement, du Conseil municipal et de la Chambre de Commerce de Paris, quatre ou cinq millions seront prévus pour l'achat de cette merveille.
Eh bien ! il est temps de crier « holà » et d'imposer une tutelle à ceux qui ont gaspillé les fonds publics et « saboté » la batterie centrale.

L'Administration revenue de son engouement. —Une interview de M. Milon. —
L'Administration semble enfin revenue de son engouement irréfléchi pour le système automatique. Les causes de cet emballement subit étaient d'ailleurs bien simples : plutôt que de réformer son personnel, d'en modifier le recrutement, de réorganiser les méthodes de travail, elle n'aspirait qu'à se débarrasser de ses opératrices afin d'être délivrée de tout souci de ce côté : et l'automatique lui paraissait à ce sujet un paradis enchanteur. Solution élégante et simpliste d'une question épineuse !
Mais la mission.en Amérique de M. Milon a renversé ce château de cartes. Cet ingénieur,qui a visité sans parti-pris les diverses installations téléphoniques des Etats-Unis, est arrivé exactement à la même conclusion que nous formulons depuis longtemps : les systèmes automatiques actuels ne sont pas encore satisfaisants et présentent de nombreux inconvénients — tandis que la Batterie centrale intégrale fonctionne à merveille en Amérique.
—Il convient donc d'adopter ceci avant de songer à cela.
Quand elle veut se donner la peine d'étudier sérieusement les questions, l'Administration, on le voit, finit toujours par se ranger à notre avis. C'est le plus bel hommage qui puisse être rendu aux travaux de l'Association des abonnés et à la haute valeur de ses ingénieurs-conseils. Pourquoi la France ne s'est-elle pas mise plus tôt et plus franchement àl'école de l'Amérique.
Voici les principaux passages d'une interview de M. Milon, publiée par notre confrère
Le téléphone en Amérique
« J'ai été chargé par le ministre d'étudier les installations américaines en général, mais plus spécialement l'établissement de la batterie centrale intégrale et les systèmes de téléphones automatiques.
En ce qui concerne les généralités, je puis vous dire, tout d'abord, que j'ai été surpris de l'activité téléphonique qui règne aux Etats-Unis. L'Amérique est véritablement la patrie du téléphone. Dès que l'invention de Graham Bell fut reconnue pratique, les Américains la lancèrent comme une grosse affaire. De là, le développement qu'ils ont donné au téléphone. Il y a, aux Etals-Unis, quatre ou cinq millions d'abonnés, dont quatre cent mille à New-York, soit, dans cette ville, un pour sept habitants. Comparez ces chiffres formidables avec ceux des téléphones français : cent dix à cent vingt mille abonnés pour toute la France, quarante-six mille pour Paris, soit un pour cinquante-neuf habitants, et vous aurez une idée de notre infériorité.
« Mais il faut bien que je l'ajoute, le prix de revient d'un abonnement est supérieur et le prix des communications interurbaines plus cher aux Etats-Unis qu'en France. Est-ce une conséquence de cause à effet que le personnel téléphonique américain est un personnel hors ligne ? En tout cas, il règne dans les bureaux centraux d'au delà de l'Atlantique, de même qu'une activité incomparable, un silence parfait que trouble seul le bruissement de la manipulation. C'est le fonctionnement intensif et discipliné d'une industrie en pleine marche. Les téléphonistes américaines donnent l'impression de soldats en manoeuvre.
D'ailleurs, elles sont plus sévèrement menées que leurs collègues françaises. Pour le même traitement, à un dollar près,elles doivent neuf heures de travail ; en France on en demande que six et sept. Mais alors que les employées françaises considèrent leur emploi comme une carrière dans laquelle elles attendent le jour de la retraite, les téléphonistes américaines quittent et reprennent les téléphones comme une maison de commerce (aux Etats-Unis, une jeune fille ne manque pas
de débouchés), et, dès qu'elles se marient, elles démissionnent, car la femme américaine ne travaille jamais au dehors.
Et la batterie centrale ?
— Passons, si vous le voulez bien, à la batterie centrale.
— La batterie centrale a été l'objet de toute mon attention. L'une des raisons du silence impressionnant des centraux américains est dû, précisément, à l'emploi de la batterie centrale qui nécessite des appareils plus puissants et simplifie la manoeuvre ; on peut remarquer, dans nos centraux parisiens, le même silence favorable à l'exécution du service depuis janvier dernier, époque de l'installation définitive de la batterie centrale.
— Pourtant, nous n'avons à Paris qu'une batterie centrale incomplète ?
— En effet, nous avons la batterie centrale limitée au commencement et à la fin de conversation, c'est-à-dire que l'abonné, nonobstant la source principale d'énergie établie au bureau central, possède des piles d'appel. Avec la batteie centrale intégrale, telle qu'elle existe aux Etats-Unis, l'abonné n'a chez lui que son appareil.
— L'établissement de cette batterie centrale intégrale figure dans le programme de M. Millerand ; si vous l'appliquez, vous allez donc encore bouleverser le réseau parisien ?
— Pas du tout ! Les travaux seront circonscrits aux seuls bureaux centraux. Chez l'abonné on se contentera d'enlever les piles et, aussi, de poser des appareils d'un modèle uniforme.
Songez que l'abonné a le droit de choisir son appareil. Il en existe jusqu'à cent cinquante modèles différents ! Sans uniformité ça ne marcherait pas du tout.
« Mon avis, et c'est celui du ministre, je crois, qu'il faut établir la batterie centrale intégrale le plus tôt possible. Grâce à la batterie partielle que nous avons, le nombre des réclamations a baissé de moitié, du premier janvier au premier juin dernier, comparativement à la durée correspondante de 1909. L'abonné économe de son temps devra donc désirer la batterie centrale intégrale.
LeJélêphone automatique

— Quant au téléphone automatique...
— Voici un point délicat. J'ai étudié de près trois systèmes automatiques en usage en Amérique depuis une dizaine d'années, de même que ceux qui fonctionnent en Allemagne et en Autriche, à Munich et à Gratz. Je m'empresse de dire que la téléphonie automatique est loin d'être généralisée. Les systèmes installés un peu partout et jusqu'en France, à Lyon, ne le sont qu'à titre d'essai — à titre d'essai perpétuel, si vous voulez. Aux Etals-Unis, berceau des innovations téléphoniques, le système manuel est toujours en vigueur. On n'a pas généralisé parce que le système automatique idéal n'est pas encore trouvé.
— A quel système en vigueur donnez-vous votre préférence ?
— Permettez-moidene point répondre. Ce sera au ministre à choisir, d'après le compte rendu de mes études. Seront soumis à l'examen les automatiques à leviers, à disques manoeuvres par l'abonné lui-même, et les semi-automatiques, manoeuvres dans les centraux par les employés sur appel de l'abonné. Ce sera, je le répète, une question délicate à trancher, où entreront en ligne de compte les goûts, les exigences du public aussi bien que ses intérêts.

Septembre 1910 Revenons sur le commencement d'incendie à Gutenberg du 20 août.
Où en est la reconstruction de Gutenberg. Est-ce un avertissement à l'incurie admnistrative, vraiment incurable ?
On a tenu secret aussi longtemps qu'on l'a pu, un court-circuit qui, le 20 août dernier, a produit à Gutenberg, dans le baraquement provisoire, un début d'incendie. Voici les faits, d'après l'Action:
Un court-circuit s'est produit. Les demoiselles du téléphone aperçurent alors, à proximité du tableau 200, une boule de feu et une fumée intense.
Ce fut un affolement général. Les employées, poussant des cris d'épouvante, se débarrassèrent de leurs appareils qu'elles jetèrent sur le sol ; plusieurs d'entre eux furent brisés ;puis elles se précipitèrent vers la sortie. Les téléphonistes, dans leur hâte, de fuir, se bousculèrent, se renversèrent, se piétinèrent.
Une surveillante qui voulait s'opposer à la fuite des employées fut même assez sérieusement blessée. Fort heureusement, on en fut quitte pour la peur, des contusions sans gravité et quelques appareils endommagés. Quelques jeunes téléphonistes eurent des crises de nerfs et perdirent connaissance. Des soins immédiats leur ont été donnés.
Cependant, cet incident comporte un enseignement : les difficultés qu'éprouvèrent à fuir les demoiselles du téléphone démontrent surabondamment qu'un nouvel incendie de Gutenberg pourrait prendre les proportions d'une terrible catastrophe. »
Naturellement, — c'est dans l'ordre ! —
l'Administration a déclaré qu'il n'y avait eu aucune panique, et a cherché à diminuer la gravité du fait. Toutes les précautions ont été prises ! a-t-on assuré à un rédacteur de la Patrie. (Avant le ministre de Gutenberg, nous avions entendu la même antienne.) Et le fonctionnaire a ajouté cette phrase charmante :
« Les murs, les cloisons, les câbles ayant été ignifugés, si le feu se déclarait, il ne pourrait s'alimenter que très lentement, et nos téléphonistes auraient tout le temps nécessaire pour sortir, sans se bousculer et sans se blesser. »
Nous voilà donc prévenus : bien que tout soit ignifugé (?), on avoue que le bâtiment n'en serait pas moins, le cas échéant, la proie des flammes, bien que l'Administration nous garantisse que le feu serait très sage et ne se presserait pas, pour donner au personnel le temps de se sauver!
Nous voulons bien croire, conclut notre confrère, que l'optimisme de notre interlocuteur est pleinement justifié, mais on serait plus rassuré d'apprendre que les demoiselles ont pu se réinstaller dans les locaux du nouveau Gutenberg où, espérons-le, toutes les dispositions de défense contre le feu auront été prises.
Nous croyons savoir, cependant, qu'il faudra près de quinze mois encore avant que l'aménagement du nouveau bâtiment soit terminé.
En effet, la reconstruction de l'ancien Gutenberg a subi des retards considérables. Manque de crédits, déclare M. Estaunié. Il serait plus exact de dire que, pendant plus d'un an, on n'a pas su en haut lieu ce qu'on voulait.
Enregistrons cependant, à titre documentaire, les déclarations du directeur général destéléphones :
« Si, dit-il, jusqu'à présent, nous n'avons pu faire activer les travaux comme nous l'aurions voulu, cela lient d'abord à ce que les crédits nécessaires ne purent être votés qu'en janvier dernier. Un mois après, notre entrepreneur se mettait à l'oeuvre. Les travaux qu'il doit exécuter sont très longs et très difficiles. il s'agit d'élever un immeuble de sept étages, et la place lui est mesurée. Il doit prendre garde à ne pas détériorer les câbles qui passent dans les sous-sol de l'hôtel en construction. Enfin, force lui est d'éviter de faire de la poussière pour ne point détériorer les appareils installés dans les baraquements provisoires et ne pas gêner notre personnel téléphonique. Si tout marche à souhait, le gros oeuvre sera terminé vers la mi-juillet de l'année prochaine. Nous nous occuperons alors de l'installation intérieure, ce qui demandera au moins cinq à six mois. Et pour leurs étrennes, les Parisiens auront en 1912 un nouvel hôtel des téléphones tout flambant neuf et parfaitement aménagé. »
Acceptons-en l'augure.

Un budget industriel Les P. T. T.
M. Steeg, qui a déposé au Parlement le projet de loi sur l'autonomie des P. T. T., dont nous parlons d'autre part, a publié dans l'Action nationale une élude remarquable pour développer les arguments qui militent en faveur de celle thèse (qui est aussi la nôtre). Nous en reproduisons les principaux passages. — N.D. L. R.
L'idée que des fonctions différentes de l'Etat appellent des organes différents et que ces organes différents ne peuvent pas être soumis à des règles uniformes commence à ne plus apparaître comme un scandaleux paradoxe. Nous pouvons dire que l'Etat industriel ne peut pas se comporter comme l'Etat-Juge ou comme
l'Etat-Gendarme, sans que l'on nous accuse au nom de principes solennels de compromettre le bon ordre de la comptabilité publique et de vouloir infliger à notre pays l'humiliation d'un « budget à la turque ». Après M. Jules Roche et M. Pierre Baudin, voici que MM. Ribot et Caillaux ont apporté, ici même, à cette thèse
l'adhésion de leur prudence budgétaire incontestée et de leur compétence financière universellement admirée.
Sans doute, les règles auxquelles sont actuellement soumistous les services publics ont pour objet, sinon toujours pour effet, de garantir le respect absolu des pouvoirs financiers du Parlement et de permettre un contrôle rigoureux de la gestion de nos deniers. Mais peuvent-elles également convenir à des services administratifs où l'imprévu est l'exception, et à de vastes exploitations industrielles obligées de s'adapter aux exigences du milieu économique dans lequel elles développent leur action? Ici c'est,ou ce doit être, la recherche continue du prix de revient le plus bas, l'effort incessant pour adapter l'offre à une demande capricieuse. Enserrées étroitement par les formes comptables, nos grandes industries d'Etat n'ont pas donné tous les résultats qu'il était permis d'escompter.
Les P. T. T. constituent un service public qui manquerait à son objet s'il poursuivait son enrichissement particulier aux dépens de l'intérêt général. Ce service doit avoir recours à des procédés industriels d'exploitation. Il appartient à la grande, à la très grande industrie ; le voici parvenu à un degré de développement où il ne peut plus grandir sans se transformer. Régie financière et petite industrie, tels sont les caractères delà poste ancienne; organisme d'utilité sociale et grande industrie, tels sont ceux qu'elle doit désormais présenter.
Aujourd'hui les P. T. T. se présentent à nous comme des régies semblables aux contributions directes et à l'enregistrement. D'un côté des crédits sont votés pour payer des fonctionnaires, construire des hôtels et des wagons, des appareils télégraphiques et téléphoniques ; de l'autre, des taxes perçues à l'occasion de l'envoi des lettres ou des dépêches tombent dans les caisses du Trésor. Aucune corrélation n'existe entre les recettes et les dépenses postales. Ajoutons même que, malgré la complication luxuriante des écritures et des statistiques, on ne les connaît pas exactement. On ne tient compte, en effet, dans le calcul des dépenses, ni des frais de traction des wagons postaux dont les Compagnies se chargent au moins partiellement, contre des avantages qui leur sont consentis, ni des crédits affectés aux retraites de l'ancien personnel, ni des subventions accordées aux Compagnies maritimes et dont le chiffre est hors de toute proportion avec le service postal corrélativement rendu. Parmi les recettes ne figurent ni les dépôts d'argent effectués aux caisses des receveurs (mandats non touchés), ni les retenues opérées sur le traitement des fonctionnaires des postes en vertu de la loi de 1853 sur les pensions, ni les sommes qui devraient représenter la valeur du service
rendu par le transport des correspondances officielles. Chacun sait que les administrations publiques usent et souvent abusent de la franchise télégraphique et postale. Pourquoi ne s'efforce-t-on pas de déterminer avec plus de précision la situation économique des P. T. T. ? C'est uniquement parce que recettes et dépenses vont se perdre dans l'immensité troublante du budget général.
L'Unité budgétaire arrive ainsi à développer autant de mystères que l'Unité tbéologique. Elle ne permet pas en tous cas de voir clair dans la gestion de l'Administration des Postes. Elle ne permet pas non plus d'exercer une action rapide et efficace lorsque se manifestent des besoins urgents lorsque s'offrent des
occasions favorables. L'orthodoxie, financière s'oppose en effet à ce que les receltes publiques soient l'objet d'une affectation déterminée. Sans doute, nous comprenons qu'on ne les affecte pas à des dépenses qui n'auraient avec elles aucun rapport, mais nous ne voyons pas pour quelles raisons on ne réunirait pas
dans un même document recettes et dépenses lorsque les premières sont directement provoquées par les secondes. Peut-on penser que l'abonné au téléphone se console de demeurer sourd devant son appareil muet en se disant que la situation financière générale, une alerte internationale, une mauvaise récolte, n'ont pas
permis de consacrer au service pour lequel il paie les sommes qu'il a versées?
En 1890 a disparu, à la suite de longs et courageux efforts, le dernier budget extraordinaire. Cette politique financière n'a pas besoin de se justifier lorsqu'il s'agit de services purement politiques, c'est-à-dire de la plupart des services publics. Il est salutaire de se refuser le droit d'emprunter et de s'astreindre à l'obligation d'acquitter toutes les dépenses sur les revenus annuels. L'avenir demeure ainsi libre d'engagement et la tentation disparaît de recourir à de faciles emprunts.
Appliquée aux P. T. T. cette méthode a entraîné les résultats les plus graves parce qu'elle est en opposition absolue avec les primordiales nécessités inhérentes à toute industrie. Une industrie se constitue avec un capital amorti chaque année grâce à des prélèvements effectués sur les bénéfices. Son succès l'amène-t-elle à se développer, elle recourt au crédit, emprunte les sommes nécessaires à l'extension rapide de ses établissements, et cet emprunt est gagé sur les revenus que doit assurer une exploitation agrandie. L'Etat ne procède pas ainsi : c'est au budget qu'il prend chaque année les ressources dont il a besoin pour les dépenses de nouvel établissement. De là, l'obligation pour lui d'échelonner et de retarder de la façon la plus fâcheuse et quelquefois la plus coûteuse l'exécution de travaux urgents qui auraient donné satisfaction au public et procuré au budget une large compensation des sacrifices consentis. On traîne, on attend les crédits, et ainsi les plans des travaux s'achèvent à l'heure même où le progrès de la technique condamne des conceptions dont la réalisation plus rapide aurait apporté une incontestabe amélioration. La dépense est égale, parfois supérieure, mais les profils restent médiocres et l'opinion publique devient sévère.
L'exemple des téléphones est à cet égard caractéristique :
De 1883 à 1890 les ressources budgétaires permirent de construire seulement 11 circuits interurbains. L'administration n'avait pas la faculté d'emprunter. Les chambres de commerce, les villes, les départements furent invités à consentir des avances remboursables sur le produit de l'exploitation des réseaux créés.
De 1890 à aujourd'hui, 103 millions mis à la disposition de l'Etat ont servi à l'établissement de réseaux départementaux, 73 millions ont été déjà remboursés. L'opération n'a pas été mauvaise, cependant elle a eu des effets singuliers. Les Conseils généraux ont multiplié les lignes d'intérêt local. Elles rejoignent entre elles des petites localités où les communications sont rares. Au contraire, les lignes qui seraient productrices, et par elles-mêmes, et par l'accroissement d'activité qu'elles assureraient aux réseaux secondaires, les lignes interdépartementales font trop souvent défaut : les prêteurs soucieux de l'intérêt général ne se sont pas présentés. Ainsi nous avons un appareil circulatoire où manquent les artères mais où surabondent les capillaires.
Jamais nous ne nous serions trouvés en face de celte situation paradoxale si l'administration centrale des P. T. T., seule capable de concevoir et de dresser un plan d'ensemble, avait eu la faculté d'émellre un emprunt gagé sur les revenus du réseau dont elle eût assuré la rapide et profitable exécution. Un tel régime condamne les P. T. T. à la crise sinon chronique, du moins périodique. Toutes les tentatives faites pour triompher de difficultés grandissantes ont ce résultat imprévu de nécessiter, quelques années après, un effort plus intense afin de remédier à une situation plus embarrassée. L'administration temporise, patiente le plus qu'elle peut, puis brusquement, à la suite d'une crise plus aiguë ou de réclamations plus bruyantes — ce qui n'est pas idenlique — elle demande au Parlement la création de nombreux emplois. Cet afflux imprévu d'agents inexpérimentés complique parfois une difficulté qu'il était destiné à résoudre.
L'administrationdes P. T. T., pour s'arracher à la médiocrité de cette exigence au jour le jour, a cherché dans l'élaboration de vastes programmes d'ensemble le moyen d'envisager et de diriger l'avenir. Programmes qui ne furent jamais brillants et cohérents que sur le papier !
Des tâtonnements, des retouches, des contradictions caractérisent la gestion des téléphones par l'Etat depuis 1890. Aveu particulièrement significatif : l'administration supérieure vient de s'adresser à la Chambre de commerce de Paris pour l'inviter à chercher les millions nécessaires à une réorganisation téléphonique indispensable. Les P. T. T. n'ont pas le droit d'emprunter. Il faut recourir à des intermédiaires. Comment s'étonner si ces derniers prélèvent une commission ?
Affranchir de toutes les entraves de la comptabilité publique le service des P. T. T., lui accorder la faculté d'emprunter, bref le considérer comme un établissement public, doué de la personnalité civile et distincte de l'Etat, telle paraîtrait être la solution idéale des difficultés que nous avons indiquées.
Une telle réforme offrirait de singuliers avantages : l'Etat se verrait allégé d'un service très spécial qu'il a mal géré jusqu'à ce jour parce qu'il était tenu de lui appliquer des règles générales qui ne convenaient pas à cet objet particulier. Il garderait néanmoins sa souveraineté tutélaire, présiderait à son organisation, en qualité de représentant des intérets nationaux, conserverait la majorité dans le nouveau conseil d'administration chargé de diriger les services. Une solidarité étroite relierail l'Etat à cette organisation autonome. En . cas de crise, celle-ci bénéficierait des subventions de celui-là; elle consentirait, d'autre part, un prélèvement sur ses bénéfices en faveur de l'Etat qui assure son libre et prospère développement...
Le service des P. T. T. une fois doté de la personnalité civile, érigé en service autonome, devra-t-on séparer d'une façon absolue son budget du budget de l'Etat ? Le service postal devra-t-il se suffire à lui-même, ne demandant rien, mais n'accordant rien au budget général ?
Non. Une redevance versée par la Poste au Trésor ne serait que la juste rémunération de la sécurité sociale dont elle bénéficie comme toute grande industrie. Elle sérail analogue à l'impôt payé par le propriétaire ou le commerçant et se justifie comme eux par cette idée qu'il y a une incontestable part d'activité collective dans tout bénéfice particulier. Par contre, l'industrie postale n'est pas une fin en soi. Elle sert à l'aménagement et à l'amélioration du milieu social. Dès lors l'Etat peut avoir intérêt à soutenir financièrement les Postes pour les aider à développer des besoins dont la satisfaction se traduira par une activité économique qui dédommagera le Trésor de sacrifices temporaires.
Malgré cette solidarité, les P. T. T ne doivent pas se tourner vers l'Etat aux heures difficiles. Celui-ci ne pourrait que leur accorder des crédits prélevés sur les ressources annuelles du budget. Or à des besoins exceptionnels doivent répondre des mesures extraordinaires.
La grande industrie moderne a ses lois ; elle exige l'engagement rapide de très grosses sommes que des profits rapides et considérables permettent d'amortir en quelques années. Les transformations doivent s'effectuer promptement. Si on laisse coexister et fonctionner côte à côte un outillage ancien et un outillage nouveau, les frais généraux s'accroissent, le service se complique se détraque et les sommes engagées ne donnent qu'un insignifiant revenu.
L'histoire des lois du programme votées par le Parlement pour les téléphones serait de ce point de vue tristement instructive.
La logique non moins que les nécessités de l'industrie moderne l'exigent : c'est à l'emprunt qu'il faut demander les crédits indispensables à la création ou à l'augmenlation du capital immobilier utilisé par l'exploitation postale.
Un budget de premier établissement comprendrait les constructions et les travaux productifs autorisés par le Parlement. Les intérêts et l'amortissement figureraient dans l'un des chapitres du budget d'exploitation, puisqu'ils doivent être prélevés sur les revenus annuels de l'industrie.
Pour donner à l'administration des Postes plus de souplesse féconde, il convient aussi de l'autoriser à se constituer sur ses bénéfices une réserve qui lui permettra de taire face et aux crises et aux augmentations subites du trafic.
Grâce à un fonds de roulement, elle ne sera plus dans l'impossibilité de profiter des bas cours pour constituer les approvisionnements.
Celte situation a été ces dernières années particulièrement onéreuse en ce qui concerne le fil de cuivre et la gutta.
Création d'un, budget annexe, constitution dans ce budget d'une section spéciale permettant de suivre l'emploi des crédits fournis par l'emprunt, établissement d'une réserve et d'un fonds de roulement, telles sont les réformes financières qui, à côté de la réorganisation administrative du service, assureront le développement de l'activité des P. T. T. C'est à ces conditions seulement que l'Etat pourra s'acquitter de la tâche qu'il a été amené à assumer.
T. STEEG,
Députe de la Seine

Novembre 1910 L'autonomie des P.T.T
Notre circulaire adressée aux Chambres de commerce et aux chambres syndicales, a obtenu un accueil des plus favorables. Il s'agissait, on s'en souvient, d'un voeu à émettre en faveur du projet de M. Sleeg instituant l'autonomie du service des P. T. T.
Ont adopté le voeu :
Les chambres syndicales (de Paris) des distillateurs en gros, des colles de peaux et pâtes, des lithographes, des médecins de la Seine, de la ganterie et des peaux pour gants (adhésion de principe), des mégissiers et tinturiers de peaux (adhésion de principe), des maîtres de lavoirs, des fabricants de billards, des loueurs de voilures de luxe et de grande remise, des fabricants de chapellerie pour dames, du papier et des industries qui le transforment, des transports, des colles et gélatines ; Les chambres de commerce deLyon,Orléans, Nîmes, Laval, Nantes,La Rôche-sur-Yon, Bourses (avec réserves), Fbix, Arras, Rouen (avec additions), Guérel, Caen, Moulins, BeKort, l'Association des abonnés au téléphone du Sud-Est.
La plupart des autres Chambres ont mis le voeu à l'élude en demandant des renseignements supplémentaires.
Dans notre prochain bulletin, nous publierons le très intéressant rapport de la Chambre de commerce de Lyon et les observations de la Chambre de commerce de Rouen. Comme on le voit, les approbations sont nombreuses, et il faut espérer que, devant l'opinion favorable du monde des affaires, le Parlement ne tardera pas à voter le projet de M. Steeg.

Décembre 1910 Un bureau téléphonique égaré
Un article de M. Charles Dumont.
Le 28 novembre dernier, sous le titre « Un bureau téléphonique égaré », M. Charles Dumont, l'éminent rapporteur général du budget, publiait un article dont nous extrayons les passages suivants :
Après enquêtes, études, devis réglementaires, le Parlement fut saisi d'un projet qui devint la loi du 4 juillet 1906.
La construction d'un bureau téléphonique dans le quartier de la gare Saint-Lazare y est prévue. Ce bureau sera d'abord doté d'un multiple de 10.000 abonnés et aménagé en moins de deux ans de telle manière qu'on y puisse, quelques années plus tard, quand les besoins du service l'exigeront, y installer un autre multiple de même capacité.
C'était en juillet 1906.
Nous sommes en décembre 1910. Où est le bureau ?
C'est une question à mettre au concours.
C'est un but à fixer aux rédacteurs du Matin que tourmente l'esprit d'aventure et que ne peuvent plus arrêter les barricades du Nord-Sud.
Où est le bureau du quartier de la gare Saint-Lazare ?
Ne cherchez pas plus longtemps. Il n'existe pas. Mais, du moins, le budget a-t-il fait une économie de 4.200.000 francs ? Dans ce cas,
tant pis pour les abonnés du téléphone, tant mieux pour les contribuables !
Vous n'y êtes pas encore...
Un bureau est construit qui a coûté 3 millions.
Ce n'est pas, il est vrai, dans le quartier de la gare Saint-Lazare...
Y a-t-on amené les abonnés du quartier de la gare Saint-Lazare, qu'il fallait en 1906, avant deux ans, recueillir dans un nouveau bureau ?
Ni ceux-là — ils auraient été par trop éloignés — ni d'autres ?
Le bureau de la rue des Archives est vide. .
Qu'est-ce qu'on va en faire ? Personne n'en est encore tout à fait certain. Ce sera l'objet d'une prochaine discussion à la Chambre.
L'histoire a l'air d'une mauvaise plaisanterie.
Pour le malheur des contribuables, elle n'est que trop vraie, à la lettre, chiffre par chiffre, date par date.
Un bureau téléphonique de 3 millions, destiné aux 20.000 abonnés du quartier de la gare Saint-Lazare, égaré rue clés Archives, n'est-ce pas un bel exemple d'incohérence administrative, d'irresponsabilité bureaucratique et de gaspillage légal des deniers publics ?
Le Maltn ayant promis une prime à qui découvrirait l'auteur de ce détournement de crédit, M. de Montebello lui a adressé la lettre suivante :
Paris, le 30 novembre.
Monsieur le rédacteur en chef,
Le Matin du 29 novembre a promis une prime de 5.000 francs « à qui découvrira l'auteur responsable de la perte du bureau téléphonique du quartier Saint-Lazare. »
L'Association des Abonnés au téléphone se croit en mesure de désigner le coupable ; et à ce titre elle vient vous prier de l'inscrire pour la prime promise, se réservant de dévoiler son nom dans les conditions que nous vous laissons le soin de fixer.
A moins que tenté par l'appât de la prime, il ne vienne se désigner lui-même !....
Marquis de MONTEBELLO.
Président de l'Association des abonnés au téléphone.


Les dossiers concernant celte affaire sont transmis par le Matin à la commission des.économies, que préside M. Joseph Reinach, et qui a reçu de la Chambre le mandat précis de rechercher tous les abus et de provoquer la suppression de toutes les dépenses inutiles.
Le dossier de l'Association des abonnés au téléphone est très complet et très; précis : il réservera au public plus d'une surprise.

L'autonomie des P.T.T.
Le rapport de la chambre de commerce de Lyon sur le projet de M. Steeg.
Noire, circulaire aux chambres de commerce et aux chambres syndicales, nous a valu des communications très intéressantes de ces importantes organisations. Nous donnons ci-dessous les passages principaux du rapport présente à la chambre de commerce de Lyon, par M. Auguste Teste, secrétaire membre.
Messieurs,
Le président de l'Association des abonnés au téléphone a adressé à notre chambre une communication concernant la proposition de loi déposée, le 23 juin 1910, par M. Steeg, député, ayant pour objet la réorganisation financière et administrative du service des postes, télégraphes et téléphones. Le but de celle proposition est dé donner l'autonomie au budget des postes de façon à faciliter l'exploitation plus industrielle du monopole d'Etal...
(Suit l'exposé du projet).
..... En principe, on ne peut qu'approuver l'idée de donnner une plus grande liberté de mouvement à un service comme celui des postes, télégraphes et téléphones. Mais la proposition de M. Steeg, tout en soulevant de graves questions, ne fait qu'un pas bien timide dans ce sens.
En effet, s'il demande l'autonomie pour le budget en question, que le fonds de roulement soit constitué, grâce aux excédents de recettes réalisés parle service (art. 5), il déclare dans l'exposé des motifs qu'il ne faut pas la séparation absolue, qu'il est nécessaire que l'Etat soutienne le service devenu autonome, en cas de crises, et bénéficie de ses excédents de recettes dans les jours prospères. Il y a là une certaine opposition dans les idées qui devra être éclaircie.
Toutefois l'exposé des motifs renferme des suggestions réellement intéressantes et qui pourraient sans tarder être mises en pratique tout en réservant la question de principe. Ainsi, la création d'un fonds de roulement, dont l'idée a été formulée par la commission constituée lors du sinistre de Gutenberg, et qui s'expose ainsi : « En allouant à l'administration un capital déterminé pour la constitution d'un fonds de roulement, on lui permettrait d'effectuer les achats dans les conditions les plus favorables, suivant les prévisions générales de ses programmes. Chaque chapitre ensuite, dans les limites des crédits ouverts au bubget, s'approvisionnerait des matières et les rembourserait au fonds de roulement. Ainsi les dépenses ne seraient plus considérées comme réalisées au moment des achats de matières qui ne sont, en définitive, qu'une transformation de valeurs, mais seulement au moment de l'emploi de ces matières qui correspond à la consommation effective des crédits. » Celte proposition mérite d'être retenue et peut très bien être réalisée.
D'autre part, M. Steeg propose la création d'un conseil d'administration, chargé de poser les principes généraux de la gestion ; ce conseil sera composé, d'une part, de techniciens et de financiers, et d'autre part, de représentants de la clientèle des postes et de représentants du personnel postal.
Ce conseil serait sous le contrôle du minisire des travaux publics, organe exécutif du service postal.
Le ministre aurait entrée au conseil avec voix consultative (art. 12), mais d'autre part, les projets de budget, les comptes annuels, les projets de travaux ou de fourniture, dont les dépenses doivent être imputées sur les ressources d'emprunt, seront soumis à l'approbation ministérielle (art. 15).
Là encore, l'honorable député n'a pas très bien fait connaître à qui appartiendraitle droit de décider en dernier ressort. L'utilité d'un conseil supérieur esl indéniable, mais à condition de lui donner des pouvoirs bien définis.
Il y a également une observation à présenter au sujet de la composition dudit conseil. M. Steeg propose 21 membres : 1 membre du Conseil d'Etat élu par ses collègues ; 7 fonctionnaires choisis par le ministre des postes ,Le gouverneur de la Banque de France et 4 membres désignés parle ministre des finan- |
ces, dont 3 pris en dehors du personnel des fonctionnaires ; 4 membres désignés par le ministre du commerce, dont 3 pris en dehors du personnel des fonctionnaires. 1 membre désigné par le ministre du travail, 3 représentants du personnel élus par lui.
Tout d'abord on voit qu'il n'y a que 4 membres élus ; ensuite que la représentation de la clientèle sera de 6 seulement et choisis par les ministres.
Ainsi composé, le conseil ne présentera pas les garanties que le public est en droit d'exiger.
Pourquoi la représentation de la clientèle ne comprendrait-elle pas des membres des chambres de commerce, des syndicats professionnels élus par les corps auxquels ils appartiennent ? Plus on introduira de compétences indépendantes au conseil d'administration, mieux on favorisera son travail utile...
Il n'y a pas lieu de se réfugier dans une discussion de principes. Il faut prendre les faits tels qu'ils sont. Une administration des postes, télégraphes et téléphones existe en France. Cette administration, gênée par les règles et les formalités, ne peut rendre les services qu'on en attend.
Que l'on simplifie et au besoin supprime ces formalités gênantes et qu'on conserve seulement celles destinées à éviter le gaspillage.
M. Steeg rappelle une proposition de M. Jules Roche, faite en 1905, consistant à créer pour les postes, télégraphes et téléphones un budget annexe et à autoriser les reports d'un exercice à l'autre des crédits non employés, relatifs aux dépenses du matériel. Celte proposition avait reçu un accueil favorable de l'administration qui estimait qu'elle serait de nature à faciliter et à favoriser Ie. développement normal des services des postes, télégraphes et téléphones. En ce qui concerne notamment le service téléphonique, les travaux pourraient mieux qu'aujourd'hui être réglés et proportionnés aux besoins.à satisfaire.
Il semblerait donc qu'en réalisant quelques unes de ces propositions : création d'un fonds de roulement, budget annexe avec faculté de reports de crédits, conseil d'administration judicieusement composé on pourrait donner de l'air à un service trop comprimé par les formalités.
Les questions multiples et complexes soulevées par l'autonomie complète entraîneraient des discussions interminables et risqueraient d'ajourner la solution.
C'est pourquoi, au lieu d'un voeu pur et simple en faveur de la proposition Sleeg, il paraît préférable d'émettre les voeux suivants :
1° Que les postes, télégraphes et téléphones aient, à partir de 1911, un budget spécial annexe rattaché au budget général et permettant de se rendre un compte exact des dépenses et recettes de l'exploitation ;
2° Que soient autorisés les reports, d'un exercice à l'autre, des crédits de matériel non épuisés ;
3° Qu'il soit constitué un conseil supérieur chargé de rechercher les besoins du public, d'en pressentir les desiderata, d'indiquer les réformes à réaliser ainsi que les voies, moyens et délais pour les effectuer ;
Que ce conseil supérieur soit composé d'une minorité de fonctionnaires et que le plus grand nombre des membres soient des représentants de la clientèle élus par les chambres de commerce ou consultatives, les syndicats professionnels.
Tels sont les observations et voeux que suggère l'examen de la proposition de loi de M. Steeg, au sujet de laquelle l'Association des abonnés au téléphone de Paris a fait une communication à notre chambre de commerce.
Ce rapport entendu, M. le président signale à la chambre l'importance de la question soulevée par la proposition de loi de M. Steeg, et par le rapport de M. Teste, touchant le principe de l'unité budgétaire de notre pays.
Si, dit-il, il s'agissait de toucher à ce principe, nous pourrions hésiter, mais le budget des postes et des télégraphes revêt un caractère très spécial ; il s'agit là d'un service public qui peut se concevoir administré par des compagnies privées, en dehors de toute pensée fiscale. La solution moyenne, suggérée par M. Steeg, respecte l'administration par l'Etat, mais organise un régime particulier avec une certaine autonomie budgétaire, en réservant une collaboration à la clientèle de ce service, c'est-à-dire au Commerce et à l'Industrie, qui représentent les plus gros intérêts.
Le fonctionnement du service des postes et des télégraphes, qui motive si souvent des doléances, ne pourrait assurément qu'en retirer des avantages.
M. Coignef, vice-président, estime que le conseil d'administration proposé par M. Steeg, pourrait présenter quelque analogie avec le conseil d'administration des chemins de fer de l'Elal, quoique l'assimilation ne soit pas complète, ces chemins de fer ayant une autonomie administrative et financière complète.
M. Chambeyron fait remarquer qu'une intervention des chambres de commerce serait d'autant plus justifiée que, très souvent, l'Etat s'adresse à elles pour obtenir leur concours financier, notamment en ce qui concernela créalion de nouvelles lignes téléphoniques.
Le rapport de M. Teste, mis aux voix, est volé à l'unanimité.
En conséquence,
La chambre de commerce de Lyon, Le transforme en délibération, et décide qu'il sera adressé à M. le Ministre du commerce et de l'industrie.
Elle en vote ensuite l'impression.

sommaire

Janvier 1912 LA RÉFORME TÉLÉPHONIQUE
M. Chaumet a exposé dernièrement à un de nos confrères son programme de la réforme téléphonique.
Le Sous-Secrétaire d'Etat espère arriver à la réorganisation du réseau de Paris et à l'adoplion de la conversation taxée avec seize millions de crédits. Peut-être est-il un peu optimiste dans ses prévisions.
Après avoir déclaré que le téléphone est son grand souci, M. Chaumet poursuit :
« Je voudrais pouvoir donner à Paris et au pays entier l'instrument idéal de ses affaires et de sa commodité. En juillet dernier, j'ai déjà obtenu 14 millions de crédits pour six bureaux en construction. Gutenberg sera évacué cette année, et le service interurbain installé à la rue des Archives. Je déposerai, d'ici à quelque temps, un nouveau projet de loi complétant le nouveau réseau téléphonique parisien ; il me permettra d'accueillir tous les nouveaux abonnés et d'inaugurer le régime de la « conversation taxée. » Ne croyez pas que je demanderai des sommes énormes ; je suis peut-être ambitieux, mais je ne voudrais pas dépasser le chiffre de trente millions en tout. Bemarqucz que presque la moitié m'a été accordée.
Pour les lignes de province, je rencontrais jusque-là un sérieux obstacle dans la forme de la collaboration financière des chambres de commerce. Désormais elles ne feront plus d' « avances », mais fourniront des « fonds de concours » : simple artifice de comptabilité qui facilitera la lâche de l'Etat.
Nos réseaux sont trop locaux ; il faut multiplier les circuits inler-départementaux et internationaux. Il est intolérable qu'on attende ici deux heures pour avoir une communication avec Bordeaux, ou trois heures avec Londres. Je n'admets pas que l'attente dépasse un quart d'heure dans tous les cas.
Le projet de loi que je soumettrai proposera une réorganisation d'ensemble. Quand j'ai besoin de 53 multiples pour installer en province, on m'en accorde 3 ! Eh bien, qu'on me laisse contracter un emprunt, au moyen d'obligations à court terme, par exemple, afin de couvrir les dépenses de premier établissement ; c'est le procédé naturel, commercial, et je puis vous dire que le ministre des finances n'y trouve pas d'inconvénient.
Vous voyez qu'il y a « du pain sur la planche » pour 1912, conclut l'actif M. Chaumet ; et je vous assure qu'il n'en manquerait point pour 1913 ; mais je ne formerai point de pensées téméraires car si l'avenir n'appartient à personne, il appartient encore moins aux sous-secrétaires d'Etat...

Un voeu du Conseil général de la Seine
On sait quelles justes plaintes soulève le fonctionnement défectueux du téléphone dans la banlieue parisienne.
Au Conseil général de la Seine, M. Molinié s'est fait l'écho des revendications des abonnés et à fait adopter le voeu suivant par le Conseil, après en avoir ainsi justifié la teneur :
M. Molinié. — Messieurs, vous savez combien les services téléphoniques de banlieue fonctionnent imparfaitement et soulèvent de protestations de la part des commerçants, des industriels,et en général de tous ceux qui sont obligés d'y avoir recours. On nous a répondu bien des fois que cette situation n'était pas plus mauvaise en banlieue qu'à Paris ou qu'en province et qu'elle participait simplement à un état général défectueux dans tout le pays. C'est bien possible; cependant il y a, à l'insuffisance des communications téléphoniques en banlieue, des causes locales facilement modifiables et qu'il est utile de signaler.
C'est d'abord l'insuffisance des circuits reliant chacune des villes de banlieue à Paris.
Il n'y a vraiment pas assez de lignes de départ et d'arrivée pour le nombre d'affaires qui sont traitées en banlieue et pour le nombre des communications qui y sont demandées. Je pourrais vous en citer de nombreux exemples.
Aussi n'est-il pas rare qu'aux heures d'affluence, c'est-à-dire le matin vers dix heures et dans l'après-midi de tous les jours, nous soyons obligés d'attendre une heure ou deux une simple communication avec Paris. C'est ensuite l'état défectueux des installations des fils sur les poteaux télégraphiques. En certains lieux, les fils sont détendus et ils se touchent par le grand vent ou par le frôlement des branches. Quand il arrive un accident qui amène la rupture de quelques fils, l'Administration centrale apporte vraiment trop de délais à donner des ordres pour leur réparation.
Toutes ces causes ont des effets déplorables sur nos circuits surchargés.
Enfin, une troisième raison qui nous a été signalée de l'imperfection des services téléphoniques en banlieue, c'est le changement incessant du personnel dans les bureaux téléphoniques des communes suburbaines. Il n'y a en grande partie dans nos bureaux qu'un personnel de passage et trop souvent composé avec des unités imcomplètemenl exercées. Nos postes de banlieue ne sont point des postes de début et nous souffrons de l'instabilité du personnel téléphonique comme nous souffrons par ailleurs de l'instabilité de beaucoup de nos fonctionnaires locaux.
Messieurs, je vous propose, au nom de plusieurs de nos collègues de banlieue, de vouloir bien émettre à ce sujet le voeu suivant comme protestation contre l'insuffisance de nos services téléphoniques:
« Le Conseil général,
« Emet le voeu :
« Que le nombre des circuits reliant les communes de la banlieue à Paris soit augmenté ;
« Que les fils soient retendus, souvent vérifiés et réparés avec célérité en cas de rupture ;
« Que le personnel des bureaux téléphoniques de banlieue jouisse d'une plus grande stabilité. »
Adopté.

Une proposition de M. Jousselin.
Le téléphone pénètre partout. Voici qu'on parle de l'installer dans les bois, pour la sécurité des promeneurs. Et naturellement — à tout seigneur tout honneur — on commence par le Bois de Boulogne.
Celte innovation originale vient d'être demandée par M. Jousselin, conseiller municipal, dans son rapport sur le Bois : il réclame la création, dans le Bois, d'un réseau téléphonique pour laquelle est prévue une dépense de 39.000 francs.
La surveillance du Bois de Boulogne est exercée par un nombre de gardes devenu notoirement insuffisant et qui, par une anomalie au moins étrange, est inférieur à celui d'il y a quarante ans. Ce service se trouve, en outre, à chaque instant, entravé par la difficulté des communications rapides entre les divers points des 872 hectares que comprend la promenade. Les rares gardes chargés de veiller à la conservation du Bois et à la sécurité des promeneurs se trouvent actuellement isolés et dans l'impossibilité d'en référer rapidement à leurs chets immédiats, en cas d'accidents ou d'incidents graves. Il n'existe pas de poste de police permettant au chef de service d'être tenu constamment au courant de ce qui se passe dans toute cette étendue et de faire renforcer, au besoin, la surveillance à certains moments de la journée et sur certains points.
En attendant que les disponibilités budgétaires permettent d'augmenter d'une façon importante l'effectif des gardes, il est indispensable, dès maintenant, de leur faciliter leur tâche et d'améliorer l'organisation de ce service de police, aussi nécessaire pour le public que pour la conservation du Bois lui-même.
Cette amélioration peut être obtenue facilement en créant une liaison rapide par téléphone entre les différentes parties de la promenade et en installant un poste central de gardes, servant de poste central téléphonique pour le réseau privé à établir, et relié en même temps au réseau de Paris.
C'est, du reste, ce qui existe depuis longtemps à la préfecture de police, où tous les postes de gardiens de la paix sont reliés entre eux et à la préfecture par une ligne télégraphique spéciale, comme les commissariats sont reliés léléphouiquement, sans passer par le réseau, à la direction de la police municipale.
Le projet présenté par l'administration comprend l'installation de trente-cinq appareils téléphoniques à placer soit dans les bâtiments (postes de secours, logements, bureaux), soit extérieurement, sur les murs des constructions existantes et, dans ce cas, protégés par une armoire en tôle de fer et fermant à ciel. Il
comporte, en outre, l'installation du poste central et du bureau du contrôleur de surveillance à proximité de la Conservation et au centre de la fréquentation et du mouvement.

Le budget des P. T. T. — L'opinion du rapporteur de la Chambre sur les réformes téléphoniques
Le budget des P. T. T. a été discuté et voté très rapidement à la Chambre en fin de session.
Mais il nous a valu un intéressant rapport de M. Dalimier, qui a traité avec toute l'ampleur qu'elle mérite la question téléphonique.
Le rapporteur s'est montré très sévère pour l'incapacité et l'imprévoyance de l'administration, comme on le verra dans les extraits qui vont suivre. On se rendra compte également que M. Dalimier est d'accord avec l'Association des abonnés au téléphone sur les principales réformes à effectuer. N. D. L. R.
L'incapacité de l'administration
C'est seulement aujourd'hui que l'Administration se décide à constater officiellement qu'il y a des imperfections dans son organisation.
Cet aveu tardif est l'indice d'une situation extrêmement tendue, car il n'est pas dans les habitudes des bureaux de reconnaître spontanément qu'ils ont pu commettre des erreurs. Il convient de ne pas les blâmer outre mesure d'avoir consenti cet aveu ; car il serait désirable qu'un courant de confiance s'établisse entre le Parlement et l'Administration : tout le monde y gagnerait.
Quoi qu'il en soit, il appert qu'on a fait unmauvais choix pour le diamètre des fils ; qu'on a établi, sur les anciens poteaux, sans modifier la longueur des portées, un nouveau système d'armement, très ingénieux, mais qui aurait normalement dû entraîner un remaniement préalable des lignes primitives.
L'Administration a fait preuve, ou d'une indifférence coupable, ou d'une incapacité absolue. Elle reconnaît, avec sérénité, qu'il faudra du temps et de l'argent pour atténuer les résultats de cette accumulation d'erreurs ; en attendant, la crise s'accentuera ; le service ira de mal en pis, et la carte à payer s'enflera de plus
en plus Il existe un comité technique chargé des études relatives aux détails de construction des lignes ; il serait intéressant de savoir si la situation lui a été signalée dès que les premières difficultés ont surgi et de connaître les avis qu'il a pu émettre. Nous n'avons pas eu le temps de nous renseigner à cet égard, mais nous signalons la situation pour que nos successeurs,ou la Chambre si elle le juge utile, dirigent leurs recherches de ce côté lorsque l'Administration la saisira des demandes de crédits dont elle nous menace.
La situation précaire du réseau général a une origine que l'Administration nous indique. Quels sont les auteurs responsables de cette situation ? Les progrès de la science électrique ne permellaient-ils pas de prévoir les difficultés que l'on constate maintenant ? Y a-t-il eu négligence personnelle d'un ou plusieurs chefs de service ? Ou bien n'est-ce pas encore là un résultat d'un vice d'organisation, une conséquence du principe de la division du travail et des responsabilités poussées à l'extrême, appliqué même aux bureaux de l'Administration centrale ? Avec une pareille organisation, il suffit d'écrire une correspondance de trois lignes au moment opportun pour mettre sa responsabilité à couvert. Mais les efforts ne sont. pas coordonnés, on n'aboutit à aucun résultat pratique, on perd beaucoup de temps et, finalement, on impose des charges supplémentaires aux contribuables déjà mécontents d'être mal servis à titre d'abonnés.
Aucun plan pour l'avenir Après avoir fait ressortir l'avantage de la conversation taxée, M. Dalimier a demandé à l'Administration quel était son plan pour l'application de cette'réforme. Voici la réponse :
« L'Administration a déjà envisagé l'application du régime de la conversation taxée dans les villes de plus de 80.000 habitants. La réalisation du projet exige au préalable des remaniements des locaux et des extensions importantes des réseaux et des installations actuellement en service, mesures que les crédits inscrits normalement au budget n'ont pas jusqu'ici permis d'effectuer.
« En ce qui concerne le nouveau tarif, qui serait appliqué dans les réseaux en question, l'Administration est d'avis d'adopter un taux d'abonnement en principal qui serait variable avec le nombre d'abonnés dans le réseau.
« C'est sur ses bases que seront établies les propositions qu'elle soumettra, le moment venu, à l'étude du minisire des finances. Les échelons du tarif pourraient être les suivants : de 1 à 500 abonnés, de 500 à 1.500, de 1.500 à 3.000, et au-dessus de 3.000 abonnés.
« Quant à la quotité de l'abonnement en principal dans chaque échelon, elle devra être déterminée avec la double préoccupation de faciliter l'accroissement de la clientèle, tout en assurant au Trésor des produits nets sensiblement équivalents à ceux qui résultent de l'application du régime forfaitaire actuel. »
Une fois de plus, l'Administration s'est tenue dans la réserve diplomatique que lui ont reprochée souvent les rapporteurs des budgets précédents. Sans doute, « l'application du régime de la conversation taxée à Paris exigerait des travaux de construction, de remaniement et d'installation. » C'est une chose d'autant plus connue que c'est le prétexte continuellement mis en avant pour expliquer l'inertie administrative. L'argument n'est pas sans valeur : et il permet surtout de faire retomber sur le Parlement la responsabilité de l'état de choses existant.
Mais, pour cette raison même, le Parlement aurait, semble-t-il, au lendemain du jour où il a consenti un crédit de plus de 11 millions pour l'amélioration du réseau de Paris, le droit de connaître les intentions de l'Administration afin de se rendre compte si les travaux qui vont être entrepris seront compatibles, dans quatre ou cinq ans, avec les besoins du service. L'Administration a-t-elle la notion de ce que doivent être les remaniements, les constructions nouvelles dont la réalisation est, parait-il, indispensable ? A-t-elle une conception très nette des méthodes qu'elle emploiera pour rattacher les abonnés à conversations taxées ? Les travaux dont elle a fourni le programme à l'appui du projet de loi 944 seront ils tous intégralement nécessaires dans la forme prévue, dans ce délai de quatre ou cinq années ? Ne demandera-l-on pas au Parlement de nouveaux crédits pour modifier les installations à peine mises en service ?
C'est une éventualité que la réponse ambigue faite à votre rapporteur permet de redouter. A moins, ce qui est possible, que l'Administration n'ait aucun plan, aucune idée des travaux à faire, aucune conception du nouveau réseau à réaliser, ce qui, étant donnée sa méthode de travail, ne laisserait pas espérer l'avènement du régime tant souhaité par la clientèle, existante ou éventuelle, du téléphone, avant de nombreuses années.

La réforme du tarif.
M. Dalimier préconise le système à paliers (ou système forfaitaire gradué) qui a toujours été réclamé par l'Association des abonnés au téléphone :
Le système d'abonnement forfaitaire avec maximum de conversations se prêle d'ailleurs à un certain nombre de combinaisons et, entre autres, à celle connue sous le nom de système à paliers.
Supposons qu'au-dessous d'un chiffre annuel de 4.000 communications, par exemple, on amène l'abonné de Paris sur un multiple d'un des grands bureaux centraux, et que, par conséquent,on lui retire le bénéfice de l'abonnement à conversations taxées, il serait arbitraire de lui imposer un abonnement correspondant à 8.000 communications, si son trafic ne doit pas atteindre ce chiffre. S'il est rationnel et équitable que l'abonné paye suivant l'usage qu'il fait du téléphone, il est non moins logique et juste qu'il n'acquitte pas «un taux d'abonnement en disproportion avec le nombre des communications qu'il échange.
Rien ne s'opposerait à ce que l'abonnement forfaitaire ne comporte une gradation, par exemple de 1.000 en 1.000, ou de 2.000 en 2.000 communications, avec un tarif proportionnel. Les « petits abonnés » auraient, avons-nous dit, la faculté de contracter sous le régime des conversations taxées. Mais, là encore, il y aurait, intérêt pour tous, administration et clientèle, à appliquer le système dit de la « conversation taxée, avec minimum de conversations » acquitté par avance. Il importe, pour la bonne marche du service téléphonique, que les opérations d'établissement d'une communication soient le plus simples possible. Toute opération de comptabilité, toute inscription, quelque réduite fût-elle, constitue une gêne, et par suite un retard, dont la répétition influe sur le rendement d'un bureau central pris dans son ensemble.
Or, si le régime de la conversation taxée a demultiples avantages, il entraîne fatalement avec lui cet inconvénient grave : la nécessité d'une comptabilité. Si toutes les conversations, sans exception, doivent être taxées une à une, la comptabilité est compliquée, le service moins rapide. Par suite, le rendement de chaque téléphoniste est moindre, il faut plus de personnel, l'exploitation est plus onéreuse, et, partant, l'abonnement doit être plus cher. Si, au contraire, le nombre moyen de communications que peut échanger normalement un « petit consommateur » du téléphone échappe à la taxation, cet inconvénient est évité et l'abonnement peut être fixé à un taux abordable, ce qui est, en définitive, le résultat cherché.
Par extension, cette organisation pourrait s'appliquer aux grandes villes de province, car il n'est pas indispensable de considérer comme une règle immuable, comme un principe intangible l'existence d'un seul bureau central par réseau.
Quel devrait être, dans ces conditions, le taux de l'abonnement ? Nous nous garderons bien d'indiquer un chiffre, car les éléments d'appréciation exacte nous font défaut. Il serait indispensable de dégager, en premier lieu, le montant des dépenses engagées, tant en matériel de postes qu'en construction de lignes, et de déterminer la valeur des immeubles ou fractions d'immeubles occupés par les locaux exclusivement affectés au téléphone Cette ventilation doit être faite sérieusement, et si nous n'avons pas voulu imposer à l'Administration un travail qu'elle aurait dû exécuter trop hâtivement pour q"ue les résultats en puissent êlre
acceptés sans contrôle, nous ne pouvons que l'inviter à l'établir le plus rapidement possible, ce qui doit être fait avec la plus grande sincérité, si l'on veut enfin aboutir à une réforme sérieuse et définitive.
L'adoption du régime de l'abonnement à conversations taxées dans les grandes villes aura pour conséquence d'amener l'Administration à une revision complète des détails de ses tarifs. C'est ce qui résulte de sa réponse même, puisqu'il entre dans ses intentions de créer des échelons de tarifs proportionnels au nombre des abonnés. Cette revision est désirable, car la complexité de ses tarifs décourage les abonnés et les agents. Plus de simplicité s'impose. Le service d'ailleurs ne peut qu'y gagner.

Automatique et semi-automatique
Nous avons demandé à l'Administration de nous renseigner sur ses intentions au sujet de l'ulilisalion éventuelle de tel ou tel système ; elle nous a fait connaître son avis en ces termes :
Le téléphone automatique a, désormais, fait ses preuves. L'opinion est cependant encore partagée sur les mérites respectifs des divers systèmes, ainsi que l'ont montré les discussions du dernier congrès technique.
L'Administration a l'intention de s'engager prudemment et progressivement dans la voie de l'automatique, en l'appliquant successivement dans divers réseaux de province.
Pour chaque installation, il serait, bien entendu, tenu compte des résultats acquis précédemment, de la façon dont le public français apprécierait ce nouveau mode de communication, et, enfin, des derniers progrès accomplis dans cette branche encore nouvelle de la téléphonie.
Les sacrifices de matériel encore utilisable devront toujours être aussi faibles que possible.
Il résulte de ce qui précède que, pour Paris, la question, ne peut pas encore se poser à l'heure actuelle.
Il faut attendre l'essai étendu et probant de l'automatique en France. Il est fort probable qu'à ce moment, l'automatique fonctionnera à l'étranger dans les réseaux d'une importance comparable à celle de Paris et qu'ainsi la transformation, s'il y a lieu, pourra s'accomplir avec un minimum de risques.
En 1912, l'Administration va installer l'aulomatique à Nice pour desservir l'ensemble du réseau de cette ville.
Les crédits dont elle pourra disposersur le budget ne permettront pas de pousser plus loin l'expérience, mais il sera très désirable que des ressources nouvelles soient accordées par le budget de 1912 et les suivants pour permettre de nouveaux essais tant dans les villes que dans les campagnes à rattacher par automatiques à ces dernières.
Le système semi-automatique auquel il n'est fait aucune allusion serait-il d'ores et déjà écarté par l'Administration ?
Des éludes récentes et qui paraissent sérieusement documentées tendraient cependant à lui attribuer, dans aucun cas, une réelle supériorité sur le système purement automatique.
Des études comparatives pourraient, semblet-il, être utilement tentées à ce point de vue, et nous nous plaisons à penser que l'Administration ne manquera pas d'y procéder.

Contre les incendies
La fréquence des incendies dans les bureaux téléphoniques appelle tout particulièrement l'attention sur une proposition formulée par M. l'inspecteur breveté Winterer en vue de l'utilisation, sous une pression convenable, de l'anhydride carbonique pour leur extinction. Un dispositif étudié par ce fonctionnaire et
l'utilisation d'un joint parfaitement étanche imaginé par un constructeur de Nancy doivent permettre d'entrer inmédiatement dans la période des essais.

Mai 1912 Postes Téléphoniques d'abonnés
Etude comparative des divers systèmes par M. MILON, ingénieur des Postes et Télégraphes.
On sait que l'un des principaux avantages des systèmes à batterie centrale est la suppression de tout organe générateur d'électricité au poste d'abonné. Le microphone en particulier peut être alimenté par le courant continu qui vient au bureau central par la ligne et qui passe durant toute la conversation. La façon la plus simple d'utiliser ce courant est de mettre simplement le récepteur et le transmetteur en série sur la ligne ; on revient ainsi, en quelque sorte, au premier système de téléphonie présenté par Bell, avant l'invention de la bobine d'induction, du moins en ce qui concerne la communication entre l'abonné et le bureau. Il est clair qu'en ce qui concerne la liaison entre deux lignes d'abonnés, les translateurs ou bobines d'impédance, installées au bureau central, remplacent la bobine d'induction, et obtient au principal inconvénient du montage primitif Bell, qui ne permettait pas les communications à longue distance.
Mais ce montage simple présente d'autres inconvénients ; tout d'abord le courant continu passant dans le récepteur risque de le désaimanter si son action est contraire à celle de l'aimant permanent, ou, au contraire, de le suraimanter et d'amener des collages de la membrane si son action est concordante. Ensuite ce récepteur a une résistance ohmique et une impédance qu'il est difficile de réduire beaucoup, et qui ont une action défavorable, la première sur le courant d'alimentation du microphone, la seconde sur le courant de conversation. Un grand, nombre de systèmes ont été mis en pratique pour obvier à ces divers inconvénients (et aussi pour échapper à des brevets existants). Ils peuvent se classer en 4 catégories :
1° Appareils sans bobine d'induction, à circuit unique ;
2° Appareils sans bobine d'induction, à circuits séparés ;
3° Appareils avec bobine d'induction servant uniquement à la réception ;
4° Appareils avec bobine d'induction servant à la fois à la transmission et à la réception.

Juillet 1912 Fourniture des appareils aux abonnés du téléphone
Au cours de la séance dernière du Comité qui a eu. lieu lundi 8 juillet, sous la présidence de M. Charles Dumont, une longue discussion s'est engagée sur les conditions dans lesquelles l'Administration pourrait adopler définitivement un Lype d'appareil téléphonique pour les abonnés des réseaux à batterie centrale intégrale.
M. DE MONTEBELLO a montré l'erreur commise par l'Administration qui aurait dû réaliser la batterie centrale intégrale lors de la transformation du réseau de Paris en batterie centrale d'appel et de fin de conversation. Le Président de l'Association des Abonnés regrette que l'Administration subordonne la réalisation de tout progrès à la mise au point d'appareils nouveaux, tandis qu'il existe à l'étranger des types d'appareils ayant fait leurs preuves et donnant toute satisfaction.
L'appareil primé au concours ouvert par l'Administration et dont les résultats seront connus prochainement devrait, avant son adoption définitive, être mis en service pendant un temps assez long pour que les essais théoriques fussent confirmés par les résultats pratiques.
D'ailleurs, l'Association des Abonnés ne voudrait pas que l'Etat devienne marchand d'appareils téléphoniques et s'achemine ainsi vers le monopole de la vente de ces appareils. L'Administration pourrait arrêter un type d'appareil répondant à certaines caractéristiques uniformes et laisser aux constructeurs le soin de vendre cet appareil aux abonnés.
M. FORSANS, rapporteur de la 3 Commission, partage la manière de voir de M. de Montebello.
M. BOUCHARD, directeur de l'Exploitation téléphonique, présente la justification de la méthode suivie par l'Administration et se rallie, en terminant, sous quelques réserves de détail, à la proposition de M. de Montebello, d'après laquelle l'Administration devrait renoncer à la vente d'appareils aux abonnés.
M. CHARLES DUMONT rappelle avec véhémence que cette question a été tranchée par la Chambre et par le Sénat. Il s'étonne que l'Administration abandonne, devant le Comité, le point de vue qu'elle avait défendu devant le Parlement et demande instamment qu'il soit sursis à toute décision pour permettre à M. Chaumet d'assister à celle discussion.
M. VARENNE appuie cette proposition.
M. MANDEIX combat la vente d'appareils par l'Etat, tandis que M. BOUCHARD bat prudemment en retraite sur les propositions que le Président vient de lui indiquer. Il est convaincu, d'ailleurs, que le fond du débat est renvoyé à une prochaine séance. On adopte alors les deux voeux suivants :
1° Que l'Administration demande des propositions aux constructeurs des quelques meilleurs types d'appareils pour la fourniture en vue d'un essai, à toutes fins utiles et indépendamment du type choisi, d'une cinquantaine d'appareils de ces meilleurs types ;
2° Que l'Administration autorise les constructeurs agréés par l'Etat à fabriquer pour les vendre aux abonnés, comme actuellement, les appareils conformes au type unique choisi, sous la réserve que les modèles qu'ils constitueront seront agréés par l'Administration.
Ce second voeu, dans la forme où il était présenté primitivement réservait aux seuls fournisseurs actuellement agréés par l'Administration, la faculté de vendre à l'avenir, des appareils. M. MONTRRAND ayant montré qu'une telle disposition créerait une sorte de privilège en faveur des fournisseurs actuels et limiterait la concurrence, le Comité s'est rallié au texte plus large qui précède.
Le premier janvier 1914 a été, ensuite, indiqué comme date probable de la mise en service du nouveau type d'appareils à batterie centrale intégrale

Le nouveau bureau de Gutemberg
Cet article complète les quelques renseignements déjà donnés dans un de nos précédents bulletins.
Les abonnés au téléphone dont les numéros sont compris dans la série 200 vont être informés que leur ligne est rattachée au multiple qui vient d'être installé dans le bureau central Gutenberg reconstruit. Quant a ceux des séries 400 et 300, ils resteront reliés pendant encore plusieurs mois au baraquement qui fut édifié après l'incendie. On sait, que cet incendie détruisit tous les meubles téléphoniques installés dans les trois derniers étages et que les dix-huit mille abonnés du Gutenberg furent privés de toute communication téléphonique. L'interurbain, qui se trouvait au premier étage, bien qu'il eût été épargné par les flammes, était hors de service. En outre, près de deux cents lignes télégraphiques, qui passaient par le Gutenberg, avaient été détruites par l'incendie. Les communications électriques de Paris avec la province et l'étranger élaient ainsi à peu près complètement supprimées,
MM. Barthou, ministre des travaux publics, et Simyan, sous-secrétaire d'Etat des postes et des télégraphes, réunirent les directeurs et les chefs de service. De nombreux projets furent exposés ; mais il fallait parer au plus vite à la situation. Les lignes télégraphiques furent promptement remises en état. Quant aux abonnés du Gutenberg, ils se trouvèrent, après quelques jours d'attente, reliés au bureau central téléphonique le plus voisin de leur quartier, en attendant la mise en service du bureau provisoire que l'on aménageait rue Gutenberg, en l'adossant d'un côté à l'hôtel des postes, et de l'autre au mur du bureau incendié. Cependant, sur l'avis des architectes des postes, qui avaient constaté que les sous-sols et le rez-de-chaussée étaient restés à peu près intacts, on décida de reconstruire le Gutenberg en conservant les anciennes fondations. Les travaux devaient être achevés en quelques mois : ils durent depuis bientôt quatre ans.
La reconstruction de l'édifice est, il est vrai, terminée et le multiple des 200 va, ainsi que nous l'avons dit, être mis en service très prochainement ; mais il reste encore à installer les multiples des 400 et des 300 et à effectuer divers aménagements techniques, qui demanderont bien encore dix ou douze mois de travaux. Après avoir consolidé les principaux points d'appui dans les sous-sols et le rez-de-chaussée et réparé les murs du 1er étage, on a réédifié les 2e, 3e et 4e étages, en les élargissant de un mètre en encorbellement sur la rue Gutenberg. Le bâtiment est construit en béton armé et charpenté de fer ; la façade extérieure est recouverte de briques de faïence.
Le sous-sol est réservé à l'entrée et au classement des câbles, au dépôt de matériel et à la remise pour les voilures des équipes. La chaufferie est installée du côté de la rue Jean-Jacques Rousseau. Au rez-de-chaussée sont maintenus les vestiaires, la cantine, la salle de repos et les divers services accessoires. Une salle d'extension pour les multiples sera aménagée au 4er étage, à côlé des bureaux administratifs. Les multiples des séries 100 et 300 seront installés dans la salle du 2em étage, qui mesure 63 mètres de longueur sur 44 de largeur. La salle du 3e étage est réservée aux répartiteurs, aux accumulateurs, aux machines et à l'atelier de réparation. Enfin le multiple de la série 200 a été installé dans la salle du 4c étage. L'appartement du chef de bureau et les bureaux seront aménagés aux quatre
étages de l'aile Jean-Jacques Rousseau. Les lignes des abonnés, après avoir été groupées dans les chambres de raccordement qu'elles rencontrent sur leur parcours, arrivent dans les sous-sols du bureau par des câbles sous plomb isolés à la soie et au colon et contenant chacun 448 paires de fils. La montée des câbles du sous-sol à la salle des répartiteurs se fait par une cheminée herméliquement close, avec cloisonnement horizontal à la hauteur de chaque étage. Les câbles sont ouverts sur le répartiteur ; les fils s'épanouissent le long de l'énorme appareil, courent le long des réglettes et sont ensuite dirigés vers les multiples du 2e ou du 4e étage, et chaque ligne d'abonné vient aboutir à sa place dans le tableau où elle est groupée.
Dans la salle d'extension réservée au 4em étage seront placés des groupes de départ sans multipliage, sur lesquels sera essayé le système de la répétition du signal d'appel.
Les. précautions les plus minutieuses ont été prises afin d'éviter le retour d'un désastre pareil à celui de 1908. Tous les câbles ont été soigneusement ignifugés. Chaque ligne d'abonné est munie d'un fusible très sensible,'avec un dispositif spécial. Des interrupteurs ont été placés de distance en distance, grâce auxquels
le courant sera coupé à la moindre alerte. Des extincteurs sont accrochés le long des murs et sur tous les meubles téléphoniques.
On a en outre aménagé à chaque étage deux postes puissants contre l'incendie.

Octobre 1912 La question des appareils téléphoniques aux postes des abonnés a été soulevée.depuis bien longtemps; elle est des plus importantes; elle
intéresse à la fois le public, l'Administration et les constructeurs; de sa solution dépend en grande partie la bonne marche des téléphones.
Il importe que.ces appareils soient autant que possible d'un type uniforme au moins pour les parties essentielles, qu'ils soient égalementde très bonne qualité, sinon les communications seront défectueuses, non seulement au préjudice du propriétaire de l'appareil imparfait, mais au préjudice encore de tous ses correspondants; de telle sorte qu'il suffit qu'une partie seulement des appareils fonctionne mal pourque le servicetout entier laisse à désirer.
II faut en outre que ces appareils puissent être économiquement entretenus et facilement réparés, sous peine dégrever l'exploitation de très gros frais.
Enfin il est nécessaire que soit déterminé par qui ces appareils devront être fabriqués et suivant quel type, par qui ils doivent être fournis aux abonnés et à quelles conditions.
D'abord l'Anarchie. Au début de son exploitation, l'Administration des téléphones s'est malheureusement désintéressée des transmetteurs des abonnés,ce fut le régime de l'extrême liberté ou plutôt de l'anarchie dont nous souffrons encore aujourd'hui. Tous les constructeurs fabriquaient et vendaient des appareils; plus de 150 types furent agréés, les abonnés n'eurent que l'embarras du choix. Entre tous ces appareils il y avait, il est vrai, un point commun : ils étaient tous alimentés électriquement par les encombrantes, défectueuses et coûteuses piles locales.
Aussi, lorsqu'en 1905 l'Administration décida enfin à adopter pour le réseau de Paris la batterie centrale que l'Association des abonnés réclamait depuis sa fondation, et qui fonctionnait depuis 10 ans déjà aux Etats-Unis, on crut que, se conformantà la pratique générale et au bon sens, elle allait appliquer cette batterie centrale à tout le système, centraliser les sources électriques, supprimer les piles locales et réglementer enfin les appareils transmetteurs des abonnés.
Une Batterie Centrale décentralisée
Or, il n'en fut rien. Rougissant de copier servilement les Américains, nos ingénieurs inventèrent une monstruosité scientifique: la batterie centrale décentralisée. On limita la batterie centrale à l'appel et à la fin de conversation et on continua à se désintéresser des transmetteurs des abonnés.
L'Association des Abonnés protesta vivement et commença une campagne qu'elle poursuit encore aujourd'hui pour obtenir la batterie centrale intégrale, la suppression radicale des piles locales et l'unification des transmetteurs des abonnés. A cette époque, les circonstances étaient favorables pour une réforme qui apparaît maintenant particulièrement délicate. En effet, en prenant une décision dès l'année 1905, l'Administration pouvait mettre à profit le délai de deux ou trois ans nécessaire pour la transformation des multiples à batterie centrale; elle pouvait procéder sûrement à toutes les études, à toutes les expériences préalables et préparersans à-coups le nouveau régime.
Un Retard de plusieurs années
Au pis aller, l'Administration pouvait agréer des appareils transmetteurs à batterie centrale que les constructeurs auraient proposés aux nouveaux abonnés
Si cette mesure avait é.té adoptée, plus de 10.000 postes d'abonnés du réseau de Paris seraient aujourd'hui équipés en batterie centrale. Mais une mesure radicale eûit été bien préférable: du moment que la batterie centrale était appliquée à tout le .réseau de Paris, l'Administration devait, à ses frais, doter tous les abonnés de transiuetteurs à batterie centrale. Il en eût coûté 4 à 5 millions ; mais cette dépense eût été rapidement compensée par les économies annuelles réalisées par la suppression des piles primaires. Malheureusement l'Administrationa préféré maintenir le statu quo, retardant ainsi délibérément de plusieurs années la solution nécessaire. En sorte que les abonnés ont pu continuer à acheter des appareils quelquefois préhistoriques et détestables parmi les.iâo anciens types agrées par l'Etat, mais qu'il leur était absolument interdit de se munir d'un appareil moderne à batterie centrale, par exemple du type employé à plusieurs millions d'exemplaires sur les réseaux américains...Pourquoi ?
C'est que l'Administration ne voulait pas admettre sur ses réseaux un appareil transmetteur qui ne fût pas sorti tout équipé du cerveau d'un de ses ingénieurs ou d'un de ses employés. C'est que l'Administration voulait mettre au monde un appareil absolument nonveau et qu'il fallût plusieurs années pour mettre au point ce chef-d'oeuvre qui-aurait fait l'objet d'un nouveau monopole : le monopole de l'invention, de la fabrication et de la vente des appareils téléphoniques.
L'Association réclame un Concours. On conçoit que, dès que ces intentions percèrent, l'Association des Abonnés ne manqua pas de protester vivement; une campagne de presse produisit un effet salutaire et l'Administration, renonçant à imposer son appareil, se résigna à instituer un concours qui fit l'objet de l'arrêté du 30 septembre 1911, Or, les conditions du concours institué par cet arrêté ont donné lieu à de vives critiques. En effet, ce décret n'a prévu qu'un examen technique des appareils sans aucune épreuve pratique, et nous savons tous qu'il arrive souvent qu'après avoir longtemps étudié une machine ou un appareil, l'expérience en service effectif nous révèle des défauts qu'on n'avait pas soupçonnés.
Un simple examen technique n'est pas suffisant pour permettre de préférer à des appareils qui ont fait leurs preuves depuis longtemps un appareil nouveau dont le principe même est très discuté. L'arrêté du 30 septembre exprime en effet ses préférences (art. 8) pour un type d'appareil qui n'a jamais subi encore les épreuves de l'expérience.
Comment se fera l'Échange des Appareils. Notons d'ailleurs que l'arrêté du 30 septembre ne donne pas la solution de la question des transmetteurs d'abonnés. Un type d'appareil sera choisi, mais cet appareil, seuls les nouveaux abonnés, à partir d'une date à fixer, en seront les heureux propriétaires. Les anciens abonnés, c'est-à-dire l'énorme majorité, conserveront les anciens appareils et les piles primaires. Cent mille appareils à piles primaires vont continuer à déranger de plus en plus les services, tout en coûtant toujours fort cher à l'Administration.
D'autre part, l'arrêté du 30 septembre faisait de l'Administration un fournisseur officiel d'appareils, concurremment, il est vrai, avec les autres constructeurs, mais avec un avantage considérable. Or, nous estimons qu'il convient de restreindre et non d'étendre le rôle industriel de l'Etat.
C'est dans ces conditions que nous avons demandé à l'Administration, non pas d'annuler le concours, mais d'en limiter les effets au minimum ceci à titre transactionnel. Que l'Administration, comme cela est prévu au cahier des charges, commande 6.000 appareils au constructeur primé.
Mais que, d'autre part, pour le choix du type définitif, il soit procédé à des expériences pratiques et prolongées sur un certain nombre des meilleurs appareils soumis au concours.
Que l'appareil type ne soit ni fabriqué, ni vendu pour le compte de l'Administration, mais soit fabriqué et vendu par les divers constructeurs.
Nous avons pensé ainsi sauvegarder à la fois les intérêts de l'Etat et ceux du public.

Le programme de M. Chaumet
Nous sommes heureux de constater que la présence de M. Chaumet à l'administration des P. T. T. semble faire présager l'aboutissement d'une série de réformes incessamment demandées par notre association et dont le public sentira bientôt les heureux effets. A ce titre M. Chaumet mériterait d'être le ministre de ce sous-secrétariat. Il a déclaré lui-même à la tribune de la Chambre « son intention de travailler à améliorer le sort du personnel et avec l'aide et la collaboration du personnel de réaliser les améliorations qu'attend le public ».
Depuis ces déclarations, en effet, M. Chaumet a augmenté le traitement des sous-agents et fait aboutir le rappel d'ancienneté des anciens auxiliaires. Une commission parlementaire, chargée d'élaborer un programme d'amélioration des traitements, a obtenu le vote d'un projet de loi portant ouverture d'un crédit de 30 millions pour relever en cinq exercices les traitements de tout le personnel.
Pour ce qui est du public, M. Chaumet s'est donné tout entier à travailler aux réformes conçues dans l'intérêt de celui-ci. A cet effet, et sur les demandes incessantes de l'Association des Abonnés au Téléphone, un comité consultatif a été créé. Il comprend, avec les représentants du personnel, ceux des compagnies de chemins de fer, des compagnies maritimes, des chambres de commerce, de la presse et de tous les groupes d'intérêts collectifs.
Grâce à cette collaboration constante du public et de l'administration des postes, les relations postales entre Paris et Londres ont pu être améliorées; une réforme des tarifs télégraphiques a été entreprise ; le chèque postal est à la veille d'être créé ; enfin le régime de la poste restante a été heureusement modifié.
Abordons maintenant la question du téléphone qui nous intéresse plus spécialement.
Nous nous bornerons à indiquer deux chiffres qui, par la comparaison, prouveront l'amélioration obtenue par un sérieux entretien des lignes :
Alors que l'année dernière il y avait eu 509 interruptions de plus dé 8 heures, il n'y en a eu cette année que 157. C'est encore trop assurément, mais il sera remédié à ces inconvénients avec le plus grand soin. De nouveaux circuits seront créés sans retard afin d'atteindre cet idéal qui est de ne pas faire attendre plus d'un quart d'heure la communication avec n'importe quelle ville de France ou de Quand le nombre de ces circuits sera suffisant, on s'efforcera de réaliser le système des abonnements à heure fixe, afin d'orienter les services dans la voie du progrès scientifique.
La téléphonie automatiquevient d'être installée à Nice et à Orléans où elle est à la veille de fonctionner; un service semi-automatique sera prochainement en usage à Marseille et Angers à titre d'essai.
Avant la fin de décembre les baraquements de Gutenberg seront évacués et il y aura là une installation modèle ; l'interurbain des Archives sera également ouvert avant la fin de l'année. Dès janvier on inaugurera un nouveau bureau, rue Marcadet; il y en a deux en construction rue La Boétie et à Auteuil, on va en emménager un sur l'emplacement de l'ancien Conservatoire.
La création d'abonnements à prix réduits est envisagée. Il faut bien qu'on sache que les tarifs sont considérablement plus faibles en France qu'à l'étranger. Le public, qui est quelquefois porté à se montrer un peu trop exigeant, ne devrait pas l'oublier.
L'administration des postes s'efforcera enfin de commercialiser les services en se mettant à la disposition des abonnés, en les dispensant de toute formalité vexatoire,en envoyant toucher chez eux le prix de leur abonnement au lieu de les obliger à venir verser aux guichets. Des postes téléphoniques seront créés
aux stations de voitures.
Enfin, le principal objectif sera de répondre aux besoins du public; dans ce but les améliorations signalées seront toujours mises â l'étude.
Tel est, en résumé, le plan de M. Chaumet. La première partie a été accomplie; la deuxième n'est qu'un programme, nous souhaitons qu'elle devienne bientôt une réalité, mais nous attendons qu'elle soit mise en oeuvre et nous faisons jusque là nos réserves avant de pouvoir appeler réellement M. Chaumet notre premier ministre des postes et télégraphes.

Décembre 1912
L'Administration des Postes, Télégraphes et Téléphones paraît enfin être entrée dans les voies nouvelles du progrès téléphonique puis qu'elle vient de décider de faire, dans quelques grandes villes de France, l'essai des appareils automatiques, et semi-automatiques. Ces essais porteraient, pour le semi-automatique, sur le système Rotary Mac Berty à installer à Marseille et à Angers, et, pour l'automatique pur, sur le système Strowger à installer à Nice et à Orléans.
Le système Mac Berty a' été sanctionné par deux années de pratique intense dans un bureau central à trafic très élevé de New-York,
placé dans des conditions relativement compliquées et relié aux autres bureaux de la ville. Ce système a été étudié par tous les grands pays d'Europe, et partout on l'a trouvé supérieur à ce qui existait jusqu'à ce jour. Il vient d'être adopté pour les deux bureaux centraux téléphoniques de Zurich.
Dès l'origine de la téléphonie, on chercha a remplacer les opératrices manipulantes par des machines faisant le même service, mais l'obstacle à leur adoption fut l'impossibilité de produire un système mécanique qui, tout en étant capable de satisfaire à toutes les exigences du public, serait néanmoins d'un prix d'établissement raisonnable. Le système automatique est identique au système à.batterie centrale, sauf que-certaines machines y font le travail des opératrices. Ce
travail est de deux sortes :
1 ° Prise de contact avec la ligne appelante, ce qui correspond, dans le système actuel, à renfoncement.de la fiche de: réponse dans le jack individuel de l'abonné appelant;
2° Prise de contact avec la ligne demandée, ce qui correspond, dans le système actuel, à l'enfoncementde la fiche d'appel dans le jack multiple.de l'abonné demandé..
La réalisation mécanique de ces connexions est assez compliquée parce que les appels sont très nombreux, et, de plus, il est nécessaire que les lignes de jonction soient rendues libres aussi rapidement que possible; il faut également que le mécanisme permette de choisir parmi ces lignes de jonction celles qui se trouvent disponibles. La liaison entre une ligne appelante est une ligne appelée-est établie en reliant bout à bout une série de lignes auxiliaires d'intercommunication. Les différentes machines constituant ce système sont : un chercheur de ligne dont la fonction est de relier une ligne appelante avec un circuit commun; un sélecteur dont le rôle est de choisir une certaine ligne parmi les lignes qui sont inoccupées,et un combineur faisant les fonctions de relais. Ce système est construit de telle façon qu'il peutêtreactionné soit par une opératrice placée au bureau central et recevantl'appel à la manière habituelle, soit par l'abonné lui-même qui, dans ce cas, se sert d'un appareil envoyeur d'appels placé dans son poste . L'emploi de cet envoyeur constitue ainsi la différence essentielle entre l'automatique et le semi-automatique. Dans le téléphone automatique, l'abonné se donne lui-même la communication avec son correspondant sans le secours d'aucune opératrice; dans
le semi-automatique,l'abonné n'a pas à changer ses habitudes: il procède comme dans le système normal à batterie centrale,c'est-à-dire qu'il décroche son récepteur et demande à une opératrice le numéro de son correspondant. Devant l'opératrice se trouve une série de clefs numérotées. L'opératrice abaisse ces
clefs pour inscrire le numéro d'appel donné par l'abonné appelant. L'abaissement de ces clefs actionne un enregistreur qui absorbe les nombres correspondants et, aussitôt après, les clefs redeviennent libres pour permettre à l'opératrice de procéder aux autres appels.. Dans le semi-automatique,en plus des clefs de l'enregistreur, chaque opératrice a également devant elle trente circuits de mise en communication comprenant chacun une clef à levier et servant, au besoin à écouter sur le circuit correspondant et une clef à bouton servant à rompre la communication et en même temps à compter la conversation ou à encaisser le prix de la communication dans les postes à paiement préalable. La surveillance de ces trente circuits de mise en communication s'exerce grâce à quatre lampes : la
lampe supérieure s'allume lorsque l'abonné fait son appel en décrochant le récepteur; les deux lampes placées immédiatement au dessous sont les lampes de supervision ordinaires de la batterie centrale; la quatrième est une lampe d'appel rouge qui reste allumée tant que dure l'appel de l'abonné demandé.
Cet appel se fait automatiquement. La table d'opératrice ne contient aucun mécanisme. L'équipement mécanique qui y est associé est réuni avec le reste de l'installation . Lorsque l'abonné appelant décroche son récepteur, une lampe d'appel s'allume automatiquement devant l'opératrice, et, si cette opératrice est libre, l'abonné appelant se trouve immédiatement relié au poste de cette opératrice, qui peut ainsi recevoir instantanément son appel. Si plusieurs abonnés appelaient simultanément, alors la mise en communication automatique avec le poste de l'opératrice ne se ferait que dans l'ordre d'arrivée des appels, au fur et à mesure que'l'opératrice redevient libre, après les quelques secondes nécessitées pour là mise en communication de chacun des appels. Au besoin, les deux opératrices voisines peuvent venir en aide et écouter ainsi sans délai ces appels simultanés. Le principal avantage du système Mac-Berty est que celui-ci peut se transformer à volonté de semi-automatique en automatique pur, par la simple installation chez l'abonné de l'envoyeur d'appels.
C'est dans ces conditions que vont être réalisées les deux grandes installations d'Angers et de Marseille. A Angers, les.tableaux étaient insuffisants et usés et il aurait fallu leschanger en 1913. Ils vont être remplacés par un appareil semi-automatique comprenant: 1.400 lignes et qui pourra en recevoir jusqu'à 3000.
Le réseau d'Angers sera mis en service en juillet 1913. A Marseille, il existe un premier multiple qui sera remplacé,au 1? janvier 1914, par un semi-automatique équipé pour 7.500 lignes et dont l'extension pourra être portée à 20.000. Si lès résultats sont satisfaisants, et il n'y a pas de raisons pour que cet appareil qui
a déjà fait ses preuves ne donne pas entière satisfaction, il. serait à souhaiter qu'à Paris tous les nouveaux bureauxsoient équipés avec ce nouvel outillage; ce sera une véritable révolution dans le service téléphonique, révolution. qui consistera en un service plus rapide des abonnés et une économie des trois quarts du personnel. On estime qu'à Paris on économi serait 60 francs par an et par abonné. Si le nombre de 100.000 abonnés était atteint (ce qu'il faut espérer d'ici peu de temps), ce serait une économie totale de 6 millions.
F. BARRAND

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Mars 1913 Quand aurons-nous la batterie centrale ?
II y a bien près de dix ans que l'Association réclame l'installation de la batterie centrale intégrale, c'est-à-dire que la source centrale d'énergie électrique qui sert actuellement aux signaux d'appel et de fin de conversation serve aussi pour la durée de la conversation; cette transformation aurait pour résultat, entre autres, de supprimer la pose et l'entretien de piles chez les abonnés. Or, celles-ci coûtent annuellement un bon petit quart de million, ainsi que le démontre le tableau ci-dessous.

On voit que depuis cette époque (et jusqu'à quand cela durera-t-il encore ?) l'Administration aurait pu économiser trois millions, et si ses caisses sont trop pleines pour le recevoir, elle aurait pu, en installant la batterie centrale intégrale, fournir gratuitement à ses abonnés de Paris des appareils à batterie centrale .

Octobre 1913 Le distributeur automatique de trafic
Les récents scandales téléphoniques ainsi que la multiplicité toujours croissante des plaintes au sujet de la rapidité du service remettent en actualité une question que nous avons soulevée il y a quelque temps et sur laquelle nous voulons revenir.
Si l'Etat veut accaparer une exploitation industrielle, il doit rompre avec des systèmes qui sont excellents dans d'autres services mais qui sont désastreux dans celui-là. Il doit adopter les méthodes industrielles.
Supposez qu'un fabricant attribue à chacun de ses ouvriers dix de ses clients et le charge d'exécuter les commandes de ces dix clients exclusivement. Il arrivera vite que les uns seront surchargés d'ouvrage pendant que les autres se croiseront les bras. Cependant le patron paiera aussi bien celui qui n'aura rien à faire que celui qui n'arrivera pas au bout de la tâche. On voit où cela mènerait.
C'est exactement la même chose qui se produit dans l'exploitation téléphonique. Le système d'attribuer cent abonnés à chacun des téléphonistes est suranné et ridicule, il n'est plus approprié à la téléphonie moderne, surtout qu'un moyen existe de répartir les demandes de conversation uniformément sur toutes
les opératrices présentes. Le plus grand obstacle qui s'oppose à la rapidité des opérations'téléphoniques est la difficulté de répartir le travail proportionnellement sur toutes les opératrices. Les écarts considérables dans le nombre et la position des appels augmentent le travail de certaines opératrices alors que d'autres sont pratiquement inoccupées. Cet état de choses nuit à la rapidité du service et en même temps coûte à l'Administration. Le problème de distribuer les appels successivement à chaque téléphoniste n'est point de la théorie, il est de la plus grande importance et il a été résolu.
L'idéal au point de vue du service serait certainement l'élimination de l'opératrice, les appareils en service dans les conditions les plus variées ont démontré de façon évident qu'un appareillage entièrement automatique, était le seul qui donnait le maximum de service pour le minimum de dépenses, mais il est certain que les installations actuelles bien qu'étant reconnues onéreuses ne permettentpas d'installer immédiatementun service automatique complet. -Toutefois il y a entre le manuel et l'automatique une série d'améliorations qui acheminent de l'un vers l'autre et ces améliorations peuvent être réalisées progressivementsans frais énormes. L'une d'elles est sans contredit le distributeur automatique de trafic. Dans le service automatiquesa fonction est de réunir l'appareil.de l'abonné avec un sélecteur qui complète le circuit, lorsqu'il est utilisé dans le service manuel sa fonction est de donner l'abonné appelant à la première opératrice libre qui, elle, complète la communication demandée.
Dans le téléphone automatique la distribution du trafic est plus nécessaire encore que dans le service manuel. Jusqu'à ce que ce problème soit résolu l'opération mécanique était absolument impossible, il était donc nécessaire que ceux qui s'attachaient à perfectionner des appareils automatiques cherchassent un moyen d'obvier à cet inconvénient. Ce moyen existe depuis 1911 en Angleterre.
Retrouver de plus amples explications techniques dans la page des premiers centraux.

Lorsqu'un abonné décroche son récepteur, les opérations suivantes se succèdent rapidement : son commutateur primaire de ligne établit la connexion avec une ligne inoccupée : le commutateur secondaire relié à cette ligne établit à son tour la connexion avec une ligne secondaire inoccupée ; une lampe s'allume devant l'opérateur qui appuie sur sa clef d'écoute, reçoit le numéro demandé, fait le test, enfonce sa fiche dans le jack général et sonne. 2 lampes de supervision fonctionnent comme dans les appareils manuels ordinaires. Le raccrochement des récepteurs donne le signal de fin.
Cette disposition assure la répartition égale des appels entre tous les opérateurs. Durant les heures de calme, tous les appels peuvent être servis par les quelques opérateurs qui restent de service. Pendant la nuit, un seul opérateur peut desservir tout le tableau sur un même groupe. Le nombre de lignes à amener à chaque tableau peut varier suivant l'habileté des opérateurs ou, si on le désire, représenter exactement la même intensité de travail.

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Juin 1914 C'est l"avant dernier numéro du bulletin de l'association.
1913-1914 Les articles sur le téléphone sont de plus en plus consacrés au téléphone automatique.

A propos de l'unification des postes téléphoniques
Nous recevons de la maison Ericsson l'a lettre suivante :
MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Sous le titre " Le Comité Consultatif, sa naissance, sa courte vie, sa mort" et la rubrique "Unification des appareils des abonnés" le Bulletin de mars de l'Association Nationale des Abonnés au Téléphone contient les phrases suivantes: "Pour supprimer l'emploi de la pile locale, il était nécessaire d'adopter un appareil comportant un microphone pouvant être actionné par la batterie cetrale L'Administration se décida à instituer un concours. La prime de ce concours devait être une commandede six mille appareils. Le poste qui fut choisi fut le poste Ericsson, mais le poste Ericsson transformé selon le goût de l'Administration. A l'usage on s'aperçut que ce poste ne pouvait donner satisfaction. Ainsi donc l'Administration venait d'adopter un appareil qu'elle n'avait pas l'intention d'utiliser, et dont cependant elle était obligée de prendre livraison, ajoutant ainsi un 151 poste aux 150 existant déjà, lesquels doivent être abandonnés le jour où tous les postes d'abonnés seront unifiés. Ôr, ce jour reste problématique,car les résultats du concours ayant été nuls, le problème reste posé. Nous demandons à l'Administration à quoi a servi la dépense des six mille postes inutiles et ce qu'elle compte faire après l'échec piteux d'un concours qui est resté sans solution depuis un an et demi.
Nous n'avons pas qualité pour parler au nom de l'Administration, mais comme le texte que nous venons de rappeler est de nature à créer une confusion préjudiciable pour nous, nous devons préciser l'état des faits. Les lecteurs du Bulletin ont du reste intérêt à le connaître :
Il est très exact que les postes primés au concours par l'Administrationfurent les postes Ericsson, mais il ne l'est pas qu'à l'usage on s'aperçut que ces postes ne pouvaient donner satisfaction.
La réalité est tout autre. De nombreux postes identiques à ceux primés au concours sont en service et donnent complète satislaction. Vous avez été incomplètement renseigné et la cause vraie des retards est celle-ci :
Aussitôt le concours terminé, l'Administration nous demanda, sans préciser davantage, si nous consentirions à apporter à nos types quelques modifications dont l'exarnen des autres appareils lui avait suggéré l'idée et qu'elle aimerait à voir introduire dans lesdits types pourvu que le caractère n'en fut pas altéré d'une façon appréciable.
Nous répondîmes, et ne pouvions ne pas répondre, que nous ne refusions pas d'examiner ce qui se pouvait faire, et à plusieurs reprises nous demandâmes qu'on voulût bien nous indiquer les points jugés intéressants. Nous n'obtînmes pas de réponses à ce sujet, triais au bout d'un certain temps l'Administration nous convia à étudier de concert avec deux de nos confrères les modifications pouvant, sous la réserve ci-dessus, être apportées à nos appareils: la discussion et l'étude furent laborieuses; là où les trois constructeurs étaient en désaccord, l'Administration décida, sur certains points nous persistons à croire, indépendamment de toute considération de convenance personnelle, qu'il eût été préférablede garder nos types tels quels; mais nous n'avions qu'à nous incliner. Et pour arriver au sujet que vise le Bulletin à la fin du passage cité, nous pouvons vous dire que, par deux raisons fort simples, les 6.000 postes ne seront pas du tout inutiles, d'une part les postes modifiés restent, dans l'ensemble et après discussion serrée, les postes Ericsson présentés au concours, d'autre part les 6.000 postes fabriqués par nous comporteront la plupart des modifications arrêtées.
Nous ne voyons pas du reste de raison pour que les appareils de nos types doivent être prématurément remplacé savant usure normale et ne donnent pas, pour le lot des 6.000 postes, le même bon service qu'ils fournissent déjà ici et dans d'autres réseaux.
Ayant confiance en votre courtoisie pour l'insertion de ces explications dans le prochain Bulletin, nous vous prions d'agréer, monsieur le Président, l'assurance de notre considération très distinguée.

Les faits énoncés par la maison Ericsson sont parfaitement exacts, ajoutons que son appareil ayant été primé au concours, elle eût été en droit d'exiger l'adoption de son poste tel quel. Cependant l'Administration avait formulé quelques réserves sur certains points de constitution mécanique des appareils.
L'Administration préférait les dispositions mécaniques de deux autres constructeurs de telle sorte, qu'en réalité il y avait trois lauréats au concours,l e n° 1 de ces lauréats était la maison Ericsson et les deux autres étaient deux maisons très importantes de la place de Paris.
Le but de l'Administration était on ne peut plus louable : elle cherchait à réunir en un seul appareil les perfections de trois types différents. Or, s'il y a un problème difficile à résoudre, c'est bien celui qui consiste à mettre trois concurrents d'accord,
Ce qui le prouve, c'est le temps qu'il a fallu, pour y arriver. Il y avait beaucoup à faire et ceci résulte des différences dans les modes de construction et dans la conception de l'entretien des appareils, existant entre les trois concurrents appelés à réaliser un type définitif qui, selon le désir de l'Administration, devait se rapprocher du type Ericsson. Et c'est là que résidait précisément la difficulté.
Depuis 19.11 on y travaille et si nos renseignements sont exacts, nous croyons qu'en fin de compte on est arrivé à un type acceptable par tous les constructeurs français, car selon l'habitude de l'Administration les syndicats professionnels des industries électriques seront consultés. Nous ignorons complètement quelles sont les conditions que l'Administration a imposées à la maison Ericsson pour la construction de ces 6.000 postes, mais nous souhaitons que ces 6.000 postes soient en tous points semblables aux types définitivement adoptés et, dans ce cas, la crainte exprimée dans l'article du Bulletin, en ce qui concerne la création d'un 152° type, serait écartée, puisque ce 152° type se confondrait avec celui définitivement adopté par l'Administration.
Pour nous résumer, disons qu'il est regrettable qu'on n'ait pas pu en concours adopter un appareil auquel rien n'eût dû être changé. Il suffisait à ce point de vue d'adopter un poste ayant fait ses preuves au point de vue pratique. Si donc l'Administration a jugé bon de perdre plus de trois années en études de transformation d'un poste primé par elle, nous n'avons qu'à le regrette rpour les abonnés, qui, pendant ce temps ont été réduits à employer et à acheter des postes de l'ancien système à pile primaire locale alors que depuis 1906 on a commencé la transformation du réseau de Paris en Batterie centrale.
Nous ne pouvons qu'être reconnaissants à la maison Ericsson de la bonne volonté qu'elle a mise à se prêter aux désirs de l'Administration et à se plier aux nécessités qui en résulteraient, c'est-à-dire de se mettre d'accord avec deux de ses confrères. Souhaitons bonne .chance à cet appareil et espérons que le public lui fera bon accueil et qu'il contribuera à améliorer le service téléphonique du réseau de Paris déjà si fort en progrès depuis quelques années.

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Etude de la Batterie-Centrale. Par M.H.EA Andrê .
Cette étude de la Société Internationale des Electriciens, est reproduite avec l'autorisation de la Société, qui l'a publiée dans son bulletin de juin dernier.

Les personnes désireuses d'étudier plus en détail le fonctionnement des divers circuits et organes de la batterie centrale intégrale américaine pourront consulter les excellents Livres suivants édités à New-York : Telephony, by Arthur Vaughan Abbott, dont le volume n° 6 traite tout particulièrement des commutateurs multiples, et l'American Téléphone Pradiée, by Kempster B. Miller, édition 1905, et le Livre belge La Téléphonie, par Emile Pierard, édité à Paris, 3e édition
(1909), dont le tome II traite des appareils etj systèmes téléphoniques les plus modernes.

Nouvelles installations téléphoniques de Paris.

APERÇU GENERAI, SUR LA BATTERIE CENTRALE

En août 1900, au Congrès international d'Electricité, a été exposé les avantages du système à batterie centrale, comparé à l'ancien système téléphonique.
A celle époque, cette comparaison avait une grande importance, car il fallait convaincre le public de la supériorité de la batterie centrale.

Après une période de moins de 10 années, la batterie centrale est arrivée à supplanter si complètement l'ancien système, que ce dernier est quasiment tombé dans l'oubli et que, dans certains pays où le progrès va vite, comme, par exemple, aux Etats-Unis d'Amérique, il est devenu un objet de curiosité dont-on parle comme
d'une chose antique. Il en va ainsi de toutes, les choses nouvelles lorsqu'elles sont réellement bonnes et avantageuses, comme c'est le cas pour la batterie centrale.
Néanmoins, nous pouvons citer quelques pays, tels que l'Angleterre, l'Allemagne, la Belgique, la Hollande, l'Autriche-Hongrie, la Suisse, l'Ilalie, la Roumanie, etc., et n'oublions surtout pas la France, où le progrès téléphonique a définitiveinent pris racine et où ce n'est pas à présent qu'une question d'un nombre d'années plus tôt moins grand pour que la situation téléphonique devienne comparable à celle des Etats-Unis, or l'efficacité du service peut être illustrée par les temps moyens de la New York Téléphone Company :
« 1° La téléphoniste répond à l'appel d'un abonné et collatione cet appel : 7,5 secondes ;
« 2° La téléphoniste établit la communication et appelle l'abonné demandé : 13,5 secondes ;
« 3° L'abonné demandé répond à un appel : 10,5 secondes ;
« 4° La téléphoniste rompt la communication : 3,8 secondes ; soit, au total : 35, 3 secondes...

Etant donné que tout le monde sait ce qu'est le téléphone et quels services il rend actuellement en France, le point imporlant est de faire entrevoir ce qu'il pourrait être s'il était comparable à celui des Etats-Unis d'Amérique, où ce seul pays, au 1er janvier 1909, disposait déjà de 6.533.3S6 postes téléphoniques, alors que la France — y compris ses colonies — à celle même date, n'en avait que 197.200 !
« Il y a donc beaucoup à faire, et ce qui reste à faire es même tellement considérable, qu'il faudrait plusieurs conférences pour le développer.

Dans certains pays de progrès, le téléphone a été décrété d'utilité publique. Des décrets de ce genre ont été rendus dans l'Amérique du Nord, dans les Etats d'Oklahoma, de Nebraska et de Virginia. L'Etat d'Oklahoma impose aux compagnies des chemins de fer l'obligation de relier leurs stations aux réseaux téléphoniques, attendu qu'il estime que le téléphone est aussi essentiel à la commodité du public que le chemin de fer lui même.
« Le téléphone est devenu un outil pratique de premier ordre, indispensable au développement économique des peuphs modernes. La preuve de cette vérité découle de l'élude des statistiques, puisqu'il suffit de constater que les pays les plus prospères sont précisément ceux où le téléphone a pris le plus d'extension.
« Il est intéressant de noter, en passant, que l'American. Téléphone et Telegraph C° gère le réseau téléphonique le plus formidable du monde entier, puisqu'à lui seul il comprenait, au 1er janvier 1909, 3.235.245 postes d'abonnés, plus 1.150 mille postes de compagnies affiliées, alors que l'Europe entière, à celte même date, n'en comprenait que 2.431.815...
Une première constatation,qui résulte de l'examen des statistiques est que le développement extraordinaire de la téléphonie aux Etats-Unis n'a pu se produire qu'à partir du moment où ce pays a adopté la batterie centrale, dont l'avantage principal esl de supprimer partiellemnt de l'énergie électrique de l'ancien système.
En effet, la batterie centrale concentre toutes ces énergies partielles en une batterie unique commune à toutes les lignes du réseau, ce qui facilite énormément la constitution du réseau téléphonique et son entretien.
Celle centralisation des énergies électriques transforme le bureau téléphonique moderne en une véritable usine d'énergie électrique.
« On peut se rendre compte de l'importance de cette batterie centrale unique en disant qu'au bureau de Gulenberg elle atteint, pour un multiple de 10.000 abonnés, une capacité de 4.000 AH, avec un débit normal de 300 à 400 ampères.
« Celle batterie centrale unique est l'âme du nouveau système, et c'est pour celle raison qu'on désigne tout le système sous le nom de batterie centrale.
« Le développement du téléphone, en Amerique, a également été dû en grande partie à l'adoption du système des conversations taxées en remplacement de l'ancien système forfaitaire à conversations en nombre illimité, dont seuls les gros consommateurs tirent profit au détriment des petits consommateurs.
La taxe par conversation est la seule équitable et elle est, du reste, envisagée dans le programme des réformes étudiées par l'administration française.
« Pour discuter le téléphone, il faut tout d'abord envisager le coup service et son développement, puis ensuite l'application des tarifs.
« L'expérience universelle montre que le public, surtout, dans les grandes villes, demande un service irréprochable et trés développé. Les tarifs forfaitaires sont condamnés partout, et sont déjà en grande partie remplacés par des tarifs gradués avec, en plus, l'application do la conversion taxée.
« La France, depuis 1906, est entrée dans la voie du progrès téléphonique et toutes les mesures ont été prises pour hâter, autant que possible, la transformation en batterie centrale tant désirée par le public parisien.
Hâtons-nous de dire que, si le désastre de Gulenberg n'avait pas en lieu, cette transformation serait aujourd'hui chose faite. On aurait donc mauvaise grâce à ne pas accorder le délai moral et matériel nécessaire pour permettre de réparer les dommages occasionnés par cet incendie.
« Dès que la batterie centrale sera généralisëe, il n'y aura plus rien qui s'opposera à l'adoption des méthodes d'exploitation usitées en Amérique.
Espérons être bon prophète en prédisant que d'ici quelques années (tout comme à New York) on comptera à Paris les abonnés par centaines de mille, c'est-à-dire qu'en atteindra le développement normal de 20 abonnés par 100 habitants prédit par les ingénieurs américains.

Circuit du multiple de Gutenberg provisoire.
« Les figures 1, 2 et 3 se rapportent aux schémas de Guténberg provisoire el permettent de montrer brièvement comment la batterie centrale fonctionne déjà à Paris et quels avantages directs les abonnés parisiens peuvent déjà en retirer (1).

Description de la ligne d'abonné (fig. 1).
« La figure 1 montre l'ensemble d'une ligne d'abonné L reliée d'.une part aux postes d'abonnés A et B, et d'autre part au côté vertical du répartiteur d'entrée C du bureau central multiple.

« Les têtes de cables situées sur le côté vertical du répartiteur d'entrée C représentent les lignes extérieures, tandis que le côté horizontal de ce répartiteur représente les lignes intérieures L du bureau central. C'est donc au répartiteur d'entrée C que s'effectue, au moyen de fils jarretières doubles incombustibles, le raccordement des lignes L et L'. Le but du répartiteur d'entrée est de permettre d'effectuer toutes les permutations el combinaisons voulues entre les deux espèces de ligne L et L'. Ainsi, par exemple, si un abonné déménage, ou que sa ligne devient impraticable, il devra êlre raccordé à une nouvelle ligne extérieure L. Au moyen d'un nouveau fil jarretière on relie la nouvelle ligne L à l'ancienne ligne L' pour permettre à cet abonné de conserver aux abonnés leurs numéros d'abonnement immuables, chose à laquelle ils tiennent essentiellement.
« Le numéro de la ligne intérieure L' est donné par le numéro des jacks généraux D auxquels celte ligne L' est raccordée d'une façon: immuable en passant par les attaches triples du côté horizontal du répartiteur intermédiaire E dont les attaches quadruples du côté vertical sont reliées d'une part au jack local ou individuel F, à la lampe d'appel G de 24 volts, et, d'autre part, au relais de coupure II, de 30 ohms el au relais d'appel I à deux enroulements de 1000 ohms. Un des enroulements de 1000 ohms du relais d'appel est relié à la terre ( ou retour commun) et l'autre au pôle libre de la batterie centrale de 24 volts J.
« Il est à remarquer que les fils jarretières ignifuges triples servant à relier entre eux le côté vertical et le côté horizontal du répartiteur intermédiaire permettent de relier la ligne intérieure immuable L' à tel groupe de jack local F, lampe d'appel G et relais H et I que l'on désire.
Le but du répartiteur intermédiaire est de permettre de répartjr les lignes L' parmi les jacks locaux de façon à donner à chaque opératrice un travail égal. Si un des organes F, G, H et I était mis hors de servee, rien ne serait plus facile (au moyen du répartiteur intermédiaire) que de raccorder, avec un nouveau fil jarretière ignifugé triple, la ligne L' à un nouveau groupe disponible d'organes F, G, H, I.
« L'utilité du répartiteur intermédiaire est donc :
1° de permettre le nivellement du travail en le répnrlissanl équitablemenl entre les diverses opératriées de départ ;
2° de donner au service d'exploitation toutes les facilités pour la distribution des lignes ;
3° de parer aux défectuosités qui pourraient, se manifester.
« Les Américains, dans le but de faciliter le travail d'enlr'aide (ce qu'ils appellent le team work), réservent à chaque ligne d'abonné plusieurs séries d'organes locaux supplémentaires F et G, de la figure 1, qu'ils répartissent dans les groupes de départ placés dans.le voisinage de celui de ces groupes qui est normalement réservé à cet abonné. Il en résulte que. si l'opératrice de ce dernier groupe est momentanément débordée par un surcroît de travail, les opératrices voisines peuvent, en son. lieu et place, répondre à l'appel de cet abonné. C'est grâce à ce service d'enlraide admirablement bien organisé que les Américains sont arrivés à réaliser le service exlraordinairement rapide qui fait leur principal succès.
« Il est à remarquer qu'un relais-pilote K se trouve intercalé entre la lampe G cl le pôle libre delà batterie centrale de 24 volts .T.,Ce relais-pilote à faible résistance est commun à un certain nombre de lampes G, mettons à cinquante de ces lampes. L'armature du rélais pilote K commande une lampe pilote M située bien en.vue pour faciliter le service des surveillantes. La lampe d'appel G associée directement au jack local F offre sur l'ancien système des annonciateurs à volets des avantages tels que son, adoption seule permet d'augmenter de 25 pour 100 environ le rendement du travail de la téléphoniste. Cette lampe G joue de plus le rôle d'indicateur destiné à signaler automatiquement el instantanément tout dérangement survenant sur la ligne, ce qui, au point de vue de l'entretien du réseau, constitue un avantage considérable sur l'ancien système où ces dérangements n'étaient connus que s'ils étaient signalés par l'abonné mis dans l'impossibilité de se servir de sa ligne ou par un service spécial chargé de l'inspection des lignes du réseau.
« Le compteur N est destiné à marquer le nombre de communications d'un abonné. Il est raccordé d'une façon permanente au troisième fil de test, dé la ligne intérieure immuable L'. De celle façon, si l'on change la ligne extérieure L, ou les organes locaux F, G, H, I, il n'y a pas à craindre qu'une erreur puisse se commettre dans le comptage du nombre cie communications de l'abonné, puisque son compteur n'est nullement affecté par ces mutations et qu'il représente tou
jours I"abonne auquel il a été destiné.

Postes d'abonnés (fig. 1).
« Les postes d'abonnés A et B sont supposés être reliés à la même ligne L: ce serait, le cas d'urne ligne partagée entre deux abonnés. Le partage de la ligne entre plusieurs abonnés est très fréquent, en Amérique et en d'autres pays, pour consentir des abonnements réduits à certains abonnés communiquant très peu. En
France, le partage des lignes se pratiquait jadis mais actuellement l'on ne tolère plus qu'un seul abonné par ligne. Les deux postes A et B de la figure 1 sont très différents. Le type A est actuellement celui qui, à Paris, a été provisoirement imposé dans la période transitoire entre l'ancien système et.le nouveau; il représente les postes anciens modèles transformés pour s'adapter à la batterie centrale d'appel et de fin decommunicalion. Dans le poste A la pile a. du transmetteur a été maintenue, puisque, jusqu'à nouvel ordre, on continue à se servir des anciens transmetteurs b et des anciens récepteurs c qui appartiennent aux abonnés.
« Avec le poste A l'abonné possède déjà certains avantages de la batterie centrale, lels que l'automalisiue de l'appel et de la fin de communication. Il suffit, en effet, pour appeler le bureau central, de décrocher le récepteur, et, pour donner le signal de fin, de raccrocher ce récepteur. La sonnerie d'appel de l'abonné reste
en permanence avec un condensateur e en shunt sur la ligne L, de sorte que ce poste A peut être appelé du bureau central de la même façon qu'un poste américain. En décrochant son récepteur l'abonné A fait un appel du courant de la batterie centrale J dont le circuit se ferme par le relais d'appel I, les contacts de repos du relais à rupture H, la ligne L, le répartiteur d'entrée C, la ligne L, les récepteurs c et le circuit secondaire de la bobine d'induction. Les récepteurs c doi-
vent être orientés dans ce circuit de façon que le courant de la batterie centrale ne tende pas à les désaimanter. Il s'agit donc, pour ce genre de montage, de prêter une attention toute spéciale à ce que les récepteurs soient montés dans le sens voulu même par les mécaniciens chargés de l'entretien de ces appareils.
« En décrochant son récepteur, l'abonné A ferme en même temps le circuit primaire de sa pile locale a. Le bon fonctionnement du transmetteur b est lié au bon état d'entretien de la pile a et c'est surtout à cause de cette considération, que le poste A est inférieur au poste B.
« Il faudrait de plus que le voltage de la pile a fût approprié au type de microphone b dont certains modèles, pour produire leur maximum d'effet, exigent des piles de 4 à 16 volls environ alors que d'autres microphones ne demandent qu'un seul volt environ. Or, comme à Paris le nombre de modèles de microphones est très considérable (une centaine environ), il en résulte une quasi-impossibilité de traiter chaque microphone connue il conviendrait de le faire. L'Administration, par économie, ne place à chacun des postes qu'une seule pile sèche ayant (lorsqu'elle est neuve) 1,45 volt et 70 ampères-heures environ. Il en résulte que les microphones à faible résistance sont favorisés au détriment des microphones à forte résistance du genre Solid Back.
« Cette circonstance est d'autant plus regrettable que le progrès semble, à certains égards, consister précisément à donner aux microphones la plus grande résistance possible, afin que ces variations de résistance, sous l'influence de la voix, puissent prendre de grandes amplitudes et augmenter proportionnellement l'énergie des ondes phoniques transmises.
« Si tous les abonnés faisaient de leurs postes téléphoniques un usage à peu près équivalent, on pourrait calculer à peu près la durée de vie des piles locales a ; malheureusement cet usage est tout ce qu'il y a de plus variable, abusif chez les uns, presque nul chez les autres.
« Il en résulte donc pour l'administration une nouvelle difficulté, celle d'apprécier le moment où la pile a de l'abonné doit être renouvelée avant son total épuisement. On admet en général que le voltage de la pile ne peut descendre en dessous de 0,9 volt,
« Etant donnés l'éparpillement de ces piles et les difficultés matérielles inhérentes à leur entretien, on peut se rendre compte de l'inextricable complexité de ce problème. Comment, dans ces conditions, peut-on arriver à traiter toute les abonnés sur un pied d'égalité parfaite? Joignez à cela les pertes possibles par l'évaporation, par le travail intérieur, etc.., fût-ce même par les dégradations résultant parfois du manque de soin des abonnes ou de remplacement, défectueux réservé par eux à ces piles.
« En résumé, les théories qui, dans un laboratoire, semblent conclure en faveur du maintien de pile locale dans le circuit primaire du microphone tombent à néant devant les impossibilités de la pratique lorsqu'il s'agit d'assurer le bon fonctionnement d'un grand réseau téléphonique.
« Il faut, de plus, que l'économie de l'exploitation soit sagement considérée si l'on ne veut pas donner aux tarifs d'abonnement des taux abusifs ou si l'on ne veuf pas aller au-devant d'un désastre financier. Une bonne moyenne de la qualité de la transmission téléphonique dans un grand réseau est de beaucoup préférable à un régime arbitraire donnant beaucoup aux uns et rien aux autres el, faisant que celui qui était bien à priori un jour ne l'est plus le lendemain suivant le plus ou moins bon état d'entretien de sa pile locale.
« Le poste B est monté conformément aux derniers perfectionnements de l'art et permet de retirer de la batterie centrale tous les avantages qu'elle peut procurer à un réseau à grand trafic.
« On peut remarquer en passant que le poste B est plus simple que le poste A, puisqu'il ne comporte ni pile locale a ni ligne locale L. 2, et que. de plus, son crochet commutateur g est plus simple que celui du poste A.
« Au point de vue de la protection contre les courants forts, le poste B est supérieur au poste A. Il m'y a donc aucun doute que, par la force dés choses, à l'avenir tous les postes A seront remplacés par des postes B, c'est-à-dire par des postes à batterie centrale intégrale qui ont, non seulement une supériorité technique, mais qui ont, déplus, l'avantage d'être beaucoup plus économiques au point de vue de l'entretien. Ces postes B résolvent de plus le problème de la répartition équitable de l'énergie électrique entre tous les abonnés quels qu'ils soient, puisque tous sont . servis par la même batterie centrale. C'est l'égalité parfaite introduite clans le régime d'une exploitation téléphonique vraiment démocratique.

Relais d'appel.
« Les avantages des deux enroulements de 1000 ohms du relais d'appel I sont les suivants :
« 1° Réduction' du courant de la batterie centrale pour assurer le fonctionnement des appels ;
« 2° Réduction du courant de la batterie centrale au cas où une ligne est à la terre ou défectueuse au point de vue de l'isolement ;
« 3° Réduction de l'inconvénient du clic produit dans le récepteur de l'abonné lorsque la téléphoniste, en répondant à son appel, rompt ce circuit d'appel : cette réduction du clic résulte du fait que le courant d'appel a une intensité très minime ;
« 4° En cas de court-cireuit au delà des 2000 ohms tout danger d'incendie est écarté ;
« 5° La résistance du relais d'appel étant de beaucoup supérieure à celle de la ligne extérieure, elle tend- à rendre le fonctionnement de ce relais indépendant des variations de résistance de cette ligne extérieure;
« 6° La grande résistance du relais d'appel I permet de lui donner le maximum de sensibilité requis pour le bon fonctionnement du réseau ;
« 7° La grande résistance du relais I permet également, de réduire au minimum les courants qui pourraient provenir du contact de la ligne L avec une source de courant extérieur el de réduire ainsi les dangers de propagation du feu à l'intérieur du bureau.

Circuit simplifié de deux abonnés mis en communication (fig. 2.)

« Le circuit simplifié de deux abonnés mis en communication par une paire de cordons d'un groupe de départ du bureau à batterie centrale intégrale est schérnatique'ment représenté sur la figuré 2.
Les deux postes d'abonnés A et A' sont représentés avec leurs récepteurs décrochés, c'est-à-dire avec le circuit de la batterie centrale 13 fermé au travers des transmetteurs, a. et a' de ces postes et. des relais de supervision b et b,' qui leur correspondent au bureau central, de sorte qu'il est aisé de constater que, pendant toute la durée de la conversation des deux abonnés A et A', les deux lampes de surpervision C et C' resteront éteintes, puisqu'elles sont shuntéés par leurs bobines de 40 ohms tant que les relais b et b' restent excités.
« Une première constatation-est que, pendant cette période de la conversation, un abonné peut toujours rappeler l'attention de l'opératrice du bureau central, puisqu'il lui suffit d'abaisser et de relever à diverses reprises le crochet commutateur d de son poste pour allumer et éteindre dans la même cadence la lampe de supervision qui lui correspond. Il est évident que la cadence des mouvements imprimés ainsi au crochet commutateur d ne doit pas être trop rapide, afin de
donner aurelais de supervision b le temps d'obéir à ces alternatives d'établissement et de rupture du courant, et afin également de ne pas donner à la lampe des éclats trop rapides. Une" cadence d'environ 50 à 60 à la minute serait une bonne moyenne à observer.
Il est donc démontré que, même pendant la .durée de la conversation, l'abonné reste en relation de service constante avec son opératrice, et réciproquement, cette dernière, par la simple constatation de l'allumage ou de l'extinction de la lampe de supervision, peut à tout instant se rendre compte si l'abonné a son récepteur décroché ou accroché, ce qui revient à dire qu'elle peut juger si oui ou non l'abonné est présent ou non à son poste, puisqu'il est imposé que le récepteur doit être raccroché dès que l'abonné a terminé sa communication. Il estdonc de toute évidence que l'allumage simultané des deux lampes c et c' signifie d'une façon certaine que la communication doit être rompue.
« L'examen de la figure 2 permet de se rendre un compte exact de la façon dont se propagent les ondes téléphoniques entre les deux postes d'abonnés À et A'. En supposant que l'abonné A' parle pendant que l'abonné A écoute, on peut envisager les trois cas suivants :
« 1°. A l'état de repos du microphone, la ligne L'est parcourue par un courant continu suivant la flèche zéro ;
« 2° La membrane du.microphone a', sous l'impulsion de la voix, se déplace dans le sens de la flèche 1, produisant ainsi une augmentation de résistance du microphone et, par conséquent, une augmentation de la différence de potentiel aux bornes de ce microphone ;
« 3° La membrane a', sous l'impulsion de la voix, se déplace dans, le sens de la flèche 2, produisant ainsi une diminution de-résistance du microphone et, par conséquent, une diminution de potentiel aux bornes du microphone.
« Une augmentation de potentiel aux bornes du microphone a pour effet d'augmenter dans la même proportion la charge du condensateur e placé en shunt sur ce microphone. Le courant de charge du condensateur c parcourt 1 enroulement secondaire de 26 ohms de la bobine d'induction f suivant la flèche 3, ce qui provoque parinduction un courant-suivant la flèche 4 dans lecircuit primaire de 17 ohms. Ce dernier courant induit s'ajoute à l'effet produit par l'augmentation de résistance du microphone, pour diminuer l'intensité dû courant qui venait suivant la flèche o dans la ligne extérieure L' et. dans les deux enroulements de 2.1 ohms correspondants nos 1 et 2 du translateur O. La diminution du courant suivant la flèche zéro et le courant suivant la flèche 4 ajoutent leurs effets pour induire dans
les deux enroulements 3 et 4 du translateur C uu courant suivant la flèche 5. Ce dernier courant trouve un passage par l'enroulement primaire de 17 ohms de la bobine d'induction f et par le microphone a du poste A. Une très minime partie de ce courant trouve un passage suivant la flèche 6 par le circuit secondaire de 26 ohms par le récepteur et le condensateur e de ce poste ainsi que par la sonnerie magnétique g de 1.000 ohms; mais ces circuits ont une self et une résistance beaucoup plus élevées, de sorte qu'on peut ne pas en tenir compte et négliger entièrement cette dérivation.
« Le courant suivant la flèche 5 dans l'enroulement primaire de 17 ohms de la bobine induit un courant suivant la flèche 7 dans l'enroulement secondaire de cette bobine. IL est à remarquer que le courant dérivé suivant la flèche 6 contrarie celui du courant induit suivant la flèche 7 ; niais, comme il a déjà été dit, le courant dérivé 6 est tout à fait négligeable, et d'autant plus négligeable que la résistance du microphone a est plus faible au repos comme il sera expliqué plus loin, cette résistance au repos du microphone est d'environ 50 ohms pour le microphone Solid back, type généralement employé.
« Au poste A', le déplacement du diaphragme du microphone a' suivant la flèche 2 produit une diminution de potentiel aux bornes du microphone a', ce qui a pour effet de diminuer dans la même proportion la charge du condensateur e' dont le courant de décharge suivant la flèche 8. induit dans le circuit primiire un courant suivant la flèche 9 qui s'ajoute à l'effet d'augmentation du courant suivant la flèche zéro dans la ligne L' et les enroulements 1 et 2 du translateur C. Il en résulte la production, dans les deux autres enroulements 3 et 4 du translateur C. d'un courant induit suivant la flèche 10, parcourant l'enroulement primaire de 17 ohms de la bobine d'induction du-poste A, ce qui induit un courant suivant la flèche L. dans l'enroulement secondaire de 26 ohms de cette bobine.. Ce courant 6 actionne le récepteur du poste A. Il est à remarquer qu'un courant inverse dérivé suivant la flèche 7 peut, dans ce cas, également être négligé.
« L'étude de la figure 2 permet d'arriver aux conclusions suivantes:
« 1° Lors de la transmission de la parole, les effets du transmetteur et de la bobine d'induction du posté s'ajoutent pour augmenter l'influence des variations de courant dans les enroulements du translateur C. Cette circonstance est tout à fait favorable à l'emploi des postes à batterie centrale intégrale, puisqu'elle permet d'augmenter, dans une large mesure, l'efficacité de la transmission de ces postes, même sur des lignes très longues pouvant atteindre jusqu'à 500 ohms de résistance. Pour obtenir cet avantage, il faut que les enroulements de la bobine d'induction soient bien établis.
« 2° La présence des relais de supervision dans le circuit de conversation n'offre aucun inconvénient, à cause des shunts de 35 ohms dépourvus de self qui n'opposent aucune résistance au passage des ondes téléphoniques.
« 3° Plus les variations de résistance du microphone a du poste de l'abonné sont grandes par rapport à la résistance de la ligne, plus les variations de courant sont importantes. Ceci implique la nécessité d'avoir un microphone à très grandes variations de résistance. Le microphone solid back, généralement usité, varie en moyenne d'environ 50 ohms en plus et d'environ 50 ohms en moins. Comme, d'un autre côté, à la réception, la résistance du microphone au repos doit être la
plus faible possible afin de réduire au minimum les dérivations de courants nuisibles, il en résulte que la résistance au repos de ce microphone ne devrait pas dépasser la plus grande variation en moins produite par le déplacement de la membrane sous l'impulsion de la voix. Dans le cas du Solid back, la résistance au repos est d'environ 50 ohms. Le Solid back répond donc aux conditions les plus favorables de la transmission en batterie centrale intégrale.
« 4° Le condensateur e placé en shunt sur le microphone a du poste A joue le rôle d'une pile primaire dont les charges et décharges successives en passant par la bobine d'induction f ajoute à leurs effets à ceux produits directement et indépendamment par le microphone sur le circuit extérieur L. Le condensateur e joue le rôle d'une pile locale dont les effets sont proportionnés à sa capacité. En pratique, on. a fixé cette capacité à 2 microfarads environ. Une augmentation de la capacité des condensateurs e, lorsque la ligne est. très résistante, tendrait à compenser l'effet, nuisible de la résistance de la: ligne.
« 5° Grâce aux quatre enroulements du translateur C, au centre desquels se trouve la batterie centrale B, le courant qui- alimente chacun des circuits L et L' est absolument indépendant, c'est-à-dire que la résistance d'une ligne n'influe pas sur le débit d'une autre ligne avec laquelle elle est mise en communication par l'intermédiaire du translateur C.
« 6° Les quatre enroulements du translateur C étant équivalents, la transmission s'opère aussi bien dans un sens que dans l'autre et avec un rendement égal.
« 7° Il importe, pour que la transmission soit bonne, que les lignes extérieures L et L' soient très bien isolées. Le manque d'isolement des lignes pourrait compromettre également le fonctionnement des relais de supervision. Un isolement d'environ 100.000 ohms pour les lignes extérieures suffit amplement dans la pratique courante pour assurer un très bon fonctionnement du système.
«8° Lorsqu'un abonné oublie de raccrocher son récepteur, c'est-à-dire lorsque son transmetteur et l'enroulement primaire de sa bobine d'induction restent placés en shunt sur la ligne extérieure, il est néanmoins possible à l'opératrice du bureau central de rappeler l'attention de cet abonné et de lui signifier qu'il doit raccrocher son récepteur. A cet effet, elle envoie sur la ligne une succession très rapide de courants, soit environ 400 à 800 pulsations à la seconde, dont l'effet
est de produire dans le circuit secondaire de cette bobine des courants induits qui agissent sur la membrane du récepteur de l'abonné et lui font produire un son très aigu suffisamment élevé pour attirer son attention et l'inciter ainsi à raccrocher son récepteur.
« 9" Les postes à batterie centrale intégrale comparés aux postes de l'ancien système sont beaucoup plus simples, plus robustes et plus faciles à installer, puisqu'il suffit de les raccorder aux.deux fils de la ligne. Ces postes ne sont pas, comme dans l'ancien système, encombrés de piles primaires pour le microphone, ni de magnétos pour assurer l'appel.
« 10° Au point de vue de la protection contre les courants forts, les postes à batterie centrale offrent une sécurité beaucoup plus grande que les anciens postes. En effet, pendant toute la durée du repos de ces postes, la ligne extérieure est placée en série avec le condensateur, qui est un appareil beaucoup plus robuste que la, sonnerie qui restait anciennement seule en série avec la ligne. rendant que le récepteur est décroché au poste à batterie centrale intégrale, la ligne est shuntée par le transmetteur Solid back et le circuit primaire de la bobine d'induction, tandis que pour les anciens postes la ligne se trouvait sbuntée par le récepteur et le circuit secondaire de la bobine d'induction. Ce dernier shunt est beaucoup plus fragile, de sorte que dans les deux cas l'avantage de la protection est en faveur du poste à batterie centrale intégrale. C'est grâce à cet avantage qu'en Amérique, il a été possible de simplifier les anciens appareils de protection en supprimant les bobines thermiques. Les appareils de protection nouveaux pour les postes d'abonnés à batterie centrale intégrale ne comprennent que des fusibles et des parafoudres à charbon.
« 8° En Amérique, les protecteurs à l'entrée des lignes au bureau central comprennent des bobines thermiques, des parafoudres et des fusibles. Il est à noter que les bobines thermiques doivent être construites pour supporter sans inconvénient le passage du courant de la batterie centrale, quelle que soit la résistance extérieure de la ligne.

Ensemble de circuits d'une ligne d'abonné, d'une paire de cordons du groupe de départ avec son poste d'opératrice, d'une ligne auxilliaire reliant le groupe de départ au groupe d'arrivée, du monocoede d'arrivée et du poste téléphonique de l'opératrice d'arrivée (fig. 3).


« La ligne de l'abonné est représentée en A à la partie supérieure de la figure 3 :
a, répartiteur d'entrée.
a. 1, répartiteur intermédiaire.
a. 2, jack local.
a. 3, lampe d'appel.
a. k, relais de coupure.
a. 5, relais- d'appel.
a.6, jacks généraux.
« La paire de cordons du groupe de départ est représentée en B :
b, fiche de réponse placée en regard du jack local a.'2 clans lequel elle devra prendre contact.
6. i, fiche d'appel.
b. 2, clé d'appel ordinaire côté réponse.
b. 3, clé d'appel automatique.
b. 4, clé d'écoute.
b. 5, relais de supervision côté réponse.
b. 6, relais de supervision côté appel.
b. 7, lampe do supervision côté réponse.
b. 8, lampe de supervision côté appel.
b. 9, translateur à quatre enroulements de 23 ohms au centre duquel est reliée la batterie centrale représentée en C au bas de la figure 3.
« Le poste de l'opératrice de départ est représenté en D :
d, récepteur serre-tête.
d. I, transmetteur plastron.
d. 2, fiche de prise de poste.
a. 3, triple jack de prise de poste.
d. 4, bobine d'induction.
d. 5. condensateur de 2 microfarads placé en shunt sur le transmetteur.
d. 6, bobine de self de 165 ohms intercalée en rie sur le circuit qui relie le transmetteur d. 1 à la batterie centrale C.
d. 7, condensateur intercalé en série sur le circuit qui relie le poste d'opératrice D à la clé d'écoute b. A.
d. 8, clé de conversation de. service reliant le poste 1à la ligne de conversation venant du groupe d'arrivée E.
« La ligne auxiliaire de départ est représentée en F :
J 1jacks généraux de départ..
L, ligne auxiliaire de départ à deux fils.
« Le monocorde d'arrivée est représenté en J : g, translateur à quatre enroulements reliant téléphoniquesnent le monocorde G à la ligne auxiliaire E
g 1, condensateur de 2 microfarads intercalé du côté départ entre les deux enroulements de 23 ohms du translateur g.
g. 2, relais de 12.000 ohms relié en permanence aux bornes du condensateur g. 1.
g. 3, relais de supervision, côté arrivée, destiné à comanander le circuit du shunt de 27 ohms du relais de 12.000 ohms g. 2.
g. 4, fiche de monocorde d'arrivée montrée en regard des jacks généraux a. 6, dans lesquels celle fiche est destinée à prendre contact.
g. 5, clé d'appel -automatique.
g. 6, relais de test.
g. 7, lampe de fin de 12 volts
« Le poste de l'opératrice d'arrivée est montré en E :
e, récepteur serre-tête,
e. 1, transmetteur plastron,
e. 2, fiche de prise de poste,
e. 3, triple jack de prise de poste.
e. 4, condensateur de 2 microfarads placé en shunt, sur le circuit du transmetteur c. 1.
e. 5, bobine de self de 165 ohms placée en série sur le circuit qui relie le transmetteur e. 1 à la batterie centrale C.
c. 6, bobine d'induction spéciale dite antilocale parce qu'elle empêche l'opératrice d'entendresa propre conversation. Cette bobine a également un enroulement spécial pour le test.
e. 7, clé permettant à l'opératrice d'interrompre le circuit d'alimentation de son transmetteur.
c. S, condensateur de 2 microiarads intercalé en série sur le circuit reliant le poste E à la ligne de conversation à deux fils e. 9.
e. 9, ligne de conversation à deux fils reliant le poste E de l'opératrice d'arrivée aux -clés de conversation d. 8 des groupes de départ.
« Le dynainoteur d'appel est représenté en H :
h, génératrice à courants d'appel alternatifs pouvant varier de 15 à 25 périodes et de 75 à 100 volts.
h. 1, génératrice à courant continu sous 40 volts intercalée en série entre la terre et la génératrice de courants alternatifs h afin d'ajouter son effet sur le fonctionnement de la clé automatique d'appel, g. 5 ou b. 3, lorsque l'abonné demandé a décroché son récepteur.
h. 2, commutateur réglé pour la distribution automatique des phases d'appel et de non-appel.
h. 3, lampe de résistance cle 150 volts 20 bougies et ayant environ 350 ohms de résistance, intercalée dans le circuit d'appel pour empêcher les accidents au cas où il se produirait, un court-circuit dans la fiche, le cordon ou la ligne cle l'abonné demandé.

FONCTIONNEMENT DES CIRCUITS D'ENSEMDLE DE LA FIGURE 3.
« Lorsque l'abonné relié à la ligne A décroche son récepteur, sa lampe d'appel a. 3 s'allume immédiatement au-dessus du jack local a. 2 dans lequel l'opératrice de départ D enfonce sa fiche de réponse b tout en mettant sa clé b. h sur réception afin de recevoir le numéro de l'abonné demandé. Dans le bureau de Gulenberg provisoire il n'a pas été possible de placer des jacks généraux d'abonnés dans les groupes cle départ, de sorte que toutes les communications doivent actuellement être établies avec l'aide d'une opératrice d'arrivée E. Lorsque le multiple sera ultérieurement transféré dans son local définitif, les groupes de départ seront munis de jacks généraux, de sorte que, dans ce cas, les communications demandées pour un abonné du multiple pourront être données sur le groupe de départ même. Actuellement, l'opératrice de départ D doit toujours recourir à une opératrice d'arrivée E, à laquelle elle transmet, au moyen de sa clé de conversation d. 8, le numéro de l'abonné demandé. L'opératrice d'arrivée E fait avec sa fiche g. 4 le test du jack général a. 6 de l'abonné demandé, y enfonce la fiche g. 4 et. fait connaître, à l'opératrice de départ. D, le numéro de la ligne auxiliaire F. L'opératrice de départ enfonce aussitôt sa fiche d'appel b. 1 dans le jack général de cette ligne F ; elle remet sa clé de conversation d. 8 au repos, et elle laisse à l'opératrice d'arrivée le soin d'appeler l'abonné demandé. Les clés d'appel automatiques b. 3 des groupes de départ resteront sans emploi tant que ces groupes ne seront pas munis de jacks généraux d'abonnés. L'opératrice d'arrivée E,
pour appeler l'abonné demande, n'a qu'à enfoncer le bouton de la clé d'appel automatique g. 5. Le boulon de celte clé g. 5 se remet au repos dès que l'abonné demandé a répondu, de sorte que l'opératrice d'arrivée E en est prévenue. De même, l'opératrice de départ D 'est prévenue de la réponse de l'abonné demandé, pat-ce que sa lampe cle supervision b. 8 obéit au relais de supervision b. 6 qui lui-même obéit au relais de supervision g. 3 qui commande le shunt cle 27 ohms du relais cle 12.000 ohms g. 2. En effet, dès que ce shunt de 27 ohms est 'établi, la batterie centrale C peut fournir sur la ligne auxiliaire F un courant assez intense pour actionner le relais b. Q du groupe de départ. Les deux lampes de supervision b. 7 et b. 8 permettent donc à l'opératrice de départ D de suivre la communication ainsi établie. L'allumage simultané des deux lampes b. 7 et b. 8 donne le signal de fin au groupe clé départ où l'opératrice D met aussitôt les deux
fiches b et b. 1 au repos, ce qui a pour effet de remettre le relais de 12.000 ohms g. 2 au repos, et, par suite, d'allumer la lampe cle fin g. 7, ce qui donne à l'opératrice E l'ordre cle remettre sa fiche g. 4 au repos et de rendre ainsi la ligne auxiliaire F disponible pour une nouvelle communication.

La limite imposée à cette étude ne nous permet pas d'entrer dans des descriptions plus détaillées relatives à ces circuits. Les figures 1, 2 et 3 ne montrent que les circuits essentiels strictement nécessaires pour donner une idée de l'ensemble du système à batterie centrale installé à Gulenberg provisoire. Ce multiple permet à l'administration de donner aux abonnés un service téléphonique très efficace, même supérieur à celui qui existait avant l'incendie. Les circuits relatifs aux tests de non-réponse, aux tests d'occupation, aux clés des compteurs de conversation, aux lignes de renvoi du service interurbain, aux circuits des tables de surveillantes, etc., n'ont pas été représentés sur les figures 1, 2 et 3, pour ne pas les. compliquer.
« Pour décider si oui ou non, il y a intérêt à munir les groupes de départ de jacks généraux, il y a lieu, dans chaque cas, de faire des calculs basés sur des statistiques rigoureuses faisant connaître le pourcentage des communications intérieures, c'est-à-dire celles reliant entre eux les abonnés du multiple considéré, et le pourcentage des communications demandées pour des abonnés reliés à d'autres multiples. On admet en général que, si le pourcentage des communications intérieures est inférieur à 20 pour 100, il y a économie à ne pas munir les groupes de départ de jacks généraux.
Cette base de 20 pour 100 n'a rien de rigoureux ; elle dépend essentiellement de la comparaison d'une part du prix de la main d'oeuvre supplémentaire imposée aux opératrices, et d'autre part au prix de revient du matériel économisé et de son amortissement.

Quelques conseils donnés aux abonnés.
Si 'l'abonné, à juste titre, exige de la part de l'administration un service parfait, il n'est pas sans intérêt de lui faire connaître quelques conseils de la New York Téléphone C°. Il y a trois parties qui interviennent dans chaque communication téléphonique : la personne qui appelle, le bureau central téléphonique, et enfin la personne demandée. Il ne suffit pas qu'une seule ou même deux de ces parties fassent proprement leur service, il est essentiel, pour la bonne réussite de la communication, que les trois parties fassent un service irréprochable pour, coopérer au succès de la communication.
Les abonnés, et même généralement toute personne qui utilise le téléphone, peuvent venir en aide au service téléphonique en observant les règles suivantes :
« 1° Consulter l'Annuaire des Téléphones avant de faire un appel, afin d'éviter les erreurs dues au défaut de mémoire.
« 2° Parler clairement et distinctement directement dans l'embouchure du transmetteur.
« 3° Enoncer avec soin, et selon les règles établies, les chiffres composant le numéro de l'abonné demandé.
« 4° Si l'opératrice, en collalionnanl le numéro demandé, se trompe, il faut rectifier immédiatemEnt l'erreur.
« 5° Tenir le récepteur à l'oreille jusqu'à ce que l'abonné demandé réponde, ou jusqu'à ce que l'opératrice fasse connaître la raison cle l'insuccès de l'appel.
« 6° Se tenir prêt, à parler dès que l'abonné demandé répond à l'appel. Prendre comme règle de bienséance que la personne demandée et qui se dérange pour répondre à un appel ne devrait pas être astreinte à attendre le bon plaisir de l'appelant pour pouvoir commencer la conversation.
« 7" Répondre sans délai aux appels téléphoniques. Les personnes qui mettent trop de temps à répondre à un appel risquent que l'opératrice fasse savoir à l'appelant qu'elle ne donne pas suite à l'appel, faute de réponse de la part de l'abonné demandé. Il est de l'intérêt, de tous de réduire au minimum la durée d'occupation des lignes. Les réponses faites rapidement aux appels font gagner du temps et permettent, d'augmenter le rendement des lignes.
« 8° Le-fonctionnemenl du service téléphonique doit, clans une large mesure, tenir compte du fait que les éléments humains (public et téléphonistes) qui interviennent doivent être pris en considération. Le moindre froissement peut amener des paroles brusques et faire élever la voix plus que de raison ; il est donc de toute nécessité d'être courtois cle part et d'autre, car. dans le service téléphonique, la courtoisie agit sur le bon fonctionnement du service comme de l'huile le
ferait clans le fonctionnement des rouages d'une machine fort compliquée, où tout frottement doit être évité avec autant de soin qu'il est indispensable d'éviter des heurts dans le mécanisme téléphonique.

Fin de l'étude .

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A partir de 1910, les téléphones appelés modèle 1910 (Appélé aussi PTT 1910 ou Marty) à magnéto sont installés sur tous les centraux encore manuels, supprimants la problématique de l'appel avec la magnéto (à courant alternatif pour agir sur l'annonciateur). Ce seront les modèles les plus installés en France et que l'on trouve encore facilement en brocante.
PTT 1910 BL avec pile micro, PTT 1910 sans pile, Jacqueson.
Schéma du 1910 Poste Grammont
Poste SIT
SCHÉMA DE MONTAGE D'UN ANCIEN POSTE D'ABONNÉ. TRANSFORME POUR LA BATTERIE CENTRALE.
— L, ligne. — L1, L2,. bornes de ligne.
— S1, S2, bornes de sonnerie. — C, condensateur.
— S, sonnerie magnétique.
— Cr. crochet-commutateur fermant le circuit de ligne par le contact c et le circuit primaire par les contacts a et b.
— R, récepteurs. — I, bobine d'induction.
— T, transmetteur. — ZM, CM. bornes de la pile microphonique PM.

Ces postes conçus et homologués pour de basculer progressivement en batterie centrale « intégrale » :
- 45 000 au 1er janvier 1910
- 65 000 en juillet 1914
- 76 000 en 1918

Après avoir sonné, l'abonné n'a plus qu'à décrocher son combiné pour communiquer avec l'opératrice.

A partir de 1920 tous les postes du réseau de Paris sont à "batterie centrale intégrale".
Ces modifications techniques facilitent la vie des abonnés en rendant le geste technique plus simple. On constate pendant cette période un réel accroissement du nombre d'abonnés à Paris. De 45 000 au 1er janvier 1910, le nombre d'abonnés passe à 65 000 en juillet 1914.
Cette progression se ralentit pendant le premier conflit mondial à la fin duquel on dénombre (31 décembre 1918) 76 000 abonnés répartis en 16 circonscriptions au centre de chacune desquelles est implanté un central manuel. La vétusté du réseau est alors patente, alors que l'incendie du central Gutenberg (18 000 abonnés) en septembre 1908 et les énormes dégâts provoqués par les inondations de 1910 avaient déjà souligné et aggravé sont état défectueux.

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Une page beaucoup plus technique présente l'évolution des centraux manuels principalement sur Paris et sa banlieu.

Vous pouvez consulter, lire tous les
Bulletins de L'association des abonnés au téléphone (en pdf)
Année 1904 N°2 Aôut, N°3 Septembre, N°4 Octobre, N°5 Novembre, N°6 Décembre.
Année 1905 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1906 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Juin , Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1907 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1908 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1909 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1910 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1911 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1912 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1913 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui, Aou, Sep, oct, nov, dec
Année 1914 Jan, Fev, Mars, Avr, Mai, Jun, Jui .

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